Commenti disabilitati su La France et les Jobs et Social Acts italiens: De te fabula narratur !

(Pour se consoler et reprendre des forces pour rester tous ensemble « debout »: C’est la canaille et bien j’en suis ! https://www.youtube.com/watch?v=cEKXjHyaUio ; C. Nougaro, Paris mai, https://www.youtube.com/watch?v=ue5GYn4GVUs ; Maxime Le Forestier, Entre 14 et (40) ans, https://www.youtube.com/watch?v=UaaPa3KK8q4; Léo Ferré, Madame la misère, https://www.youtube.com/watch?v=0JcuE2KDcfc ; le film Queimada, https://www.youtube.com/watch?v=JBrg5tcWMk4, etc )

J’ai posté récemment dans le Blog D’Ugeux un commentaire dénonçant la confusion marginaliste concernant l’intérêt et l’intérêt spéculatif, partant l’économie réelle et l’économie spéculative actuelle. (Voir ce commentaire reproduit plus bas en Annexe.) On me réplica que «  Crédit bancaire et produits dérivés existent depuis 8 siècles car ils étaient pratiqués par les grandes banques génoises en 1200. » Les Chinois utilisaient déjà le papier monnaie lorsque Marco Polo arriva sur place mais cette monnaie ne faisait pas de la Chine un pays capitaliste pour autant. Marx souligne que la monnaie est un rapport social qui évolue avec l’Histoire.

On sait depuis la plus haute Antiquité, et pour le monde moderne depuis la monade de Giordano Bruno, qui influença Spinoza et Marx malgré la tentative régressive du rosicrucien Leibniz , que les formes historiques comptent. Cela vaut tant pour le hedging classique, évoluant selon les taux de change, que pour les montages modernes plus complexes connus sous l’appellation de produits dérivés, que pour les formes de l’intérêt, du crédit ou encore du travail et de l’extraction de la plus-value. Il n’est pas indifférent de savoir si l’intérêt correspond ou non à un régime de spéculation hégémonique. Autrement, on donne une vision du monde à la Flintstone ou Pierrafeu sans savourer la naïve mais efficace critique  portée par cette BD à l’encontre de la société consumériste capitaliste américaine et partant occidentale. Bref, les échanges sont toujours présents dans les sociétés humaines sujettes à la division sociale du travail mais n’ont pas toujours la forme des échanges capitalistes.

Il en va de même pour les formes assumées par le travail humain. Dans ce domaine, comme malheureusement dans tant d’autres, l’Italie, bien plus que la récalcitrante Grèce, se pose en modèle, ou pour mieux dire en laboratoire, de la présente régression sociale néo-nietzschéenne.  Ce pays a été le premier à traduire les âneries patentées de Jean Tirole pour les rendre légalement opérationnelles, de sorte que le « contrat unique » de ce micro-économiste sans macroéconomie – ce qui est, à proprement parler, extra-ordinaire – est devenu  le Jobs Act. Bien entendu, acculturation oblige, désigné en anglais dans le texte. Le constat est cruel : il suffira de souligner que le Jobs Act n’a guère créé d’emploi CDI mais a plutôt substitué des contrats aux emplois pour profiter des fortes exonérations octroyés par l’Etat. (1) Ces dernières ayant diminué depuis le début de l’année, ces créations de pseudo-CDI avec licenciement à gogo ont immédiatement chuté de 39 %. (2)

Mais ce n’est pas tout, ces âneries tiroliennes traduites en italien ont fait exploser la précarité : il y a maintenant 1,4 millions de travailleurs hyper précarisés et le total des vouchers se chiffre à l’équivalent de 57 mille emplois en CDI ! (3) Or, comme chacun sait, grâce à la définition du chômage selon le BIT, les vouchers à 10 euros de l’heure permettent de masquer les vrais chiffres de l’emploi. Le taux de la population active en Italie était de 55,7 % en 2014, inférieure à la moyenne de la zone euro de 63,9 % pour la même année, elle-même inférieure au niveau d’avant 2008. (4) Bref, si une heure de travail par mois suffit pour ne pas être désigné comme chômeur, l’avenir tirolien-italien sera radieux : en changeant la définition à ½ heure, on pourra facilement viser 2,8 millions de nouveaux « travailleurs » à coût égal. En conséquence, le coût du travail sera sensiblement identique à celui d’un travailleur de Shanghaï, encore que un peu trop élevé … Le système est bien rodé, je n’invente rien puisque la contreréforme reaganienne consista précisément à diviser les emplois à temps plein en emplois précaires pour faire du chiffre. En fait, avec la RTT, les travailleurs français travaillaient 39 h de facto dont 4 heures payées en heures supplémentaires, alors que les travailleurs américains avec une semaine légale plus longue ne travaillaient que 33,8 heures réelles en 2004, souvent en galérant avec deux, voire trois, « jobs » précaires. (5)

