Commenti disabilitati su Débiliter les peuples souverains avec les « communs », critique du livre de Pierre Dardot et Christian Laval, 10 février 2024.

Re : Pierre Dardot, Christian Laval, Commun : essai sur la révolution au XXIè siècle, La Découverte poche, 2014, 2015.

Introduction

Catégories aristotéliciennes ou concepts historiquement déterminés.

La sur-représentation et la délégitimation du socialisme et du communisme.

Délégitimation des biens publics, de l’Etat social et du New Deal.

Quelques rectificatifs sur les falsifications bourgeoises.

La problématique de la transition.

Sur leur interprétation de Castoriadis.

Sur les Modes de production comparés.

Détours par les « commons » anglais.

Le nouveau sophisme des servi in camera et des bas clergés.   

Rousseau, Hegel et le « commun ».

L’eau comme « commun » : Lucarelli, Podestà etc. vs le référendum de 2011.

Conclusion.

Résumé en 10 points de synthèse.

Notes

Introduction

Selon ces ineffables auteurs post-modernes, c’est-à-dire post-communistes à leur façon, il faudrait se garder de revendiquer des « biens communs », autrement connus comme « biens publics » offerts par des entreprises publiques, car cela renverrait à des traditions nationales et étatiques souveraines qui sont désormais obsolètes puisque la révolution néolibérale globale a gagné la bataille. Pour ces auteurs cette victoire ne concerne pas uniquement la globalisation politique mais aussi la théorie néolibérale – Mises, Hayek etc. – du « marché ». Cette pure ineptie est du même calibre que leur choix de donner la priorité à la valeur d’usage sans considération pour la valeur d’échange, ce qui n’est en réalité qu’une manière de la ravaler au subjectivisme de l’« utilité » marginaliste. (1) Il faudrait donc oublier les conquêtes sociales passées et s’adapter en s’organisant autrement, ou plutôt passer son temps à discourir de ces nouveaux modes d’organisation antisystèmes selon lesquels, en conformité avec l’adage alter-globaliste, il faut désormais « penser global mais agir strictement au plan local ». On a même entendu certains dire tout haut en renversant Shakespeare : « They have the talk, we have the walk » ou « Laissons les manifester et allons de l’avant ». Cette thèse s’étale sur 759 pages sans compter la 4ème de couverture. Son message principal, parfaitement inscrit dans l’air du temps occidental, est celui de la dénonciation du « communisme contre le commun », celui de la logorrhée dénonciatrice de toute forme de « socialisme réel ». D’ailleurs proclament-ils : « Ce communisme prétendument scientifique est partout à l’agonie » (p 95) Par prudence, sont aussi écartés les « commons » anglais trop ouvertement subordonnés et vulnérables face aux enclosures capitalistes. Les narrations de classes n’aiment pas le « réel ».

Ainsi, en matière de « commun » il faudrait distinguer le substantif « commun » du qualitatif le « commun ». Le substantif « commun » renvoie donc à une « praxis constituante », à un procès d’institutionnalisation sociale – pardonnez la redondance – qui sait néanmoins rester à l’écart de toute « institution » qui, par définition, en empruntant à Sartre, ne porterait qu’à la réification du processus. Un processus qui ne s’objectifie pas dans la réalité peut-il être une « praxis » ?

En outre, dans ce sens-là, les « communs » renverraient à ce qui est fondamentalement « inappropriable ».

Au fond, tout cela n’a aucun lien avec le réel et doit se limiter à l’imaginaire – pour « militant.e.s nihilistes » portés à la rivière par les éternels joueurs de pipeaux et autres bas clergés : « On objectera peut-être que la pratique d’une telle citoyenneté ne suffit pas à rapprocher de nous l’horizon d’une fédération mondiale des communs. Laissons Hannah Arendt répondre à cette objection : « Mais si vous me demandez à présent quelles peuvent en être les chances de réalisation (d’un Etat formé à partir des conseils ), je dois vous répondre qu’elles sont extrêmement faibles, pour autant même qu’elles existent. Mais, peut-être, après tout, avec la prochaine révolution …» ( p 728) L’important c’est de mener les peuples et surtout le jeunes néo-pastoureaux en « croisades » avec ces mirages de « communs » et avec les inepties génocidaires du GIEC, pour qui la Terre, aux ressources finies, ne pourrait supporter que quelques 2 milliards d’individus. Or, nous sommes déjà plus de 8 milliards … (voir les textes en français dans la catégorie Ecomarxismo ici; voir aussi le Note 2, plus bas)

Au fond tout ce charabia subordonné au néolibéralisme global donné comme triomphant prétend occulter cette supercherie en ressassant des clichés sur de fausses oppositions entre « socialisme réel » et socialisme démocratique, entre social et politique, le politique devant se dissoudre de manière permanente non pas dans le « social » – il faut penser global mais se limiter à l’action local, pour ne pas déranger les puissants globalistes – mais dans le « commun » qui reste indéfinissable, limité par – leur – définition.

Cette supercherie repose sur une falsification primaire qui mutile la pensée marxiste, à savoir que ce « commun » remplacera la propriété par la valeur d’usage (p 590). Or, c’est chose impossible vu la nécessité de l’échange des marchandises entre elles, dont la valeur d’échange repose sur un vecteur tangible, la valeur d’usage. L’échange découle, en effet, de la nécessaire division sociale – et internationale – du travail. Marx, les marxistes et les Bolchéviques – qui avaient pour leur part inventé la « possession individuelle » contre la propriété privée, dont la datcha stalinienne – soulignent clairement que la place occupée par le Domaine de la Nécessité économique lié à la valeur d’échange, donc à la production de marchandises, ira en diminuant, libérant ainsi, par des cycles de RTT successifs, le Domaine de la Liberté socialiste où les Etres humains, enfin émancipés, auront du temps libre durant lequel épanouir leur personnalité, par exemple en produisant par le travail non-aliéné des valeurs d’usage qui ne seront plus destinées à être des marchandises échangées pour en tirer un profit.

 Remarquez la peu habile dissimulation : ces deux auteurs opposent propriété privée à valeur d’usage, or la propriété privée renvoie à la valeur d’échange, donc à la dualité intrinsèque de toute marchandise, valeur d’échange portée par un vecteur valeur d’usage. Ils ne pouvaient évidement pas dire que la valeur d’échange serait remplacée par la valeur d’usage sans passer pour des ânes. Ils jouèrent donc sur un innuendo langagier pour les nuls – et malheureusement pour les étudiantes et étudiants qui n’ont plus en général que ce genre d’enseignants et de professeurs. C’est d’un pathétisme accompli. Et il est peu surprenant qu’ils aient eu l’appui empressé du PCF post-Marchais et d’une certaine gauche qui, elle aussi, chantait la victoire du néolibéralisme et concevait ses mesures d’accompagnement avec, par exemple, la « justice sociale » à la Giddens et à la Rawls. Quant à eux, ils ajoutent, selon l’air du temps, les « communs » sans en connaitre la genèse néoconservatrice-reaganienne – voir ci-dessous à propos de l’attaque de Reagan contre l’UNESCO et la Conférence du Droit de la Mer.   

Catégories aristotéliciennes ou concepts historiquement déterminés.

Ces auteurs ont ainsi consacré leur livre à tresser ce qui était autrefois qualifié de « mythes soréliens », les narrations propagées par de nombreux servi in camera et autres bas clergés laïques ou moins au bénéfice des masses bonnement jugées crédules quant à leurs propres droits sociaux conquis de haute lutte. Ils débutent par une série de digressions sur certains concepts tirés du droit romain préalablement soustraits par eux à leurs déterminations historiques. Ils digressent longuement sur le res nullius, le res communis, le res communis in bonis, l’ager publicus, l’ager privatus etc. Ces expositions ne seraient pas sans intérêts si, à la Vico ou à la Marx, elles respectaient les genèses et les fonctions historiques de ces concepts juridiques plutôt que de les traiter de manière statique et abstraite. Mais leur analyse idéologique a-historique ne leur permet pas. Le prix à payer est fatal car il mène à l’impasse barbare de l’incompréhension du droit et de ses catégories conҫus sans historicité, de sorte qu’une taxonomie romaine antique occulte les formes de propriété et de possession qu’elle recouvrait alors ainsi que leur devenir, faisant ainsi l’impasse sur les formes de propriété et de possession collectives qui entérineront le dépassement du Mode de production capitaliste.

