Commenti disabilitati su NIETZSCHE ET LE RETOUR DU CAUCHEMAR ÉVEILLÉ

Ou

Comment la pitié s’est pendue au cou du cheval blessé.

( La version originale était suivie  par

Correlative documents: Nietzscheism and America )

Par

Paul De Marco

Ex-professeur de Relations Internationales (Economie Politique International )

Copyright La Commune Inc. © Décembre 15, 2002

XXX

(Pour une illustration actuelle post-9/11 du philosémitisme nietzschéen, je renvoie à la critique de la gestion sanitaire totalitaire de la syndémie Sars-CoV-2 exposée dans cet essai : Julien Benda, La trahison des clercs, le retour des bas clergés et le tout surveillance, 29 septembre 2021, dans http://rivincitasociale.altervista.org/julien-benda-la-trahison-des-clercs-le-retour-des-bas-clerges-et-le-tout-surveillance-29-septembre-2021/ ainsi que dans le dossier  SARS-CoV-2 : BRÈVES/FLASH NEWS/BREVE, in : http://rivincitasociale.altervista.org/sars-cov-2-brevesflash-newsbreve/2 )

Table des matières

Avant-propos

Première section

Le prétendu “philo-sémitisme” dévastateur de Nietzsche

B ) Le charabia contre-nature de Nietzsche.

C ) Nietzsche comme l’homme déconstruit de mauvais goût.

Conclusion générale

Conclusion normative

Les nouvelles “Tablettes” anti-Nietzschéenne.

Annexe : Un appel au réveil

Citation de Nietzsche :

Epilogue en forme d’aphorisme

Notes

Références générales

Introduction de la version anglaise et Notes.

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Avant-propos

 Si vous doutez qu’une dénonciation résolue de la réhabilitation contemporaine de Nietzsche soit à mettre  d’urgence à l’ordre du jour, passez immédiatement à la longue citation fournie en Annexe ( ci-dessous). Elle représente le cœur de la pensée de Nietzsche, le nœud autour duquel tous les autres thèmes nietzschéens sont nécessairement reliés, comme nous le démontrerons par la suite. Et, par conséquent, elle contient le message principal que les prétendus philo-sémites nietzschéens d’aujourd’hui s’efforcent d’occulter dans leurs efforts pernicieux pour légitimer leur propre agenda dissimulé et anti-démocratique.

J’ai écrit ce cout essai court dans l’urgence en anglais parce que personne d’autre n’a eu le courage ou la clairvoyance de le faire. Le prolétariat nord-américain est largement exclu en tant que tel des universités et de toutes les autres institutions culturelles importantes et il a du mal à produire suffisamment d’authentiques “intellectuels organiques”, pour reprendre l’expression de Gramsci. En tout état de cause, on m’excusera peut-être de penser que mon anglais pidgin, contrairement à l’idiome “caucasien” d’un Nabokov, vaniteux et idolâtré par les universitaires, renvoie à une question de fond plutôt que de forme. En même temps, n’est-ce pas une évidence wittgensteinienne significative que d’affirmer que le véritable pidgin, par opposition au jargon syntaxique académique et nietzschéen, constitue un miracle d’expression linguistique syncrétique – c’est-à-dire un miracle de la vie elle-même ? Quand ils ne sont pas traditore, les traduttori sont malheureusement coûteux. D’ailleurs, qui ne reconnaîtrait pas l’importance historique de la propre version française (certes correcte et innovante) de Das Kapital de Karl Marx ? À défaut d’autre chose, vous pouvez considérer cet essai comme un acte de solidarité active avec le courageux mouvement altermondialiste et anti-guerre américain. Un livre complet en français suivra éventuellement. Il développera les points essentiels soulevés ici et poussera ma critique du système démagogique de Nietzsche, et de l’encens bon marché prodigué par ses admirateurs modernes, beaucoup plus loin dans ce qui devrait devenir une analyse de démystification définitive.

Il ne s’agit pas d’expliquer ici en détail les raisons qui ont conduit à la trahison, par les universitaires et les travailleurs culturels, des idéaux humanistes et démocratiques, comme en témoignent leurs efforts pour réhabiliter Nietzsche, ou bien leurs efforts studieux pour éviter de s’attaquer à cette tendance délétère. Il suffit de dire que parmi les principaux éléments d’explication avancés, il faudra réserver une place de choix au fait déplorable que les lettres de recommandation en sont venues à remplacer le mérite dans le processus d’embauche. Ce n’est pas un hasard si le sénateur Lieberman et de nombreux Américains de droite, y compris de nombreux soi-disant “démocrates reaganiens” de droite, s’opposent vigoureusement à la poursuite et à l’expansion des programmes d’action positive. Ce faisant, leur recours à l’universalité sonne aussi faux et creux qu’il est sélectif et intéressé.

Je suis pleinement conscient des contributions importantes et indéniables de Max Weber et d’autres intellectuels bourgeois, parmi lesquels Karl Polanyi (1) à la confusion intellectuelle régnante. Elles eurent pour objectif de troubler les eaux, d’abord clarifiées par les distinctions historiquement et analytiquement fondées de Marx, qui distingua les relations sociales aliénées,  régulées par le statut et les “Traditions” religieuses ou mystiques réifiées, et les communautés sociales librement recomposées ou encore entre l’aliénation religieuse, le totémisme et la libre conscience humaine individuelle, qu’il s’agisse d’une conscience athée, agnostique ou spirituellement influencée. J’ai par contre toujours été déconcerté de voir l’universalité opposée à la parité des sexes et à l’action positive. Cette confusion cache un agenda inavouable plus qu’elle ne reflète des difficultés conceptuelles. Le nœud du problème, réel mais encore mal résolu, est que l’athéisme est malicieusement confondu avec la laïcité par les détenteurs religieux de la Tradition dont les intérêts matériels et politiques résident toujours dans la substitution de leurs structures ecclésiales réifiées à l’ecclésia communautaire. (2)

Le développement conjoint du capitalisme et de la démocratie libérale a accompli une révolution digne de ce nom : il a remplacé le statut social et ses relations corrélatives de subordination et de commandement par la citoyenneté. C’est-à-dire qu’il a institué l’individu libre et responsable comme dépositaire de la liberté humaine et comme lien médiateur nécessaire pour conjuguer la liberté individuelle et la liberté collective dans une réalisation simultanée des deux. Ce processus pose l’égalité socio-économique comme base de l’esthétique de la liberté, pour paraphraser Lénine. Dans un tel développement, la laïcité devient un processus impératif, institutionnalisé, par lequel la conscience humaine individuelle est autorisée à se reconnaître égale à toute autre conscience individuelle dans le respect absolu des différences culturelles et historiques constitutives des deux. C’est seulement ainsi que les esprits religieux, agnostiques ou athées peuvent exercer leur propre libre arbitre sans porter atteinte à leur égalité mutuelle et à leur coexistence et coopération pacifiques. Dans une telle situation, atteinte dans la plupart des pays occidentaux ainsi qu’en Chine et, au moins formellement, dans de nombreux autres pays comme l’Inde ou l’Irak, opposer la Tradition à la laïcité est un signe évident de “régression” culturelle et morale. Le summum en est atteint lorsque certaines âmes instables et opportunistes, toujours assises entre deux chaises, insistent vénalement, sans savoir quels en sont les véritables enjeux, à opposer les conservateurs religieux dotés d’une âme aux athées supposés sans âme. En soi cette antinomie en dit long sur la représentation élevée qu’ils se ont de telles “âmes religieuses”, comme en témoigne un pathétique Havel alors même qu’un Alexander Dubcek était assassiné dans l’indifférence générale! C’est clair comme de l’eau de source : fabriquer une fausse antinomie entre religiosité ou spiritualité d’une part et agnosticisme ou athéisme d’autre part n’est rien d’autre qu’une attaque frontale sournoise contre la citoyenneté et l’égalité qu’elle suppose. Un véritable “retour” ou, plus précisément, une “régression” nietzschéenne, dévastatrice et scélérate. Un bon exercice prophylactique consiste à tirer toutes les conclusions nécessaires de l'”expérience de pensée” suivante : posez une nation exclusiviste (philo-sémite nietzschéenne ?) qui croit en sa propre élection divine exclusive ou “destinée manifeste”. Imaginez ensuite toutes les actions de force et d’agression internes et internationales que les croyants fanatiques de cette élection divine devront nécessairement entreprendre afin de répondre à leur “vocation ” personnelle et à celle de leur nation. Jugez ces actions à l’aune des meilleurs standards éthiques et humains que vous puissiez imaginer – et votez en conséquence lors des prochaines élections ! Pour ajouter un zeste de misère à l’exercice, imaginez que la nation en question n’occupe pas encore toutes les terres qui lui sont attribuées par un Dieu ou un Totem imaginaire et exclusiviste dépourvu, sans la moindre ambigüité, de tout fondement historique ou anthropologique – sauf dans une mythologie presque exclusivement écrite par ses idéateurs, à plusieurs niveaux et souvent corrigée et adaptée. Qui peut imaginer un meilleur scénario pour des tragédies humaines authentiques et nietzschéennes à flux continu ? À la réflexion, ne pensez-vous pas que ces mêmes croyants pourraient être tentés de déclarer que de telles expériences de pensée, bien que consciemment favorisées par de nombreuses personnes, de Galilée à Einstein, en passant par le célèbre épistémologue Koyré, sont hors de portée, au même titre que la poésie qui a été carrément expulsée hors des murs de la Polis par certains Grecs anciens archi-conservateurs ? Rappelez-vous : Nietzsche est un conseiller dangereux quand il s’agit de “nobles mensonges”.

Il convient toutefois de noter que la confusion dénoncée ici peut se décliner de multiples façons. L’État israélien contemporain (post-Eichmann ? post-1967 et 1991 ?) illustre les principaux dangers. Mon intime conviction est que la majorité des Israéliens seraient spontanément favorables à un repli derrière les frontières d’avant juin 1967 en échange de la paix et de la sécurité, c’est-à-dire s’ils n’étaient pas pris en otages par les différents Sharon et autres Obadiah Yossef et par leur rêve suicidaire de reconstruire un temple de Salomon illégitime au prix d’une guerre permanente avec le monde arabe et musulman voisin. En effet, les sondages israéliens reflètent systématiquement cette confusion. Ils montrent invariablement qu’une majorité substantielle soutient les mesures de sécurité les plus provocantes et les plus radicales tout en souhaitant la paix. Il est clair que les éléments les plus théocratiques et judéo-fascistes de la société israélienne ont, jusqu’à présent, réussi à brouiller les pistes. L’instrumentalisation ignoble de l’Holocauste comme étant le seul génocide de l’histoire de l’Humanité, ou le plus horrible, ou le plus industriellement moderne dans sa cruauté, selon la version intéressée préférée en fonction des circonstances, s’oppose aux valeurs universelles autrement acceptées et consacrées. Elle sert donc inutilement et de manière autodestructrice à intimider les opposants légitimes au sionisme de droite et au judéo-fascisme théocratique. Elle prétend ainsi être le critère selon lequel les droits de l’Homme doivent être jugés et auquel tous les autres critères doivent être subordonnés. Pourtant, il est clair qu’une idéologie exclusiviste et sélective intéressée ne peut remplacer ce qui constitue en réalité la meilleure dénonciation universelle de l’Holocauste ainsi que de tous les crimes fascistes et nazis contre tous les groupes ethniques, politiques et sociaux, à savoir la Charte des Nations unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies et les Conventions de Genève, pour ne mentionner que les textes les plus connus et les plus universellement respectés.

Il est évident que ces textes n’ont besoin ni de la bénédiction ni de l’approbation d’un Sharon ou d’un Obadiah Yossef pour établir ou confirmer leur valeur intrinsèque et leur utilité pratique. Pourtant, ce sont ces mêmes textes qui sont brutalement mis de côté par Israël et, de plus en plus, par son allié unilatéral et exclusiviste, les États-Unis d’Amérique. Ce fut notamment le cas lors de l’agression de la Yougoslavie par l’OTAN et du “procès” illégal qui s’en est suivi contre le président socialiste Milosevic par un tribunal ad hoc kangourou de l’OTAN prétendant être une “Cour pénale internationale”. Vous vous souviendrez sans doute de l’instrumentalisation des craintes des Kosovars par Albright/Thaci alors qu’ils élaboraient publiquement leur piège commun de Rambouillet, provoquant ainsi directement un flux massif et compréhensible de réfugiés lorsque l’OTAN commença ses bombardements massifs et indiscriminés. Les Kosovars craignaient simplement d’éventuelles représailles ; comme l’ont montré les premiers jours de la guerre, ils craignaient encore plus les lourds dommages nécessairement causés. Vous vous souviendrez également qu’Albright, qui, enfant, avait trouvé refuge dans la Yougoslavie antinazie étant d’origine juive, a refusé à plusieurs reprises les offres du président Milosevic et des autorités yougoslaves d’arrêter les bombardements afin de permettre un retour rapide des réfugiés kosovars. Bien entendu, Albright a préféré poursuivre son détournement éhonté de la rhétorique de l’Holocauste dans la poursuite de ses objectifs de guerre et du nettoyage idéologique de l’Europe du Sud, malgré les offres officielles de la Yougoslavie de mettre rapidement fin au sort des réfugiés. Comme vous vous en souviendrez peut-être, Albright avait déjà montré, par son refus avéré d’agir pour arrêter le véritable génocide perpétré au Rwanda, combien elle et son gouvernement se souciaient réellement des droits de l’Homme !

En fait, il apparaît clairement que le révisionnisme et le négationnisme égoïste perpétrés par les sionistes de droite (chrétiens ou juifs), les judéo-fascistes et autres théocratiques de droite, constituent la principale infraction et le principal danger contre la civilisation avec leurs prétentions philosémites nietzschéennes d’être au-dessus de la loi et de pouvoir utiliser une force écrasante pour imposer leurs propres choix exclusivistes.

Les autres types de négationnisme et de révisionnisme peuvent facilement être corrigés par l’éducation du public, par des clarifications historiques et, si nécessaire, par les tribunaux. En fait, ma conviction intime est que la grande majorité des citoyens israéliens et des Juifs partout dans le monde (c’est-à-dire, dans le langage nietzschéen, le “grand nombre” de la “populace” juive) rejetterait une telle instrumentalisation de leur souffrance s’ils étaient correctement informés, ce que la gauche dominante n’a pas fait jusqu’à présent, choisissant plutôt de partager le lit de Procuste du criminel de guerre Sharon.

Il faut espérer, pour le bien-être de tous, que M. Amram Mitzna sera en mesure d’inverser cette tendance suicidaire, quels que soient les résultats des prochaines élections. Nous devrions tous nous rappeler ce que le Premier Ministre Rabin a dit en évaluant les difficultés internes dressées sur le chemin de la paix : il a clairement vu que rien de moins qu’une “révolution psychologique” israélienne était nécessaire pour inverser l’effet délétère de la propagande antérieure. Laisser le flux d’informations entre les mains de divers Izzy Asper, et de beaucoup d’autres comme lui, ne semble pas la meilleure façon de procéder, surtout dans les pays où le principal article constitutionnel fait référence à ce qui est “démocratiquement raisonnable” ou à la liberté d’expression. Une culpabilité intériorisée, sans fondement mais néanmoins généralisée, pourrait être considérée comme une grande stratégie nietzschéenne de “réveil” ; elle peut certainement conduire à une chasse aux sorcières épique et à de grandes pratiques néo-inquisitoriales assistées par des technologies de surveillance omniprésentes, ouvrant ainsi la voie à un nouveau “totalitarisme” qui fascinerait sûrement les Annah Arendt de ce pauvre monde. Malheureusement, il est peu probable que cela conduise à une meilleure compréhension ou, en fin de compte, à une stabilité sociale et à une paix plus durables.

Nous devrions tous nous rappeler que l’espèce humaine repose sur la reproduction sexuelle, qui implique nécessairement deux types d’individus génétiquement définis et de valeur humaine tout à fait égale, l’un féminin et l’autre masculin (la reproduction sexuelle renvoie à la dialectique de la Nature tandis que la sexualité implique le devenir humain, à savoir une conscience libre active et des choix sociaux libres). Utiliser l’universalité pour nier ce fait simple et direct est pire que n’importe quel archaïsme religieux et idéologique aveugle : il s’agit en fait d’une tentative nietzschéenne consciente d’inverser les horloges de l’Histoire en faveur de doxas religieuses et idéologiques sélectives.

Il en va de même pour l’ethnicité et pour les importantes spécificités physiques ou culturelles qui définissent les groupes ethniques et les minorités nationales. (Rappelons que ethnos est le mot grec pour peuple, un concept bien plus cohérent et utile que la nocive construction pseudo-génétique d’une race distincte) Les petits pois de Mendel ont une façon si agréablement malicieuse de faire des merveilles, de sorte que les apparences ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être. Pour son bien et sa survie, la même espèce humaine se conjugue à plus d’une ethnie. Loin de constituer le fondement de divergences “racistes”, ces différences contribuent intrinsèquement à la survie de l’espèce dans son ensemble et doivent donc être comprises scientifiquement comme l’expression plurielle d’une même valeur humaine intrinsèque. De récentes études génétiques et ethnologiques (voir Luiggi-Luca Cavalli-Sforza etc.) ont démontré cette vérité une fois de plus, corroborant ainsi avec de nouvelles données ce que Lévi-Strauss avait déjà si joliment dit dans Race et histoire. Par exemple, un Européen moderne serait probablement plus proche génétiquement de certaines populations asiatiques que de groupes européens comme les Basques ; or le peuple basque fait partie des plus anciens habitants de l’Europe.

Il n’est guère nécessaire de s’étendre davantage, si ce n’est pour soulever la question : Pourquoi certaines personnes essaient-elles aujourd’hui, de manière honteuse, d’abuser de toutes les sciences pour argumenter directement, mais plus souvent indirectement, contre ces évidences ? Avant la chute du bloc socialiste, on aurait pu répondre : à cause de l’exploitation inhérente aux sociétés de classes et particulièrement dans une société capitaliste régie par la démocratie libérale. Bien qu’elle soit encore substantiellement correcte, cette réponse serait en deçà de la vérité aujourd’hui si l’on ne reconnaissait pas que diverses interprétations nietzschéennes de la démocratie censitaire accompagnent actuellement un processus de mondialisation capitaliste rampant.

Parmi ces interprétations, aucune n’est aussi délétère que celles propagées par le sionisme de droite chrétien et juif, c’est-à-dire par les forces messianiques et fanatiques tardives qui ne se contentent pas de la reconnaissance arabe et palestinienne de l’État d’Israël à l’intérieur de ses frontières d’avant juin 1967 mais qui, au contraire, aspirent à la création d’un Grand Israël (Eretz Israël), création qui implique nécessairement la destruction de Haram al-Sharif pour faire place à la reconstruction d’une réplique illégitime du temple de Salomon. Les “surhommes” arabes et musulmans sélectionnés ne recevront leur ticket pour ce nouveau paradis philo-sémite (vous savez, le paradis situé de l’autre côté des choses normales, au-delà du midi et du minuit de Nietzsche !) que s’ils acceptent cette destruction et reconnaissent ainsi leur nature subordonnée tout en assurant leur perpétuel statut politique de second rang par la perte implicite de leurs bases nationales, ethniques et culturelles. Ainsi que Samuel Huntington, célèbre pour ses chocs de civilisation, l’a reconnu depuis longtemps, ceci impliquerait nécessairement une guerre permanente contre la majorité de la population mondiale musulmane, qui compte plus d’un milliard de personnes et qui devra être traitée comme une sorte de populace nietzschéenne composée da « chandalas », afin de stabiliser un monde post-juif, “islamique” et “soumis”.

Malheureusement, ce que beaucoup de gens ne reconnaissent pas, c’est que cette entreprise destructrice, inégalitaire et manifestement raciste est intrinsèquement instable pour au moins une autre raison : Le sionisme et le messianisme chrétien américains seront aussi compatibles avec le sionisme et le messianisme juifs de droite que l’étaient leurs prédécesseurs allemands et juifs allemands. La dernière phase du rêve des croisés européens s’est soldée par la destruction totale de l’Ordre des Templiers considéré par la plupart des Maisons royales – sauf le Portugal pendant un court moment – comme un insupportable État dans l’État. Comme ailleurs, l’ordre rosicrucien allemand présenta à l’époque de Nietzsche des tensions extraordinaires qui conduisirent inexorablement à son éclatement en deux parties principales, l’une ouvertement messianique et de plus en plus droitière, l’autre restant attachée à ses racines catholiques.  Le “premier” et le “second” “avènement” ne semblent pas avoir été longtemps de bons ou de courtois compagnons de chambrée.

Naturellement, à l’époque, des dissensions similaires s’accumulaient dans de nombreuses autres organisations ouvertes au public ou secrètes. Les dissensions entre Nietzsche et Wagner et ses amis ne représentent que la partie émergée d’un iceberg que les cultistes modernes de Nietzsche, avant tout les cultistes juifs de droite, refusent soigneusement de voir et d’exposer au public. Les conseils de Rosenberg à un Hitler en devenir font désormais partie des champs politiques et culturels “invisibilisés” au même titre que les efforts louables de Jobotinski. Pire encore, les fractions importantes de la population appartenant au Bund ou à d’autres organisations et mouvements socialistes sont maintenant discréditées comme faisant partie intégrante des mêmes processus d’occultation suicidaire. Par une perversion naturelle, le “dernier des imbéciles” semble toujours aimer voir le “dernier des Hommes” dans l’Autre, surtout lorsqu’il a des convictions politiques et religieuses différentes !

L’esprit inégalitaire manifesté dans le dénigrement moderne de la parité entre les sexes et de la discrimination positive, pour ne citer que deux exemples fondamentaux, fait partie intégrante d’une contre-offensive politique et culturelle plus large, antidémocratique et anti-laïque, menée par les forces de droite américaines et juives. Il convient de les interpeler sur tous les fronts et de les obliger à expliquer le raisonnement qui sous-tend leur conviction profonde d’être les nouveaux “maîtres du monde”, de manière typiquement nietzschéenne. Il ne peut échapper à aucun citoyen que ces mêmes forces délétères se sentent déjà autorisées à se placer “par-delà” toute loi internationale gênante, et à dicter ce qui est “bien” et ce qui est “mal”. Ce qui revient à dire avec arrogance qu’elles se considèrent déjà comme étant “au-delà du bien et du mal” dès lors qu’elles en viennent à juger cette position consciente compromettante comme étant essentielle à la préservation de leurs privilèges de castes.

Les cultistes pro-Nietzschean modernes ont tendance à accuser leurs critiques de ne pas lire Nietzsche ou de le lire hors contexte. Ils ne se sentent jamais obligés d’apporter la moindre preuve de leurs allégations. Ma thèse et mon accusation sont qu’ils gaspillent beaucoup d’argent et de temps institutionnels à lire Nietzsche d’une manière sélective et intéressée. Je suis donc amené à proposer une méthodologie de base pour lire et interpréter Nietzsche. Elle tient en trois points principaux et sa signification fondamentale sera difficile à manquer ou à mal comprendre, même pour les cultistes aveugles.

1) Rassemblez autant de livres écrits par Nietzsche que possible (mais ne vous inquiétez pas trop car a) ils sont fastidieusement répétitifs et simplistes et b) Kaufmann et ses amis ont heureusement et peut-être involontairement facilité votre tâche critique avec leurs nouvelles “traductions” et leurs commentaires). Rassemblez tous les paragraphes traitant directement ou indirectement d’un thème spécifique. Procédez ensuite en déduisant l’argument logique principal et ses principales nuances en utilisant les propres phrases de Nietzsche autant et aussi véridiquement que possible.

2) En cas de conflit logique, déterminez rapidement s’il s’agit d’une contradiction logique réelle ou factice. La façon la plus sûre de le faire est simplement de se demander : bien qu’apparemment vacillantes, les diverses prises de position sur un thème spécifique concordent-elles avec le seul critère nietzschéen de “vérité”, c’est-à-dire avec la viabilité et la durabilité des conditions d’existence du “surhomme” ? Si oui, vous venez de résoudre une énigme de plus dans l’exposé “brillant”, pénétrant et “philosophiquement audacieux” de Nietzsche. Si non, en bon esprit nietzschéen, réjouissez-vous : vous venez de découvrir un joyau, que beaucoup d’autres lecteurs attentifs auront manqué ! Mais attention, les diamants de Nietzsche ont une tendance irrespectueuse à se transformer en charbon de bois. Ne criez pas encore sur les toits que vous avez trouvé, mais regardez plutôt de plus près : Il se pourrait bien que la contradiction apparente s’explique par le simple fait que Nietzsche n’a jamais compris Hobbes (s’il l’a jamais lu) et qu’il vacille comme Zarathoustra entre les besoins de son “surhomme” et ceux de “surhommes” similaires (osons dire “égaux” ?). Mais à ce stade, vous saurez que vous avez atteint une conclusion très importante et dévastatrice par vous-même !