Tant pis pour l’effet néfaste de cette déflation salariale sur la productivité réelle, et surtout sur la demande interne, et tant pis pour le fait que la politique de l’offre est néfaste à tous les points de vue. Elle donne la priorité aux investissements privés alors qu’aujourd’hui les trésoreries des entreprises regorgent de cash d’une surproduction occidentale allant de pair avec un gaspillage systémique couplé avec la sous-consommation des masses, surtout en matière de besoins essentiels. Or, l’Insee note à juste titre que cette politique d’investissement produit une extroversion du Multiplicateur économique beaucoup plus grande que celle induite par une politique de la demande. Surtout si cette dernière est axée sur les services publics. La preuve en fut faite par le Plan de stimulus fédéral américain ensuite malheureusement remplacé par l’hégémonie unilatérale de la politique monétariste pratiquée par la FED.

Mais les choses s’aggravent en Italie puisque, en toute cohérence logique, au Jobs Act sera bientôt ajouté un Social Act. (6) Nous avions prévu ceci depuis longtemps, à savoir que la généralisation de la précarité détruirait tant les cotisations sociales que l’assiette fiscale de l’Etat, menant ainsi au remplacement de l’assurance sociale, vécue comme un droit citoyen, par l’assistance sociale et le caritatif privés, y compris les dérives idéologiques inventées pour faire passer la pilule. (Se reporter, par exemple, à mon article « Le lit du néo-fascisme » dans la section Fascisme-Racisme et Exclusivisme  du site www.la-commune-paraclet.com ).

Nous y voici donc. Dans ma ville San Giovanni in Fiore, ville étroitement associée au grand abbé calabrais Joachim de Flore, le concepteur de la sécularisation de l’Esprit donc de la conception moderne de l’Histoire telle que développée par Vico et Marx, la municipalité a anticipé cette régression sociale. Illégalement selon moi. Sous la poussée du mouvement des chômeurs et précaires de la ville – Gli Invisibili – elle fut contrainte de rétablir les mesures de soutien social. Malheureusement, elle le fit dans la logique du Social Act en passe de rédaction par le gouvernement central.

Cela donne la barbare absurdité suivante : les ayants droit devront être en dessous du seuil de 3000.00 euros de revenu – et 5000.00 euros d’avoirs immobiliers – pour un foyer ( !), je dis bien « pour un foyer» . Un tel seuil est calculé pour exclure d’office plus de 75 % des ayants droit potentiels. Il est très en deçà de la définition de la pauvreté absolue, normalement estimée à 60 % du salaire médian, et contrevient frontalement aux politiques européennes en matière de lutte à la pauvreté et en faveur de l’intégration  sociale. Selon l’Istat en 2014 la pauvreté absolue touchait 5,7% des familles soit 6,8% de la population résidente alors que la pauvreté relative concernait 10,3 % des familles pour 12,9% des personnes résidentes. (7)

Pourtant, en dépit des très fortes inégalités anticonstitutionnelles qui le caractérisent, le pays reste très riche. Selon la Cour des Comptes les dépenses fiscales – tax expenditures – se montaient à 254 milliards d’euros en 2014 à quoi s’ajoutait une évasion fiscale (sous)estimée pour un montant quasiment identique. (8) Et ce n’est pas tout ! Il convient d’ajouter la gabegie philosémite nietzschéenne – « squandering » selon une certaine Tradition inégalitaire? – souvent électoraliste de ce gouvernement Renzi-Gutgeld. En plus des 80 euros gracieusement octroyés à des travailleurs dont les contrats collectifs n’ont pas été renouvelé depuis 7 ans (plus de 10 milliards par an) (9), notons les 18 milliards inutilement dilapidés jusqu’ici dans le cadre du Jobs act (10), les autres 4 milliards dilapidés pour abolir la taxe foncière au bénéfice des 2/3 des familles plus riches qui la payaient encore (11) et les milliards correspondant aux autres exonérations – ires, irap, suramortissement à 140% – dont bénéficient des entreprises (12) peu compétitives – plus de 90 % ont 10 ouvriers et moins – avec des conséquences désastreuses sur les cotisations sociales et sur la fiscalité locale. Cette dernière a cru de 22 % en 2014. Tout ceci sans oublier les détractions fiscales pour une partie des dons pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros dans le cadre de la loi électorale dite Italicum, qui transforme ainsi de facto les partis politiques en vulgaires lobbies pour les 10 % les plus riches.