Selon Vico, le concepteur moderne du « diritto delle genti » institutionnalisant la Loi naturelle, les institutions sont une des trois Réalités objectives qui incluent également la Nature et les « fictiones » ou concepts intellectuels, sur la base desquelles se meut la dialectique historique d’ensemble. (voir mon Introduction méthodologique) Le droit et les institutions qu’il régente ne sont que l’objectivation de la lutte des classes qui porte, bien entendu de manière non-linéaire et avec un parcours parfois marqué par de dramatiques « retours » exclusivistes et rabbinico-nietzschéens, vers une émancipation égalitaire toujours plus marquée de l’Espèce humaine. Vouloir abstraire la lutte pour la préservation, la défense et l’extension des conquêtes politiques et sociales du champ du droit est, au mieux, une invitation à la reddition de classe et à la puérilité propre aux chatting classes qui accompagnent le globalisme spéculatif lié aux social media. Au pire, cela transforme les citoyens, surtout les jeunes, en nouveaux « poverelli » et en nouveaux « pastoureaux » menés en croisade climatologique contre le CO2, préalablement établi en nouveau « péché originel » à l’usage des « gentils » puisque il est bénéfique à la végétation et aux cultures et que la vie sur Terre est à base carbone … (2)

L’« inappropriable » qu’ils font miroiter est de cette farine mais il implique une réfutation passablement analphabète de la pensée moderne, en particulier de la pensée dialectique. Un paupérisme conceptuel qui informe l’incompréhension du droit, tel que pointé ci-dessus. L’Être humain devant nécessairement se reproduire au sein de la Nature et de la Société, l’appropriation de la triple réalité vichienne par le travail humain manuel et intellectuel est constitutif de son propre être naturel et historique. L’inappropriable est une impossibilité qui nie les formes dialectiques de notre interaction en tant qu’Espèce avec la Nature et l’Histoire. Si l’on se situe au niveau concret, l’inappropriable se confond au mieux avec l’inépuisable : ce qui nous renvoie à Locke, la Terre, la Nature appartenant également à tous les Hommes, se pose alors la question de l’appartenance des fruits du travail individuel – et social – donc des formes de propriété que ces deux auteurs veulent obstinément occulter.

Puisque l’Espèce humaine est à la fois Nature et Histoire, pour éviter qu’elle ne se nie elle-même, il importe que sa reproduction au sein de la Nature et de l’Histoire soit la plus harmonieuse possible, ce qui condamne aussi les dérives, du genre Davos et al., concernant la modification de l’Espèce humaine en tant qu’Espèce en vue de qui sait quel horizon post-humain cherchant à actualiser les pires inepties exclusivistes excogitées par des « pitres » à la Zacaria Sitchin élucubrant sur les supposées expériences génétiques des Anunnaki – lui qui savait mal le sumérien – et sur les planètes manquantes. Un certain humanisme idéaliste affirme avec les meilleures intentions du monde que l’Homme écrit sa propre Histoire, qu’il se crée lui-même dans le devenir historique ce qui est parfaitement exact du moins si l’on respecte les données de la dialectique d’ensemble. Cette autocréation ne concerne pas la transformation de l’Espèce vers autre chose, sur-espèces dominant sur des sous-espèces, espèces à la carte etc. Ceci nie l’émancipation humaine qui concerne la dialectique de l’Histoire s’accomplissant sur sa base naturelle. Peut-être que certaines réticences relèvent de la confusion entre le « genre » qui est, en partie, une construction sociale, et le génome qui est la base génétique matérielle définissant l’Espèce en tant qu’Espèce. On ne peut émanciper l’Espèce humaine en niant son humanité ou alors c’est qu’on a d’autres projets en tête.(3) Dans le 18 Brumaire de Louis Bonaparte Marx écrit : « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé.» (Voir ici)

Comme on sait, pour les globalistes du Report from the Iron Mountain suivis par le Club de Rome et aujourd’hui par, entre autres, le GIEC et Davos, les ressources de la Planète Terre étant mathusiennement « finies », elle ne pourrait supporter « durablement » que 2 milliards d’humains. Problème, nous sommes déjà plus de 8 milliards. (Sur la narration exclusiviste écologique, voir les textes en franҫais ici.) On ne remerciera jamais assez Marx et les communistes, voire les agriculteurs néerlandais aujourd’hui sacrifiés aux inepties vertes spéculatives européennes, pour leur critique définitive de Malthus … ainsi que des idéologies de classes qui visent à perpétuer l’exploitation de l’Homme par l’Homme.  

La sur-représentation et la délégitimation du socialisme et du communisme.

Ces deux auteurs ont une obsession issue de la nouvelle doxa anti-égalitaire qui prétend faire la critique tant de la Révolution citoyenne française que des Révolutions socialistes. Les retombées du révisionnisme historique des François Furet, Chauvet, Stéphane Courtois etc., y sont pour beaucoup. Reste que ce rejet global de tout l’héritage du marxisme et du socialisme réel est la conséquence directe de la surreprésentation philosémite nietzschéenne au sein du mouvement socialiste occidental. Elle se manifesta d’abord par le biais majoritaire de ceux que Lénine – et Rosa Luxemburg – qualifia de « renégats » particulièrement au sein du Marxisme autrichien. Ensuite, elle sévit avec une détermination sournoise à l’intérieur même du PCUS et de la IIIème Internationale, pour ne rien dire de la IVème. La création de l’Etat d’Israël, pourtant sauvé à sa naissance le 14 mai 1948 par l’envoi d’armes par Staline via l’Allemagne de l’Est, provoqua le basculement de la loyauté première des surreprésentés juifs, qui passa de l’émancipation communiste au rêve exclusiviste criminel sioniste. Pour tout remerciement Staline fut assassiné et présenté par ces gens-là comme « pire d’Hitler ». Le rôle criminel de Yeshov, le Sade nain juif des services soviétiques fut occulté pour mieux imputer ses crimes à Staline. Les contre-révolutions en Europe de l’Est suivirent, notamment en Hongrie en 1956 ; elles préludèrent la trahison interne menant à la chute de l’URSS en 1991. Enfin, pour faire bref, Liberman et Khrouchtchev, posèrent les jalons du « marginalisme socialiste » qui détruisirent de l’intérieur la planification soviétique, alors en avance dans tous les domaines. (Voir ceci) Pour sa part, le PCF, génériquement considéré « stalinien » jusqu’à la mort de G. Marchais, fut fortement travaillé de l’intérieur par la même sur-représentation, en particulier après l’affaire Slansky en Tchécoslovaquie et plus encore après la publication des frauduleux Rapports Khrouchtchev, par ce que j’ai choisi d’appeler collectivement « la section Kriegel ». (Voir ici) Aujourd’hui, ce PCF dévoyé appuie le régime proto-nazi du juif-ukrainien Zelensky et ses bataillons nazis Azov et Aidar etc. tout en se précipitant pour affirmer son soutien inconditionnel au régime d’Apartheid sioniste de Netanyahou immédiatement après le 7 octobre sans jamais relayer les faits objectivement démontrés selon lesquels près de la moitié des victimes ce jour-là le furent du fait du feu des hélicoptères Apaches et des chars israéliens – voir ici et ici  – et tout en se limitant à faire le service minimum pour dénoncer les politiques génocidaires israéliennes à Gaza et dans les Territoires malgré l’avis de la Cour de Justice Internationale de la Haie.