3) Oubliez Nolte et d’autres comme lui et essayez de relier l’œuvre de Nietzsche aux circonstances culturelles et politiques des classes dominantes de l’époque. Est-ce que l’abomination de la Commune de Paris par Nietzsche vous semble importante et symptomatique ? Et cette conclusion n’est-elle pas encore importante aujourd’hui ? Sur cette conviction renouvelée, faites une pause et ne manquez pas une occasion de revoir « La Grande Illusion » de Renoir si l’occasion se présente : vous en sortirez beaucoup plus sain et avec un sens renforcé de la décence et du bon goût.

Inutile de dire que je ne trouve pas tout à fait honnête la critique désinvolte des nietzschéens à l’égard du déboulonnage de Nietzsche et de leur propre travail par la gauche. Leur méthodologie de lecture est très éloignée de celle que j’ai présentée ci-dessus. La leur tient en un mot : sélectivité. Ils ne fournissent pas non plus d’indications techniques concernant leur propre méthode, si ce n’est leur prétention à fournir de meilleures traductions et interprétations. Accuser les autres de lire hors contexte n’est éminemment pas un argument valable ni ingénieux pour toute personne dont l’entreprise douteuse est de balayer les principales distinctions racistes et discriminatoires de Nietzsche entre membres égaux de la même espèce humaine, pour ne retenir sélectivement que les arguments indémontrables qui prétendent faire de leur “idole” un critique perspicace de la “science”, de la “modernité” et d’autres thèmes tout aussi vides, en espérant, ce faisant, légitimer à lui seul un auteur qui, fondamentalement, restera toujours un intellectuel et une canaille humaine.

Sur les grands thèmes chers à Nietzsche, qu’ont apporté de neuf ces cultistes, si ce n’est leurs affirmations infondées et téméraires ? En définitive, comme les Anglais aiment à le dire : “The proof of the pudding is in the eating”. À moins que les sectaires, qui ont accès aux documents de première main concernant Nietzsche, ne clarifient la relation qu’entretient leur auteur favori avec le messianisme chrétien et juif du XIXe siècle, et par conséquent avec de nombreuses organisations et personnalités peu recommandables qui doivent porter un degré important de responsabilité dans la montée ultérieure du fascisme et du nazisme, ils devront être considérés eux-mêmes comme de simples scélérats.

Il existe une distinction nette et vitale entre la défense et/ou le plaidoyer des idées d’un auteur et leur présentation académique (objective ?) avec une objectivité professionnelle et une précision historique. La balle est clairement dans leur camp. Anachronisme mis à part, quelqu’un prétend-il sérieusement affirmer que les idées et les actions de Nietzsche n’ont pas concouru à une telle montée de la dégénérescence politique ? Quelqu’un ose-t-il vraiment prétendre qu’elles pourraient produire des résultats essentiellement différents aujourd’hui ? Manu, dans l’interprétation de Nietzsche, est-il plus acceptable qu’Hitler ou Mussolini ? Mais si quelqu’un, qu’il soit gentil ou juif, ose répondre “oui”, ne serait-ce pas encore pire ? Ajouter en effet l’aveuglement égoïste à l’ignorance crasse ? Non ! Un régime fasciste nietzschéen, même sans “solution finale” pour les Juifs, n’est pas plus acceptable que la version hitlérienne. Une fois de plus, vous pouvez compter sur le Prolétariat et sur tous les « chandalas » du monde pour jeter cette immondice destructrice dans la poubelle de l’Histoire. La conscience humaine et le libre-arbitre qu’elle suppose exigent que chacun de nous prenne ses responsabilités. “Une fois encore”. 

             PREMIÈRE SECTION      

Il fut un temps où les jeunes du monde entier n’aimaient pas s’attarder sur l’œuvre de Nietzsche. Sa position anti-humaniste est naturellement repoussante pour les esprits jeunes et généreux. Jusqu’à la chute du bloc socialiste, l’environnement culturel a agi comme un antidote. Si je devais généraliser à partir de ma seule expérience, on aurait lu le Crépuscule des idoles, Ainsi parlait Zarathoustra et Au-delà du bien et du mal dans un premier temps. Lorsque l’on en a terminé avec ces trois livres, l’impression est clairement formée que Nietzsche est, philosophiquement parlant, un simplet qui répète de manière obsessionnelle les mêmes clichés réactionnaires, encore et encore. Cette impression sera confirmée par la suite chaque fois que l’occasion se présentera de lire davantage de prose nietzschéenne. Quoi qu’il en soit, je pense qu’avant 1991, très peu de jeunes esprits auraient pris plaisir à étudier Nietzsche comme cela devrait généralement être fait, quand cela est fait, avec un stylo et du papier. Même à cet âge, le temps est trop précieux !

Les temps, cependant, ont bien changé. La disparition du bloc soviétique, et avec lui de son importante influence culturelle et politique dissuasive, a ouvert grand les portes d’un nouveau mouvement “anti-plébéien” et anti-démocratique à l’échelle mondiale. Les jeunes et les moins jeunes ne peuvent plus se permettre le luxe d’ignorer l'”ennemi”. Connaître Nietzsche dans le texte, et le plus largement possible, devient désormais une prophylaxie nécessaire – je n’aime pas parler ici en termes de “guerre préventive” car, comme Nietzsche le savait bien, le “nombre” et la “raison” sont encore largement de notre côté. Néanmoins, la tâche est urgente. C’est pourquoi, pour ma part, j’ai surmonté mes réserves et mes “nausées” esthétiques et j’ai décidé de refaire ce que j’avais fait il y a longtemps, mais cette fois avec un stylo et du papier.

La quantité croissante de flagornerie dévote autour de Nietzsche ne peut plus rester sans réponse. Tout comme hier, les partisans de Nietzsche d’aujourd’hui doivent être rendus responsables de leurs actions et de leur propagande anti-démocratique et exclusiviste (3) ouverte et “souterraine”. Un livre complet suivra éventuellement. Je considère néanmoins qu’il est urgent de présenter rapidement et de démystifier les idées principales de l’esprit malade de Nietzsche dans cet essai préliminaire. J’espère qu’il pourra aider les jeunes lecteurs à y voir clair dans l’art médiocre de Nietzsche et, surtout, à voir clair dans l’abondante littérature flagorneuse qui abuse souvent de son manteau académique, en se cachant mal derrière le fait que Nietzsche est mort comme par hasard avant la première et la deuxième guerre mondiale.

En utilisant une fausse accusation d’anachronisme historique, ils prétendent protéger Nietzsche de nombreuses accusations évidentes et méritées. Si nous devions les suivre, Nietzsche lui-même ne pourrait pas être responsable d’un changement marqué dans la “vision psychologique du monde” de “l’élite” du côté droit du spectre politique dans les démocraties occidentales. Les idées seraient en effet de peu de valeur si leurs conséquences prévisibles se limitaient à la durée de vie de leurs auteurs initiaux ! Comme nous le montrerons plus loin, l’argument vital à considérer est tout autre que le leur. La vraie question est la suivante : les idées et le “système” de pensée de Nietzsche auraient-ils pu produire des résultats différents de ceux qu’ils ont obtenus, y compris dans leur relation avec l’antisémitisme actif ? Comme nous allons le montrer, c’est une illusion suicidaire de croire qu’ils le pourraient. En fait, hier comme aujourd’hui, les nietzschéens de partout ne visent rien de moins qu’un changement ” global ” (« overall » en anglais, pardonnez le mauvais jeu de mots) des élites. Sous une nouvelle apparence, le projet nietzschéen actuel revient toujours au projet originel de recréer une société de “caste”.

Comme on l’a déjà dit, la préoccupation majeure de Nietzsche est simple :  ” Qui deviendra le maître de la Terre ? ” (4) Sa thèse est vraiment simpliste. En effet, une fois qu’elle est énoncée dans son intégralité, elle apparaît immédiatement si dérisoire qu’elle fait ” rire les dieux ” qui n’en peuvent mais (et, j’en suis sûr, de nombreux étudiants). La thèse principale est la suivante : Les sociétés modernes sont essentiellement des sociétés plébéiennes dont le devenir culturel, religieux et politique les conduit inexorablement vers une plus grande démocratie. Parce que les classes dominantes ont largement adopté ces valeurs plébéiennes, elles risquent tout simplement de s’effacer complètement de l’Histoire. La Commune de Paris (1871) est en effet un signe inquiétant des choses à venir. Nietzsche est intimement convaincu qu’une démocratie plus égalitaire ne peut que produire plus de “médiocrité” et, en fin de compte, altérer la “vie” elle-même qui, dans l'”état de nature” nietzschéen, est soutenue par la culture des pulsions “orgiaques” dionysiaques et par la préservation énergique de l’inégalité nue comme condition préalable nécessaire à l’existence sociale et politique même des “surhommes”.

Le projet “a-moral” de Nietzsche découle naturellement de ces prémisses. Afin d’inverser les tendances historiques égalitaires, il faut impérativement recréer une “nouvelle race” de “maîtres” qui ne reculeraient devant rien pour rétablir une société de maîtres et d’esclaves. Dans ce contexte, le déchaînement de forces très destructrices doit être accueilli favorablement, même si elles deviennent si destructrices qu’elles sont préventivement considérées par Nietzsche comme étant au-delà du bien et du mal. En fait, avec son Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche a entrepris de sang-froid et de manière hyper-consciente de forger le processus initiatique complet destiné à favoriser l’émergence de cette nouvelle caste a-morale des “Ubermenschen” (c’est-à-dire des “surhommes”).

Nonobstant tout ce qui se dit aujourd’hui sur Nietzsche, ni Machiavel, ni Burckhardt, ni Schopenhauer, ni personne d’autre n’est la véritable inspiration de Nietzsche, mais Manu. Même le “Vedanta” de l’Indouisme et le bouddhisme ou, d’ailleurs, l’islam, sont des systèmes de pensée inacceptables pour Nietzsche, simplement parce qu’ils “sentent” l’humanisme, sinon l’égalitarisme, même s’ils suscitent quelques éloges passagers pour ce que Nietzsche considère comme leurs côtés les plus durs, les plus archaïques.

Pour Nietzsche, les roues égalitaires de l’Histoire doivent donc être immédiatement arrêtées et leur direction inversée. Cette “régression” est présentée comme un “retour” “ascendant” à un présumé âge d’or de la nature, bien que Nietzsche soit suffisamment nietzschéen pour envisager la possibilité que cet âge d’or n’ait jamais existé et doive être réinventé de toutes pièces pour servir les besoins des surhommes. Nietzsche se méfie beaucoup de Darwin et de sa “sélection du plus apte”. Pour lui, la “populace” n’est dépourvue ni de ‘’compréhension’’, ni même d'”intelligence”, comme le montrent ses nombreux porte-drapeaux religieux et philosophiques. Comme les “plus aptes” au sens de Darwin pourraient ne pas coïncider avec les “moins nombreux” au sens de Nietzsche, Nietzsche, de manière caractéristique, redéfinit rétroactivement la “vraie” “nature” comme la condition préalable biologique et “physiologique” nécessaire pour soutenir le “surhomme” précédemment donné axiomatiquement comme une “noble bête blonde” fièrement placée au-delà de tout bien ou mal défini naturellement.

En d’autres termes, s’il était nécessaire de détruire l’égalitarisme de fond en comble, Nietzsche et ses cohortes de nietzschéens stupides sont prêts à marcher comme un “troupeau”, non seulement au-delà du bien et du mal mais aussi “au-delà de l’Homme” lui-même. (Note du 1 oct 2021 : Songez à la politique pseudo-vaccinale à base de ARNm et à l’actuelle gestion de la crise « sanitaire » selon les exigences du tout-surveillance ….)

Ontologiquement parlant donc, le retour de Nietzsche n’est qu’une monstruosité voulue : Soit il incarne un désir de création d’une sorte de “Golem”, soit il postule, sans le moindre ordre de preuve, qu’il soit ethnologique, anthropologique, “psychologique” ou autre, deux espèces humaines distinctes, l’une dominante incarnée par les surhommes et leurs “guerriers” armés, l’autre représentée par la “populace” chandalienne/plébéienne. En bref, la supposée trinité sociale indonésienne (aryenne ?) comprenant les figures du prêtre, du guerrier et du plébéien, mais dûment révisée par Nietzsche pour la seule raison qu’il n’aimait pas du tout les “prêtres” ! Dumezil et Danielou seraient, de loin, plus instructifs sur le plan ethnologique, s’ils n’avaient pas eu la malchance (ou la chance ?) de ne pas se plier au philo-sémitisme dont font preuve les laquais contemporains des futurs surhommes.

Ma thèse est également très claire : Nietzsche ne peut être objectivement compris que lorsque ses idées sont ramenées à cette unique et obsessionnelle “idée fixe”, celle d’un “retour” à un état de nature placé au-delà du bien et du mal qui est si vital pour l’émergence de sa troupe de “surhommes”. Je soutiens fermement que, contrairement à ce que de nombreux experts nietzschéens prétendent faussement et consciemment démontrer, aucun thème nietzschéen ne peut être correctement compris s’il n’est pas d’abord replacé dans son “contexte” approprié, à savoir l’obsession de Nietzsche pour la création d’un environnement propice à un tel “retour” désiré. Cela est vrai de la conception nietzschéenne du prétendu et problématique “anneau des récurrences perpétuelles”, de la “modernité”, de la “science” et de la “vérité”, de la “religion”, de la “psychologie” et de la conception nietzschéenne de l'”ego”(5), de la “tragédie”, de la “misogynie” et ainsi de suite. C’est, bien sûr, vrai de la conception nietzschéenne du “judaïsme”. À moins qu’il ne s’agisse d’une simple ignorance, les prétentions contraires représentent la malhonnêteté intellectuelle pure et simple d’un troupeau de personnes, y compris des universitaires, qui tentent de légitimer l’œuvre et la renommée sulfureuse de Nietzsche comme un masque paradoxal pour poursuivre des objectifs par ailleurs philosophiquement, socialement et politiquement incontestables, tous visant à subvertir la pensée libre et objectivement fondée afin d’ouvrir la voie à une nouvelle société de “caste”.

Parmi les personnes qui doivent porter l’entière responsabilité de l’actuelle réhabilitation tendancieuse de Nietzsche, on trouve Jason Epstein, Walter Kaufman et quelques autres chiens de garde comme Peter Gay. Avec des arrière-pensées inadmissibles évidentes, tous font de leur mieux pour défendre deux thèses principales sur Nietzsche. La première, se nourrissant essentiellement de la rupture de Nietzsche avec Wagner et de quelques autres remarques à moitié digérées recueillies ici et là, prétend transformer Nietzsche en un philo-sémite casher. La seconde tente de disculper Nietzsche de sa somptueuse réputation de précurseur direct des idéologies fasciste et nazie. Comme nous le verrons, ces thèses reposent sur de simples affirmations, que nous sommes censés accepter comme des démonstrations irréfutables.

Les sectateurs de Nietzsche recourent également à une astuce bien connue et accusent sans ambages les lecteurs peu sympathiques de la prose indigeste de leur maître de “manger quelques miettes que Nietzsche leur avait jetées dans une humeur négligente” (Gay, in Kaufman II, up ix). Puis, sentant bien que leurs affirmations farfelues et intellectuellement téméraires ne peuvent pas vraiment emporter la décision, ils recourent à une autre astuce connue et demandent simplement au lecteur dubitatif de suspendre son jugement. Ainsi, Kaufmann écrit lui-même : “Il ne fait aucun doute que de nombreux documents pertinents paraîtront dans les années à venir. Ce qui est demandé dans cette introduction est simplement une tentative de prévenir les jugements rapides sur Nietzsche” (Kaufmann II, p xxi). Il serait plus simple et plus nietzschéen dans “l’esprit” de demander à la populace potentielle de suspendre son jugement jusqu’au moment où les nouveaux surhommes, dont certains juifs, auront réussi à établir fermement leur société de castes sur le reste d’entre nous.

Il est évident que ces experts en font trop pour leur propre bien. Kaufmann, par exemple, fait un grand usage de ses propres traductions phrase par phrase. En principe, il ne peut pas se tromper et on ne peut qu’admirer son utilisation désinhibée du mot “overman” au lieu du mot “superman”, lourd de connotations. Le parti pris de Kaufmann de minimiser toute trahison du sens de l’auteur lors de la traduction est admirable. En transposant le dilemme dans une autre langue, par exemple, nous pourrions facilement voir qu’un “gentilhomme” serait définitivement une figure susceptible de se trouver dans les œuvres de La Rochefoucauld, jamais dans celles de Nietzsche qui se contente de son “surhomme”.

On ne fera jamais assez l’éloge d’une bonne traduction. La vraie question est la suivante : pourquoi Kaufmann et les gens comme lui pensent-ils “sincèrement” que leurs propres traductions et critiques peuvent changer unilatéralement les interprétations quasi-unanimes de Nietzsche dérivées de traductions antérieures en plusieurs langues, à savoir l’anglais, le français, l’italien et l’espagnol pour s’en tenir aux langues qui me sont accessibles ? Ou dans tout autre ensemble de langues, d’ailleurs. Sur tous les points principaux en question, même la traduction de Kaufmann ne change pas le seul ensemble possible d’interprétations de l’œuvre de Nietzsche comme un penseur furieusement anti-démocratique et anti-égalitaire qui a été intellectuellement instrumental dans le développement ultérieur du fascisme et du nazisme, comme cela a déjà été démontré ci-dessus et le sera à nouveau plus en détail dans ce qui suit.

Cependant, ce que l’on peut dire des nouvelles traductions ne peut pas être dit des interprétations tendancieuses et non dissimulées qui en découlent dangereusement pour les sectaires de Nietzsche. La conclusion est claire : lorsque les nouvelles interprétations pro-nietzschéennes pourront être démontrées comme gratuites, elles devront être franchement dénoncées comme des idéologies délétères et démagogiques. Sans suspendre le jugement, en fait. A ce stade, l’essentiel de ce qu’il faut savoir des élucubrations intellectuelles de Nietzsche est déjà bien connu. Sur les principaux points en cause, à moins que Nietzsche ne contredise le “système” de pensée qu’il a péniblement construit jusqu’à l’éclatement de sa folie, seules des nuances peuvent être apportées par des documents de première main, nouveaux et inconnus. Les seules exceptions notables concerneraient les relations de Nietzsche avec diverses “personnalités” et organisations désagréables non reconnues jusqu’à présent.

Malheureusement, en raison des préjugés pro-nietzschéens de Kaufmann et d’autres comme lui, c’est le domaine où la censure, l’autocensure et la manipulation, bien pire que celles infligées par la sœur de Nietzsche, sont à craindre. Laissez-moi juste défier ici Kaufmann et tout le “troupeau” moderne pro-Nietzschean de clarifier l’appartenance, la relation et les sympathies de Nietzsche pour certaines sociétés secrètes connues et des personnages peu recommandables, dont certains ont joué un rôle substantiel dans le développement du fascisme et du nazisme en interprétant consciemment le travail véritablement précurseur de Nietzsche ! Déjà, certains éléments de la propre famille Wagner ont courageusement soulevé une partie de ce rideau hygiénique honteux. Comme le dit le proverbe : Soit tu te lèves pour être compté, soit tu te tais (ce qui, vous en conviendrez sans doute, est le premier principe de l’analyse intellectuelle honnête et de la critique littéraire objective, même si certaines personnes préfèreraient évidemment le reformuler dans un langage convivial plus usuels aux joueurs de “bridge”).

On trouve ailleurs des affirmations tout aussi ridicules et pourtant trop sûres d’elles-mêmes : “Nietzsche a écrit trop bien pour son propre bien”, écrit l’inimitable Peter Gay. “Il a inventé des aphorismes mémorables et des locutions séduisantes qui ont été utilisés contre lui – en grande partie injustement. Même si (en fait, surtout si) nous ne savons pas grand-chose de Nietzsche, il est probable que nous nous souvenions de ses termes : “la bête blonde”, que l’on peut facilement prendre pour une mégalomanie aryenne, ou l'”Ubermensch”, que l’on traduit habituellement par “Superman”, éveillant ainsi des images de Clark Kent revêtant sa cape. Et que dire de son observation sans cœur et condescendante : “Tout ce qui concerne la femme a une solution : cela s’appelle la grossesse” ?

Peter Gay prétend-il démontrer que, sur ces questions et d’autres semblables, Nietzsche, contrairement à l’opinion étayée par des faits par ses détracteurs, ne pense pas ce qu’il dit si laborieusement et répète si abondamment dans tous ses ouvrages publiés et dans toutes ses formes d’écriture ? Apparemment, cet autre « Américain tranquille » – quiet American – se contente de ses propres affirmations et de ses idiosyncrasies simplistes. Il ajoute : ” Bien que ces vues nietzschéennes aient un arrière-goût désagréable (sic !), la plupart peuvent être clarifiées de manière satisfaisante (sic !) par le contexte et le style de pensée dominant qui imprègne sa pensée. Mais cela signifie que l’on ne peut juger Nietzsche qu’après l’avoir lu, pas avant”.

Bien sûr, on peut s’attendre à ce que Peter Gay fasse essentiellement le même travail sur les commentaires de Nietzsche sur le judaïsme, qui sont apparemment toujours pris “hors contexte”. “Ainsi, dit Peter Gay, ses rares remarques anti-juives, normalement entourées de déclarations d’admiration pour les Juifs, pourraient être dépouillées de cet éloge, de sorte qu’elles pourraient faire passer le philo-sémitisme de Nietzsche pour de l’antisémitisme” (Peter Gay, in Kaufmann II, p x et xi) On dit que le ridicule tue. Mais, de toute évidence, selon les nouveaux critères nietzschéens, Peter Gay est sauf. Si l’acceptation à contrecœur de certains Juifs parmi les “surhommes” annoncés était une preuve définitive de philo-sémitisme, alors, naturellement, les non-racistes, les anti-antisémites et les libertaires civils sincères du monde entier, parmi lesquels la grande majorité du “peuple” juif lui-même, devraient rapidement accepter l’idée peu convaincante selon laquelle toute confrontation directe avec l’idéologie des “surhommes”, où que ce soit dans le monde, qu’elle soit propagée par des experts juifs pro-nietzschéens et suicidaires ou par des fascistes et des néo-nazis fermés, est maintenant devenue un péché intolérable. Et non un devoir démocratique et égalitaire sacré.

Examinons maintenant quelques questions spécifiques afin de démontrer à quel point ces lectures pro-nietzschéennes peuvent être ridiculement hors contexte. Bien que les sectateurs nietzschéens eux-mêmes ne semblent pas avoir d’indices immédiats à ce sujet, la lecture est en effet une étape préliminaire ; penser de manière critique et honnête afin de saisir ce qui a été lu est une toute autre chose. Pour prouver ce point, nous allons maintenant discuter longuement de certaines questions nietzschéennes controversées, à savoir le philo- ou l’antisémitisme de Nietzsche, sa relation et sa responsabilité avec la montée ultérieure du fascisme et du nazisme, sa relation à la dialectique et à la logique, en particulier en ce qui concerne la conception de la “nature” et du prétendu “anneau des récurrences perpétuelles” et, enfin, Nietzsche (et les Nietzschéens) en tant que personnes au-delà du “bon goût”.  

A) Le prétendu “philo-sémitisme” dévastateur de Nietzsche

Une lecture attentive de l’œuvre publiée de Nietzsche aboutit à cette conclusion sans ambigüité : Nietzsche admire les “Juifs” pour leur prétendue capacité obstinée à mentir et à tromper afin de préserver leur société de castes particulière, le plus grand bien dans la conception du monde de Nietzsche. Pourtant, naturellement, cette admiration ne s’étend pas à tous les Juifs. Elle est réservée aux “Juifs” non nomades et non égalitaires décrits dans Le Livre des Rois, selon les constructions conceptuelles sélectives caractéristiques de Nietzsche. Elle ne s’étend définitivement pas à la société juive dominée par les prêtres juifs tant méprisés. En outre, la culture juive est uniformément et “logiquement” méprisée comme le “sol” même d’où est née l’abomination qu’est le christianisme, aux propres yeux de Nietzsche.