Soulignons qu’avec une portion de cet argent, aujourd’hui littéralement jeté par la fenêtre, l’Italie aurait pu se payer allègrement une RTT à 32 h., ce qui lui aurait permis de sortir de la crise tout en rétablissant l’ensemble des secteurs publics. Je rappelle que la RTT de la « gauche plurielle » n’avait coûté que près de 23 milliards d’euros et qu’elle fut un succès à tous les points de vue. En effet, elle permit la baisse du taux de chômage de plus de 10 % à moins de 8 % ; la dette nationale fut réduite à 59 % du PIB, soit un point de moins que le critère de Maastricht correspondant ; le Trou de la Sécu fut quasiment éliminé alors que se développait spontanément en France une nouvelle sociologie du loisir. Le tout en seulement deux années !

Ce seuil social misérabiliste crée les conditions « institutionnelles » du travail au noir car il favorise inévitablement les diverses mafias et la corruption rampante qui empoisonnent déjà le territoire, et le plongent dans la logique du « développement du sous-développement ». Car le travail au noir devient incontournable, ne serait-ce que pour assurer la plus stricte survie des foyers ; et encore avec l’aide de la charité confessionnelle financée par l’impôt (8 pour mille). D’ailleurs, les effectifs policiers ont été systématiquement abaissés surtout là où la corruption est la plus rampante ; il en va de même pour les inspecteurs du travail qui souvent n’ont pas de carburant pour circuler dans un pays qui compte plus de 3 accidents du travail mortel par jour. En outre, le document municipal incriminé soumet le droit à cette aide sociale au montant dérisoire prévu dans le budget municipal dans une ville officiellement en faillite, ce qui contrevient tant à la Constitution qu’au statut régional ainsi qu’à toutes les lois connues jusqu’ici, pour ne rien dire de la décence sociale. Aucun citoyen ne peut être légalement abandonné sans ressources adéquates.

Aux citoyennes et citoyens français le cas italien semble clamer le mot d’avertissement employé par Marx dans la préface du « Capital » Livre I : De te fabula narratur !

Les député-e-s européens devraient se saisir de cette affaire d’urgence et dénoncer ce scandale social et avant tout culturel. En effet, comment peut-on en arriver à concevoir de tels seuils obscènes en violation de tous les droits individuels et sociaux reconnus dans nos Etats et au niveau européen? Au demeurant, ces seuils violent frontalement la logique des fonds FSE, qui sont ainsi largement détournés en faveur d’un pseudo-secteur privé qui paie des salaires ne méritant pas ce nom mais qui est en revanche capable de pourvoir au cofinancement pour accéder aux juteux fonds européens.

Ajoutons que l’absence de toute planification stratégique d’Etat conjuguée avec l’utilisation des fonds selon une logique de projets privés, qui sont au mieux insérés dans des thèmes de développement européens, augmente leur dispersion et leur gaspillage. Naissent alors des cathédrales dans le désert dont l’activité ne dure que le temps du financement, soit quelques années tout au plus ; ensuite ces projets sans lendemain ajoutent à la dégradation du territoire après avoir justifié une sur-utilisation des terrains encore disponibles. Des audits européens très codifiés et très stricts s’imposent donc d’urgence pour faire en sorte que ces éléphants blancs soient finalement remplacés par un processus de développement cumulatif axé sur la pertinence et la synergie socio-économiques des projets retenus.

Paul De Marco, SGF, le 2 mai 2016.