Le sort échut au PCI sabordé en 1991 à la Bolognina est encore plus triste. Malgré les Rossana Rossanda et autres Ingrao, il tint bon jusqu’à Luigi Longo. Avec Enrico Berlinguer, un eurocommuniste qui disait en privé préférer l’Otan au Pacte de Varsovie et qui trahit les « metalmeccanici » et la classe ouvrière dès 1968, commença le début de la fin, d’autant plus que les Années de Plomb voulues par les Etats-Unis et la P2 se chargèrent d’interdire toute velléité de « compromesso storico » ce qui porta à l’assassinat de Moro et à une demie marche-arrière de la part du PCI. Mais il était trop tard. Notre histoire communiste n’est pas seulement mal racontée, elle est sciemment salie. Le sort fait au marxisme et à la loi de la valeur est encore pire.

Délégitimation des biens publics, de l’Etat social et du New Deal.

Mais soyons plus spécifiques. Voyons d’abord comment ces deux compères accusent sans les nommés les marxistes « attardés » de vouloir encore défendre les biens publics offerts par des entreprises publiques ou, pire encore, de vouloir réhabiliter Keynes et F. D. Roosevelt, à savoir l’Etat social, ou Welfare State anglo-saxon, et sa reconnaissance concrète des droits sociaux fondamentaux matérialisés dans les infrastructures et les biens publics. Tout ceci, répétons-le, du fait que ces « attardés » qu’ils incriminent n’auraient pas encore compris et intériorisé la victoire du néolibéralisme à l’échelle mondiale ! Il semble pourtant que les BRICS+ et le nouveau monde multilatéral qui émerge ne soient pas de nature à appuyer leur optimiste impérial à la A. Negri et M. Hardt et autre Hannah Arendt … (Voir ici )

Voici ce qu’ils écrivent : « Dénoncer la marchandisation du monde conduit bien souvent à se contenter de défendre les services publics nationaux ou d’en appeler à l’élargissement de l’intervention étatique. Quel que soit son bien fondé, cette revendication reste sur le terrain de l’adversaire en se refusant à mettre en cause un antagonisme précisément constitué pour faire du marché la règle et de l’Etat l’exception. » (p 171)

Pour écrire des phrases de ce genre il ne faut rien savoir sur la différence entre salaire, salaire différé et « plus-value sociale ». Les conquêtes populaires qui menèrent à l’Est social – ou au Welfare State anglo-saxon – reposaient sur l’ajout au seul salaire individuel net du salaire différé finançant la Sécu et de la fiscalité progressive finançant les infrastructures et les services sociaux dont l’accès citoyen est constitutionnellement garanti. Ces conquêtes sont l’objet de la régression tentée en Occident depuis l’arrivée au pouvoir des néocons de Thatcher-Reagan. Personne ne dit que la transition hors du capitalisme est une chose simple ou linéaire. Au contraire, elle est l’enjeu de luttes et d’alliances de classes très âpres, qui, on le sait aujourd’hui, forcent les sociétés à choisir entre la nouvelle domesticité et le nouvel esclavage ou bien une transition pacifique – ou révolutionnaire, selon les circonstances – hors d’un Mode de production capitaliste créant « ses propres fossoyeurs » selon la formule de Marx du fait de son incapacité à absorber le chômage endémique qu’il crée par son inéluctable recherche de la productivité microéconomique la plus haute, sauf par la précarité générale, la démographie négative et les guerres d’agression.  

On notera en passant la peur d’une réhabilitation du marxisme qui les anime malgré la guerre idéologique à laquelle ils prêtent leur concours : « Le communisme d’Etat continue d’hypothéquer l’alternative. Et le danger existe qu’à l’occasion des désastres croissants engendrés par le capitalisme, apparaissent ici ou là des réhabilitations plus ou moins sophistiquées des régimes qui se sont appelés « communistes » ( p 67) Et sur les services publics vs les biens communs : « Au fond c’est paradoxalement le néolibéralisme lui-même qui a imposé le tournant de la pensée politique vers le commun en brisant la fausse alternative en miroir de l’Etat et du marché, en faisant voir qu’il était désormais vain d’attendre que l’Etat « réencastre » l’économie capitaliste dans le droit républicain, la justice sociale et même la démocratie libérale » (p 16) Et pour  faire bonne mesure, on nous met en garde « Il faudra donc cesser de répéter que « la prise du pouvoir politique » est la panacée de tous les maux. » (p 512) Le pouvoir politique n’étant même plus national puisqu’il relèverait des transnationales, les classes subalternes doivent s’inventer des histoires, par exemple sur la démocratie directe coupée des autres formes de démocraties – voir ici – , et surtout se cantonner à « agir localement » sans chercher à institutionnaliser leurs luttes. 

L’inanité de ces raisonnements saute aux yeux. Mais pas entièrement tant que l’on ne prend pas conscience du fait que les discours sur les « biens publics » offerts par des entreprises publiques ou les « biens communs » offerts par le secteur privé sur fonds publics tout en transformant les citoyens-usagers en clients dignes d’intérêt uniquement lorsqu’ils sont solvables, ne mettent pas en cause uniquement les formes de la démocratie mais aussi celles de l’économie politique pratiquée dans une Formation sociale donnée. Etant entendu que la « plus-value sociale » devrait normalement revenir aux travailleurs qui la produisent ou pour le moins être mieux répartie en tenant compte des trois composants du « revenu global net » des ménages – salaire net, salaire différé finançant la Sécurité Sociale et la partie des taxes et impôts revenant aux ménages sous forme d’accès citoyen universel garanti aux infrastructures et aux services publics – il devrait être clair que la nationalisation ou au moins la socialisation des biens de production et d’échange majeurs reste le vrai enjeu de la démocratie avancée, la forme paisible de la « prise du pouvoir politique ».

C’est même là ce qui constitue le fond de la voie pacifique vers le socialisme ainsi qu’argumenté dans le chapitre  Réformes démocratiques révolutionnaires ou lamentable Rossinante du réformisme de mon Tous ensemble – voir Livre 1 ici. Dans le chapitre  Biens publics: sauvons ce qui peut encore être sauvé de ce même Livre 1, nous avions tenté de montrer à la lueur de la faillite de Enron que la défense des « biens publics » offerts par des entreprises publiques était redevenue une urgence pour lutter contre les méfaits du capital spéculatif hégémonique et son train de misère et de disparités régionales. Nous avons également montré que tous système de Reproduction dynamique mettait en jeu une part de crédit qui vient compléter la « plus-value sociale » disponible pour être réinvestie. Cela fait, en effet, une grande différence lorsque la « plus-value sociale » est abandonnée entièrement dans les mains des firmes privées, qui plus est transnationales et jouissant des paradis fiscaux et autres tax rulings, sans même être coordonnée par une planification stratégique respectueuse de l’économie mixte.

Les dégâts sont encore plus grands lorsque ce réinvestissement privé et par nature fragmenté jouit des possibilités offertes par la privatisation de la Banque centrale et donc du crédit. Bien entendu, la logique du capital reste la plus grande productivité possible face à la concurrence, ce qui implique plus de production avec moins d’ouvriers, surtout moins d’ouvriers à plein temps. Fatalement la croissance de la précarité systémique, utilisée pour faire du chiffre sur le chômage au sens du BIT, implique aussi une baisse structurelle de la demande interne mais également du salaire différé et donc des cotisations sociales et des services sociaux accessibles. Il en va de même avec la fiscalité : on sait qu’en France plus de la moitié des travailleurs ne payent pas ou peu d’impôts sur le revenu car gagnant trop peu. Pour faire bonne mesure, la logique de la public policy – Buchanan et Pollock, 1964 – et de ses tax expenditures servant à financer la privatisation rampante via les programmes verts, favorise le financement par les crédits d’impôts … Faire miroiter alors au niveau strictement local des « biens communs » définis comme des biens « inappropriables » est pire qu’une supercherie.