La déduction est immédiate et sans équivoque : Si l’on désire sincèrement recréer une caste “noble”, créer des “surhommes” purs, alors un double processus de purification est nécessaire, le premier parmi les non-Juifs, le second parmi les Juifs. S’il est vrai que la conception de Nietzsche du surhomme n’est pas univoquement fondée sur la race, on ne peut guère en tirer de réconfort.  Nietzsche, en tant que “bon Européen” autoproclamé, s’oblige à exprimer ses vues en “termes universels”, compatibles en surface avec l’émergence d’une caste dominante multiethnique. Cependant, qui d’autre que les sectaires pro-Nietzsche ne voit pas que, dans le meilleur des cas, sa conception du surhomme implique un renoncement préalable à sa propre culture et à ses origines, y compris religieuses, simplement parce que ce renoncement préalable est l’un des principaux attributs du surhomme ?

En fait, Nietzsche coopte consciemment les prophéties chrétiennes tant méprisées pour son propre usage manipulé. Celles-ci prédisaient la conversion de certains Juifs (et naturellement l’élimination de tous les autres) comme un évènement accompagnant la Parousie, la seconde venue du Christ. Le Moyen Âge abonde en pamphlets Contra Juifs et Adversus Iudeos prédisant et décrivant un tel évènement. Les adeptes du culte nietzschéen s’attendent-ils vraiment à ce que nous croyions que l‘utilisation dirigée de la philologie par Nietzsche est à la hauteur de leur propre utilisation et compréhension “modernes” de celle-ci, et qu’il a réellement pris la peine d’écrire un Antichrist et un Contra Wagner de manière inoffensive ? Qui lit en dehors du contexte ? En fait, qui lit avec un minimum d’honnêteté intellectuelle – sans parler du contexte historique et culturel préalable nécessaire ? Les Juifs, en tant que communauté religieuse ou “peuple”, pourraient en effet avoir de meilleurs amis que Nietzsche et que les nombreux flagorneurs nietzschéens !    

En outre, Nietzsche n’est pas sans ses vacillations conceptuelles (sinon ses contradictions intimes). Contrairement à ses cultistes, il l’admet parfois lui-même, toujours lorsqu’il ressent le besoin de devenir encore plus critique à l’égard de toute pensée et de toute attitude qui pourrait entraver l’émergence de son “surhomme” chéri, sa Parousie personnelle et lunatique. Cela n’est nulle part plus clair que lorsqu’il recherche des candidats potentiels dignes de ce nom et qu’il confronte ainsi ses valeurs “universelles” particulières à des traits nationaux. Bien que, en raison de la rationalité universelle évoquée plus haut, il ait temporairement envisagé un mariage mixte entre des Junkers (hommes) et des Juifs (femmes), cet engouement a duré moins longtemps que l’intérêt de Lou Salomé pour lui.

Le point essentiel ici est double : Premièrement, la vacillation de Nietzsche sur ce point précis ne pouvait conduire à autre chose qu’à la compétition et à l’exclusivisme nationalistes. Deuxièmement, cette même dérive interne intimement nécessaire est en fait partiellement accomplie par Nietzsche lui-même, malgré ses critiques souvent citées mais mal comprises de Wagner, de son beau-frère et de quelques autres comme eux. Les pro-Nietzschéens aiment présenter sans équivoque ces critiques cohérentes, bien que grossières, pour une prétendue haine nietzschéenne des antisémites. Nous nous étendrons plus longuement sur ce sujet dans le livre à venir. Il suffit ici de rappeler l’aversion de Nietzsche pour l’héritage chrétien teuton et son espoir parallèle dans le Junker plus lointain. Lorsque Nietzsche attaque l’Allemagne, c’est pour être la création des prêtres et des princes catholiques et la création de Luther, c’est-à-dire pour être l’incarnation même de toutes les valeurs chrétiennes méprisées et de toutes les autres valeurs humanitaires méprisées destinées par Nietzsche à une “réévaluation complète”.

Pourtant, lorsqu’on lui demande quel auteur allemand le “bon Européen” Nietzsche préfère, il répond sans hésiter “Bismarck” et s’enfuit rapidement – non pas par honte, comme on pourrait le penser, ou par un sentiment d’embarras, mais par crainte d’être entièrement compris par des oreilles inamicales. Néanmoins, sa conception est limpide sur cette question : La grandeur culturelle de la France est un signe indubitable de décadence, la “dilapidation” culturelle inefficace étant un ornement superflu comme la queue en repos d’un paon, aussi abondamment belle qu’inutile. La prétendue “médiocrité” culturelle de l’Allemagne et les actions énergiques de Bismarck représentent l’inverse, un état de choses très souhaitable pour Nietzsche. Nietzsche l’affirme clairement dans la préface de son livre inachevé La volonté de puissance : “C’est précisément chez les Allemands d’aujourd’hui que l’on pense moins que partout ailleurs. Mais qui sait ? Dans deux générations, on n’aura plus besoin du sacrifice qu’implique toute dilapidation nationaliste du pouvoir et le fait de devenir stupide” et pour faire bonne mesure, il ajoute : “(J’aurais voulu autrefois écrire mon Zarathoustra en allemand)” (in Kaufmann III, p xxiii).      

Encore une fois, nous sommes témoins ici de l’étendue de la méthodologie de Nietzsche : Tout ce qui est acceptable doit être confronté à l’émergence et à la durabilité nécessaires du surhomme en tant que caste , même si, et on est amené à ajouter sans jeu de mots surtout si, cela se fait ex post facto. Peut-on alors en déduire sans risque que si le Reich allemand de son époque est critiqué, c’est uniquement parce qu’il était encore culturellement l’héritier du vieil empire chrétien allemand, alors que la préférence de Nietzsche va clairement à un nouvel empire mondial universel copié sur l’empire romain pré-chrétien. Un empire païen où les Allemands renaissants (born-again ?), façonnés selon le processus d’initiation de Zarathoustra et les autres conseils peu scrupuleux de Nietzsche, tiendraient une place de choix, ne serait-ce que pour la raison que le défaut historique de la France douce et de l’Angleterre commerçante ?

En dépit des falsifications intellectuelles et éthiques des cultistes, le Reich allemand d’Hitler est bien plus proche du rêve de Nietzsche que tout ce qui est historiquement connu. Lui aussi était prêt à accepter les surhommes alliés comme des Gauleiter et des chiens de garde bien commodes. Si ce n’était le manque d’armement et la faible propension aux blitzkriegs à grande échelle, le régime de Mussolini, adéquatement “philo-sémite” jusqu’en 1936-38, pourrait être qualifié de forme acceptable de l’utopie de Nietzsche ! Mais l’adoption de la théorie grossièrement raciste de Gobineau et son application industrielle contre toutes les “races inférieures”, Juifs compris, constituent-elles la seule critique damnable du Reich universel de Nietzsche tel qu’il a été mis en œuvre par les Nazis ? En fin de compte, Wagner et son héros Parsifal sont coupables d’une simple “rechute” chrétienne aux yeux de Nietzsche, l’antisémitisme grossier n’étant qu’une simple parenthèse dans son système de pensée.

En effet, il n’est pas nécessaire de pousser les choses au-delà du raisonnable pour trouver une version acceptable, typiquement nietzschéenne, du régime nazi des “Mille Ans” : Il suffirait d’autoriser quelques spécimens tirés de la souche juive, de préférence des banquiers utiles malgré leurs préjugés de base (mais par définition plus juifs), de les convertir à la psychologie et au comportement a-moraux du surhomme et d’envoyer le reste de la “populace” juive dans les mêmes camps de travail où la “populace” polonaise et d’autres pays d’Europe de l’Est a été envoyée par le régime d’Hitler qui était vraiment nietzschéen à cet égard. Une amélioration ! Surtout si on la compare au sort réservé aux “socialistes et anarchistes” ! Oserait-on s’exclamer : Pitié ! ici ? Et devenir ainsi, avec bonheur, un nouveau nietzschéen cultiste du type de ceux qui sont actuellement cultivés et adorés avec Wagner aux USA et en Israël ? En fin de compte, la conception de Nietzsche serait probablement plus efficace en ce qui concerne l’éradication (des Juifs en tant que Juifs), bien que moralement plus sale que la “solution finale” des Nazis. Plus sale parce que plus secrète et insidieuse que la version nazie brutale et repoussante. Mais apparemment, les sectaires veulent nous faire croire le contraire et s’attendent à ce que nous fassions aveuglément confiance à leurs affirmations honteuses et non fondées.

Le problème se résume finalement à l’antagonisme naturel de ce que j’ai appelé les conceptions exclusivistes du monde. (Voir Le lit du néo-facsisme et son Annexe : aux racines du nazisme, dans https://www.la-commune-paraclet.com/fascismFrame1Source1.htm#racisme .) Deux prétentions concurrentes au statut de “peuple divinement élu” ou de “maîtres de l’univers” ne peuvent jamais coexister pacifiquement pendant longtemps, et les Américains ont déjà montré comment des candidats désinhibés à ce statut hégémonique comme ils le sont eux-mêmes peuvent risquer de saper de manière irrationnelle le statu quo inhérent à tout régime de dissuasion nucléaire par la volonté de repousser l’adversaire – rollback -, une velléité  allant bien au-delà de toute politique déterminée d’endiguement. Une tendance qui risque de devenir particulièrement vraie face à un rival potentiel qui, année après année, dépend piteusement de plus de 6 milliards de dollars d’aide extérieure et d’autres subventions pour survivre à peine, tout en se mettant idiotement à dos tous ses voisins immédiats !

L’histoire a déjà montré qu’à moins qu’une laïcité stricte ne devienne une praxis sociale et politique cardinale, c’est-à-dire à moins que l'”élection divine” ne soit reléguée à un niveau strictement privé traitant exclusivement du développement du Moi, même les agnostiques décents ne pourront pas faire face longtemps aux membres des différentes obédiences plus enclins à la théocratie, sans parler d’autres tendances plus ouvertement religieuses. Même l’évolution des grandes sociétés plus ou moins ésotériques est marquée par des tensions exclusivistes similaires. En particulier celles qui insistent sur la révélation de sa propre âme à soi-même dans un mélange de pensée et de pratiques kabbalistiques, voire astrologiques et alchimiques plus anciennes. Il est possible de démontrer que ces pratiques ont directement influencé la pensée perverse de Nietzsche et, de fait, leur approche imprègne, bien que de manière tordue, le processus d’initiation tel qu’il est décrit, par exemple, dans Ainsi parlait Zarathoustra, y compris son prétendu philo-sémitisme.

Nous serions donc bien avisés de tenir compte des signes prémonitoires : Avec Nietzsche, le Juif, même en tant que “surhomme”, reste “l’homme le plus laid”, the “Ugliest Man”. Et la situation s’aggrave lorsque le processus d’initiation de ce type de sociétés est intégré comme le 7ème ou le 18ème rang dans d’autres obédiences présentant les mêmes tensions de base, pour des raisons essentiellement identiques. Par exemple, la fraternité rosicrucienne européenne, à l’époque de Nietzsche, ne pouvait pas concilier de manière satisfaisante ses pratiques kabbalistiques et ésotériques avec le penchant catholique de certains de ses membres. Et nous ne parlons ici que des tensions entre les courants dominants. De même, les échelons supérieurs des Églises établies et les dignitaires du régime nazi pouvaient bien collaborer sur certaines questions sociales et politiques (nietzschéennes) mais, en fin de compte, ils ne pouvaient envisager leur soumission permanente aux nazis qu’avec la même horreur que celle avec laquelle ils pouvaient envisager leur soumission morale et politique aux “Juifs”.

En dépit de l’idéologie du “bon Européen” entretenue par certains, consécutive à l’élaboration d’une Sainte Alliance renouvelée après la défaite de la Commune de Paris, l’universalisme à moitié soutenu et insincère de Nietzsche ne pouvait pas plus faire face à la réalité de la Balance du Pouvoir qu’à ses contradictions latentes conceptuelles internes. Les socio-démocrates à la Kautsky et de nombreux membres ou sympathisants du Bund penchant vers Martov et les mencheviks ont succombé à leur manière à leur conception insincère et à moitié soutenue de l’universalité, une erreur fatale que les bolcheviks, armés entre autres d’une théorie adéquate de la “question nationale”, n’ont pas commise. Mais apparemment, les leçons de l’Histoire ne sont visibles que pour ceux qui veulent bien voir !

Pour conclure et par souci d’équité à l’égard des cultistes modernes flagorneurs de Nietzsche, nous devons aborder brièvement deux questions : La première concerne l’anachronisme, la seconde la faisabilité du système de Nietzsche. Étant donné ce que nous venons de dire ci-dessus et étant donné une lecture directe de l’éloge sincère de Manu par Nietzsche fournie dans l’annexe ci-dessous, qui pourrait oser prétendre que la conception de Nietzsche aurait pu produire autre chose que ce qu’elle a effectivement produit, à savoir la montée du fascisme et du nazisme, c’est-à-dire des régimes non démocratiques et totalement totalitaires ?

De plus, étant donné ce qui a été dit sur l’exclusivisme et la question nationale, toute mise en œuvre politique du projet de surhomme de Nietzsche pourrait-elle produire autre chose qu’une guerre mondiale permanente et un racisme sanglant ? Dans quelle mesure serait-il possible de faire de Nietzsche un philosémite au lieu de ce qu’il est réellement, à savoir le chant séduisant des sirènes de l’antisémitisme sous toutes ses formes, qu’elles soient laïques ou théocratiques ?

En d’autres termes (limpides) : Si les Américains de droite peuvent, à la manière nietzschéenne typique, se concevoir comme des “primus inter pares” incontestés, les Juifs de droite peuvent-ils être pour eux autre chose que les “plus vilains des hommes” sur le plan moral, c’est-à-dire des “Juifs” acceptables pour la seule raison qu’ils auraient depuis longtemps affiné les traits nécessaires du surhomme qui n’hésite pas à se placer “au-delà du bien et du mal”, se transformant ainsi, dans les faits, en un “moi” nietzschéen qui renonce avec remords à sa propre judéité en même temps qu’à son humanisme ?

Et que peut-on dire de la faisabilité ? Nietzsche en est venu à croire en sa propre compréhension inepte de la dialectique maître/esclave : La ” nature ” du ” surhomme ” est telle à ses yeux qu’il serait regardé avec admiration par les chandalas et les esclaves plébéiens ! Pourtant, Nietzsche ne jure pas par cette adulation unilatérale et c’est pourquoi, avec un réalisme non feint, il finit par préconiser une séparation (ségrégation ?) complète des deux mondes !

Dans un style nietzschéen typiquement inepte, il oublie tout simplement que la plèbe peut se passer de la caste superflue du ” surhomme ” dans sa difficile tâche de perpétuer sa survie et de s’assurer des moyens d’existence décents alors que l’inverse n’est définitivement (et ontologiquement ? économiquement ?) pas vrai. La vieille tactique du panem et circenses n’est qu’une piètre illusion dans un monde caractérisé par une dialectique historique fondée sur les rapports sociaux tissés par le capitalisme, surtout lorsque la nature d’exploitation de ces rapports et leur fragilité ont déjà été révélées tant par la Commune de Paris que par la longue et précieuse expérience des révolutions bolchéviques et des expériences de “socialisme réel”.

En fin de compte, même panem et Circen (pain et Circé) (Kaufmann I, p 468) finit par être une dangereuse conception lunatique de la “nature” pour Nietzsche, comme l’a montré de manière éclatante l'”étreinte” désespérée qui a marqué de manière appropriée la fin de sa carrière philosophique éveillée à Sils Maria! Croire et suivre le processus d’initiation de Nietzsche semble être le meilleur moyen de redécouvrir son propre Soi intime en tant qu’idiot dans tous les sens du terme ! En déclarant une guerre de classe ouverte, il semblerait de mauvaise stratégie de supposer l’amour de vos victimes potentielles, surtout quand elles ont développé “une conscience malheureuse” sur le fait que leur propre plus-value est ce qui vous nourrit et vous maintient en vie !

Ce point doit être répété car de nombreux adeptes nietzschéens de la société “technétronique” ont déjà envisagé des solutions purement nietzschéennes à ce qu’ils considèrent comme un surplus de main-d’œuvre résultant de l’augmentation continue de la productivité, obtenue grâce à des technologies toujours nouvelles et sophistiquées permettant d’économiser du travail. L’Histoire et l'”armée de réserve” plébéienne pourraient encore leur apprendre en termes non ambigus que “l’inflation et les phénomènes monétaires” ne sont pas les seuls aspects de la réalité qu’ils méconnaissent si dangereusement ! Nietzsche était plus prévoyant lorsqu’il exprimait de façon imagée sa peur intime en chiffres : Si on lui donnait le choix, la populace préfèrerait le partage du travail et une redistribution vraiment égalitaire des richesses plutôt que leur ré-esclavage forcé. Et en fin de compte, ce sont les chiffres qui provoquent les changements dans les sociétés démocratiques comme dans les sociétés non démocratiques. Cette réalité peut être résumée par une simple phrase : “la conscience politique du prolétariat”. Malgré les rêves fous de Nietzsche, après le Manifeste Communiste, l’horloge historique ne peut plus être inversée, surtout pas d’une manière grossièrement nietzschéenne. Attention ! L’esprit (humain) ne tolère généralement pas les imbéciles. Les “ricorsi” tardifs et pervertis ont plus de chances de se traduire par des “riscossa” déjà vécus.  

B) Le charabia contre-nature de Nietzsche.

 En tentant de supprimer à lui seul toute “dialectique de la Nature”, Nietzsche exécute une danse grotesque et, comme le serpent d’autrefois, finit par se mordre la queue dans une vaine tentative d’illustrer un “anneau de récurrence perpétuelle” logiquement bancal. Il est à la fois facile et crucial de se rendre compte du rôle central joué par le pseudo-concept de “nature” de Nietzsche dans tout son système de pensée. Une fois de plus, il ne s’agit de rien d’autre que d’une construction téléologiquement fabriquée visant à créer la possibilité de l’existence du surhomme par un acte de volonté et, par la suite, à légitimer le retour, bien qu’un retour a-moralement ascendant, à un tel état de nature !

Comme toujours chez Nietzsche, les démonstrations (ou ce qui prétend l’être) sont prédéterminées et ex post facto. Avoué, il n’a pas d’autre choix. Il ne peut accepter la vieille notion philosophique d’état de nature telle qu’on la trouve chez Hobbes ou Locke, et encore moins chez Rousseau puisque cette notion, étroitement liée à la nécessité idéologique qu’éprouvait la bourgeoisie naissante de saper la société féodale, encore politiquement dominante à l’époque, plaide en faveur d’une égalité fondamentale mais formelle des Hommes. Nietzsche ne peut pas non plus trouver de consolation dans le double concept de nature de Spinoza, qui conduit à la même conclusion éthique, peut-être de manière encore plus déterminée. Mais, qui plus est, Nietzsche sait qu’il ne peut même pas faire confiance à la conception scientifique, par ailleurs indiscutable, de l’évolution naturelle telle qu’elle a été conçue par Darwin et par toute la science moderne après lui.

Nietzsche a une peur pathologique de l’habileté et de l’intelligence, au point d’oublier maladivement ses notions élémentaires d’arithmétique (sinon de probabilité) : Le ver, dit-il, a développé une stratégie définitive de rabatteur depuis que, piétiné, il se divise en deux parties viables afin d’augmenter ses chances de survie (vraisemblablement dans un nouveau monde (hitlérien ?) de sur-verre où l’on ne court pas le risque de se faire piétiner à nouveau ! Pourtant, la populace et ses nombreux “prêtres” ont montré à maintes reprises leur capacité et leur propension à l’intelligence et à l’astuce, toutes utilisées sans discernement pour soutenir un monde pitoyable qui étouffe sans cesse les pulsions dionysiaques orgiaques de la vie nietzschéenne ! Bien qu’ils prétendent fièrement descendre des grands singes, les darwiniens, aux yeux pénétrants mais à moitié aveugles de Nietzsche, deviennent soudainement des singes et des chandalas étranges et dangereux ! Ayant, d’une manière caractéristique coutumière chez lui, éliminé le monde réel et les théories qu’il produit sur sa propre existence, Nietzsche est donc obligé d’en inventer un plausible à partir de rien. Si, à force de répétitions incessantes, il parvenait à établir cette plausibilité, il sait qu’il s’épargnerait la tâche impossible de produire effectivement une démonstration cohérente. Les “moins nombreux”, les plus forts et les plus tyranniques, sont donc mis à la place des “plus aptes” et la “survie” dépend de leur habileté et de leur intelligence.

Le stratagème de Nietzsche est une astuce simpliste mais nécessaire. Dès le début, il a mal compris Schopenhauer en même temps qu’il a mal compris et haï tous les théoriciens philosophiques du devenir historique. La “vérité” éclate aux yeux de Nietzsche grâce à la panique provoquée par la Commune de Paris, aggravée par une humiliation personnelle puisque la propre expérience de guerrier de Nietzsche est réduite au rôle d’infirmier, et de surcroît imprudent !

En fait, le contexte culturel était tel que Nietzsche avait une meilleure vue des questions cruciales présentées par le passé, le présent et l’avenir prévu que n’importe quel sectateur pro-nietzschéen aujourd’hui. Le devenir historique, surtout dans la culture allemande, était directement lié à la longue tradition, qui passait à Hegel principalement par Herder, Vico et Feuerbach, et avant eux par Luther et Thomas Müntzer en particulier. Mais elle avait pris des tons inquiétants avec les vocalises des “jeunes hégéliens”, désormais émules politiques des socialistes et dépassés par Marx et, dans la pratique, par la Commune de Paris. La philosophie subjective de Schopenhauer ne pouvait donc être d’aucune utilité politique immédiate à moins d’être reformulée d’une manière pratique purement prédéterminée et volontariste. La “volonté de puissance” n’est pas une simple notion nietzschéenne mais une notion très centrale. Elle a en fait fourni à Nietzsche la solution à son premier dilemme : si le devenir conduit à la disparition croissante de la société de classe, “que pourrait-on faire” pour inverser la tendance ? Pour éliminer radicalement la simple possibilité du devenir historique, Nietzsche a donc choisi d’être suffisamment nietzschéen pour voir et accepter le fait que la “dialectique de la nature” elle-même devait d’abord être éradiquée. En fait, l’éradication de la dialectique de la nature lui éviterait d’avoir à réfuter la thèse écrasante de l’historicisme et du matérialisme historique et de leurs prédécesseurs, les premiers pré-communistes et les millénaristes croyant à l’Âge de l’Esprit, le soi-disant et multiforme mouvement souterrain de l’Évangile éternel.

Nietzsche accepte que les partisans du devenir, en particulier les “socialistes et anarchistes” qu’il craint le plus, aient fondamentalement raison, mais sa conclusion est diamétralement opposée à la leur : L’homme évolue vers toujours plus d’égalité et de démocratie ; l’homme est donc une cause perdue et doit être vaincu par un acte de volonté, la volonté du véritable surhomme. Comme il n’existe aucune base objective pour ce projet, ni dans la Nature ni dans l’Histoire, le plan social et politique de Nietzsche est la recette parfaite pour la création de monstres sociaux et politiques.

Pour ceux qui seraient enclins à accorder encore le moindre bénéfice du doute à Nietzsche, rappelons l’inanité philosophique et historique de ses deux archétypes supposés opérationnels : l’Apollonien et le Dionysien. Rappelons que la conception que Nietzsche a de Dionysos et du culte dionysiaque est totalement étrangère à tout ce qui rappelle la Grèce antique. Il s’agit d’une simple fabrication ex post facto, et d’une fabrication scélérate en plus. Les Grecs anciens, et en fait toutes les cultures anciennes, méprisaient l’impulsion destructrice que les Grecs conceptualisaient comme de l’orgueil démesuré, l’hubris. En particulier, les Grecs anciens, qui se considéraient comme des animaux sociaux qui devaient même résister à la volonté de Dieu pour défendre leur civilisation humaine bien-aimée, n’auraient jamais imaginé, dans leurs rêves les plus fous ou sous l’emprise de la drogue, d’imiter Nietzsche et de faire de l’orgueil le bien suprême. Ils avaient assez de bon sens pour comprendre qu’en agissant ainsi, ils détruiraient toute possibilité de maintenir la vie sociale, sans parler de la civilisation humaine, d’une manière plus radicale que la transgression d’autres règles sociales coûteuses telles que l’horreur du parricide !