Notes :

1)    La verità, vi prego, sul Jobs Act, http://stagliano.blogautore.repubblica.it/2016/03/21/la-verita-vi-prego-sul-jobs-act/?ref=HROBA-1 . I nuovi precari del ticket, un esercito di 1,4 milioni malpagati e senza tutele, (ansa). Entro giugno decreto anti-abusi con la tracciabilità che costringerà i datori di lavoro a uscire dal nero, di ROBERTO MANIA, 22 aprile 2016, http://www.repubblica.it/economia/2016/04/22/news/i_nuovi_precari_del_ticket_un_esercito_di_1_4_milioni_malpagati_e_senza_tutele-138175848/?ref=HREA-1 Citazione :« Nel 2008 (l’anno del fallimento della Lehman Brothers) erano 24.437 le persone che erano state retribuite con almeno un voucher durante l’anno, nel 2015 sono diventate un milione e 392.906. Solo nel primo bimestre del 2016 sono stati venduti 19,6 milioni di voucher con un incremento rispetto allo stesso periodo dell’anno precedente del 45 per cento. Nel 2011 ciascun lavoratore percepiva in media 677,12 euro, nel 2015 l’importo è sceso a 633. Una discesa che porta all’abisso.»

2)    L’effetto del taglio degli sgravi: nuovi tempi indeterminati -39,5% a gennaio Nel primo mese dell’anno le assunzioni stabili sono state 107mila, in netto calo rispetto al gennaio 2015 quando partirono le decontribuzioni a pieno regime. Peggiora, pur restando in positivo, anche il saldo mensile tra attivazioni e cessazioni di contratti indeterminati: 38mila nel 2016, erano 90mila nel 2015, 16 marzo 2016 http://www.repubblica.it/economia/2016/03/16/news/l_effetto_del_taglio_degli_sgravi_tempi_indeterminati_-39_5_a_gennaio-135605644/?ref=HREC1-11

3)    Voucher lavoro, ecco chi sono i nuovi precari, La proposta della Cgil: tramite i codici fiscali si può tracciare la storia lavorativa di coloro che incassano i buoni, così si smascherano le anomalie. Ministero del Lavoro e Inps al lavoro per i correttivi, di RAFFAELE RICCIARDI 10 marzo 2016 http://www.repubblica.it/economia/2016/03/10/news/voucher_lavoro_i_nuovi_precari-135011326/?ref=HREC1-28 .

4)    Voir http://www.istat.it/it/files/2015/05/CAP-4-Rapporto-Annuale-2015-3.pdf

5)    Voir la Note ** de mon Livre III dans www la-commune-paraclet.com, section Livres-Books.

6)    Dopo il Jobs Act arriva il Social Act: la prosecuzione della guerra contro i poveri con altri mezzi, di Unione Sindacale di Base http://contropiano.org/documenti/2016/04/27/jobs-act-arriva-social-act-la-prosecuzione-della-guerra-poveri-altri-mezzi-078397

7)    Voir http://www.istat.it/it/archivio/164869 .

8)    Dans son Rapport de 2016, la Cour des comptes italienne estime que les dépenses fiscales sont passées de 254 milliards d’euros en 2011 à 313 milliards d’euros. Voir http://www.sanita24.ilsole24ore.com/art/dal-governo/2016-03-23/tasse-lavoro-e-imprese-italia-primi-posti-ue-101204.php?uuid=ACGdsRtC . S’ajoute l’évasion fiscale.  D’ailleurs, le gouvernement Renzi fait passer à 3000.00 euros les paiements en argent comptant. Bien entendu, une partie de l’évasion fiscale, des revenus de la prostitution, de la drogue et des dépenses d’armement est maintenant comptabilisée dans le PIB.                                                                        En ce qui concerne la France la situation se dégrade aussi. Si « Pour l’année 2014, le coût des dépenses fiscales est évalué à 78,87 Md€, selon les chiffres figurant en annexe au projet de loi de finances pour 2015.» (v. https://www.ccomptes.fr/content/download/82170/2017269/version/1/file/NEB-2014-Depenses-fiscales.pdf ), pour 2016 « leur montant total était estimé à 81,934 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015. Il vient d’être révisé à 84,358 milliards dans les documents budgétaires publiés mardi. Pour 2016, la dépense fiscale totale est estimée à 83,375 milliards d’euros. » (v.  http://www.lopinion.fr/6-octobre-2015/plus-83-milliards-d-euros-niches-fiscales-prevus-2016-28832 )