Notons la faillite complète aujourd’hui entérinée par les faits de cette public policy néolibérale monétariste. Pour résumer, il nous fut dit que les stimuli fiscaux, crédit et dépenses fiscales – tax expenditures – produisaient un meilleur multiplicateur économique comparé aux vielles subventions directes et à l’interventionnisme de l’Etat social ou Keynésien. Ce ne fut jamais vrai bien que la destruction du Gatt et la généralisation des traités de libre-échange produisirent une extroversion indéniable du Multiplicateur, qui pouvait être corrigée par exemple en favorisant systématiquement le secteur public où le Multiplicateur sectoriel reste élevé. (voir The Body economic : why austerity kills ici) Aujourd’hui, il n’y a plus rien à discuter vu la débâcle de l’ « équivalence ricardienne » de R Barro puisque au Q4 2023 la croissance du PIB américain fut de USD 329 milliards pour une dette nouvelle pour le même Q4 2023 de USD 834 milliards. Voir ici. Le reste est à l’avenant, et en Europe avec une dette qui a explosé du fait de la gabegie covidiste – voir ici – on impose un nouveau Pacte de stabilité beaucoup plus dur et en réalité impossible à respecter. Voir ici. A lire avec la critique au Rapport Arthuis ici. (Citation traduite : «  Les pays surendettés seraient soumis à des règles de sauvegarde leur imposant, entre autres, de réduire leur dette en moyenne de 1 % par an si leur dette est supérieure à 90 % du PIB, et de 0,5 % par an en moyenne si leur dette est comprise entre 60 % et 90 % du PIB. ») M. Le Maire cherche déjà 20 à 30 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour 2025, en sachant qu’il perdra 10 milliards de PNRR fin 2026 ? 

Cette incapacité à comprendre l’évolution des formes du Mode de production capitaliste vers un système socialement plus avancé, parfois remis en cause par des régressions contre nature – le corporatisme fasciste des années 20-30-40 et le corporatisme mercantiliste global néolibéral monétariste actuel – apparaît dans l’attaque au New Deal et aux politiques socialement avancées – disons keynésiennes – de F. D Roosevelt.

Voici ce qu’en disent ces auteurs : « Ceux  qui rêvent de douce transition vers un monde plus écologique et plus généreux, ceux qui pensent pouvoir faire revenir en douceur le capitalisme dans son lit par quelques mesures fiscales, monétaires et douanières, ceux qui attendent un nouveau Keynes ou un nouveau Roosevelt, pèchent gravement par irréalisme et ignorance. Ils ne veulent toujours pas comprendre l’impitoyable dynamique par laquelle le néolibéralisme fait de la concurrence la loi de notre monde, ils ne veulent pas comprendre, surtout, le caractère systématique du pouvoir oligarchique mondial, fait de gouvernance financière et de surveillance policière, ils se refusent en conséquence à admettre les contraintes insurmontables que le cadre institutionnel du néolibéralisme impose aux politiques, aux comportements et aux subjectivités, tant du moins qu’on en demeure prisonnier.

(…)

Certains critiques nous reprochèrent de nourrir fatalisme et découragement. (…) Nous persistons et signons : la raison néolibérale n’a pas encore rencontré de contre-forces suffisantes mais aussi parce que la manière dont elle s’impose n’a toujours pas été bien comprise. » ( pp 730-731) Le marché est roi.

Les vessies pour des lanternes. Pourtant l’hégémonie globale du capital financier spéculatif tient uniquement à sa planche à billet – j’ai appelé ceci le « papier Kerouac », en souvenir du fameux rouleau utilisé par l’auteur de On the road -, alors que sa spéculation phagocyte l’économie réelle, créant ainsi ses propres fossoyeurs. Il suffit littéralement pour s’en débarrasser de rétablir la planification stratégique avec le crédit public émis à coût quasiment nul par la Banque centrale publique pour reprendre ainsi le contrôle de l’économie réelle, sans même avoir à s’en prendre frontalement au capital spéculatif, à sa sphère de Monopoly, du moins jusqu’au moment fatidique où survient la faillite ouvrant à des audits publics. Le tout en adoptant des swaps de lignes de crédit bilatérales couvrant l’import-export entre pays pour se débarrasser de la servitude envers une monnaie de réserve dominante ! C’est d’ailleurs vers quoi se dirige le monde multilatéral naissant. Voir ici.   

La méprise de nos auteurs est donc, là encore, totale. Il ne s’agit pas de « réhabiliter » le New Deal mais au contraire de comprendre en quoi il reposait sur une avancée scientifique, certes limitée mais réelle, de la disciple économique aux prises avec la Grande Dépression. Les théories keynésiennes et celles, européennes, de la régulation économique, incarnèrent cette prise de conscience. A tel point que Keynes avait reconnu que les « esprits animaux » du capitalisme abandonné à lui-même menaient fatalement à une crise classique de surproduction et de sous-consommation de sorte, qu’à terme, il fallait partager le travail socialement disponible entre toutes les citoyennes et les citoyens aptes au travail. En empruntant au grand marxiste Paul Lafargue sans le dire, Keynes imaginait même le passage à la semaine de 15 heures lorsque la productivité générale le permettrait – voir ici.

J’ai montré à plusieurs reprises dans mes livres et articles que le choix reste d’ailleurs toujours entre les cycles récurrents de la RTT assurant le plein emploi à plein temps et le « retour » à la société de la nouvelle domesticité et du nouvel esclavage théorisé par l’Establishment US dans le Report from the Iron Mountain et aujourd’hui mis à jour et appliqué par nos élites philosémites et philo-sionistes nietzschéennes sans le moindre état d’âme. Fin Années 70, la Commission Trilatérale n’exigea-t-elle pas la fin des « rising expectations » des travailleurs, citoyennes et citoyens ? A Davos des J Harari et al. vont même jusqu’a théoriser la destruction de l’Espèce humaine en sous-espèces  simplement parce qu’une seule Espèce  humaine ne peut signifier rien d’autres que l’égalité et l’émancipation individuelle et générale dans le respect des fondamentaux constitutifs de l’Espèce en tant qu’Espèce humaine à la fois ancrée dans la Nature et dans l’Histoire. Je renvoie ici à mon essai «Mariage, unions civiles et institutionnalisation des mœurs » dans la partie rose de mon vieux site www.la-commune-paraclet.com . Voir aussi sur les Nouvelles Lois de Manu, ici.

C’est triste mais les discours lénifiants sur le « commun » substantif sans substrat réifié etc. etc., apparaissent plutôt creux et pour tout dire dangereusement réactionnaires dans le contexte de régression générale tentée par les élites globales occidentales et apatrides. On n’est guère étonné d’apprendre que le fond de leur réflexion est appuyé sur la trilogie de servi in camera du nouvel Empire putatif philo-sioniste nietzschéen du genre Antonio Negri et Michael Hardt – Empire, Multitude et Commonwealth, pp 243 et suivantes, etc. Je me demande ce que les pauvres victimes des Années dites de Plomb en Italie, considérées comme autant de « nihilistes militants » ou de « useful idiots » par les services occidentaux et leur P2, mais peu vouées pour leur part à être recyclées dans les Universités occidentales, en pensent ? Bref c’est du niveau des élucubrations pro-impériales d’un « pitre » à la André Glucksmann et autres « pitres » du genre donnés pour des Nouveaux Philosophes « franҫais » – qui fleurirent après la disparition du grand Louis Althusser, à une époque où il fut même tenté – le croira-t-on ? – de présenter ces intellectuels de seconde zone comme des « marxistes » … – et à qui fut dédié mon Livre 2 intitulé Pour Marx, contre le nihilisme, 2002, voir ici.

Nous sommes ici en pleine régression éthico-politique et morale outre le projet de régression humaine mené au nom de la Doctrine de la guerre préventive – par définition illégale – et des guerres de civilisation, principalement menées contre l’Islam vu comme principal obstacle à l’établissement d’un Eretz Israël, Etat croupion d’Apartheid officiel et génocidaire, dominant un Grand Moyen-Orient et par delà le monde entier ! Spinoza parlait déjà en toute connaissance de cause « du délire des rabbins » ! Nous nageons ici en plein délire lunatique niant la Loi naturelle et son institutionnalisation avancée dans la Déclaration Universelle des Droits Individuels et Sociaux fondamentaux de 1948 et dans nos Constitutions nées de la Résistance. Il n’y a pas d’élus de droti divin d’un côté et de goyim – gentils – de l’autre.