Par conséquent, les Grecs, comme tous les peuples de l’Antiquité, et peut-être avec une conscience encore plus claire, ont cherché les médiations religieuses, sociales et politiques appropriées. La tragédie grecque, si grotesquement mal comprise et instrumentalisée par un Nietzsche pathétique, a été spécifiquement conçue pour jouer une telle fonction (pédagogique) de médiation sociale et culturelle. Elle célébrait la réticence obstinée de l’esprit humain à céder face à des forces écrasantes, qu’elles soient induites par des dieux, des démons, le destin ou d’autres causes plus naturelles. Dionysos était invoqué pour les mêmes raisons fonctionnelles, qui font de ce dieu, par ailleurs lumineux et utile, l’antithèse de la figure grotesque et monstrueuse imaginée volontairement et avec une fierté philosophique appropriée par Nietzsche et ses idiots cultistes. Qui sur terre peut passer à côté du sens que les Grecs anciens attribuaient à la réaction d’Aristote face à l’orgueil démesuré d’Alexandre le Grand qui se rêvait soudainement comme le Roi des Rois, même pour les Macédoniens et les Grecs, et à la tragédie grandiose qui s’ensuivit nécessairement ? En fait, malgré toutes les apparences contraires, en chantant les louanges d’un Dionysos brutalement orgiaque, Nietzsche ne célébrait pas la vie : Au contraire, avec un demi-siècle d’avance, il chantait le célèbre hymne fasciste à la mort “Viva la muerta”. Il était, en fait, sa propre “volonté de négation de sa négation”. Comme par hasard, il avait bouclé la boucle.

Ce destin nietzschéen, encore une fois pitoyable, était déjà annoncé dans sa conception bancale de l'”anneau des récurrences perpétuelles”. Ici, Nietzsche montre que la logique elle-même, cette reine (“féminine” ou “queer” ?) de la science, peut suivre le même régime que la “nature” entre les mains meurtrières de Nietzsche. Le problème est que, selon la perspicacité de Nietzsche, il n’y a vraiment rien d’assez décent pour y revenir ! Tout est irrémédiablement et inéluctablement pollué par la “Pitié” et ses serviteurs ! Le Saint-Esprit est sûr d’être une plus grande canaille pro-racaille que ne l’était le Fils. Quant au Père, comme le proverbe et de nombreuses écritures saintes et non saintes ont coutume de le dire de manière inversée typiquement nietzschéenne, tel Fils tel Père ! Le “terreau” habituel de tous les hommes les plus “laids” de toutes les époques et de tous les temps est douloureusement visible partout. Et, après mûre réflexion, Darwin pourrait bien s’avérer être le plus laid et le plus intelligent de tous ! C’est pourquoi, lors de votre retour, veillez à vous élever simultanément, afin d’éviter les rencontres désagréables !

Ici, Nietzsche écoperait d’un zéro pointé pour l’originalité qui serait cependant une note parfaite pour la cohérence : Il inverse en effet simplement (et volontairement) la spirale historique ascendante avec laquelle des penseurs comme Vico, après Joachim de Flore, envisageaient l’avancée de l’Humanité, même si les anciens schémas peuvent être rejoués sous une forme différente, car, après tout, il s’agit toujours de la même, invariable (comme dirait Balibar après Vico) histoire humaine réalisée par l’Homme lui-même.

En fin de compte, Nietzsche ne peut échapper aux contradictions dans lesquelles il s’est volontairement enfermé : Car si son “anneau de la récurrence perpétuelle” a un sens, c’est-à-dire si le retour de ses “bêtes blondes” est déjà écrit, pourquoi s’embarrasser d’une conception idiosyncrasique et décalée ? Mais s’il doit finalement recourir à un retour ascendant, pourquoi s’embêter avec une conception de la nature si ce n’est comme une occultation consciente, bien que dangereuse et scélérate, des métamorphoses consciemment instrumentalisées de l’homme par Nietzsche en quelque chose de radicalement différent, ouvertement placé  “au-delà de l’homme” et “au-delà du bien et du mal”.

L’ombre noire des “expériences scientifiques” du docteur Mengele n’est-elle pas déjà prévue ici ? Nietzsche écrit “Morale des médecins : L’homme malade est un parasite de la société” (Crépuscule p 536) ; et encore en faisant l’éloge de la description de Manu de “l’humanité aryenne” : ” Les chandalas sont le fruit de l’adultère, de l’inceste et du crime (ces conséquences nécessaires du concept de reproduction ” (Crépuscule p 504). De telles expériences ne sont-elles pas une nécessité intrinsèque de la conception idiosyncrasique de la “nature” de Nietzsche, tout comme une éducation de type SS ou Fils de Salò participerait à l’émergence et à la formation des surhommes – pratiques qui sont d’ailleurs toutes anticipées dans Ainsi parlait Zarathoustra ? Mais peut-être cela n’est-il pas acceptable parce que Nietzsche serait philosémite. Alors, qui s’insurge contre la “perspective” de la génétique moderne de transformer radicalement le fondement génétique de l’espèce humaine et s’insurge contre tout ce qui pourrait avoir un soupçon minime de principe de précaution ?

La génétique moderne – oubliant tout ce que l’on sait de la distinction entre le cerveau d’une part et l’esprit d’autre part, sans parler de tout ce que l’on sait de l’interrelation nécessaire entre la dialectique de la Nature et l’Histoire – pourrait-elle être utilisée pour recréer le patrimoine génétique des grands prêtres anciens, oints “légitimement” mais brutalement assassinés ou éliminés d’une autre manière ? Même les sectateurs nietzschéens (philo-sémites) modernes ne dénonceraient-ils pas un tel projet comme une “supercherie” scandaleuse de scélérats ? Jureraient-ils honnêtement que, à leur connaissance, de tels rêves lunatiques ne sont pas entretenus avec enthousiasme par certaines des franges les plus exclusivistes, théocratiques et fascistes des “Nietzschéens” modernes philo-sémites et non nécessairement philo-sémites mais très concernés ? Mais si une chape de silence prudente et intéressée s’abat sur cette problématique et celles qui lui sont liées, que reste-t-il de l’honnêteté intellectuelle ? Que reste-t-il du sens de la démocratie ? En effet, que vaut la liberté académique dans une société pré-nietzschéenne qui publierait sans sourciller des réhabilitations nietzschéennes apologétiques et d’autres inepties de ce genre – n’attendant, bien sûr, aucune critique institutionnelle, l’autocensure médiatique faisant le reste du travail pour faire taire les protestations justifiées des égalitaristes ?  

  C) Nietzsche comme l’homme déconstruit de mauvais goût.

 Si l’on peut dire que le “surhomme” est l’anti-thèse du “gentilhomme” et de l'”honnête homme” de la Renaissance, voire du citoyen post-révolutionnaire en tant qu’accomplissement social de l’espoir humain investi dans les formes partielles antérieures, sans qu’il y ait, il est vrai, de faute directe de Jacob Burckhardt, on peut affirmer de la même manière que Nietzsche est l’anti-thèse de l’homme de bon goût (voire de l'”homme de raison”, en tant qu’idéal des Lumières européennes).  Les modes sont les modes. Mais pourriez-vous imaginer un lecteur américain non nietzschéen ne pas hausser les épaules d’étonnement choqué lorsque Kaufmann suggère que l’importance de Nietzsche dans l’histoire de la philosophie dépasse de loin celle de Descartes, Pascal, Voltaire, Rousseau, Bergson et Sartre, sans parler de Kant et Hegel !

Kaufmann probablement encore sous l’influence néfaste de ses traductions phrase par phrase – procédé malheureux dans ce cas puisqu’il implique un investissement émotionnel et intellectuel total du traducteur – peut en effet écrire avec assurance et sans une once de honte ou d’amour-propre que : “On peut en fait être amené à se demander s’il n’y a pas en philosophie une proportion inverse entre la profondeur et l’importance d’une part, et la clarté et l’excellence du style d’autre part” ( Kaufmann II, p xix) Vraisemblablement, le bon professeur apprécie la syntaxe de Sartre pour ses prouesses sans effort plutôt que pour sa précision quasi-clinique et son endurance soutenue. Et, peut-être, se laisse-t-il facilement berner par le style charmant de Bergson, celui-là même qui explique son succès auprès des foules parisiennes, surtout féminines ! Troquer une seule Lettre provinciale contre l’ensemble des œuvres de Nietzsche serait en effet une économie nietzschéenne sans fondement ! ! (Au mieux, ce serait de l’extorsion par le surhomme improductif, même si les modernes cultistes nietzschéens ne nous ont pas encore dit pourquoi les “autodafés” devraient être considérés comme étrangers à la logique nietzschéenne pure et inaltérée).

Quoi qu’il en soit, qui, dans son esprit, serait prêt à suivre volontairement Nietzsche dans son retour artificiel faussement ascendant au prix du sacrifice de Socrate, de Platon, de tous ceux déjà cités ci-dessus ainsi que de beaucoup d’autres, y compris Schopenhauer et Dostoïevski ? Les auteurs américains eux-mêmes seraient promptement purgés. Emerson, apprécié différemment par un José Marti, marque quelques points pour un jeu de mots utile à l’écriture de Zarathoustra, mais il faut noter que, dans ce livre d’initiation, le “Yo me sucedo a mi mismo” d’Emerson est soigneusement reformulé pour inciter le surhomme à ne risquer sa seule vie qu’après s’être assuré de laisser un héritier. Courageux mais pas téméraire, cette bête blonde nietzschéenne !

Pour le reste, Nietzsche aime la gaillardise d’un commentaire concernant le pouvoir et la luxure, bien que clairement sorti de son contexte typiquement emersonien. De même, Nietzsche croit pouvoir instrumentaliser le “flux de conscience” de James pour justifier sa propre “psychologie” vide de l'”ego” (gonflé) mais, en fin de compte, on est forcé d’admettre que son admiration exprimée, comme celle qu’il a exprimée pour l’utilisation des “ricorsi” par Joyce (pris directement de Vico) est basée sur une incompréhension totale et puérile des intentions artistiques et sociales de ces auteurs. Pour le reste, Thomas Paine, Jefferson, Thoreau, John Brown, Sweezy, Edgar Snow, Paul Robeson et beaucoup d’autres comme eux, y compris le jeune chanteur folk anti-guerre Bob Dylan, devraient être considérés comme des porte-parole de la “populace”, une question sur laquelle les nietzschéens américains (philosémites ou non) devraient être péremptoirement invités à s’expliquer : Ces auteurs sont-ils, dans la conception nietzschéenne des choses, irrémédiablement non-américains, sont-ils étrangers à “l’esprit de l’Amérique” ? Ou bien représentent-ils ce que la République a de meilleur à offrir en termes culturels et politiques ?(6) (A l’inverse, de quels philosophes fascistes ou nazis, hormis Nietzsche et Heidegger si utiles aujourd’hui pour les futurs “surhommes” sémites et philo-sémites, l’histoire s’est-elle souvenue ? Même l’ “acte pur” de Gentile mérite-t-il autre chose qu’une analyse historique soucieuse de la véritable “trahison des clercs”) ? En suivant Nietzsche dans sa destruction sadique de l’environnement culturel caractéristique de l’Homme en tant qu’espèce, qui resterait debout ? Thucydide ? Raphaël ? Cesare Borgia ? Même ceux-ci ne répondent pas entièrement aux critères du cerveau syphilitique ! Goethe lui-même est trop proche de son “Roslein auf der Heiden” pour être qualifié et son Faust est décidément un monstre absolu, un porte-drapeau de la populace trop facilement touché par la grâce et, Dieu nous en préserve, par la “pitié” !

Une fois de plus, ce qui reste, c’est le fruit de l’imagination malade de Nietzsche, à savoir ses constructions idiosyncrasiques tout à fait “monstrueuses” et si peu extraordinaires, au sens où l’entendaient les Grecs anciens : Dionysos, Jules César et, bien sûr, Manu. Le Bouddha lui-même est trop bouddhiste et les trente bodhisattvas de certaines écoles bouddhistes (qui indiquent une ascendance commune asiatique antérieure) présentent définitivement une tendance dominante de type prométhéen beaucoup trop prononcée pour être entièrement acceptables, malgré l’héritage commun non reconnu avec les zéphirotes kabbalistiques expurgés et très estimés dans les cercles (exclusivistes ?) raréfiés et vaniteux de Nietzsche ! L’islam lui-même est naturellement suspect aux yeux de Nietzsche compte tenu de son message principal égalitaire malgré les éléments archaïques très appréciés qu’il a finalement conservés dans sa doxa (commentée).

Puisque l’un ne va pas sans l’autre, le vrai bon goût et la raison peuvent-ils se réduire à l’instrumentalisation a-moraliste consciente d’un hubris humain dément, même au prix d’une initiation ascétique stricte ? Qui, à part un fasciste déclaré, trouverait le monde du surhomme de Nietzsche vivable ou simplement tolérable ? Un environnement puritain peut peut-être expliquer en partie la réceptivité des réactions faussement outrancières apparemment anticonformistes et anticléricales de Nietzsche. Mais pour critiquer l’influence étouffante d’un Cromwell, un homme de bon goût et de raison se rangerait-il du côté de Milton plutôt que de Winstanley et plus tard de William Blake ? Ou avec Oscar Wilde et Thomas Mann ? Tout est si irrémédiablement faux avec Nietzsche : Un véritable anticonformiste ne verrait son ” espace de liberté ” augmenté et assuré que par une libération et une émancipation humaine générale, y compris celle des femmes. Devons-nous croire que des mœurs véritablement libérées ne peuvent être atteintes que par l’asservissement de la majorité de l’espèce humaine, préalablement déshumanisée ? Même Sade ne serait pas allé aussi loin puisque, contrairement à Nietzsche, il avait une idée pratique, bien que pervertie, du plaisir sans entrave !

De même, l’anticléricalisme présumé choquant de Nietzsche est vraiment pathétique quand et de la manière dont il l’exprime, même en Suisse ! Les grandes batailles anticléricales étaient déjà gagnées et une compréhension descendante de la laïcité (sans parler de ses filiations avec la conception religieuse et laïque du devenir) lui aurait épargné bien des postures ridicules et vraiment conformistes malgré toutes les apparences contraires ! Il s’avère que même sa grandiloquence manque de classe et est aussi alambiquée et factice que ses syntaxes allemandes le sont par les critiques les plus véridiques.

Pour se faire une idée de l’authentique rire anticonformiste et anticlérical, il suffit de comparer la vitalité du Picasso décadent et de son entourage de racailles à l’époque du Bateau Lavoir avec le propre ressentiment malade et sublimé de Nietzsche. Voilà ce qu’un Prévert pourrait rendre de façon appropriée et sympathique, non pas en aphorismes farfelus, prétentieux et répétitifs, mais en “vers libres” et en “Paroles” fièrement prolétaires. Alors qu’Alfred Jarry avait prophétiquement permis au Roi Ubu de s’autodétruire en s’exposant publiquement sans retenue, l’esprit malade de Nietzsche avait déjà travaillé activement à la vulgarisation de son archétype de surhomme, en essayant assidûment de le légitimer comme le Sauveur des classes dominantes. De nos jours, les adeptes de Nietzsche se sentent libres d’imiter leur maître, jusqu’à ce qu’ils rencontrent leur propre Jarry prémonitoire, je suppose.

Quand tout est dit et fait, il est manifestement clair que les déchets nietzschéens et néo-nietzschéens ne peuvent pas être recyclés et devraient être jetés à la poubelle, où ils ont leur juste place, tout en restituant à l’hubris et à Dionysos leur signification thérapeutique grecque et rabelaisienne : “Notez amis que de vin divin on devient” disait le bon docteur montpelliérain résumant ainsi, avec une sagesse lapidaire, sa compréhension de l’initiation aux mystères dionysiaques. Comme l’explique Bacbuc, “rire” et “boire” sont les attributs déterminants de l’Homme (Cinquième Livre, La Pléiade, p 834).

Comparé à un Rabelais, Nietzsche n’est qu’un ” pisse-vinaigre ” écœurant ! Par rapport aux critères de valeur culturelle et philosophique de Kaufmann et al., peut-être que le critère intellectuel de jugement utile et déterminant devrait consister à comparer la prose fastidieuse et répétitive de Nietzsche exposant un “retour” énergique à une barbarie moderne comme une célébration de la “vie”, avec les Lettres provinciales étincelantes, courageuses et véritablement révolutionnaires écrites par Blaise Pascal. Si toutes les personnes impliquées ne s’accordaient pas sur le fait que ces deux œuvres adoptent une conception diamétralement opposée de la valeur de la conscience humaine et du libre arbitre, ce qui équivaut à une condamnation définitive du projet culturel et politique de Nietzsche, il faudrait alors conclure que l'”espace d’intersubjectivité”, que les travailleurs intellectuels devraient toujours aspirer à trouver, est irrémédiablement miné par la mauvaise foi des cultistes pro-nietzschéens, indépendamment de leur prétention à être ou à ne pas être philosémites (c’est-à-dire, quand il est payant de prétendre l’être). ) À ce moment précis, ce serait une perte évidente de temps précieux que de continuer un zed instrumental “dialogue de sourds” et il serait beaucoup plus sain de laisser le peuple (la “populace”) décider dans son “âme et conscience” : Après tout, malgré tous les discours creux qui disent le contraire, l’avenir est toujours entre ses mains.

Les nietzschéens et surtout les juifs nietzschéens (!) devraient méditer l’avertissement de Pascal avant que, “une fois de plus”, il ne soit trop tard : “Et s’ils ne jugent pas qu’il est temps de s’élever contre de tels désordres, leur aveuglement sera aussi à craindre que le vôtre, mes pères, car vous et eux ont une raison semblable de craindre cette parole de saint Augustin plutôt que celle de Jésus-Christ dans l’Évangile : Malheur aux aveugles qui se laissent guider ! Malheur aux aveugles qui se laissent guider ! Vae caecis ducentibus ! (Pascal, Lettres provinciales, in Nouveaux classiques Larousse, p. 108) Ernst Block n’aurait eu que peu de mal à trouver la même admonition chez les premiers Prophètes égalitaires ; et au moins un grand et pénétrant peintre de la “populace” a eu le “bon goût” de transformer ce message universel en un autre chef-d’œuvre universel !

           Conclusion générale

J’ai déjà montré que la conception de Nietzsche du “devenir” historique et de la “nature” se réfère à de simples hypothèses ex post facto, intéressées et mystifiantes. Elles reviennent à dire que la terre est plate et à organiser la société (et les sociétés secrètes) de telle sorte que quiconque prétendrait le contraire serait rapidement écarté et exclu. D’un point de vue scientifique, on pourrait soutenir que les meilleurs esprits de tous les temps en sont venus à faire confiance aux faits laborieusement et patiemment recueillis, au-delà des opinions religieuses et des préjugés sociaux. Lorsqu’un mât de navire s’abaisse à l’horizon, cela pourrait démontrer de manière irrévocable que la terre n’est pas plate, sauf en cas de naufrages fréquents. Pourtant, dès que des évènements ordinaires incitent au doute, la véritable philosophie et la science naissent. Même les hommes du Néolithique faisaient leur travail astronomique (et calendaire) de manière plus honnête et méthodologique que Nietzsche et la plupart de ses disciples aveugles. Les éclipses étaient avidement attendues et examinées. Bientôt, quelqu’un a dérivé une méthode appropriée pour trouver la vérité “au fond du puits” (et Hipparque allait obliger tout le monde avec une démonstration raffinée, typiquement grecque).

Malheureusement, les vérités scientifiques et politiques diffèrent d’une manière différente. Un chemin qui n’a pas échappé à Nietzsche, étant donné, entre autres, sa fixation de longue date sur la domination intellectuelle de l’église. Seul le Calabrais Tommaso Campanella a osé dire un mot pour défendre Galilée, mais le courageux auteur de La Città del sole était déjà en prison ! La peur et la soumission politique tuent la science plus sûrement que les préjugés sociaux ordinaires largement basés sur le témoignage partiel des sens humains prima faccia, comme le Montaigne non nietzschéen l’avait brillamment exposé il y a longtemps. Son ami Etienne de La Boétie était allé encore plus loin avec son avant-gardiste Contr’un (Discours sur la servitude volontaire) et son œuvre passionnée revient à réclamer que la théorie politique soit traitée avec la même rigueur scientifique que les sciences les plus établies de l’époque, l’égalité et la valeur humaines étant ici le point de départ indéniable sans lequel tout discours sur les questions humaines échouerait faute d’un sujet approprié. On peut élaborer à volonté les différentes manières concrètes ou utopiques d’organiser la société, mais ce point de départ demeure, de Joachim de Flore, à La Boétie, à Machiavel, à Hobbes, à Thomas More, à Kant, à Hegel et à Marx, etc.

Pour tous ces théoriciens politiques authentiques et similaires, ce même point de départ reste indubitablement le point vital qui “crée” et ordonne l’espace intrinsèquement humain dans l’univers entier. Le nier a toujours été reconnu comme une manière claire de nier l’humanité elle-même, et certainement pas comme une forme de Dieu sait quel type de “pitié” débilitante. Cela revient, par la même occasion, à la négation de toute investigation véritablement scientifique des questions humaines. Pour simplifier, le vrai problème gênant est que le jeu dialectique entre le domaine de la nécessité humaine et celui de la liberté humaine ou, plus précisément, entre la dialectique de la nature et la dialectique de l’histoire, donne à la classe dominante des moyens extraordinaires pour pervertir cette caractéristique humaine essentielle afin de soutenir divers régimes tyranniques. Les classes dominantes n’investissent nulle part autant que dans leur contrôle total du champ idéologique, notamment des dogmes idéologiques destinés à contrôler les classes soumises.

Marx a déjà disséqué le processus en jeu : Les classes dominantes réussissent lorsqu’elles incitent de manière convaincante les classes dominées à confondre les intérêts de classe des classes dominantes avec les leurs, c’est-à-dire lorsqu’elles les prennent pour des valeurs universelles. Le recours à la force brute signale l’échec et n’est jamais une option viable permanente. Aucun système de domination avant le cauchemar malade “éveillé” de Nietzsche n’aurait pu envisager l’utilisation perpétuelle de la force brute par les surhommes présentés comme un “mal” nécessaire étant donné que la “séparation” totale est pratiquement impossible ! Pourtant, pour accomplir cet exploit de barbarie et d’obscurantisme, Nietzsche se débat péniblement avec la relation des surhommes eux-mêmes avec la nécessaire “vision psychologique du monde” a-scientifique qu’ils doivent dispenser de manière convaincante à la populace. Comme le dit parfois Zarathoustra, lui aussi avait peur de devenir un âne ! Le scientifique véritablement nietzschéen et surtout le politologue nietzschéen est donc, en vertu d’une nature ardemment cultivée, un pervers scientifique, quelqu’un qui poursuivrait secrètement la science afin de subvertir consciemment l’esprit scientifique et ses conclusions égalitaires. Il est l’ultime ingénieur social totalitaire.

Une fois en place, un tel système orwellien d’occultation intellectuelle continue et de domination sociale perpétuelle serait difficile à remettre en question, d’autant plus que la technologie moderne semble tenir la promesse d’un “contrôle des flux d’information” historiquement inégalé. Nietzsche, en observant l’église catholique (et ce qu’il appelle avec admiration les “mensonges” juifs obstinés à travers les siècles), était très clair sur cette question. La véritable tragédie, c’est que de nombreux nietzschéens philo-sémites modernes (exemplaires réels ou intéressés de la nouvelle espèce autodidacte !) en sont venus à croire à ce même credo scélérat. La “nouvelle alliance” bancale entre les sionistes chrétiens américains (ou plus précisément les “zélotes messianiques” de droite) et les judéo-fascistes israéliens et juifs, qui semblent naturellement prendre un nouveau temple de Salomon comme principal “hub” de contrôle du nouveau temple de l’information nietzschéen mondialisé, leur donne les moyens militaires et politiques de tenter, “une fois de plus”, la folle aventure visant à établir une domination de caste sur le monde entier.

Pour réussir, ils doivent affirmer un contrôle incontesté sur les “valeurs” et avant tout sur les valeurs “scientifiques”. Ils doivent réussir à pervertir de façon spectaculaire le processus cognitif intrinsèquement humain. Sciemment pour certains, involontairement pour les plus moutonniers, le terrain était déjà préparé par les post-modernes qui, il y a quelques années encore, trouvaient nécessaire de masquer leur entreprise de mystification destructrice et “déconstructive” et (bon sang !) leurs discours vacants sous un jargon althussérien et lacanien d’occasion mal digéré et mal utilisé. Depuis la chute du bloc soviétique, ce nouvel équipage se sent en droit et parfaitement libre de pousser plus loin sa bonne fortune et de mener à bon port toute l’entreprise obscurantiste. Comme Nietzsche est le grand-père des deux, il devrait être facile de déconstruire sans aucune “pitié” excessive les échafaudages de construction sociale nietzschéens anciens et modernes qui reposent toujours sur des sables mouvants et qui ont dangereusement tendance à s’effondrer, si seulement la “populace plébéienne” se souciait de le remarquer. Lorsqu’ils prétendent que la terre est plate, ils devraient être convoqués sans cérémonie pour faire une démonstration publique, être jugés intellectuellement en conséquence et être exposés publiquement au ridicule qu’ils méritent.