9)    Voir : http://www.leggioggi.it/2014/08/25/bonus-80-euro-in-busta-paga-flop-consumi-rischio-cancellazione/

10)  Voir : http://formiche.net/2016/03/28/jobs-act-lavoro-governo-tiraboschi/

11)   Voir:   http://www.panorama.it/economia/tasse/abolire-imu-e-tasi-ecco-quanto-ci-costa/ 

12)   Voir :  http://www.misterfisco.it/irpef/legge-di-stabilita-per-il-2016-novita-in-materia-di-ires-e-di-irap/

 

Annexe:

(Pour une analyse plus détaillée se reporter à mon Précis d’économie politique marxiste dans la section Livres-Books de www.la-commune-paraclet.com )

« Le  capital spéculatif mène à la ruine en confondant intérêt, intérêt spéculatif et profit.

Dans leur livre « Dérives du capitalisme financier » (ed. Albin Michel, 2004) Aglietta et Rebérioux tentaient de suivre Means et Berle, c’est-à-dire qu’ils veulent tenir compte à la fois des faits économiques et du cadre comptable légal. Le court-terme est alors compris comme ROE (return over equity) ou ROA – return over assets – On souligne le rôle de l’actionnariat. Donc on distingue le résultat net et l’EVA – economic value added – dans le cadre de la financiarisation et de la montée de l’actionnariat.

Voici les deux équations clés sur lesquels toute leur thèse est bâtie.

«En notant Re le résultat d’exploitation, R le résultat net, D la valeur comptable des dettes et r le coût moyen, on a :

R = Re – rD

L’expression la plus simple de l’EVA (i.e., economic value added, qui « est considérée comme le critère le plus pertinent de prévision des cours boursiers ») est alors la suivante, avec k la rentabilité des actions de l’entreprise telle qu’elle est mesurée par le MEDAF (i.e., modèle d’évaluation des actifs financiers ; en anglais CAPM, capital asset pricing model) et FP la valeur comptable des fonds propres :

Et  EVA = R – k. FP » (p 24)

Pour  le Roe, qui selon les auteurs est un commandement à toujours dépasser le marché, nous avons :

« EVA = (R/FP) – k) FP= (ROE –k) FP » (p 26)

Pour que de telles équations soient opérationnelles il faut que k soit une valeur fiable ou de référence. Or k est le plus souvent représenté par les bons de l’Etat. Mais ces derniers sont privatisés et soumis au marché depuis 1973 en France ; en plus, depuis 1999, ils sont soumis à l’hégémonie des banques primaires, championnes de la banque dite « universelle ».  La valeur de k dépend donc  de la planche à billet de la banque centrale à l’instar du ratio prudentiel, qui en dépend de facto également à l’époque de ce que j’ai appelé le « crédit sans collatéral. » (En bref les banques sont considérées « too big to fail » et sont donc renflouées de diverses manières en violation de la loi de la concurrence et au mépris de tout lien entre le crédit financier et la croissance de l’économie réelle non spéculative. )

On le voit le passage à l’hégémonie spéculative est déterminante.

On remarquera que le grand connaisseur du monde financier Denizet, qui était assez proche de la logique de Fourastié relativement à la recherche d’une base invariante pour comprendre l’évolution de la productivité – miroirs et travail du manœuvre – fut quelque peu décontenancé par le passage aux changes flottants. Comment dès lors déterminer la vraie valeur des monnaies ? La question est sérieuse, elle est déjà contenue dans la question plus primaire, à savoir que représente un prix ou un prix constant ? Nous avons montré que les prix sont des médiations bourgeoises derrière lesquelles il est possible de retrouver la logique de la valeur d’échange – et de la demande sociale contenue dans les Equations RS-RE. Restent que ces épiphénomènes ont force légale et donc les médiations restent contradictoires et entraînent de nouvelles médiations – dont les purges par l’intermédiaire des crises ou a contrario les tentatives de nier les purges lorsque les banques et les entreprises sont considérées « too big to fail » – ce qui aggrave encore les choses.

Ce n’est pas le seul travers de la thèse de Aglietta et de Rebérioux. Car le credit crunch causé par le « crédit sans collatéral » révèle ce qui va mal, à savoir la surdétermination de l’économie réelle par l’économie spéculative. (voir la section Economie Politique Internationale du site www la-commune-paraclet.com )

Le moyen de le démontrer est d’analyser le taux de réinvestissement dans les entreprises non-financières à l’époque du capital spéculatif hégémonique.