Leur ennemi n’est pas seulement le « socialisme réel » dont, par ailleurs, ils ne savent rien hormis les clichés les plus éculés. Remontant à la source, cette dérive communiste étatique centralisatrice remonterait à Marx, et, en particulier à sa position évolutive mais toujours équivoque sur la Commune de Paris de 1871. (p 716) Ceci nous voudra un habituel détours petit-bourgeois sur les différents présumés qui opposèrent Marx et Proudhon selon leur propre vision rétrospective qui choisit d’ignorer les arguments scientifiquement tranchants de Marx – Misère de la philosophie – ainsi que les analyses marxistes sur la lutte des classes en France et en particulier sur l’expérience primordiale de la Commune de Paris, de même que sur les aperçus concernant la société communiste à venir dans la Critique du programme de Gotha . Cette dernière contient le concept clé de « fonds social » qui renvoie très exactement à ce que j’ai nommé la « plus-value sociale » dont l’allocation dans la Planification en privilégiant les objectifs sociaux et culturels constitue le cœur de l’organisation démocratique à venir. D’ailleurs à un détour de phrase ces auteurs reconnaissent : « Au lieu que la centralisation étatique « corresponde » à la centralisation de la grande industrie, ce serait cette fois la mutualité politique qui prolongerait la mutualité des échanges économiques. Mais, dans les deux cas, la sphère de la politique emprunterait son principe d’organisation à la sphère de l’économie, ce qui ne pourrait que compromettre son existence. A l’horizon de cette position on retrouve l’idée bien connue d’une dissolution du gouvernement dans l’économie qui avait hanté le premier Proudhon et dont Marx persistera à faire la vérité ultime de l’histoire. » (p 721) Ne pas envahir la sphère économique, s’en tenir sagement au « social ».

Sur une telle base on imagine les tombereaux de clichés sur l’organisation sociale du bas vers le haut, le potentiel des associations de travailleurs – dont les Ateliers de Louis Blanc ? -, la fédération des communes, voire des conseils et ainsi de suite. Marx fut un lecteur très attentif de l’économie politique française, de Proudhon autant que de Saint-Simon ou des Physiocrates ainsi que des Philosophes et des « idéologues » comme Destutt de Tarcy. Concernant Proudhon, Marx lui reproche surtout son incompréhension bornée de la méthode dialectique et surtout de la loi de la valeur. Or, sans cette compréhension, aucune planification socialiste – ou autre – viable n’est possible, une association de petits producteurs indépendants soumis à la « main invisible » des marchés n’est qu’un leurre, au mieux spontanéiste.

L’histoire du socialisme réel montre à quel point Marx avait raison : la planification bolchévique, soigneusement encadrée par une constitution adaptée à chaque étape, fit des merveilles malgré le fait que la Loi de la productivité marxiste ne fut pas – jusqu’à moi – élucidée et intégrée de manière cohérente dans les Equations de la Reproduction Simple et Élargie. Jusqu’à la domination de Liberman-Khrouchtchev après 1956, les Bolchéviques et Staline choisirent néanmoins de résoudre le problème de manière pragmatique : Le Schéma des Equations de la Reproduction Simple du Livre 2 du Capital fut utilisé comme Modèle de référence car il reste parfaitement cohérent lorsque la productivité est identique dans les Deux grands Secteurs des Mp et des Cn, donc avec la même composition organique du capital – v/C où C = (c + v ) – et le même taux d’exploitation – pv /v – qui en découle dans les conditions paramétriques du système de reproduction.

Sur la base de ce Modèle et de la centralisation de la « plus-value sociale » à réallouer au mieux par la planification selon ses priorités, les Bolchéviques choisirent d’introduire partout, chaque fois que cela était possible, la plus grande productivité possible. Sans la Loi de la productivité ceci produisit fatalement des distorsions de valeurs et de prix. Les Bolchéviques choisirent donc une comptabilité quantitative, le Produit Matériel Net, ce qui permettait de corriger en cours de route en réallouant les ressources disponibles quantitativement dans la Reproduction Elargie. La variation en valeur et prix était par ailleurs contenue puisque l’échelle salariale bolchévique était très restreinte, se bornant au plus à reconnaitre des « travailleurs responsables » et des émoluments matériels pour les « stakhanovistes ».

Ce système permit à Staline et aux siens d’industrialiser le pays en seulement deux Plans quinquennaux. Le grand et lucide statisticien bolchévique Strumulin en témoigne. La planification socialiste n’a pas de rivale. Et encore ne maitrisait-elle pas les potentialités du crédit public pouvant anticiper une Reproduction Elargie allant au-delà des possibilités de réinvestissement de la seule « plus-value sociale ». En effet, le crédit public, qui ne coûte quasiment rien sinon ses frais d’administration et quelques fonds de provisionnement pour pertes, est une anticipation de la production qui demande néanmoins un accès supplémentaire au capital constant et au capital variable mis en mouvement, soit, à l’interne, par une surproduction et des stocks, soit autrement par l’importation, ce qui renvoie à l’équilibre des balances internes.

Avec le retour en arrière effectuée par les sur-représentés apologues du « marginalisme socialiste » parvenus au pouvoir avec Liberman-Khrouchtchev, le système alla rapidement à vau-l’eau, y compris dans le domaine agricole par des gens qui ne connaissent rien du rôle de Lyssenko dans le quadruplement de la production agricole bolchévique dont la partie écoulée sur les marchés internationaux permis d’accélérer l’industrialisation du pays et la collectivisation des terres. A ce sujet, tous les historiens minimalement honnêtes savent que la majorité des victimes de la famine en Ukraine advient hors du contrôle bolchévique sur les terres occupées par la réaction. Chose dérisoirement facile à vérifier. Staline, qui écrivit un des meilleurs essais sur la planification – voir ici – avait tenté indirectement de poser le problème de la transformation des valeurs en prix de production aux meilleurs esprits du temps. Paul Sweezy fit de son mieux avec grande honnêteté et publia une série d’articles permettant de cerner le – faux – problème. On posa la question à A. Einstein – Why socialism, May 1949, voir ici – sans résultat. Sraffa tenta un retour infructueux à la loi de la valeur classique via la réhabilitation de Ricardo et finit par reconnaitre son échec en proposant des prolégomènes avec son essai Production de marchandises des marchandises qui, au fond, ne fait que remplacer la valeur de la force de travail estimée selon la valeur de « la force de travail socialement nécessaire à sa reproduction » par la réification du « panier de marchandises produisant des marchandises », le tout sans rien savoir de l’extraction de la plus-value par le sur-travail. Aucune autre marchandise à part le travail humain ne produit de surtravail, partant de plus-value.

Quelques rectificatifs sur les falsifications bourgeoises.

L’histoire des falsifications bourgeoises est longue : elles auraient dû prendre fin après mon Tous ensemble – 1998 – où la preuve est faite et pour la première fois publiée que le problème de la transformation des valeurs en prix de production est un faux problème falsifié en toute connaissance de cause par Böhm-Bawerk lequel fut par ailleurs incapable de voir qu’il s’agissait, en fait, de résoudre le problème du passage de la rente absolue à la rente différentielle, autrement dit de démontrer scientifiquement la Loi de la productivité. Tout ceci est ignoré par un monde académique de sous-fifres surpayés ressassant sur fonds publics toujours les mêmes clichés et les mêmes falsifications, souvent sans même s’en rendre compte !  