Le dispositif fabriqué par Nietzsche et, après lui, par les post-modernes et les nouveaux nietzschéens est en réalité une bombe à retardement destinée à exploser entre leurs propres mains de plus d’une façon. Nietzsche était parfaitement conscient de cette instabilité et de cette non-viabilité inhérentes à son système, bien qu’il ait essayé de la cacher par un regain de “volonté de puissance” pour dissiper le solipsisme inhérent à sa pensée. Comme je l’ai dit précédemment, tous les thèmes qu’il a essayé de développer, parfois de manière obsessionnelle, ne sont que de simples tentatives pour travailler volontairement à rebours de son “idée fixe” illustrée par son “surhomme archétypal”, afin précisément de dissiper ce solipsisme inhérent. Comme nous l’avons montré dans nos commentaires sur les concepts jumeaux de Nietzsche celui de “nature” et celui d'”anneau de récurrences perpétuelles”, la négation de la dialectique de la Nature spécifiquement instrumentalisée pour nier la dialectique de l’Histoire n’est pas convaincante le moins du monde, sauf pour les adeptes des romans de fiction aimant les monstres – et les fêlés parmi les “surhommes” potentiels de Mengele.

Tout le système est fondé sur une illusion autodestructrice dérivée d’une perversion désespérée de la théorie du devenir humain, à savoir que “l’homme se fait lui-même”. Ainsi, Nietzsche conclura que l’homme peut effectivement utiliser sa propre volonté pour se refaire, pour se recréer au-delà de l’humanité dépravée actuelle. Dans son désespoir maladif, il ne faisait qu’oublier ce que Marx avait si brillamment résumé dans les premières phrases du 18 brumaire de Louis Bonaparte, à savoir que le passé pèse sur l’Histoire de l’homme comme les Alpes, de sorte que l’homme fait effectivement sa propre histoire, mais pas entièrement dans les conditions de son choix, un dilemme qui ne peut que renforcer sa conscience politique, qui est une réaction diamétralement opposée à la “volonté de puissance” nietzschéenne.

La remarque de Marx constitue en fait une réfutation totale anticipée des moyens désespérés mis en œuvre par les Nietzschéens et les post-modernes pour échapper à leur solipsisme auto-infligé. Concrètement, Nietzsche est nécessairement presque muet sur les relations de production, bien que l’on sente clairement que sa haine de la “populace” représente sa conscience aigüe du fait que la “populace” avec ses conseils ouvriers, ses soviets, ses communes et même ses démocraties peut se débarrasser de n’importe quelle caste inutile (idiotes) alors que l’inverse n’est guère vrai.

Autrefois, le jeune Marx pouvait retracer la “conscience malheureuse” de Friedrich List dans l’incapacité de la bourgeoisie allemande à affirmer son propre Être sur un pied d’égalité avec la nation bien connue des boutiquiers ; chacun à sa manière partielle et surdéterminée, Kierkegaard et Nietzsche tenteront de résoudre leurs propres névroses chroniques “listiennes” exacerbées en posant un Être humain commode qu’ils ont eux-mêmes fabriqué pour l’occasion, naturellement en totale abstraction de l’évolution des forces productives et des rapports sociaux de production. Qui ne voit pas que cet angle mort initial (cultivé) rend leurs systèmes totalement contradictoires et non viables ? Leur utilité ne peut donc être que celle d’une idéologie démagogique de droite – et de plus en plus celle des verts pâturages intellectuels destinés aux inébranlables ânes académiques de Buridan. Paraphrasant Zarathoustra : “Modernité” : Hihan ! “Post-modernité” : Hihan! ; “Nature” : Hihan ! “Surhomme” : Pouah ! Pardon : Hihan ! “L’anneau (sic !)” : Hihan-Hihan ! Et ainsi de suite.

Lorsque le “soleil” noir de ces fous furieux descend volontairement vers son “minuit”, est-il vraiment important qu’il se relève ? Malheureusement, oui : C’est une raison suffisante, dans une démocratie, pour forcer la publication de tous les noms des personnes appartenant à des sociétés secrètes, surtout lorsqu’elles prétendent être des sociétés bienveillantes, et pour forcer la publication de leurs rites et rituels “secrets” – même si cela implique l’utilisation d’infiltrations, de caméras cachées et d’autres moyens “modernes”. Des initiatives politiques déterminées doivent également être prises à tous les niveaux de gouvernement pour forcer la publication des listes de membres et des pratiques d’initiation. En particulier, des initiatives référendaires devraient être lancées au niveau des États afin de créer une masse critique capable de modifier les lois dans ce domaine crucial, si essentiel à la perpétuation d’une démocratie authentique et d’une société ouverte.

       Conclusion normative

 Supposons que vous soyez chargé de concevoir un programme qui aiderait les présidents américains de droite et leurs alliés juifs judéo-fascistes (nietzschéens ?) à établir une société nietzschéenne. Que devriez-vous considérer comme des étapes nécessaires ? Ce n’est pas un exercice rhétorique. Le faire avec soin éveille votre conscience politique et vous permet simultanément de voir clairement à travers les stratagèmes de manipulation inventés pour utiliser des cas sociaux, politiques et moraux limites pour faire reculer l’horloge du progrès social et pour faire avancer l’agenda néocon, nietzschéen. Vous êtes alors mieux à même de résister à cette démagogie instrumentalisée et de nier cet agenda nietzschéen archi-conservateur mais soigneusement conçu et patiemment mis en œuvre. J’ai déjà tenté de le faire avec mon essai  “Le lit du néo-fascisme” et son “Annexe : aux racines du nazisme”. (Note du 1 oct. 2021 : il était difficile de prévoir la barbarie de la gestion totalitaire de la syndémie du Sars-CoV-2, tellement elle dépasse l’entendement …) Ces essais traitaient principalement des questions sociales étroitement liées à la réhabilitation d’un théocratisme fasciste, y compris le judéo-fascisme et l’affirmation politique d’une “déférence envers l’autorité” huntingtonienne et trilatéraliste (ou plus précisément la déférence à une “Tradition” réifiée) destinée à changer les “mœurs” sociales et politiques dites “permissives” et libertaires.

Je souhaite ici élargir le champ de vision tout en visant un résumé très succinct et parcimonieux du programme prospectif évoqué ci-dessus.

 1 ) Démantelez l’État-providence et toute idée d’un système de redistribution significatif. Pour légitimer cette attaque, vous opposerez un faux libertarisme à une prétendue culture de la dépendance, qui, dans un double langage caractéristique de Nietzsche, est censée paralyser l’initiative individuelle et la vie elle-même. Les organisations populaires, qu’il s’agisse de syndicats, de partis ou de groupes de pression, devraient être au centre de l’attaque principale, comme l’a montré Reagan en traitant de manière si “excessive” les contrôleurs aériens américains. Notez que l’extension historique du pouvoir de taxation est allée de pair avec le développement de la mentalité d’assistanat et le développement de la soi-disant “société juste”. Les impôts, et surtout les impôts progressifs, doivent donc disparaître. Mais malheur à quiconque se souviendrait de l’insistance de Thomas Paine sur les droits de succession comme mesure obligatoire capable d’assurer de manière permanente “l’égalité des chances” de chaque citoyen américain et de libérer les “initiatives individuelles” tant vantées et le pouvoir de création individuel, dans un effort structurel pour assurer la perpétuation de l’égalité libérale. Mieux vaut un Rawls partial et libéral-utopique qu’un praticien bien intentionné comme Paine ! La nouvelle société technétronique nietzschéenne est celle qui ose remplacer l’assurance sociale par l’assistance sociale par le biais de travaux de charité sous condition de ressources : En bref, remplacez les filets de sécurité sociale en tant que conquêtes populaires par le panem et circenses Reagano-Friedmanite, mais n’oubliez pas de divertir la nouvelle domesticité avec le panem et circen nietzschéen et philosémite approprié produit en abondance par Hollywood et par tous les médias américains et associés !

2 ) Utilisez tous les moyens manifestes ou occultes imaginables pour saper la laïcité, la distinction claire entre les Églises et l’État, dans un effort continu pour rétablir la théocratie et soumettre définitivement la conscience humaine aux diktats de l’autorité théocratique établie et de ses nombreux temples. Soumettre partout le libre arbitre, le dépouiller de son ultime sens humain de la responsabilité et du respect de soi et, comme Dostoïevski l’a illustré de manière prémonitoire avec sa parabole du Grand Inquisiteur, établir un personnel autoproclamé et ses rituels pour se charger du fardeau de la conscience individuelle ! Si l’Homme naît libre partout, la tranquillité des surhommes exige qu’il soit partout enchaîné “une fois de plus”. Le multiconfessionnalisme financé publiquement et dispensé de préférence par des institutions privées scellera cette fraternité universelle des surhommes et les alliances de classe qui en découlent. Préférez toujours un catéchisme (ou enseignement religieux) qui inculque la “servitude volontaire” aux esprits pré-pubères et adolescents, plutôt que de leur enseigner une anthropologie et une histoire des religions et des mythologies à tendance non religieuse, car celles-ci présenteront naturellement de nombreuses “concordances”, traitant toutes à leur manière spécifique des mêmes questions et problèmes fondamentaux humains et éclaireront dangereusement leur esprit.

3 ) Procéder avec force à la “revalorisation” de la culture et de l’éducation. Surtout, rappelez-vous que les surhommes et leurs membres philo- ou non-philosémites sont les plus vulnérables de toutes les minorités et naturellement les plus méritants de la protection publique. Par conséquent, veillez toujours à supprimer les examens d’entrée ou, à tout le moins, à les pondérer par des lettres de recommandation kasher, soucieuses de la classe sociale. Utilisez habilement l'”universalisme” formel contre l’universalisme lui-même et, en promouvant le multiconfessionnel dans les écoles, ouvrez la voie à la destruction totale du libre arbitre en supprimant de la réalité quotidienne la distinction entre l’Église et l’État inscrite dans la Constitution. De même, supprimez tout ce qui ressemble à de la “laïcité”. Comme le sénateur Lieberman – ou même une Elisabeth Badinter – l’a parfaitement compris, ne laissez pas la démographie et les probabilités (malheur à la loi des grands nombres non nietzschéenne !) s’amuser avec l’autoproclamée “méritocratie”. Après avoir confiné la discrimination positive égalitaire et racoleuse à sa juste place, passez avec confiance à la privatisation complète de toutes les institutions éducatives.

Rappelez-vous, même le marxiste américain Harry Braverman a noté que le capitalisme moderne n’a pas besoin de toute cette main-d’œuvre excédentaire éduquée que produisent à profusion les écoles et les universités démocratisées, alors qu’une 9e année moyenne suffirait pour la majorité d’entre elles en ce qui concerne les besoins vitaux du capitalisme. Pallier la difficulté de démanteler le système public d’éducation en prenant d’abord le contrôle de son cœur battant, c’est-à-dire en privatisant d’abord le programme d’études : Certaines écoles à charte ont déjà montré la voie et les travailleurs de Wall-Street et autres pontes ont déjà démontré la supériorité de la mémorisation de quelques formules de seconde main de Black/Shooles/Derman et al. pour faire fructifier l’épargne de la tirelire nationale au lieu de recevoir une éducation générale solide, adéquate et inspirée par la populace. Puisque le puissant dollar a proclamé lui-même que “In god we trust”, que les enfants de tout le pays des braves chantent des chants de louange à l’épargne, juste après les prières du matin, et profitez du rire caractéristique d’Allan Bloom et de Jeremy Siegel ! (voir Solipsisme économique, ci-dessous) Le Libre arbitre est l’ennemi de l’épargne comme il est l’ennemi des Autorités établies, y compris les Prêtres des différents Temples ! En bref, dirigez les écoles de la Nation comme vous avez déjà appris à diriger les médias. Les “chansons d’ivrognes” orwelliennes-nietzschéennes s’écouteront plus facilement ! Calquez tous les autres processus de sélection sur celui-ci, car il s’agit manifestement de la “méthode de l’homme providentiel” pour atteindre la grandeur à l’échelle de la multitude et de leur propre “intelligence” socialement dangereuse. Puis, avec une autosatisfaction méritée, faites une pause pour admirer la “Beauté” suprême sans esprit avec des yeux authentiquement nietzschéens. Car, à l’instar des verres de jus d’orange mythologiques de l’époque post-hippie des Hells Angels, voici la “beauté” et voilà la “médiocrité”.

 4 ) Saper l’égalitarisme surtout dans les mœurs sociales et politiques. Le féminisme, les mouvements étudiants, les mouvements libérateurs planifiés et spontanés de la France de 68, tous ces efforts et d’autres semblables ont, comme on le sait, un problème majeur qui ne peut être guéri que par le “travail” ou la “grossesse”, à savoir la naissance de sociétés plus égalitaires. Soyez donc prêts à jeter le bébé avec l’eau du bain si vous ne pouvez pas interrompre le processus de gestation. Mettez en œuvre le programme de Huntington et de sa Trilatérale visant à rétablir la “déférence à l’égard de l’autorité”, mais soyez prêts à être aussi énergiques et sournois que possible, car la croyance insincère de Nietzsche en l’admiration innée et “féminine” de la populace pour le “surhomme” n’est que pure propagande démagogique de légitimation. Bien que vous connaissiez peu l’analyse de Durkheim concernant la fonction légitimatrice et disciplinaire de la punition pour tout ce que la société considère comme des anomalies dangereuses à un moment donné de l’Histoire, vous avez appris à instrumentaliser les cas limites afin de faire reculer les horloges. Votre persévérance de classe exercera ses fonctions tutélaires surtout lorsque la “psychologie” nietzschéenne-freudienne et une longue accumulation pratique de fiches cliniques à moitié comprises vous amènent à croire que les cas limites en question déclencheront “automatiquement” un sentiment de “culpabilité” “universel” et “latent”. En effet, qu’est-ce qu’un nietzschéen suffisamment philosémite pourrait apprendre à cet égard du concept irrémédiablement confus de “pardon” de Simon Wiesenthal qui, au mieux, tente de substituer la douleur personnelle à la justice universelle (nécessairement collective) et, au pire, crée les prémisses du nouveau catéchisme de la culpabilité tant abusé et instrumentalisé derrière lequel tous les nietzschéens philosémites et divers autres judéo-fascistes prétendent se cacher avec arrogance et impunité, oubliant facilement dans le processus la responsabilité très réelle des juifs philosémites nietzschéens dans la tragédie de l’Holocauste avec la même bonne conscience avec laquelle ils sautent allègrement l’analyse de classe anti-Tradition et l’Histoire honnête et non-aphasique. Par la suite, ce nouveau catéchisme de la culpabilité, ce péché originel moderne fabriqué et abusé par tous les nietzschéens philo-sémites, permettra à de nombreux “historiens” et “théoriciens” juifs, généralement de droite, de plaider en faveur de la culpabilité collective du peuple allemand en ignorant le triste fait qu’Elie Wiesel, qui a tant contribué à forger ce catéchisme débilitant et anti-historique, a déclaré publiquement que, lui-même, ignorait l’étendue des choses et a donc été pris d’étonnement à son arrivée à Auschwitz – à seize ans, âge correspondant souvent au statut de vétéran dans le maquis du Vercors. N’oubliez pas que l’idée de la nécessaire complémentarité du “pardon individuel” et de la véritable “justice collective” sont suspicieusement dépendantes des pratiques égalitaires débilitantes (y compris les variantes chrétiennes mais aussi bouddhistes, islamiques, religieuses et laïques de l’égalitarisme ou, plus simplement encore, toutes les évolutions culturelles et morales loin des pratiques archaïques de la méthode « œil pour œil » consacrées “légalement”). À moins que vous ne l’instrumentalisiez, ne consacrez pas beaucoup de temps au procès de Nuremberg, de peur qu’il ne vous oblige à traiter de la réhabilitation rapide des agents SS par l’Occident libre et surtout par la libre Amérique ; en outre, il est mauvais pour la large diffusion de l’utile nietzschéisme philo-sémite moderne. Par conséquent, n’hésitez pas à utiliser votre “marteau” social nietzschéen pour frapper lourdement les personnes déjà socialement victimisées (de souche racaille – ne vous frottez pas aux fils, filles, nièces et neveux de la présidence et de l’Establishment) : la pédophilie et le porno bashing semblent les candidats parfaits pour mettre en œuvre une telle “réévaluation de toutes les valeurs” répressive et pratique, surtout dans une société puritaine dont les médias ne peuvent pas faire la distinction entre l’érotisme, l’art et la pornographie, simplement parce que l’art ne se vend pas bien et a un effet négatif sur le “bon goût” et la “vie” authentiquement nietzschéens. Par conséquent, il faut relever l’âge du consentement pour toute activité normale, réprimer la déviance sociale et s’assurer de fournir les lieux culturellement pornographiques nécessaires aux futurs “surhommes” en tant que “soupapes de sécurité” vitales. Comme l’a dit le “philosophe” de droite Kriegel dans un rapport récent : On peut avoir accès à la pornographie si on est prêt à payer pour cela – je suppose, à chacun selon ses moyens et ses réseaux ! Le retour à la Tradition et à un ordre moral favorable aux surhommes est préférable à la peine qu’il faudrait se donner par exemple pour développer un bon goût socialement authentique et libérateur et une bonne humeur rabelaisienne ou bien pour assurer à la fois la condamnation des prédateurs et leur réhabilitation sociale, un double processus nécessaire avant tout au rétablissement de l’homme et au devenir des victimes. En bref, abusez des cas statistiquement marginaux pour faire avancer votre propre agenda politique et culturel ! Le même raisonnement gratuitement culpabilisant peut être appliqué à l’homosexualité, à l’immigration (légale ou non), à la conception en dehors du “mariage” et à tous les autres domaines similaires de l’activité sociale où les domaines personnel, social et “psychologique” sont nécessairement entrelacés. Par exemple, harasser les mères célibataires et les pères mauvais payeurs présente l’avantage supplémentaire de transformer une responsabilité sociale en un “fardeau” social et, par conséquent, contribue à légitimer son transfert financier sur des épaules individuelles inégalement réparties. Le financement public du “mariage” des mères célibataires permettra à la fois de transférer le fardeau financier des programmes d’aide sociale et de s’assurer que la violence inhérente à laquelle on peut s’attendre dans les foyers pauvres et appauvris garantira le “retour” rapide des “épouses” meurtries mais soumises ! (Avec l’avantage accru de la “féminisation des salaires” allant de pair avec l’évolution à la baisse du pouvoir d’achat de la cellule primaire responsable de la reproduction de la force de travail incarnée par la famille nucléaire moderne, vous assurerez la compétitivité de votre industrie mais pas nécessairement sa viabilité à long terme ! En fait, vous seriez bien avisé de remplacer tout discours progressiste sur un “salaire égal pour un travail de valeur égale” par une version décemment nietzschéenne du féminisme : Remplacer toujours les femmes symboliques par des “sur-femmes” potentielles du type de celles qui auraient auparavant démontré leur intériorisation complète de la Tradition et leur compréhension précise de l’espace de manœuvre que celle-ci laisse à leur propre liberté spécifique de classe. Utiliser l’euthanasie légalisée et la soporifique “mort dans la dignité” pour sauver un système de santé à deux niveaux confronté à une augmentation de la population âgée, au lieu d’instituer des services gériatriques innovants et créateurs d’emplois de haut niveau et un système d’assurance-maladie universel, financé par l’État et donc moins cher, incluant idéalement une assurance-médicaments financée par l’État, etc… Comme le montre l’expérience, votre position sociale sera mieux préservée si vous vous pliez habilement aux besoins des institutions privées de santé et d’assurance en “gaspillant” allègrement quelque 15 % de votre PIB pour un système honteusement inefficace et inéquitable, au lieu des 9 % nécessaires en moyenne à toute autre société capitaliste moderne pour assurer un système de santé public, universel et efficace. Dans tous les cas, prendre pour cible de sang-froid les victimes vous épargne la peine de trouver des solutions décentes et socialement libératrices à ce qui reste essentiellement des problèmes d’exploitation sociale et d’aliénation (voir la deuxième partie de mon Pour Marx, contre le nihilisme sur cet ensemble de questions). Si nous suivons mollement ces dérives néoconservatrices a-morales sans résistance déterminée, il s’avèrera bientôt que le comportement le plus obscène et le plus répréhensible socialement sera d’oser penser de manière critique. Nietzsche aurait gagné. 

5) Sapez « tout sens de l'”humanisme” et de la fraternité de l’Homme et remplacez le par un élevage culturel nietzschéen approprié de la caste du “surhomme”. Cela s’étend à toute préoccupation humanitaire religieuse, qu’elle soit exprimée par les prêtres juifs si méprisés par Nietzsche pour avoir préparé le “sol” du christianisme, ou par l'”humanisme” sartrien et surtout par l’anti-humanisme althussérien, une position philosophique qui continue obstinément à voir l’exploitation là où d’autres préfèrent voir la pauvreté, et à légitimer les processus de classe là où d’autres se contentent de voir la “charité” (“pitié” ?) humaine. À ce stade, vous pouvez vous afficher votre « ‘’fierté’’ et votre ‘’grandeur ‘’ tout en surveillant avec méfiance les menaces à venir et en vous organisant en conséquence, ce qui implique le remplacement des libertés civiles chères à la populace par les besoins de sécurité vitaux et les mesures draconiennes nécessaires aux surhommes.

6 ) Utiliser tous les moyens ouverts ou occultes pour substituer partout une démocratie censitaire déterminée à la démocratie politique formelle contemporaine. S’opposer surtout par tous les moyens à tout développement de la démocratie sociale, industrielle et participative. Celle-ci impliquerait nécessairement l’établissement de droits collectifs au même titre que les droits individuels (dont le droit de propriété) et comporterait, en outre, diverses structures de contrôle démocratique (telles que les conseils ouvriers et de quartier, la planification interactive indicative et incitative de l’Etat, etc…). Pour atteindre ce noble objectif censitaire, il ne faut pas hésiter à utiliser tous les instruments démagogiques disponibles. Par exemple, exacerber les identités exclusives de groupe et ensuite substituer la sécurité au bénéfices des nantis aux libertés civiles chères à la populace. Si nécessaire, prenez exemple sur le criminel de guerre Sharon et ses amis sionistes nietzschéens de droite : Ils ont certainement développé une expertise impressionnante, bien qu’inefficace, dans ce domaine, y compris les provocations ciblées (comme la promenade criminelle sur Haram al-Sharif) et les massacres opportuns (comme à Sabra et Chatila, où les commandos d’assaut israéliens sont entrés avant que la milice libanaise chrétienne ne soit autorisée à terminer le travail et à prendre ainsi toute la responsabilité, ou encore comme à Jénine, où le respecté Le Monde diplomatique a fait référence à l’évacuation secrète des cadavres par les Israéliens sans que cela ne fasse l’objet d’une enquête par l’ONU ou par les organisations américaines partiales dites Human Watch.)