En bref, cette époque voit la place de la « bourse » et de la financiarisation dans l’économie européenne être inversée pour atteindre des niveaux américains – quoique à un niveau plus lent en Allemagne. Il ne s’agit plus uniquement des bourses classiques puisque il s’y ajoute aujourd’hui de puissantes plateformes de l’ombre – dark pools – contrôlées par les quelques grandes banques primaires, ainsi que des plateformes d’échange tel bitcoin etc. De même, la relation entre profit et intérêt – le second étant déduit du premier, l’inverse n’étant pas possible – est également inversée par l’intérêt spéculatif, de surcroît à court terme, avec l’émergence d’un secteur financier dérégulé et autonome. L’intérêt spéculatif usurpe alors le rôle du profit avec des conséquences monétaires et systémiques désastreuses.

Cette autonomie « sectorielle » a en effet de grandes conséquences. En particulier, le fait que la « productivité » factice de ce secteur, avantagé par des investissements en capital fixe bien moins lourds et par l’existence d’un levier financier encore augmenté par le shadow banking, passe pour une vraie productivité capable d’influencer tous les processus menant à l’équilibre général. Ceci peut être analysé très facilement dans le cadre des Equations RS-RE. (voir le chapitre pertinent de mon « Précis d’économie politique marxiste » dans la section Livres-Books du site déjà mentionné.) Si, par exemple, vous dédoublez le Secteur I des Moyens de production en SIa , secteur financier autonome, et SIb secteur des Mp, vous verrez aisément que la logique de la productivité fait en sorte que le secteur financier imposera sa loi, la productivité la plus forte définissant la valeur de la monnaie – i.e. les taux d’échange des marchandises ou prix relatifs.

On le voit, ceci va bien plus loin que l’instabilité de k dans la version de Aglietta et Rebérioux. Il suffit d’ajouter que le poids du secteur financier – soutenu par les Facilities I et II de Trichet, puis les FESF, MES, OMT, LTRO, TLTRO, QE et autres intérêts négatifs sur les dépôts overnight etc., donc fondé largement sur du vent  – est passé de prés de 3 % à environ  7 % à 8 % du PIB, ceci sans tenir compte du shadow banking !!! Si le déséquilibre intersectoriel – expansions-contractions – découlant de l’opération de la main invisible soumise à la logique de l’accumulation privée mène ordinairement aux crises récurrentes et systémiques, ce déséquilbre devient létal sous le règne de la spéculation hégémonique.

Avec l’intérêt classique, le ratio prudentiel constituait un mécanisme autorégulateur puisqu’il tentait de mettre en liaison la création du crédit bancaire et financier avec l’évolution de l’économie réelle, en particulier de l’évolution de l’industrie et de ses services annexes, en plus des services publics. Ce mécanisme fonctionnait assez mal et les purges devaient le compléter par récurrence – trade cycles – suivant la logique de la concurrence. Aujourd’hui, à toute fin pratique le ratio prudentiel a disparu. C’est pourquoi je parle de « crédit sans collatéral ». Il fut remplacé par la planche à billet des banques centrales alors que les purges ne sont plus permises pour les banques et les entreprises dites « too big to fail ». Si les grands actionnaires pourront se réfugier dans les paradis fiscaux avant les tempêtes, les petits actionnaires et les épargnants seront mis à contribution par les grotesques bail-ins. Comme prés de 20 % à 30 % des revenus des ménages sont désormais financiarisés de gré ou de force, les bail-ins ne feront qu’ajouter à la spirale économique négative sans permettre aucun assainissement du système, lequel continuera à fonctionner selon les mêmes paramètres définis par la finance spéculative bien qu’ils soient létaux pour l’économie réelle.

Ce système est absurde. La réalité montre déjà qu’il n’est pas soutenable puisqu’il a mené l’Occident à la plus grande Dépression depuis la Grande Dépression. Il n’existe aucune issue de secours à moins de changer de paradigme économique et par conséquent de paramètres socio-économiques.

Paul De Marco », dans : http://finance.blog.lemonde.fr/2016/04/20/voter-pour-hillary-clintonpar-conviction/

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