Le marxisme est une chose sérieuse reposant sur son statut scientifique, il est totalement étranger aux « mythes soréliens ». Pour faire court voici quelques liens :

1 ) Introduction méthodologique et Précis d’économie politique marxiste, ici

2 ) La pseudo science économique de la bourgeoisie voilà pourquoi nous devrions changer rapidement de paradigme économique dans   http://rivincitasociale.altervista.org/la-pseudo-science-economique-de-la-bourgeoisie-voila-pourquoi-nous-devrions-changer-rapidement-de-paradigme-economique/  

3 ) Le PIB: outil de narration marginaliste contre le bien-être des peuples et la prospérité des Etats-nations, 24 mai 2020 dans  http://rivincitasociale.altervista.org/le-pib-outil-de-narration-marginaliste-contre-le-bien-etre-des-peuples-et-la-prosperite-des-etats-nations-24-mai-2020/         

4 ) Le socialisme marginaliste ou comment s’enchaîner soi-même dans la Caverne capitaliste, dans https://www.la-commune-paraclet.com/EPIFrame1Source1.htm#socialismemarginaliste Voir aussi : Nota sulla pianificazione socialista 2, dans http://rivincitasociale.altervista.org/nota-sulla-pianificazione-socialista-2/ 

5 ) La transition au socialisme déblayage définitif des falsifications malveillantes en particulier celles de Ch Bettelheim, 21 juin 2021, texte complet à relire/ dans http://rivincitasociale.altervista.org/la-transition-au-socialisme-deblayage-definitif-des-falsifications-malveillantes-en-particulier-celles-de-ch-bettelheim-21-juin-2021-texte-complet-a-relire/

6 ) Calcul économique structure des prix relatifs taux de change et désastre réchauffiste du GIEC : une-courte note, 30 oct 2023, dans http://rivincitasociale.altervista.org/calcul-economique-structure-des-prix-relatifs-taux-de-change-et-desastre-rechauffiste-du-giec-une-courte-note-30-oct-2023/ 

7 ) De nouvelles formes de démocratie socialiste à inventer 1 dans  http://rivincitasociale.altervista.org/de-nouvelles-formes-de-democratie-socialiste-a-inventer-1/     

8 ) Pour la démocratisation politique et économique se reporter au chapitre « Pour le socialisme cubain » dans mon Pour Marx, contre le nihilisme (ici) en prenant soin de comprendre que le développement du centralisme démocratique dans tous les domaines ne doit pas être confondu avec un quelconque retour au pluralisme confrontationnel bourgeois visant le contrôle de l’accumulation privée et l’occultation de la Loi des Grands Nombres dans les divers processus de sélection. Voir aussi la Section « Pour le socialisme cubain » dans mon vieux site www.la-commune-paraclet.com . Si on laissait opérer la Loi Des Grands Nombres dans un système d’éducation public démocratisé et accessible à tout.e.s, l’échelle salariale se réduirait de manière drastique. A preuve l’URSS et la Chine. Aujourd’hui, en Occident, les travaux les plus pénibles ont les salaires les plus bas …   

9 ) Fin 70 début 80, la victoire des néocons néolibéraux monétaristes avec Thatcher et Reagan ouvrit la voie à la pire régression socio-économique depuis la Grande Dépression. Ses lignes de force majeures et ses contradictions étaient détectables au tout début du cycle : public policy – Buchanan-Pollock etc. – avec équilibre budgétaire annuellement imposé allant de pair avec la fin de la planification stratégique et des subventions directes en faveur des tax expenditures afin de garder en permanence le budget au bord du précipice pour décourager toutes exigences sociales, privatisation et dérégulation de l’économie et surtout le « plein des sans-emplois » et des précaires au nom de la fluidité du marché du travail. Débutait ainsi une longue marche philo-sémite nietzschéenne vers le « retours » au « minuit » de la nouvelle domesticité et du nouvel esclavage par le refus exclusiviste de partager équitablement le travail socialement disponible entre toutes les citoyennes et citoyens aptes au travail : le partage de la misère entre travailleurs et l’inégalité affichée plutôt que la RTT. En Calabre, le taux d’occupation oscille déjà autour de 39-42 % alors que la marche vers l’argentinisation du marché du travail aux USA le fixe déjà à 62.5 % avec un taux de chômage factice au sens du BIT de 3.7% !!! On sait que selon cette évaluation statistique officielle du chômage on compte les emplois dont les jobines plutôt que les employé.e.s.

Ma genèse de cette régression remonte à mars 1985 dans l’essai Les conséquences socio-économiques de Volcker, Reagan et Cie, voir ici. Ceci ouvrit la voie aux traités de libre-échange et à la sanctuarisation de la nouvelle définition de l’anti-dumping à l’OMC qui exclut toute référence aux droits du travail, y compris à minima selon l’OIT, ainsi qu’à toute référence au principe de précaution environnemental, voir « L’Appel » ici. Cette course mondiale au moins disant salarial et environnemental mena à l’élimination progressive du « salaire différé » finançant la Sécurité Sociale alors que la précarité réduisait les cotisations sociales versées tout en rendant la fiscalité générale, déjà réduite par les tax expenditures, tendanciellement évanescente, en particulier en ce qui concerne le financement de l’assurance et de l’assistance sociales pourtant entérinées comme droits sociaux fondamentaux par nos constitutions.

Cette manie de payer le salaire net avec le salaire différé signe la volonté de paupériser les travailleurs en transférant leur épargne salariale, y compris les retraites, à la spéculation. Un Claude Reichman salive uniquement en pensant aux 872 milliards d’euros socialisés dans la Sécu qui pourraient être transférés aux investisseurs privés. Les gouvernements avec leur démantèlement des services sociaux et publics sont sur la même longueur d’onde. Voir ici.

Suivit l’affirmation de l’hégémonie du capital spéculatif symbolisé par la « banque universelle », un mouvement entériné par l’abrogation en 1999 du Glass Steagall Act de 1933 par lequel le New Deal avait imposé la compartimentation fonctionnelle du système bancaire financier en 4 piliers, soit la banque de dépôt, la banque commerciale, les assurances et les credit unions ou caisses populaires sans but lucratif. La catastrophe qui se matérialisa avec la crise des subprimes de 2007-2008 fut annoncée dès 2005 dans mon Keynésianisme, Marxisme, Stabilité Economique et Croissance, voir Livre-Book III ici. Bref, les « communs » sans planification, au moins stratégique, appuyée par le crédit public, sans salaire différé finançant la Sécurité Sociale et sans fiscalité républicaine progressive prélevée grâce au plein-emploi assuré par la RTT sur des emplois plein-temps et sur le capital, me semble être une pure fantaisie.      

En effet, toutes ses considérations scientifiques sont évacuées pour des clichés éculés ressassés ad nauseam par des gens qui nous annoncent tranquillement à longueur de pages que le néolibéralisme global a gagné partout et qu’il convient donc d’en tenir compte !!! Ils ne savent même pas que ce globalisme néolibéral est dominé par le capital spéculatif hégémonique qui impose légalement l’intérêt spéculatif comme un véritable taux de profit – normalement l’intérêt bancaire ou financier est déduit du taux de profit – menant ainsi inexorablement à la cannibalisation de l’économie réelle … et, par conséquent, à l’organisation d’un Nouvel Ordre Multilatéral de la part des Etats-nations désireux de se protéger et de protéger le fruit du travail de leurs citoyennes et citoyens, voir : Un monde multilatéral ouvert sans suzeraineté monétaire sans ingérence et sans extraterritorialité pour des lignes de crédit bilatérales et le crédit public, 7 avril 2022/ dans http://rivincitasociale.altervista.org/un-monde-multilateral-ouvert-sans-suzerainete-monetaire-sans-ingerence-et-sans-extraterritorialite-pour-des-lignes-de-credit-bilaterales-et-le-credit-public-7-avril-2022/     