7) Utilisez toutes les actions ouvertes ou secrètes pour saper les institutions et les régimes multilatéraux qui régissent actuellement le système international. À moins qu’ils ne soient cooptés, exclure tous les groupes de la société civile et autres ONG comme des organisations subversives ou terroristes. À cet égard, faites de la culpabilité par association la règle plutôt que l’exception. La suspicion cultivée est l’un de vos outils de domination les plus efficaces. Remplacez les idéaux internationaux incarnés par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les Conventions de Genève par une apologie unilatérale de valeurs égoïstes instrumentalisées et d’idéologies démagogiques telles que la destinée manifeste des valeurs américaines, l’Holocauste (compris en faisant abstraction de l’histoire complexe de la déportation et de la lutte mondiale menée par les communistes et la Résistance contre le fascisme et le nazisme). Par-dessus tout, afin de parvenir à l’instauration et à la préservation d’un Empire américain et sioniste de droite philosémite et nietzschéen, assurez le désarmement total de toutes les capacités militaires et économiques défensives que possèdent vos rivaux réels et potentiels. En outre, ne perdez pas de temps précieux pour lancer votre propre nation dans un programme de réarmement massif, y compris le ridicule bouclier anti-missiles balistiques de la guerre des étoiles reaganienne, au prix d’une nouvelle course aux armements déstabilisante. ( Espérons que le stratagème de Robert McNamara continue de se vérifier et que vos prétendus rivaux se ruineront dans une course aux armements quantitative au lieu d’une course qualitative ciblée !) En particulier, utilisez toute agression sournoise, ouverte ou secrète (y compris les assassinats politiques) pour mettre en œuvre cette suprématie militaire unilatérale. Libérez le monde, à l’exception d’Israël et des États-Unis, de toutes les armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Insistez sur la non-prolifération sans aucune considération pour les compromis juridiquement contraignants envisagés par les Articles IV et VI du traité de non-prolifération dans un premier temps, puis procédez au désarmement effectif de vos rivaux, y compris par une agression armée massive. Tentez d’adopter une position morale supérieure en traitant votre adversaire de “voyous” et de criminels de guerre tout en mettant vos forces endurcies à Sabra et Chatila, à Jénine, au Vietnam et à Mazar -e-Sharif à l’abri de toute poursuite possible de la part d’une Cour pénale internationale non ad hoc, reléguée péremptoirement au rôle sélectif de désigner les chefs de la populace et de les poursuivre. Utilisez tous les médias, y compris les productions hollywoodiennes, pour mener une campagne de désinformation efficace et officiellement sanctionnée, visant à la fois l’ennemi extérieur et la populace intérieure : Consacrez cette pratique dans un département de la sécurité intérieure financé publiquement – puis, censurer préventivement La Ferme des animaux, et 1984 étant donné leurs connotations anglo-saxonnes initialement prévues (et paradoxalement prémonitoires) ! Interdire préventivement toute production faisant allusion au baiser final passionné de Nietzsche et Orwell au cheval légendaire, car cela jetterait une lumière cruelle sur la nudité grotesque du nietzschéisme philosémite.

Les nouvelles “Tablettes” anti-Nietzschéenne.

Comme à Stalingrad, vous défendrez centimètre par centimètre toutes vos conquêtes démocratiques. Après avoir exposé les principaux projets contenus dans le nouveau programme nietzschéen (philo-sémite ou pas si philo-sémite), vous pouvez maintenant procéder à la formulation de vos propres nouvelles “Tablettes” anti-nietzschéennes. Voici ma version des très nécessaires commandements de solidarité :

1 ) Ne permettre à aucun État d’usurper les fonctions du Système des Nations Unies et la légitimité de sa Charte fondatrice. Exiger la parité entre le Conseil de Sécurité de l’ONU et le Conseil Économique et Social de l’ONU.

 2 ) Exiger que la démocratie politique formelle soit concrètement accompagnée d’une démocratie sociale, industrielle et participative très étendue et de toutes les instances de contrôle démocratique qu’elle implique.

3 ) Exiger que les droits collectifs soient reconnus constitutionnellement au même titre que les droits individuels formels, y compris les droits de propriété. La parité hommes-femmes et les actions positives, en soulignant les caractères de classe, doivent être appliquées par la loi, car c’est le seul moyen de corriger les inégalités historiques et structurelles et de tenir les promesses d’une citoyenneté universelle pleine et entière.

4 ) Exiger le respect politique total du caractère sacré de la conscience humaine et de la vie privée. En particulier, rejeter toute instrumentalisation doctrinale ou politique de la psyché humaine. Exiger que les mœurs et les institutions sociales soient en accord avec les consciences individuelles humaines libres et responsables.

5 ) Exiger le respect absolu de la laïcité, la stricte séparation des Eglises et de l’Etat et la non-confessionnalité de l’enseignement public (et privé là où il existe malheureusement déjà).

6 ) Exiger l’établissement d’un système de redistribution économique et sociale le plus étendu possible, basé sur le droit au travail, c’est-à-dire le droit à une dignité économique et politique identique, y compris pour ceux que le système réduit au statut d'”armée de réserve”.

7 ) Exiger le respect absolu de la véritable méritocratie en supprimant les lettres de recommandation intéressées, incestueuses et basées sur les classes sociales, qui ne servent que des intérêts particuliers. Étant donné la similitude incontestable des dotations humaines et le fonctionnement normal de la loi des grands nombres, il se pourrait bien que cette pratique démocratique, attendue depuis longtemps, conduise naturellement à une proportionnalité fondée sur la démographie : Il faut s’en réjouir car c’est une simple question d’équité. De plus, cette pratique démocratique obligera certains groupes qui défendent égoïstement leurs privilèges communautaires par l’instrumentalisation d’un faux universalisme, à œuvrer pour ce qui est la seule solution humaine et démocratique acceptable à ce dilemme fabriqué de toutes pièces, à savoir la redistribution structurelle de la richesse sociale et la réduction de l’échelle des revenus acceptables à un rapport maximal de 1 à 5 (ou même moins) entre les revenus nets les plus bas et les plus élevés, afin que la société tout entière puisse enfin fonctionner selon le principe qui veut que “celui qui a en lui de devenir un Raphaël puisse socialement pouvoir le devenir dans Marx”. Ce n’est qu’ainsi que la société pourra utiliser au mieux sa richesse et son potentiel humain – et ouvrir concrètement la voie à un égalitarisme plus grand, induit par l’esthétique.

Annexe : Un appel au réveil

 Il semble impératif de citer longuement ce que Nietzsche dit avec admiration de Manu et de sa société de castes “aryennes”. Après l’avoir lu, demandez-vous comment une certaine camarilla universitaire et politique peut concilier ces inepties avec ses propres mandats et positions. En fait, face à une régression aussi éhontée et exclusiviste, vous pourriez conclure à juste titre que le moment est venu d’utiliser toutes les machettes critiques et conceptuelles disponibles pour abattre sans remords et déconstruire avec force ces néo-fascistes putatifs, qu’ils soient philosophes ou non. Mon propre conseil est d’imiter les bons bolcheviks d’autrefois : Chaque fois que vous avez affaire à des fascistes et à des nazis, qu’ils soient juifs ou pas, allez de toute urgence à la carotide et travaillez assidûment avec un stylo et du papier en dépit de votre répulsion esthétique compréhensible. C’est un devoir prophylactique humain de ne pas être vacillant en ce domaine tant qu’il en est encore temps.

Citation de Nietzsche :

Considérons l’autre cas de la soi-disant moralité, celui de la reproduction d’une race et d’une espèce particulières. L’exemple le plus magnifique est fourni par la morale indienne, sanctionnée comme une religion sous la forme de “la loi de Manu”. Il s’agit ici d’élever pas moins de quatre races à la fois : une race sacerdotale, une race guerrière, une race commerciale et agricole, et enfin une race de serviteurs, les Sudras. Évidemment, nous ne sommes plus ici chez des dompteurs d’animaux : un genre d’homme cent fois plus doux et plus raisonnable est la condition pour pouvoir concevoir un tel plan d’élevage. On pousse un soupir de soulagement en quittant l’atmosphère chrétienne de maladies et de cachots pour un monde plus sain, plus élevé et plus sauvage. Comme le Nouveau Testament est misérable comparé à Manu, comme il sent mauvais !

Pourtant, cette organisation a elle aussi jugé nécessaire d’être terrible – cette fois non pas dans la lutte contre les bêtes, mais contre leur contre-concept, l’homme non élevé, l’homme métis, le chandala. Et là encore, elle n’avait pas d’autre moyen pour l’empêcher d’être dangereux, pour l’affaiblir, que de le rendre malade – c’était la lutte avec le “grand nombre”.” Peut-être n’y a-t-il rien qui contredise plus notre sentiment que ces mesures protectrices de la morale indienne. Le troisième édit, par exemple (Avadana-Sastra I), ” sur les légumes impurs “, ordonne que la seule nourriture permise au chandala soit l’ail et les oignons, étant donné que les saintes écritures interdisent de leur donner du grain ou des fruits avec des grains, de l’eau ou du feu. Le même édit ordonne que l’eau dont ils ont besoin ne peut être prise dans les rivières ou les puits, ni dans les étangs, mais seulement aux abords des marécages et dans les trous faits par les pas des animaux. Il leur est également interdit de laver leur linge et de se laver eux-mêmes, car l’eau qui leur est concédée en acte de grâce ne peut être utilisée que pour étancher la soif. Enfin, il est interdit aux femmes sudra d’aider les femmes chandala à accoucher, et à ces dernières de s’entraider dans cette condition.

Le succès de telles mesures de police sanitaire était inévitable : épidémies meurtrières, maladies vénériennes épouvantables, et là encore ” la loi du couteau “, ordonnant la circoncision pour les enfants mâles et l’ablation des lèvres internes pour les enfants femelles. Manu lui-même dit : ” Les chandalas sont le fruit de l’adultère, de l’inceste et du crime (ces derniers, conséquences nécessaires du concept de reproduction). Pour se vêtir, ils n’auront que des haillons de cadavres ; pour la vaisselle, des pots cassés ; pour la parure, du vieux fer ; pour les services divins, que des esprits mauvais. Ils erreront sans repos de lieu en lieu. Il leur est interdit d’écrire de gauche à droite, et d’utiliser la main droite pour écrire : l’usage de la main droite et de la gauche à droite est réservé aux vertueux, aux gens de race”.

Ces règlements sont assez instructifs : nous rencontrons ici pour une fois l’humanité aryenne, tout à fait pure, tout à fait primordiale – nous apprenons que le concept de “sang pur” est le contraire d’un concept inoffensif. D’autre part, il devient clair dans quel peuple la haine, la haine chandala, contre cette “humanité” s’est éternisée, où elle est devenue religion, où elle est devenue génie. Mis en perspective, les Évangiles représentent un document de première importance ; plus encore, le Livre d’Hénoch. Le christianisme, né des racines juives et compréhensible seulement comme une croissance sur ce sol, représente le contre-mouvement à toute morale de l’élevage, de la race, du privilège : c’est la religion anti-aryenne par excellence. Le christianisme – la revalorisation de toutes les valeurs aryennes, la victoire des valeurs chandalas, l’évangile prêché aux pauvres et à la base, la révolte générale de tous les opprimés, les misérables, les ratés, les moins favorisés, contre la “race” : l’éternelle haine chandalas comme religion d’amour.

La morale de l’élevage et la morale de l’apprivoisement sont, dans les moyens qu’elles emploient, tout à fait dignes l’une de l’autre : nous pouvons proclamer comme principe suprême que, pour faire une morale, il faut avoir la volonté inconditionnelle de son contraire. C’est le grand, l’étrange problème que je poursuis depuis le plus longtemps : la psychologie des “améliorateurs” de l’humanité. Un petit fait, au fond modeste, celui de ce qu’on appelle la pia fraus (c’est-à-dire le mensonge sacré), m’a offert la première réponse à ce problème : la pia fraus, l’héritage de tous les philosophes et prêtres qui ont “amélioré” l’humanité. Ni Manu, ni Platon, ni Confucius, ni les maîtres juifs et chrétiens n’ont jamais douté de leur droit de mentir. Ils n’ont pas douté qu’ils avaient aussi des droits très différents. En une formule, on pourrait dire que tous les moyens par lesquels on a essayé jusqu’à présent de rendre l’homme moral étaient immoraux de bout en bout.

         Ce qui manque aux Allemands

Chez les Allemands d’aujourd’hui, il ne suffit pas d’avoir de l’esprit : il faut s’en arroger, il faut avoir de l’arrogance pour avoir de l’esprit.(…) La nouvelle Allemagne représente un grand quantum de forme, à la fois hérité et acquis par l’entraînement, de sorte qu’elle peut, pendant un certain temps, dépenser le stock de force accumulé, voire le dilapider. Ce n’est pas une haute culture qui est ainsi devenue maîtresse, et encore moins un goût délicat, une noble “beauté” des instincts ; mais plus de vertus viriles qu’aucun autre pays d’Europe ne peut en montrer. (…)(…) On paie cher l’accession au pouvoir : le pouvoir rend stupide. Les Allemands, qu’on appelait autrefois le peuple des penseurs, pensent-ils aujourd’hui ? Les Allemands sont maintenant ennuyés par l’esprit, les Allemands se méfient de l’esprit ; la politique engloutit toute préoccupation sérieuse pour les questions vraiment spirituelles. Deutschland, Deutschland uber alles – je crains que ce soit la fin de la philosophie allemande.

“Y a-t-il des philosophes allemands ? Y a-t-il des poètes allemands ? Y a-t-il de bons livres allemands ?” me demande-t-on à l’étranger. Je rougis ; mais avec le courage que je garde même dans une situation désespérée, je réponds : “Eh bien, Bismarck.” Me serait-il permis d’avouer quels livres on lit aujourd’hui ? (dans Kaufmann I, 1982, Le crépuscule des idoles, p 503-506.souligné dans le texte original tel que traduit par Kaufmann qui ne peut donc pas avoir manqué la signification théorique proéminente et focale de ce passage crucial pour son maître bien-aimé, le syphilitique Nietzsche. Peut-être Kaufmann admettra-t-il tardivement qu’il est difficile d'”améliorer” (d’un point de vue strictement nietzschéen, il faut bien l’admettre) cette pièce théorique optimiste et, heureusement sans doute, Mein Kampf serait dépourvu du style nietzschéen tant vanté qui peut si facilement séduire certains intellectuels en herbe et peut-être même de futurs “surhommes” !)

Heureux les simples ! Puis-je humblement mais vigoureusement proposer que toute réhabilitation d’un prétendu nietzschéisme philo-sémite soit traitée sur le même pied que les pires théories révisionnistes et négationnistes et, naturellement, que les partisans juifs de cette théorie honteuse soient traités avec une stricte égalité et ne soient en aucun cas désignés comme des crapules spécifiquement juives ou des idiots aveugles et ignorants ? Sans oublier tous ces nigauds qui se prennent pour des nietzschéens convaincus et des “nihilistes éveillés” et qui finissent souvent par croire qu’ils peuvent apprendre à jouer du violon dans les endroits les plus improbables, jusqu’à ce que la populace les sauve du meurtre assuré et de la honte.  

Epilogue en forme d’aphorisme

“J’ai appris à penser contre moi-même” se vantait le “pitre” en invoquant l’admiration du public. Il se considère désormais comme un “nihiliste éveillé”, inconscient de l’Ennemi qui rit dans l’ombre.

Paul De Marco

NOTES :

 1 ) Karl Polanyi reproduit essentiellement la même confusion rétrograde dans sa Grande Transformation d’abord et dans ses considérations ultérieures sur les “modes” de redistribution (Il va sans dire que, à l’instar d’un P.P Rey, je crois aussi que personne ne manquera d’être sensible au travail de terrain révolutionnaire et “décentrant” (pour utiliser le beau concept de Piaget) de Polanyi, par exemple sur les civilisations africaines anciennes (Dahomey) ou sur la Méso-Amérique). Le concept de relations humaines désincarnées produit par le capitalisme, à partir de l’abrogation des lois élisabéthaines concernant les pauvres, était une reprise très partielle et régressive de l’exposé de Marx sur la contribution révolutionnaire et libératrice du capitalisme pour extirper la société des règles personnalisées féodales et de son impitoyable nature qui se fait jour par la mise en place consciente des moyens les plus productifs d’extraire la plus-value, ce qui implique donc en même temps la négation ultime du capitalisme lui-même afin de recomposer librement les relations humaines sur la base de l’abolition de la cause première de toute aliénation sociale, à savoir la désalinisation du travail humain et la réappropriation de l’Homme par lui-même. De même, les “modes” redistributifs de Polanyi sont loin des travaux novateurs de Marx sur la comparaison des modes de production, du mode de production asiatique, au mode de production féodal, capitaliste puis socialiste. Polanyi n’a jamais réussi à ancrer ses modes de redistribution sur une base productive appropriée. Par exemple, bien qu’il ait essayé de réincorporer la notion de “marché” dans ses formes d’expression historiques concrètes (de l’emporium romain à la place du marché dahoméen), il n’a jamais réussi à donner une explication valable et cohérente de la valeur d’échange des marchandises, pas même de celles qui font l’objet d’un commerce international, comme les coquillages ou l’or, qui servent de moyens d’échange évidents ; il n’a pas non plus réussi à bien comprendre le salaire du travail, qu’il a approché au mieux par son concept intéressant mais à moitié fondé de “ration” (dérivé de la Bible). Il n’est pas surprenant qu’Immanuel Wallerstein, très influencé par les travaux de Polanyi, ait copié le même flou “historique” avec, par exemple, sa conception du “lingot” – bullion – et de son rôle dans la réalité et la “logique” des échanges Est-Ouest. (Un Wallerstein qui, à l’instar d’un Joseph Nye et d’un Emmanuel Todd, ne juge malheureusement pas toujours nécessaire de reconnaître ses sources d’inspiration, voire ignore les sources originales. On le voit, par exemple, avec “leur” nouvelle “découverte” selon la quelle, malgré leur compréhension antérieure de la dynamique de croissance de la ceinture Asie-Pacifique et de la position stratégique des États-Unis dans ce nœud commercial et économique, l’Eurasie se développait désormais de manière endogène, au point que l'”interdépendance” américaine était loin d’être efficace pour monopoliser les productions et les emplois à haute valeur ajoutée). Comme j’ai essayé de le montrer, le concept de valeur absolue et relative de Marx, son concept de “productivité” associé au concept d’époque historique au sein d’un même mode qui n’a pas encore épuisé tous ses moyens d’expression est beaucoup plus utile. J’ai essayé de montrer que l’extension du concept de Marx à ce que j’ai appelé la “plus-value sociale” est le seul moyen d’arriver à une théorie quantitative cohérente de la monnaie (comprenant les phénomènes inflationnistes et déflationnistes en concomitance avec l’importance relative de “l’armée de réserve du travail”) et de concevoir les différentes manières efficaces d’effectuer une transition révolutionnaire ou réformiste révolutionnaire du capitalisme proprement dit vers un meilleur système redistributif post-capitaliste se transformant graduellement en une société socialiste libre ou en un bond en avant socialiste qui pourrait mettre en œuvre toutes les médiations socio-économiques, politiques et culturelles pour préserver sa souveraineté et son indépendance, politiques et culturelles pour préserver sa propre légitimité auprès du plus grand nombre et valoriser son ” visage humain “. (voir mes deux ouvrages Tous ensemble et Pour Marx, contre le nihilisme) Au mieux, Keynes, révisé avec une bonne dose de Beveridge, répondrait à l’exigence d’incarnation sociale de Polanyi. Or, Keynes par l’intermédiaire de Sraffa savait ce qu’il devait aux cycles de circulation de Marx (M-A-M’ et A-P-A’) alors que Polanyi, malgré l’influence sur lui du vieux cercle de Petofi, ne s’en souvient peut-être pas ou pire encore il ne le veut peut-être même pas. On est donc forcé de le trouver désespérément défaillant !

2 ) Les premières expériences socialistes ont été amenées à distinguer constitutionnellement avec le moins d’ambigüité possible la religion et la spiritualité privées d’une part et la laïcité publique et politique d’autre part. Cependant, la défense féroce de leurs intérêts de classe par les différentes religions établies qui agissaient alors comme le principal appareil idéologique légitimateur de la bourgeoisie, a conduit les socialistes à adopter une stratégie de déracinement visant leur pouvoir social et politique, tout en faisant la propagande de l’athéisme unilatéral pour renforcer leur combat anticlérical. Si on ne peut guère leur reprocher leur contribution émancipatrice sociale et politique, l’Histoire montre qu’ils n’ont pas suffisamment reconnu la nécessité du rétablissement d’une stricte laïcité dès la fin de ce combat politique. Néanmoins, le problème a été compris sur le plan théorique. De la compréhension bolchévique de l’expérience de la Révolution française face à une Église catholique essentiellement gallicisée, à l’analyse éclairante d’Antonio Gramsci. Par la suite, les Sandinistes et les Cubains ont montré de façon magistrale comment le socialisme peut s’en sortir et s’épanouir en adoptant une politique strictement laïque qui permet un dialogue avec ce que la spiritualité (et son égalitarisme originel non ecclésiastique) peut offrir de mieux, que ce soit sous la forme d’une “théologie de la libération” ou même de la Santeria. Un dialogue authentique oblige les diverses institutions religieuses à faire face à leurs contradictions intimes, qui opposent leurs missions mondaines, liées à l’Histoire, et leurs contributions non mondaines à la compréhension des devoirs de la conscience humaine. De cette contradiction interne naît l’herméneutique puis, lentement, l’idéal de laïcité qui va de pair avec la responsabilité individuelle ultime, au-delà de tout enseignement clérical. En fin de compte, un dialogue authentique ne conduit pas seulement à une séparation pacifique et largement soutenue des Églises et de l’État ; plus important encore, il conduit à la substitution d’idéaux qualitativement raffinés aux préjugés dogmatiques ou politiques. Les deux camps sont alors gagnants et peut-être pas trop éloignés l’un de l’autre en ce qui concerne les objectifs humains ultimes, tandis que les chemins pour les atteindre sont nécessairement non antithétiques mais différents. Un véritable aggiornamento est toujours à l’ordre du jour.

3 ) Sur ce concept, voir mon essai “Le lit du néo-fascisme” et mon livre “Pour Marx, contre le nihilisme” où je supposais une certaine connaissance préalable de Nietzsche et m’en tenais aux principales préoccupations démocratiques. J’avais manifestement sous-estimé les dégâts intellectuels croissants causés par des experts nombreux et stratégiquement positionnés. Une lacune, que je commence maintenant à supprimer. 

4 ) Ayant relu la perspicace et élégante introduction écrite dans l’édition de 1970 de Par delà le bien et le mal, signée G.B. et publiée dans la collection 10/18 par l’Union Générale d’Editions, je ne vois pas que les élucubrations pro-nietzschéennes plus récentes de Kaufmann et de ses amis aient réfuté une seule des thèses qui y sont énoncées. En particulier, avec une grande honnêteté intellectuelle, G.B. écrit : “la question qui se pose pour Nietzsche avec insistance est celle-ci : Qui sera le maître de la terre ?” (p 11) Ma seule critique serait que dans son ton, et même dans le fond lorsqu’il traite des filiations culturelles et politiques de Nietzsche, l’auteur concède trop. De toute évidence, il écrivait à une époque où Nietzsche était encore largement considéré comme un dangereux cas pathologique digne de Nuremberg. Les temps changent, n’est-ce pas ?

5 ) Quelques remarques sur la “psychologie” de Nietzsche s’imposent ici. Comme on le sait, Deleuze a joué un rôle malheureux dans la légitimation de Nietzsche en France et hors de l'”Hexagone”. Or, Deleuze ne pouvait manifestement pas distinguer correctement l’analyse psychologique d’une part et les symptômes paraphréniques d’autre part. Pensant accomplir la première tâche, il était candidement attiré par le second type de phénomènes. Pourquoi a-t-il échoué dans son entreprise ? J’ai traité de ce type d’échec “analytique” dans la deuxième partie de mon Pour Marx, contre le nihilsme. Ni Nietzsche, ni aucune autre figure paraphrénique similaire (Antonin Artaud ?) n’ont jamais pu fournir d’indices thérapeutiques utiles en leurs propres termes mystifiés. Tout simplement parce qu’ils détruisent instinctivement les bases d’une conscience rationnelle et active capable de procéder à sa propre auto-introspection “objective” sans préjuger du bien et du mal (et ce d’autant plus si la société environnante ne culpabilise pas la conscience humaine par des mœurs absurdement répressives). Au mieux, Nietzsche a historiquement fourni et continue de fournir le processus d’initiation par lequel les criminels en viennent à s’accepter en tant que criminels et à vivre heureux par la suite, remplaçant ainsi leur volonté a-morale idiosyncrasique pour l’éthique et pour un comportement “socialement” acceptable. “Le type criminel, écrit-il, est le type de l’être humain fort dans des circonstances défavorables : un être humain fort rendu malade” (in Kaufmann I, p 549) Freud a laissé entendre qu’il avait une dette envers la “psychologie” de Nietzsche et elle est, en fait, clairement visible dans son idée ridicule de “hiérarchie” et sa conception de l’homme comme essentiellement “racaille” – riff-raff -, une expression qu’il a reprise dans la même source alors même que le nazisme gagnait du terrain en Allemagne ! (On le voit aussi dans son désir intime et idiosyncrasique d’être reconnu comme faisant partie de “l’élite”, y compris dans sa propre profession – au point de falsifier parfois des preuves cliniques et de reformuler sans cesse ses “théories”, toujours avec la même force subjective. Pour le reste, le cinglé kabbaliste Zweig a été un plus grand “pont” entre Nietzsche et Freud et entre Freud et la mythologie biblique). Contrairement à ce que pense Deleuze, il ne peut y avoir rien d’inhibiteur, de libérateur ou de légèrement émancipateur – individuellement et collectivement – dans l’ensemble de l’appareil théorique et artificiel de Nietzsche et même dans la démarche de Nietzsche, sauf pour “le criminel endurci”, tout simplement parce que Nietzsche nie totalement le devenir de l’homme. Ce faisant, il empêche toute guérison possible, socialement significative, ou toute réappropriation de l’homme par lui-même, sauf en tant qu’âme perdue ou criminelle se déplaçant vers une forme d'”a-moralité du surhomme”. Guattari, en tant que praticien dévoué, pleinement conscient des expériences d’avant-garde du mouvement psychiatrique de Trieste (Italie), n’a jamais commis une erreur d’interprétation aussi facile. Au contraire, juste avant sa mort, Guattari a montré une fois de plus sa profonde compréhension en désignant l’impact délétère du néolibéralisme comme une explication directe de l’augmentation des symptômes psychotiques visibles dans la société en général. Un impact qui se nourrit de lui-même, puisque ces symptômes seront ensuite invoqués pour justifier le renforcement des mesures répressives contre les “classes dangereuses”. Guattari avait une conception plus éclairée du “ressentiment” de la populace rebelle, pour l’exprimer dans un langage nietzschéen grossier. Mais Guattari était avant tout un honnête praticien. Deleuze était déjà en train de devenir un “Nouveau Philosophe” français post-althussérien. 