En fait, au lieu de partir du postulat faux et démagogique du triomphe global du néolibéralisme à quoi opposer des « communs » « inappropriables », ces deux auteurs auraient mieux fait de déclarer que la planification démocratique appuyée sur le crédit public constitue la base de tout progrès social, y compris les droits sociaux fondamentaux entérinés dans nos Constitutions – celles que le néolibéral Denis Kessler appela à démanteler, voir ici – et dans la Déclaration Universelle des Droits Individuels et Sociaux Fondamentaux de 1948, toutes deux nées de la Résistance contre le nazi-fascisme et son corporatisme libériste économique. Au moins, ceci est facilement démontrable en pointant à la reconstruction d’après guerre mettant sur pieds la première mouture de l’Etat social moyennant une dette publique oscillant entre 17 et 27 % du PIB, alors qu’elle explosa immédiatement après la privatisation de la Banque de France par la loi Pompidou-Giscard-Rothschild de 1973. Le crédit est une anticipation de la croissance qui s’ajoute à la part de « plus-value sociale » réinvestie dans la Reproduction élargie ; le crédit public est quasi gratuit mais il se transforme généralement en masse salariale supplémentaire – salaire net, salaire différé et fiscalité – et en capital fixe, particulièrement dans les infrastructures et les services publics qui font la compétitivité macroéconomique de la Formation Sociale laquelle est le socle indispensable de la productivité micro-économique comme le savait déjà Alfred Marshall dans sa théorie de la localisation des industries … Voici un tableau qui n’a pas besoin de grands commentaires (cité ici).

La problématique de la transition.

Autre ineptie inventée par nos auteurs et mise dans la bouche de Karl Marx. Ils dénoncent donc « l’illusion marxienne d‘une production objective du commun par le capital » (p 103) Ainsi, le développement de la grande industrie porterait mécaniquement à l’émergence du commun. Et à la concentration étatique bureaucratique de la propriété dans les mains de l’Etat et pire encore selon Yves Cohen (p 103-104) dans les mains totalitaires du Parti-Etat. Il faudrait donc concevoir « le commun de la démocratie contre le commun de la production » (p 106)

En tant que marxiste je suis chaque fois stupéfait par l’ignorance crasse des théories de Marx, du marxisme et du léninisme par tant d’académiques qui, de manière évidente, en ont lu très peu et compris encore moins. Ce que Marx, puis Lénine à sa suite, théorisent ce sont les lois de motions du Mode de production capitaliste qui découlent paradoxalement de la pratique légalement imposée de la concurrence entre agents économiques supposés « libres ». La concurrence joue particulièrement sur les hausses de productivité qui « libèrent » la force de travail qui ne trouve par toujours à se « déverser » – mot de A Sauvy – dans de nouveaux secteurs, intermédiaires ou pas. Aujourd’hui, tous les secteurs sont intensifs en capital, contrairement aux secteurs intermédiaires mis en place après la Seconde Guerre Mondiale – auto, électroménagers, transports, avionique etc.  Il s’agit de la concentration et de la centralisation du capital. Des forces tellement puissantes que mêmes les élites bourgeoises en prirent note pour réfuter le régime de concurrence libéral classique et largement mythique décrit par A Smith, Bentham, John Stuart Mill et al, selon lequel le boucher et boulanger du coin travaillant chacun pour soi travaillaient également pour l’intérêt général selon les bonnes œuvres de la « main invisible » du marché.

Après Paul Lafargue, Hobson, Hilferding, et surtout Lénine mirent en lumière l’affirmation des cartels et des trusts. Puis, dès les Années 20 aux USA Means mit en scène la Big corporation – ce qui plus tard permit aux New Dealers dont Berle, de concevoir la montée en puissance légale des syndicaux dans l’industrie afin de rééquilibrer les relations de pouvoir sur la base de contre-poids ouvriers et sociaux. Même les marginalistes, et les néo-ricardiens, très présents dans les universités, durent incorporer les oligopoles et les monopoles – Schumpeter, Chamberlin, Sraffa, Joan Robinson etc. Aujourd’hui, un Tirole fait rire de lui en proposant une théorie de la « concurrence imparfaite » qui évacuerait toute velléité de rééquilibrage dans la production ou dans la sphère des échanges – Anti-trust, Sherman Act, Baby Bells etc. – en remplaçant les régulations étatiques par des organes de surveillance relevant de l’industrie ou, mieux encore, pour les grosses transnationales comme les GAFAM, sur les organes de discipline internes fonctionnant par analyse des cookies pour jauger la satisfaction des « clients ». Pour le plus grand profit de diverses entreprises comme Cambridge Analytica …

Tout ceci n’est pas sérieux. La concentration et la centralisation du capital mettent en cause une série de régulations qui changent le régime de propriété capitaliste et les relations sociales qui en dépendent, dont la démocratie industrielle qui, en France, avait atteint le niveau sans précédent des Lois Auroux. (Voir ici)

Selon Marx, la transition hors du MPC est inéluctable, constat reconnu d’ailleurs par le marginaliste pessimiste Schumpeter qui proposa sa théorie de « création destructive » dans le simple but de retarder l’issue fatale. Car, ces Lois de motion du capital qui découlent de la recherche de la productivité la plus haute contre les entreprises rivales, finissent par aggraver la surproduction allant de pair avec la sous-consommation au point où les forces productives du capital ne sont plus compatibles avec les rapports de production, surtout après l’émergence du prolétariat intellectuellement armé par le marxisme et le marxisme-léninisme. Cette contradiction ne pourra être résolue de manière durable que par la transition vers un Mode de production nouveau, socialiste, qui rétablira l’équilibre en développement des forces productives et des rapports sociaux de production de plus en plus émancipés et égalitaires. La RTT en constitue une des clefs. La propriété privée cèdera la place à la domination, pas nécessairement uniforme, vu la coexistence à dominance des Modes de production durant les transitions, de la propriété collective – selon des formes diverses, Etat, publique et coopérative – allant de pair avec les nouvelles formes de possession individuelles, dont notoirement la Datcha stalinienne qui est un rêve lointain pour la plupart des prolétaires occidentaux ou autres …

L’objectif du socialisme étant l’émancipation égalitaire des Humains conçus comme des citoyens à part entière, par le bais de la planification, la propriété collective constituera la forme démocratique principale puisqu’elle visera l’allocation des ressources de la Communauté pour la Communauté à travers les priorités sociales informant les Equations de la RS-RE. De même, l’émancipation exigeant le respect de l’espace privé nécessaire à l’éclosion de la personnalité de chacun, la possession – socialiste – individuelle jouera un rôle essentiel. Tous seront tenus à accomplir leur part de travail dans le Domaine de la Nécessité – socio-économique – selon des cycles récurrents de RTT, ce qui ouvrira au développement toujours plus accru du Domaine de la Liberté socialiste, dont les droits individuels, sociaux et civils inaliénables dûment protégés par les nouvelles formes de démocratie à inventer. (voir ici)  Aujourd’hui, les effets destructeurs du capital spéculatif hégémonique et d’une nouvelle vague technologique axée sur l’IA et la robotique, pose le choix entre « barbarie et socialisme » avec encore plus d’acuité qu’avant. Du temps de Rosa Luxemburg, ceux que Lénine dénomma les « renégats » – déjà philosémites nietzschéens – tentèrent d’occulter l’alternative réelle, des Bernstein et des Sombart appuyant à leur façon la fumeuse théorie des classes moyennes de Max Weber et Cie, aspirant au fond à une modernisation du Modèle Wagner-Bismarck inventé par le Chancelier de Fer pour faire pièce à la montée du socialisme et de la 1ère Internationale en Allemagne. Nos deux auteurs sont dans cette laborieuse lignée … avec néanmoins une moindre connaissance des textes « marxistes » et « bolchéviques » de base …

Sur leur interprétation de Castoriadis

Pour assoir la narration subalterne à la domination globale du néolibéralisme il convient donc de critiquer toutes les véritables avenues concrètement anti-capitalistes. On a vu les clichés véhiculés contre les entreprises publiques, la planification et le « socialisme réel ». Particulièrement dans le cas de l’URSS, nous sommes confrontés à des puérilités idéologiques convenues aussi bien de gauche que de droite. A gauche, c’est toujours les critiques à la Victor Serge ou pire encore à la Trotski ; en critiquant le « socialisme dans un seul pays », particulièrement après le coup d’arrêt de l’expansion à l’Europe « avancée » avec l’échec des révolutions allemande et polonaise, ce dernier semblait ignorer que l’URSS était, à elle seule, un continent comptant en son sein 15 républiques fédérées, avec leurs autres républiques, régions et districts autonomes, un Etat multinational soviétique comptant plus de 110 nationalités, qui furent toujours protégées contrairement à la situation faite aux indigènes aux USA, en Australie et dans les territoires sous contrôle occidental. Remarquons qu’à ma connaissance Trotski n’a rien contribué à l’économie politique marxiste, sa contribution principale étant le concept vague de « révolution sociale».