6 ) La droite américaine, qu’elle soit philosémite ou non, a un intérêt évident à “phagocyter” le messianisme républicain démocratique de sa Révolution en faveur de son propre messianisme impérialiste exclusiviste. Le premier type de messianisme, éminemment illustré par Thomas Paine, est égalitaire et démocratique. Dans sa pratique, il est aussi beau que la courageuse solidarité de Pétion et de son Haïti appauvri avec le mouvement hémisphérique de libération de Bolivar. Ses drapeaux de ralliement sont la liberté et l’égalité de tous les peuples de la terre. Il défend donc la libération et l’indépendance nationales. Bien qu’au début, il associe les marchés libres et la démocratie politique formelle, ce n’est qu’un moyen pour atteindre une fin. Plus tard, la crise interne du système capitaliste obligera le même projet messianique à adopter différentes formes d’organisation sociale, politique et économique pour atteindre et réaliser le même objectif. Les nouvelles formes peuvent comprendre des politiques internes de redistribution keynésienne et la mise en place d’un Système des Nations Unies comprenant le Conseil économique et social, qui devait à l’origine rivaliser et même dépasser en importance le Conseil de sécurité, ou une organisation de planification nationale et socialiste insérée dans une division du travail véritablement égalitaire. La recherche de formes adéquates est encore actuelle et exige l’imagination et la volonté pratiques des masses et de leurs “avant-gardes” ou au moins de leurs “intellectuels organiques”. Pour sa part, la finalité humaine reste essentiellement la même : fonder une authentique démocratie politique dotée d’une démocratie industrielle adéquate. Le deuxième type, le messianisme de droite, est un messianisme de caste dominant : son objectif final est de mettre en œuvre une “destinée manifeste” auto-attribuée au profit des maîtres d’une puissance impériale établie. Le messianisme de caste s’efforcera d’établir par la force brute sa domination sur sa région immédiate comme un tremplin vers la domination mondiale. Comme on peut le constater, les deux messianismes ont des conceptions diamétralement opposées de l’Homme, des “valeurs” humaines, de l’ordre mondial interétatique et du rôle de la société civile (ONG, mouvements sociaux, etc.) dans les relations internationales. En pratique, le messianisme des castes peut bien vouloir coopter sincèrement la classe dominante parmi les peuples soumis qu’il annexe à son empire, mais le cœur de l’empire ne peut reposer que sur la caste dominante et la nation dominante sur lesquelles repose la force vitale (militaire et culturelle) de l’empire et qui s’autoproclame naturellement au statut de “primus inter pares”. L’histoire du fascisme appliqué, en particulier en Italie, montre également sans ambigüité la relation difficile que ce messianisme de caste entretient avec le libéralisme d’une part et le libérisme (voir la note sur Croce ci-dessous) d’autre part (comme Benedetto Croce l’a montré de manière si perspicace et honteuse à travers sa propre pratique, en s’appuyant in extremis sur une conviction dérivée de Vico concernant la réalisation de l’Esprit dans l’histoire du monde et donc le triomphe ultime de la “liberté”, bien que dans la propre expérience de Croce, elle soit très compromise !) En résumé, comme l’ont montré les relations entre la haute bourgeoisie capitaliste et les dignitaires fascistes et nazis en Italie et en Allemagne, les “surhommes” et les grands bourgeois ont de nombreux points communs mais aussi d’importantes divergences : Ne serait-ce que parce que la bourgeoisie dispose d’une économie et d’une politique bien pensées, alors que les “surhommes” ne s’appuient que sur les intuitions “scientifiques” de Nietzsche, qui sont aussi impressionnantes dans ce domaine que dans tout autre, et s’appuient donc en fin de compte sur leurs propres intérêts arbitraires et impulsifs. L’Histoire nous enseigne également que les cultistes philosémites ou pas si philosémites, tout comme les grands bourgeois ou comme Benedetto Croce, se trompent aveuglément lorsqu’ils soutiennent et propagent simultanément les “valeurs des surhommes” dans un effort pour soumettre les “classes dangereuses”, tout en espérant secrètement tenir fermement dans leurs mains expertes toutes les ficelles du jeu instrumentalisé mais suicidaire. Une fois que la boîte de Pandore est ouverte, seule la populace organisée peut rapidement la refermer – c’est-à-dire, si elle peut encore compter sur ses propres Soviets et ses propres “bases arrières”. Woodrow Wilson illustre la situation idiote – décrite dans Zarathoustra – où une partie des classes capitalistes et dominantes en viennent à être la proie de la confusion intéressée des deux messianismes puisqu’ils prétendent tous deux unir des “valeurs universelles” et des “valeurs purement nationales, patriotiques”. L'”isolationnisme” international conjugué à l’activisme impérialiste régional est le résultat de cette confusion. Mais avant cela, Teddy Roosevelt et sa “politique de la canonnière” avaient clarifié le vrai problème. Il est maintenant urgent pour les masses américaines et mondiales de dénoncer le messianisme de la caste et d’extirper le messianisme révolutionnaire et égalitaire de la confusion wilsonienne suicidaire. Pire encore de la confusion de Chamberlain.

Note sur Croce : (Ajout du 1 oct. 2021. En lisant cette note il conviendrait de tenir en tête la distinction méthodologique que Croce tente d’impartir à ses deux concepts, libéralisme et libérisme. Le premier renvoie au marché classique de la concurrence parfaite, disons smithienne qui, à son époque, faisait eau de toute part et poussait les bourgeoisies sur des positions toujours moins démocratiques. Le second incarne sa tentative personnelle très proche de celles convergentes de Pareto, Michels et Mosca dans le domaine économique, à savoir la tentative de sauver la propriété privée en tant que telle non pas en régulant le « marché » mais plutôt en revenant à des formes de propriétés antérieures. Cette démarche très nietzschéenne, conduisit au système corporatiste fasciste, à ses illusions et à ses contradictions. Car, dans la gouvernance sociale, on peut bien évacuer idéologiquement le « marché » mais pas les lois économiques, notamment pas celles de la productivité de l’économie réelle. On remarque que les sociétés philosémites nietzschéennes contemporaines ont succombé à ces mêmes illusions, par exemple avec le Report from the Iron Moutain, puis avec la Trilatérale et sa volonté de mettre fin aux « rising expectations » des prolétariats et des citoyens, mais de manière plus pernicieuse s’il était possible, puisqu’elles sont aggravées par l’hégémonie du capital spéculatif qui phagocyte l’économie réelle, mais uniquement là où il règne en maître. Or, on sait que la stratégie de dominance mondiale par l’« interdépendance asymétrique » à fait long feu. On sait également que la régression vers la Nouvelle Guerre Froide et à son nouveau Cocom est une ineptie supplémentaire quoique typique.)

 Dans son article Nello zaino di Guevara, in ilmanifesto.it, 20 novembre 2002, Gianpasquale Santomassino rappelle cette distinction crocienne entre libéralisme et libérisme ainsi que son modus operandi, à savoir la distinction de Croce entre forces morales et forces vitales ; malheureusement, il semble à tort leur attribuer plus de validité et de fécondité théorique qu’elles ne le méritent en réalité. Il devrait être évident que la forma mentis de Benedetto Croce est constitutionnellement incapable de concevoir toute abstraction possible du libéralisme (séculier) et du libérisme (vital) de la propriété privée et des relations sociales de production qu’ils impliquent, tout comme il est totalement incapable de concevoir la loi de la valeur comme autre chose qu’un processus primitivement fondé sur la simple durée de la journée de travail. Pas plus que Bohm-Bawerk, Croce ne peut concevoir une distinction possible entre le “travail simple” smithien et le “travail abstrait” marxien ; et les choses se corsent lorsqu’il s’agit de l’intensité structurelle du travail, sans parler du concept de “productivité” de Marx. (Mais cet aveuglement systémique surdéterminé n’est-il pas le symptôme althussérien de l’impossibilité de tout véritable historisme bourgeois lorsqu’il s’agit d’appréhender l’exploitation du travail, les modes de production et les formes de rapports sociaux de production qu’elle suppose ? Nietzsche, comme nous l’avons vu, et comme on le sait généralement, est doublement aveugle à cet égard. La marque de l’idéalisme peut différer peut-être, mais il se tient toujours debout sur sa tête.

L’Amérique messianique ferait bien de méditer cette leçon. Avoir l’impression de voler le feu secret et de définir unilatéralement le haut niveau moral ne met pas automatiquement, cybernétiquement, l’économie sur la bonne voie ni ne garantit le maintien des équilibres dynamiques fondamentaux. À mesure que les économies émergentes se développent et se modernisent, la part relative des États-Unis dans la richesse mondiale est appelée à diminuer. Cela ne signifie pas que le niveau de vie moyen des Américains doive diminuer, que ce soit en termes absolus ou en termes qualitatifs. Mais les agressions impérialistes externes ne contribueront pas à atteindre ce résultat. L’époque où le capitalisme développé pouvait transposer sa crise interne sur le dos d’autres modes de production dominés est pour l’essentiel définitivement révolue. Toute crise est désormais une crise interne du capital et la crise actuelle, due à l’échec de la soi-disant nouvelle économie (spéculative) tant vantée, présente un trait dominant caractéristique, bien que nouveau, à savoir la synchronisation accrue des crises capitalistes à l’échelle mondiale. Cela nous ramène à la diatribe de Lénine contre les Narodniki et autres : Comme les crises du capitalisme sont de plus en plus internes, comme les “sorties de crise” externes deviennent de plus en plus illusoires, même les sorties technologiques internes deviennent impossibles à convoquer à volonté !

Toute solution viable doit donc résider dans une adaptation systémique. Selon les rapports de force de classe, cela peut signifier un changement d’époque capitaliste, mais cela exige toujours une réadaptation de la redistribution sociale de la richesse afin de résoudre la contradiction principale du capitalisme, à savoir son impossibilité d’atteindre par ses propres moyens une adéquation viable de ses capacités de production et de consommation. Il est clair qu’aucun système ne peut se permettre longtemps une répartition des richesses aussi inégalitaire que celle des Etats-Unis où les deux premiers déciles de la population contrôlent aujourd’hui quelque 83% de la richesse nationale (G&M, 13 déc. 02, p. 10) et où les comptes courants sont en permanence dans le rouge. Cette inégalité sociale ne manquera pas de paralyser l’économie américaine et mondiale – à l’exception peut-être de la Chine, si les dirigeants chinois sont assez intelligents pour miser sur la croissance intérieure et la soutenir par une redistribution égalitaire et des politiques éducatives fortes. L’impérialisme mondial ne peut être une solution viable aux contradictions systémiques du capitalisme américain. Déclarer l’égalité sociale comme la Nouvelle Frontière digne de la République américaine est la seule alternative économiquement viable et moralement acceptable. Elle seule peut étendre l’influence américaine dans le monde entier sans le fardeau moral et financier de l’aventurisme militaire. Et sans les risques qui en découlent.

RÉFÉRENCES GÉNÉRALES : 

Toutes mes citations de Nietzsche proviennent des traductions utiles et compactes de Kaufmann. Habituellement, je ne cite que des phrases caractéristiques, qui sont facilement reconnaissables. Puisque Nietzsche est si fastidieusement répétitif, ces phrases ou des phrases similaires peuvent être trouvées dans presque tous ses travaux dans un style presque similaire. 

The portable Nietzsche, edited and translated by Walter Kaufmann, Penguin Books ed, 1982 (referred to here as Kaufmann I) 

The basic writing of Nietzsche, translated by Walter Kaufmann, 2000 Modern Library Edition (referred to here as Kaufmann II) 

The will to power, Vintage Books Edition, 1968 (referred here as Kaufmann III)

Voir également la belle et intelligente proposée par G.B., dans Nietzsche, Par delà le bien et le mal, Union Générale d’Editions, dépôt légal 2e trimestre 1970  

XXX

La version anglaise débutait de la manière suivante :

NIETZSCHE AS AN AWAKENED NIGHTMARE

Or

How Pity finally kissed the flogged horse

Followed by:

Correlative documents: Nietzscheism and America

Par

Paul De Marco

Ex-professeur de relations internationales (économie politique internationale), Copyright © 15 décembre 2002

       Chère Madame, Cher Monsieur,

       Je fais circuler cette réfutation des théories droitières et exclusivistes de Nietzsche. En développant sa théorie du “surhomme”, Nietzsche avait une question en tête, à savoir qui sont les maîtres de la Terre.

       Aujourd’hui, ces considérations délétères ne semblent pas déranger beaucoup de bonnes âmes qui devraient être plus averties, ni beaucoup de dirigeants des prétendues grandes nations. Cette dangereuse dérive ne peut pas rester hors contrôle. D’autant plus que la guerre à venir contre l’Irak ressemble de plus en plus à une véritable “agression de surhommes”.

       Ce qui suit est la première ébauche de la première section d’un livre à venir traitant de Nietzsche en particulier et des idéologies exclusivistes en général. La version finale ne diffèrera probablement que par les détails et la longueur. Pensez-vous que vous pourriez éventuellement publier cette première section sous forme d’essai lorsqu’elle sera terminée ?

       Paul De Marco

       Voir aussi ce site web (précédemment : http://lacommune1871.tripod.com; aujourd’hui www.la-commune-paraclet.com )

(Note: Since the beginning of October, 2003, I have decided to reproduce on this site the series of short texts entitled “Correlative documents: Nietzscheism and America” destined to complete the First part of the essay on Nietzsche. Are made available here:  

        Equality before the law (December 15, 2002)

       On the desirability of a Jewish “separation” from Palestinians and Arabs (November 10, 2002)

       Archaeology, anastylose or ideological war? (September 30, 2002)

        Economic solipsism (August 28,2002)

       For peace: Open letter to the US citizens and to all the democratic citizens of the world (August 19. 2002)

       Rafah and Guernica : Barbarity with an Israeli face, or what I would say to all persons of good will, including American citizens if I thought I had a chance to be heard. (January 13, 2002)

       Do not spoil your victory (11-22-2001) and American Angels of Death at Masar e-Sharif (November 26,2001) 

Ces documents furent diffusés en privé. Je crois qu’ils conservent encore toute leur validité

Premièrement, l’engagement américain au Moyen-Orient et en Irak tourne rapidement au désastre. La doctrine sioniste chrétienne et juive des guerres préventives (c’est-à-dire le “choc des civilisations” de Huntington, préparé de longue date) tourne rapidement au cauchemar. En la dénonçant lors du débat des démocrates (CNN, 9 octobre 2003. vers 20h45), le général Wesley Clark a averti que “nous marchons vers une nouvelle campagne militaire au Moyen-Orient”. Concrètement, cela signifie attaquer la Syrie et l’Iran et donc faire face à l’extension inévitable et immédiate d’une résistance de type irakien à toute la région, du Liban à l’Afghanistan et éventuellement aux Philippines, en Malaisie et en Indonésie ! Conscient du coût diplomatique et humain de telles opérations sionistes de droite destinées à imposer l’Ertez Israël (c’est-à-dire le Grand Israël) aux Arabes et aux Musulmans, le Général a ajouté que tout devrait être fait pour arrêter les gens de Washington. Plus que jamais, on se sent justifié de répéter qu’aucune jeune vie américaine ne devrait jamais être sacrifiée pour une telle stratégie mondiale exclusiviste et impérialiste. Aucune jeune vie américaine ne devrait jamais être sacrifiée pour un temple illégitime en pierre. Peut-être faudrait-il dire aux jeunes Américains qu’ils ont un droit internationalement reconnu de refuser d’obéir à des ordres inhumains. Se déclarer objecteur de conscience est également une voie légitime. Bien entendu, les frontières sud ou nord des États-Unis pourraient encore jouer leur rôle pour protéger la dissidence politique, comme elles l’ont fait pendant la guerre du Vietnam.

Deuxièmement, la dangereuse dérive d’Israël vers un État ouvertement raciste et théocratique est maintenant brutalement inscrite dans une série de pseudo-faits accomplis dangereux tels que le massacre génocidaire de Jénine et les “murs de l’apartheid”. Tout cela se fait avec la complicité active et le financement des forces exclusives judéo-fascistes des États-Unis et de l’Europe. L’État d’Israël est maintenant en faillite morale et économique. Sans l’aide complice des forces exclusives des États-Unis et de l’Union européenne (qui offrent chacune environ 3 milliards de dollars d’aide militaire et financière malgré leur propre crise économique), Israël apparaîtrait comme un État-ghetto pathétiquement assisté, s’enfermant pathologiquement dans une fortification murée au lieu de s’ouvrir à la région environnante. Une région qui pourrait lui offrir une sphère de prospérité mutuelle si seulement il se retirait au-delà des frontières internationalement reconnues de juin 1967. Malgré les avertissements précoces, les “élites israéliennes” ont massivement choisi le nietzschéisme philosémite et une version amnésique et mercantile de la Shoah au détriment de la véritable Histoire et de la Mémoire, de la Résistance et de la Déportation, c’est-à-dire la mémoire anti-exclusiviste par excellence. Il semble qu’exiger que l’on reconnaisse aux Juifs le droit d’être ordinairement aussi bons ou aussi mauvais que n’importe quel autre groupe sur Terre ne soit pas considéré comme une stratégie juste par les sionistes de droite, car cela conduirait nécessairement à considérer les Juifs comme des êtres humains égaux et donc à condamner toute sorte de prétention pseudo-élitiste, que ce soit sous la forme du nietzschéisme, du fascisme ou de l’exclusivisme sioniste. L’actuelle réhabilitation honteuse de Nietzsche, Wagner, Ezra Pound, Céline et consorts (surtout en Israël) n’est pas une simple coïncidence : il s’agit d’un plan planifié et mis en œuvre avec force en faveur d’un “retour” à une société théocratique, sexiste et castratrice. Le souhait ouvertement théorisé d’un “nouveau Pearl Harbor” (1) par des gens comme Rumsfeld, Wolfowitz, Perle et autres, suivi des événements du 11 septembre et de leur instrumentalisation ultra-rapide, n’est pas non plus une coïncidence. Cette instrumentalisation a permis aux sionistes américains de droite de désorienter la population américaine et d’imposer un compromis barbare entre sécurité et libertés civiles (2) copié sans autre justification valable d’un Etat d’Israël raciste et colonial. Dans quelques années, les citoyens américains rougiront d’embarras lorsqu’ils liront que leur pays a illégalement détenu “incommunicado” plus de 600 personnes pendant plus de deux ans à Guantanamo sans preuves, sans jugement et sans aucune procédure régulière ; ils rougiront quand ils comprendront que la guerre contre les Talibans était illégale, ce qui ne constitue pas une raison valable pour attribuer à l’ennemi un faux statut de “combattants ennemis”, le privant ainsi de toute protection légale et internationale et le laissant à la merci des mêmes dirigeants de Washington qui n’ont pas hésité à massacrer des prisonniers de guerre à Kunduz et Mazar e-Sharif ; ils rougiront quand ils comprendront que ces dirigeants ont choisi la base offshore de Guantanamo (et d’autres bases offshore de ce type) comme stratagème extraterritorial pour échapper à la portée de la constitution américaine et à la vigilance de ses citoyens ; en effet, ils rougiront quand ils comprendront que la peur manipulée leur a fait accepter des passeports de couleur, les passeports jaunes étant maintenant attribués comme des “étoiles” négatives aux citoyens américains islamiques ! Ce compromis entre sécurité factice et libertés civiles sent la version sioniste de droite du Grand Ordre Inquisitorial de Dostoïevski et sert clairement à lancer et maintenir une guerre de civilisation permanente dirigée, en apparence, contre le terrorisme islamique mais en réalité dirigée contre toutes les forces anti-impérialistes du monde occidental ou musulman, et à l’intérieur des Etats-Unis eux-mêmes. (Comme nous le savons, une “guerre” contre une menace diffuse telle que le terrorisme est, en soi, une absurdité. La lutte contre le terrorisme est une fonction stricte de la collaboration entre les différentes “forces de police” du monde entier. Après le 11 septembre, les États-Unis ont rapidement obtenu le consentement unanime pour une telle lutte policière multinationale contre le terrorisme. Néanmoins, les États-Unis et leur mentor exclusiviste et directeur de conscience, Israël, ont choisi la “guerre” simplement parce que seul un tel état de guerre artificiellement maintenu pouvait justifier la mobilisation par la peur du public américain et donc la législation ultérieure de mesures spéciales qui ont le potentiel de restreindre de façon permanente les libertés et les droits fondamentaux. L’incapacité des élites américaines actuelles à faire la lumière sur leur collaboration précoce avec Al-Qaïda et l’Arabie saoudite (en Afghanistan et au Kosovo (4), entre autres) ne fait que refléter leur incapacité ultérieure à expliquer la suite d’échecs de Norad ce même jour fatidique (Norad est normalement capable et habilité à intercepter tout objet mobile dans l’espace aérien nord-américain avec un préavis de quelques minutes ! ) ou l’absence de volonté de rendre compte du fait que les avertissements précoces des services de renseignement égyptiens n’ont pas été pris en compte ou de divulguer publiquement les mouvements de fonds bien connus concernant les tours jumelles et les sociétés privées associées, ou encore d’expliquer de manière adéquate l’élimination rapide et sans enquête appropriée du matériel prélevé sur le site dit de Ground Zero (bien qu’il faille garder à l’esprit l’incident du golfe du Tonkin et le Watergate, je ne prêche pas ici en faveur d’une “théorie de la conspiration”. Je dis simplement que lorsque les institutions ne font manifestement pas le travail qui leur est confié, il c’est le rôle des citoyens de leur demander des comptes, en particulier des citoyens appartenant aux familles des victimes qui méritent de connaître tous les faits). Les Etats-Unis risquent aujourd’hui de dériver concrètement vers ce que certains ont appelé avec justesse un “fascisme souriant”, tout en vivant encore sur les illusions d’une démocratie établie et dotée de libertés civiles classiques. En réalité, cette “démocratie” risque aujourd’hui de conserver autant de validité que le “marché concurrentiel parfait” relatif aux boutiquiers du coin ou que le proverbial cerisier – cherry tree – républicain a pu en conserver après la transformation des entreprises familiales en entreprises nationales puis multinationales (comme l’a expliqué de manière descriptive le regretté Stephen Heymer) . Cette dérive va s’aggraver à mesure que la surcapacité et la sous-consommation qui caractérisent le capitalisme américain indûment extraverti, aujourd’hui victime de ses propres médecines néolibérales et néoconservatrices, évoluent vers un nouveau “capitalisme sauvage”. Les citoyens américains qui ont été autrefois capables d’imaginer et de mettre en œuvre le New Deal méritent mieux.

Troisièmement, les avertissements formulés dans mon article “Archéologie, anastylose et guerre idéologique” n’ont pas été vains. Aujourd’hui, le pauvre professeur Shanks et d’autres comme lui apparaissent, au mieux, comme de vieux fous crédules. Il a été prouvé que l’ossuaire de Jacques, frère de Machin, était un faux (3). L’archéologie israélienne a malheureusement produit de nombreux exemples de ce genre dans le passé, en fait trop, tout simplement parce que cette “industrie” sert largement l’idéologie d’un État qui revendique désormais ouvertement sa définition raciste et théocratique d'”État juif”.  Un État qui s’active à forger une mythologie nationale et mondiale exclusiviste et théocratique. Ce choix idéologique de l'”État juif” n’est pas seulement une trahison de l’Histoire complexe et cosmopolite du peuple juif, c’est aussi un cri de guerre pour l’établissement d’Eretz Israël, c’est-à-dire un Grand Israël défini de manière raciste qui serait nécessairement en guerre permanente avec tous les autres États du Moyen-Orient et avec toutes les forces véritablement laïques et démocratiques du monde entier, y compris en Israël. L’ensemble du projet relève de la démence chauvine : il suffit de jeter un rapide coup d’œil rationnel aux antécédents des Genèses et d’autres textes bibliques déjà présents dans l’Épopée de Gilghamesh et d’autres documents mésopotamiens anciens pour comprendre pourquoi…  

Le saccage du Musée de Bagdad et des bibliothèques irakiennes (malgré les avertissements énergiques de certains d’entre nous) sous les yeux indifférents des forces d’occupation américaines, qui étaient au contraire en train de prendre possession et de protéger le Ministère du Pétrole, renforce le sentiment que les forces nietzschéennes ne reculeront pas devant les manipulations les plus scélérates pour falsifier ou nettoyer toute preuve historique (religieuse ou séculaire) qui détruirait leurs propres “constructions narratives” religieuses et historiques stupides et criminelles. Leur objectif est de détruire la base même de la pensée rationnelle et critique, tout simplement parce que la pensée rationnelle et critique est l’ennemi naturel de toute idéologie purement fondée sur le poids d'”autorités” auto-sélectionnées et de la “médiocrité” cultivée, toutes deux défendues par un monopole jalousement préservé de la force brute (y compris les armes nucléaires et autres armes de destruction massive). Les bombardements et l’occupation de la Palestine, de la Yougoslavie et de l’Irak, tout comme le saccage du musée de Bagdad, constituent véritablement le bombardement et le saccage du “libre arbitre” et des droits individuels et collectifs qui appartiennent naturellement aux citoyens à part entière partout, y compris au sein des États-Unis et d’Israël. L’obscurantisme et la régression sous toutes leurs formes doivent être promptement rejetés. La “palestinisation” du monde entier aussi. En fin de compte, nous savons depuis William Blake que le “diable” rit dans le Paradis de Milton. Troquer John Locke et Thomas Paine pour l’illusoire première ou seconde venue du Sauveur n’a jamais été la meilleure façon d’inaugurer son arrivée, ni d’honorer son exemple, comme l’illustre parfaitement la longue histoire des mouvements millénaristes. Il n’est pas digne des États-Unis d’Amérique de devenir l’instrument volontaire du “fascisme souriant” et de l’exclusivisme.

L’avertissement du général Clark concernant l’extension probable de la guerre au Moyen-Orient n’est pas un commentaire isolé. De nombreux observateurs reconnus sont d’accord. J’ai montré à plusieurs reprises dans le passé que cela correspondait au projet même des sionistes de droite. Dernièrement, dans le numéro d’octobre 2003 du Monde diplomatique, le grand analyste militaire Paul-Marie de la Gorce a écrit : “Les États-Unis et Israël s’engagent sur une trajectoire de collision avec l’Iran. Les installations nucléaires iraniennes pourraient faire l’objet d’une frappe préventive comme en Irak en 1981, lorsqu’Israël a détruit la centrale nucléaire d’Osirak, ou bien l’Iran et la Syrie pourraient faire l’objet d’une attaque générale visant à un “changement de régime”. En soi, les programmes nucléaires ou les “bombes nucléaires islamiques” iraniens, pakistanais ou autres ne sont pas plus dangereux que le programme nucléaire israélien et les centaines d’armes nucléaires que possède Tel Aviv. Le fait est qu’Israël est le seul pays de la région qui nourrit des objectifs colonialistes à l’égard de ses voisins. Certains spécialistes sionistes de la dissuasion nucléaire, partiaux ou inintelligents, ont néanmoins soutenu naïvement que la non-prolifération absolue dans la région serait en fait le seul moyen de maintenir la paix et la stabilité, maintenant qu’Israël possède son propre arsenal nucléaire. Avec une simplicité caractéristique, ils détectent l’instabilité dès qu’ils sont confrontés à plus d’un acteur ! Pourtant, ils ont réussi à convaincre les États-Unis de penser de la même manière, malgré l’absurdité inhérente à l’argument. D’où le déversement post-URSS d’une démagogie honteuse concernant la non-prolifération. Le problème est que ces théoriciens aimables, bien qu’un peu prétentieux, oublient commodément les articles IV et VI du traité de non-prolifération. Ce traité judicieux, né des premières craintes induites par la course aux armements bipolaire initiale de la guerre froide, a imaginé un compromis intelligent contenu dans ces deux articles : les États non nucléaires renonceraient à leur droit inaliénable de produire des armes nucléaires en échange de l’aide des grandes puissances dans le développement de leurs programmes nucléaires civils et en échange d’un désarmement nucléaire progressif de ces mêmes grandes puissances. Alors que les grandes puissances n’ont jamais respecté leur part du marché, elles prétendent maintenant imposer des conditions “supplémentaires” à des pays importants comme l’Iran ! Plus important encore, il n’y a aucune preuve que le nombre en soi favorise l’instabilité et la confrontation. Au contraire, il a été démontré que la parité et la pondération de l’opinion publique conduisent à la détente et donc à un processus allant progressivement des contacts diplomatiques institutionnalisés, à l’instauration de la confiance, au contrôle et à la réduction des armements et éventuellement à un désarmement potentiel assuré par des inspections mutuellement intrusives. En outre, le cas du Pakistan et de l’Inde montre de manière convaincante que la dissuasion fonctionne, même dans des conditions très tendues : les puissances nucléaires sont beaucoup plus susceptibles de se comporter de manière responsable simplement parce que l’idiome nucléaire leur impose de le faire afin d’éviter des accidents mortels. C’était et c’est toujours le cas entre les grandes puissances elles-mêmes, avec des rechutes momentanées d’une Amérique agressive et millénariste rêvant de guerres dangereuses contre des empires maléfiques fabriqués de toutes pièces. C’était le cas entre Israël et l’Égypte, puisque seul un soutien américain de dernière minute a sauvé Israël de l’offensive égyptienne d’octobre dans le Sinaï, qui a conduit à la paix et à la restitution complète du Sinaï aux Égyptiens, y compris la restitution de Taba et des réserves de pétrole du Sinaï. En fait, l’unipolarité et l’arrogance régionales et mondiales restent les facteurs d’instabilité les plus redoutables et les plus prévisibles.

La conclusion est claire : à moins qu’Israël ne se retire derrière ses frontières de juin 1967, ses armes nucléaires ne lui apporteront aucune paix et ne lui épargneront pas, ainsi qu’au monde, une course aux armements régionale. En fait, cette course est actuellement menée pour parvenir à un tel résultat en l’absence d’un règlement politique reposant clairement sur les lois internationales. Un règlement qui aurait dû être imposé depuis longtemps par la communauté internationale puisqu’il est entièrement contenu dans une série de Résolutions de l’ONU, notamment les résolutions 242, 338 et 194. Depuis le 11 septembre et l’énonciation de la doctrine des guerres préventives qui a suivi, nous savons tous ce que les sionistes chrétiens et juifs de droite recherchent vraiment : des guerres de civilisation permanentes, qu’ils rêvent de mener dans une position de puissance asymétrique écrasante. Ce paradigme lunatique a déjà été démystifié par la Résistance irakienne, qui partage pleinement les idéaux de souveraineté et d’indépendance de Paine. En fin de compte, ce rêve millénariste de la droite sioniste conduira à la défaite d’Israël et à la défaite de ses stupides bailleurs de fonds américains. Les États-Unis d’Amérique auront gaspillé inconsidérément l’opportunité de l’après-guerre froide de faire fonctionner l’ONU selon sa propre Charte et donc de légitimer leur position toujours privilégiée dans le monde grâce à ce cadre multilatéral indispensable. À ce moment-là, mes mises en garde contre l’utilisation pré-rationnelle des “agneaux sacrifiés” par des foules désorientées et des “élites” en danger deviendront aussi utiles que mes mises en garde actuelles contre les agressions injustes, coloniales et exclusivistes. Ma conscience, cependant, comme la conscience de tous les partisans qui résistent à toute sorte de fascisme, sera claire, sinon en paix.

Paul De Marco,

Copyright La Commune Inc © Early October 2003. Traduction octobre 2021.

Notes :

1 ) Comme nous le savons tous, les sionistes de droite comme Wolfowitz, Perle, Pipes, etc. ont joué un rôle important dans la conception du rapport Rumsfeld publié le 11 janvier 2001, lorsque la “crainte” d’un “nouveau Pearl Harbor” a été à nouveau exprimée. (voir P.S Golub, America’s imperial longings, http://ondediplo.com , juillet 2001. La version française est disponible gratuitement sur www.monde-diplomatique.fr, juillet 2001) L’idée était précisément qu’un tel évènement pouvait se produire et devait être anticipé par les planificateurs stratégiques. Le contexte était également parfaitement clair. L’administration était parfaitement au courant des subtilités entourant la première attaque “blowbacks” contre le World Trade Center. De longues procédures judiciaires avaient montré les différents plans et alternatives envisagés par les attaquants emprisonnés, y compris l’utilisation d’avions. Les personnes impliquées étaient les premiers “blowbacks” islamiques mortels. Ils étaient bien connus des services de renseignement américains et du Mossad, tout comme leurs organisations groupées et lâches et la plupart de leur personnel, puisqu’ils avaient déjà été utilisés par les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite dans leur lutte contre l’USRR en Afghanistan, puis en Tchétchénie et au Kosovo. L’Histoire dira ce que les sionistes de droite savaient eux-mêmes du 11 septembre. Mais l’Histoire dit déjà une vérité simple : la rapidité avec laquelle ces sionistes ont tiré parti du 11 septembre pour mettre en œuvre leur propre programme impérialiste et néo-templier (malgré les promesses électorales républicaines antérieures) est sans égal, à l’exception peut-être de la rapidité avec laquelle les experts médiatiques serviles et les faiseurs d’opinion publique chantent la même chanson avec une uniformité impressionnante ! Les citoyens devraient peut-être exiger que tous les candidats à la présidence s’engagent sans ambigüité à créer une équipe totalement indépendante investie de tous les pouvoirs d’enquête pour examiner soigneusement cette affaire et laisser au Congrès et aux familles des victimes le soin de choisir les enquêteurs.

On peut également rappeler que les chrétiens de droite et les sionistes juifs les plus en vue autour de Rumsfeld faisaient partie ou étaient proches de la Commission sur le danger actuel – Committee on the Present Danger -, qui était l’un des principaux groupes de réflexion de la contre-révolution reaganienne. Leur concept principal était que les dirigeants de l’USRR, comme tous les communistes, étaient, au fond, des humanistes invétérés : si on leur offrait le choix entre une retraite ou une catastrophe assurée pour leur peuple, ils choisiraient la retraite. (En fait, ces dirigeants n’ont jamais compris la clarification du concept par Althusser, ni beaucoup d’autres choses que ce grand théoricien marxiste avait minutieusement clarifiées). L'”endiguement” pouvait alors être remplacé sans risque par le “refoulement”, l’objectif étant d’obtenir la “victoire” sur l’adversaire. Ils avaient gagné la bataille psychologique, malgré les analyses de Staline et de Mao ! L’interprétation de la crise des missiles de Cuba par la Harvard School of Administration (vous vous souvenez de Graham Allison ?) semblait confirmer cette interprétation puisqu’il était dit que les Soviétiques avaient “cligné des yeux les premiers” (tout en oubliant commodément le rôle de Robert Kennedy dans le choix adroit entre les offres consécutives russes et le compromis entre les missiles soviétiques à Cuba et les missiles américains en Turquie). Ce jeu dangereux n’aurait pas pu être joué avec la “manipulation de l’irrationalité” prudente de Mao et sa volonté de défendre l’indépendance de son pays et de sa classe. En fin de compte, ce qui importait, c’était le calcul de MacNamara. Celui-ci consistait dans le fait qu’avec un PIB inférieur de moitié à celui des États-Unis, l’URSS ne pouvait pas suivre la nouvelle course à l’armement américaine (la “guerre des étoiles” et le déploiement des euromissiles en Allemagne). En outre, la bataille aérienne encore occultée de 1983 entre les États-Unis et l’URSS au large de la côte pacifique soviétique avait révélé les faiblesses administratives de l’armée soviétique. Dans une présentation inversée caractéristique, les sionistes de droite ont continué à dire que l’URSS devait être affrontée avec une force déterminée car il s’agissait d’un “Empire du Mal” qui voulait dominer le monde. Malheureusement, l’Afghanistan, la première et unique incursion des troupes soviétiques en dehors du bloc de l’Est (établi à Yalta) semble leur donner raison. Mais l’accusation préventive inverse est toujours utilisée contre un Al-Qaïda largement illusoire et l’ensemble du monde islamique. La fausse “menace terroriste islamique” mondiale étant nécessaire pour recréer un “ennemi” artificiel qui pourrait justifier la “mobilisation” de la plupart des ressources nationales par le “complexe industrialo-militaire” (selon la formulation pertinente du général Eisenhower) au lieu de les utiliser pour renforcer l’État providence américain lancé par FDR et rapidement diminué par le guerrier de la guerre froide, Truman. Toute personne sincèrement opposée au développement des armes nucléaires sous un contrôle international strict devrait avoir la décence d’exiger d’abord le désarmement du chétif et colonial Israël et, ensuite, d’exiger des grandes puissances un respect pointilleux des articles IV et VI du traité de non-prolifération. En l’état actuel des choses, les États-Unis refusent de signer et de respecter la plupart des avancées civilisationnelles négociées multilatéralement. Pour ne citer que quelques exemples en dehors du Traité de Non-Prolifération, ce refus américain concerne le droit de la mer (tué par Reagan), les mines terrestres, la CPI, Kyoto et la FAO (dans sa tentative de déclarer un droit universel à l’alimentation).  

2 ) Alors que le président Milosevic est injustement dépeint comme un “criminel” par un tribunal partial des vainqueurs à La Haye, Madleine Albright et d’autres dirigeants de l’OTAN impliqués dans les guerres des Balkans et en particulier dans la dernière guerre d’agression contre la Yougoslavie sont autorisés à se promener librement. (pour plus de détails, voir Lutte des classes et nettoyage idéologique dans ce même site. Voir aussi www.icdsm.org  et www.free-slobo.org . En réalité, le président Milosevic n’a fait que ce que les lois internationales (lutte contre le terrorisme) et la constitution yougoslave (protection de l’intégrité territoriale et du caractère multinational du pays) exigeaient de lui. Il ne peut pas être considéré comme responsable des actes commis par des mercenaires étrangers souvent manipulés par l’Occident (notamment autour de la Serbie) et par des radicaux de droite, comme l’Histoire le sait et le dira bientôt). Il s’agit d’un autre exemple de la proverbiale “politique des deux poids et mesures” appliquée aujourd’hui sans vergogne par un “tribunal pénal international” kangourou qui est illégal du fait qu’il n’a pas été institué par l’Assemblée générale des Nations unies, comme l’exige strictement la Charte des Nations unies. Un tribunal qui choisit en outre de fermer les yeux sur l’illégalité de l’agression unilatérale de l’OTAN contre la Yougoslavie, perpétrée sans mandat spécifique préalable de l’ONU. Dans le même temps, Washington refuse de reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) instituée par les Nations unies et située à Rome. Les États-Unis sont allés jusqu’à adopter une loi visant à protéger leurs propres citoyens de la portée de la CPI, par la force si nécessaire, transformant ainsi leurs propres prétentions à l’ingérence humanitaire et à la justice pénale internationale en une ridicule mascarade.

Comme nous le savons tous, Mme Albright a eu des rapports substantiels avec Thaci, un voyou qualifié de terroriste par l’administration américaine elle-même, juste avant que Mme Albright ne décide de l’utiliser à la conférence de Rambouillet. Comme vous vous en souvenez peut-être, l’offre du président Milosevic aux Kosovars à Rambouillet était intelligente et d’une grande portée. Elle comprenait généreusement tout, notamment une autonomie presque complète au sein de la Serbie. Sans Albright et ses voyous terroristes, le Kosovo et la Serbie auraient peut-être été épargnés par la destruction qui s’en est suivie et auraient pu intégrer l’Union européenne à partir d’un point de départ plus solide et uni. Mais Mme Albright a eu le dernier mot et, ce faisant, tant les Kosovars que les Serbes et les Européens ont été affaiblis par la présence militaire américaine dans les Balkans. Ce n’était pas sans précédent puisque Mme Albright et l’administration à laquelle elle appartenait avaient encouragé les réseaux d’Al-Qaïda à aider les rebelles en Bosnie et au Kosovo. Il s’agit de la même Albright, la même réfugiée juive de Tchécoslovaquie qui a été hébergée par les Partisans yougoslaves pendant la Seconde Guerre mondiale et qui, néanmoins, était fière d’utiliser le peu de serbo-croate qu’elle avait appris à l’époque, à des fins de propagande une fois qu’elle avait décidé de partir en guerre. C’est la même Albright qui a provoqué la fuite massive des Kosovars de leur province : en effet, elle a sciemment décidé d’utiliser Thaci et ses voyous terroristes pour alimenter les craintes irrationnelles de représailles serbes en cas d’attaque américaine et qui a utilisé les bombes de l’Otan sur les infrastructures civiles du Kosovo (et occasionnellement sur les colonnes de réfugiés kosovars désorientés) sous le prétexte fallacieux qu’elles auraient pu être utilisées par l’armée yougoslave. C’est la même Albright qui a utilisé le mot “génocide” pour caractériser cette fuite massive tout en refusant d’arrêter les bombardements aériens afin de permettre le retour des Kosovars dans leurs foyers comme l’avait proposé le président Milosevic. C’est la même Albright qui a refusé d’intervenir au Rwanda alors qu’un véritable génocide était en cours et aurait pu être arrêté. Comme tout le monde le sait (sauf peut-être Stephen Lewis et certains de ses collègues), sa décision criminelle de ne pas agir a obligé le président Mitterrand à faire cavalier seul et à créer temporairement une zone de sécurité au Rwanda pour aider à arrêter le massacre.

Ce sont des faits bien connus, bien documentés et irréfutables. Pourtant, si vous essayez de le dire dans des forums tels que “international-pupil-and [email protected]” de Yahoo, vous serez immédiatement rayé de la liste, car la démocratie et la liberté d’expression dans un régime capitaliste n’existent que dans la mesure où elles sont tolérées par les propriétaires privés qui ont accès à la plupart des postes et des moyens de diffusion de masse des idées (comme l’a clairement montré feu le juif canadien Izzy Asper avec sa “politique éditoriale” caractéristique, préfigurant une nouvelle ère théocratique où le Temple monopoliserait et dicterait toutes les informations “autorisées”). Avec la sécurité intérieure, ce contrôle absolu des flux d’information fait partie des éléments intérieurs de la doctrine de la guerre préventive. Il fait naturellement aussi partie de la guerre de Richard Pipes contre les campus, une nouvelle et pathétique interprétation du Maccarthysme, c’est-à-dire de la délation généralisée, idéologiquement motivée et de l’intimidation brutale. Le forum étudiant de Yahoo et d’autres comme lui devraient être testés en masse par les étudiants et forcés à être impartiaux ou à être discrédités de façon permanente. Sinon, la liberté et la démocratie préventives exigeraient un boycott complet de ces forums appartenant à des entreprises et l’organisation de listes de diffusion parallèles en dehors de ces forums et de leurs lieux commerciaux. La liberté d’expression est un ingrédient nécessaire à la dissidence pacifique et à la désobéissance civile pacifique. Elle doit être continuellement défendue partout, de peur que nous ne soyons prêts à envisager la lente disparition de tous les “espaces publics démocratiques”.  

3 ) Voir, par exemple, “Experts say ‘James Ossuary’ a fake” (18 juin 2003) et “Experts dispute ossuary findings” (19 juin 2003), tous deux publiés dans Inheglobeandmail.com. L'”inscription Yoash” censée se rapporter au Temple de Salomon a également été déclarée fausse. Comme nous le savons tous, il n’existe à ce jour aucune preuve historique et archéologique authentique attestant de l’existence historique de ce temple. Un bon argument pour une guerre de civilisation permanente ? Les sionistes de droite oublient commodément que Salomon a dû élaborer une trahison calculée pour tuer les Grands Prêtres afin de construire son Temple vénal et ainsi légitimer l’expropriation du peuple juif par l’établissement d’une Monarchie ! Ce qui est une étrange façon (rabbinique, jésuitique ou nietzschéenne ?) de prouver sa foi et sa crainte de Dieu !  4 ) Il est bien connu que la CIA, l’Arabie Saoudite et le Pakistan ont conceptualisé, financé et entraîné l’insurrection afghane contre les Soviétiques. Les États-Unis ont fourni la réflexion stratégique et les armes (par exemple Brzezinski et al. sur l’Asie centrale), les Saoudiens ont fourni le financement et le fondamentalisme religieux et les services de renseignement pakistanais ont fourni la formation, les contacts et les sanctuaires. Chacun essayait de jouer le jeu à son avantage.  Ainsi, les États-Unis ont généreusement offert le missile sol-air Stinger, c’est-à-dire qu’ils ont fourni l’arme adaptée calculée pour modifier l’équilibre stratégique et tactique des forces sur le terrain, compte tenu de l’environnement physique et social du pays et de la nature du champ de bataille (ce que les Arabes et les Iraniens n’ont pas compris depuis). Comme nous le savons tous, les grandes puissances ont des alliés mais pas d’amis : les États-Unis contrôlaient le flux des Stingers et pouvaient l’arrêter entièrement à volonté, comme ils l’ont d’ailleurs fait depuis. En effet, avec l’aide de Ben Laden, ils ont décidé de détruire le régime des Talibans et leurs terrains d’entraînement désormais dangereux (la complicité de Ben Laden avec la CIA est prouvée et documentée au-delà de tout doute jusqu’au tout début de la guerre d’Afghanistan, lorsqu’il a rencontré un agent de la CIA dans un hôpital du Golfe, probablement pour rassurer ses maîtres sur la destruction totale des missiles Stingers restants, laissant ainsi les talibans sincères, une proie facile pour la stratégie tactique de la “boîte à tuer” – killing box). L’Arabie saoudite a fourni les fonds et sa version wahabbite du Coran avec le même zèle qu’elle a fourni pour la construction de nombreuses mosquées dans l’ancienne Asie centrale soviétique, avec la complicité active de la cinquième colonne eltsinienne (parmi laquelle les juifs russes Beresovski et Gussinski) qui a activement pensé à la destruction de la Fédération de Russie par les mêmes moyens que ceux utilisés pour détruire l’URSS, à savoir la manipulation abjecte de la question nationale, notamment en Tchétchénie.     Les Saoudiens ont probablement aussi essayé de contrôler l’abondant approvisionnement en pétrole de la région en diffusant leur propre idéologie religieuse et en finançant les infrastructures sociales et éducatives des extrémistes. Le Pakistan, pour sa part, en était venu à considérer l’Afghanistan comme sa propre chasse gardée et sa “profondeur stratégique” en raison de ses escarmouches incessantes avec son voisin indien au sujet du Cachemire, un voisin qui possède lui-même des armes nucléaires. La CIA était soutenue par la “base” libre de Ben Laden, connue sous le nom d’Al-Qaïda, la même organisation qui est devenue active en Tchétchénie, en Bosnie et au Kosovo ainsi qu’en Afghanistan (comme le savent très bien Izetbegovic, Thaci, Albright, Badinter, Kouchner, Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann). Le 11 septembre a changé la nature du jeu stratégique : l’objectif n’était plus l’endiguement de l’URSS ou le nettoyage idéologique de la Yougoslavie socialiste par une manipulation “nihiliste éveillée” du fondamentalisme islamique, mais l’établissement de l’empire sioniste chrétien et juif, y compris sur Haram al-Sharif, à Jérusalem-Est. À ce stade, seuls les seconds violons sionistes arabes et islamiques pouvaient être tolérés. Les soldats sincères, bien qu’induits en erreur, pourraient être sauvagement éliminés et même tués par suffocation dans des “wagons fermés”, comme ce fut le cas à Kunduz. (tandis que les “élites autorisées” occidentales et leurs médias serviles s’affairaient à transformer l’histoire de l’Holocauste en un nouveau catéchisme vénal destiné à légitimer le nouvel impérialisme théocratique sioniste de droite !)        

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