Bref, l’URSS, après la brève expérience de la Commune de Paris de 1871, reste la première et la plus longue expérience concrètement socialiste, authentiquement égalitaire, jamais tentée dans l’Histoire de l’Humanité. Elle innova en bien des domaines : Etat multinational, fédération des Soviets, planification bolchévique carrément fondée sur une compréhension marxiste des Equations de la Reproduction bien que devant faire ses comptes avec quelques obscurités, par exemple l’intégration cohérente de la Loi de la productivité marxiste dans les Equations de la RS-RE et ainsi de suite. Aucun scientifique ne devrait se rabaisser à traiter une telle expérience égalitaire avec la légèreté des idéologues en proie à un anti-communisme primaire. Ceux qui se veulent de gauche ne devraient pas se permettre d’ignorer cette longue et cruciale expérience égalitaire née de la Première Internationale de Marx et poursuivie avec la IIIème Internationale bolchévique.

Il devrait être possible d’analyser une expérience aussi complexe de manière objective, mieux de manière critique marxiste. Par exemple, comment se fait-il que l’URSS commença à péricliter après l’adoption du « socialisme marginaliste » de Liberman, comment se fait-il que les critiques contre Staline, exception fait de Trotski, fassent toute l’impasse sur le rôle du policier nain juif Yeshov qui émula le rôle joué par Sade dans la Section des Piques pour détruire le bolchévisme de l’intérieur ? Comment se fait-il que les accusations de « stalinisme » dans le sens péjoratif du terme relèvent surtout du système dit « de commande et de contrôle » qui découla de la désorganisation de la planification bolchévique après le XXème et le XXIIème Congrès qui suivirent la prise de pouvoir et l’établissement de l’hégémonie des apparatchiks sur-représentés dans la lignée de Liberman et de Khrouchtchev ?  Mao parla alors de « capitalistes roaders » en les distinguant précisément de la politique léniniste transitoire qui donna lieu à la NEP. Et ainsi de suite : préférez-vous Lyssenko qui quadrupla la production agricole soviétique, notamment celle du blé, permettant ainsi l’industrialisation du pays et la collectivisation des terres – kolkhozes et sovkhozes – ou bien la révolution biogénétique bourgeoise actuelle avec sa viande et autres productions in vitro et ses OGM et pesticides associés ? Noter que même si la preuve était apportée que ces OGM en soi n’étaient pas nocifs pour la population, ce qui est impossible puisque qu’ils sont conçus avec des pesticides associés – ex maïs et glyphosate ou Round up – ils ne seraient pas pour autant acceptables du moins sur large échelle. Les Mexicains le savent bien, la tortilla étant un aliment d’usage quotidien. Après la soumission des paysans à la glèbe qui aujourd’hui tombe de plus en plus dans les mains des grands financiers globaux – Blackrock en Ukraine etc. -, voici la soumission des agriculteurs à des semences génétiquement conçues pour être stériles, donc ne pouvant pas être replantées. Tout ceci mériterait mieux que des dénonciations convenues à l’emporte-pièce. Notre Histoire est bien mal racontée, ce qui coûte très cher tant socio-politiquement que culturellement et scientifiquement.  

En ce qui concerne les clichés démagogiques sur le sujet, Castoriadis nous en donne un énième exemple. Ce qui permet à nos auteurs d’enfoncer le clou idéologique dans la bière du « socialisme réel » sans toutefois contribuer, du moins à leurs yeux, à faire avancer la théorie de ce qu’ils conçoivent comme « commun ». Castoriadis, un court moment influencé par les critiques trotskistes au « stalinisme », a très tôt pris ses distances avec le parti communiste grec. On sait comment ce parti et la Résistance grecque furent massacrés par l’intervention voulue par Churchill et les USA alors effrayés par la victoire des communistes yougoslaves. L’éclectique Castoriadis resta dans cette optique immuable jusqu’à la fin.  

La stratégie employée par Castoriadis constitue à s’inventer une ligne discursive alternative tout en prétendant rester à l’intérieur de l’analyse historique mais dans une version a-marxiste. Kant pour sa part piquait de belles colères contre les paralogismes véhiculés par nombre de ses contemporains. Le sophisme de départ de Castoriadis est le suivant, le reste n’étant que broderie. Voici une longue mais explicite citation : « La révolution reste à ses (Marx) yeux un « accouchement», selon la métaphore obsédante qu’il emploie, dans la mesure même où la forme supérieure de société est contenue dans la forme qui la précède, parce que le capitalisme crée lui-même les conditions matérielles de son propre dépassement. Pourtant, ces conditions du communisme qu’il suppose produites par le développement du capital, ne ressemblent en rien à ce qui a permis la constitution du pouvoir économique de la bourgeoise. Castoriadis le constatait dès 1955, témoignant ainsi de la distance qu’il commençait à prendre avec la pensée de Marx. Si le capitalisme a bien produit des usines, des prolétaires en masse, une concentration du capital, l’application de la science à la production, ses présuppositions n’ont que peu à voir avec les conditions de la révolution bourgeoise : « Mais où sont les rapports de production socialistes déjà réalisés au sein de cette société, comme les rapports de production bourgeois l’étaient dans la société « féodale » ? Car il est évident que ces nouveaux rapports ne peuvent pas être simplement ceux réalisés dans la « socialisation du processus de travail», la coopération de milliers d’individus au sein de grandes unités industrielles. Ce sont là les rapports de production typiques du capitalisme hautement développés.» La « socialisation » capitaliste ne peut se confondre avec l’association des producteurs : elle se caractérise, comme le rappelle Castoriadis, par l’antagonisme entre la « masse des exécutants » et « un rapport séparé de direction de la production. Ce qui lui fait dire que si la révolution bourgeoise est « négative », en ce sens qu’il lui suffit d’élever à la légalité un état de fait en supprimant une superstructure déjà irréelle en elle-même, la révolution socialiste est « essentiellement positive », car elle doit « construire son régime » – non pas construire des usines, mais construire des nouveaux rapports de production dont le développement du capitalisme ne fournit pas les présuppositions » (pp 94-95)

A ce niveau d’illettrisme en matière de méthodologie et de théorie marxiste de l’Histoire – mieux du matérialisme historique -, il est difficile de tomber. Notons que ces dérives dans ces cercles précèdent la contre-révolution hongroise de 1956 qui était surtout une contre-révolution des juifs hongrois et des membres de l’intelligentsia pro-atlantistes surreprésentés avec l’appui de Béria qui avait prévu de rétrocéder l’Europe de l’Est à l’Occident en échange de l’appui américain à sa prise de pouvoir à Moscou, trahison qui se réalisera ensuite avec Andropov-Gorbatchev-Eltsine quasiment dans les mêmes termes, y compris le rôle crucial joués par la plupart des surreprésentés juifs en URSS et en Europe de l’Est. Cette trahison est loin de la problématique de la transition au socialisme pour des sociétés ayant déjà connu un certain développement « démocratique » selon les contributions de Rosa Luxemburg ou Gramsci. Comme le démontre l’entrisme transparent d’un Georg Lukàcs, la fracture ne tenait pas à la nature de la démocratie socialiste à inventer mais bien à un choix pseudo-culturel philo-sémite pro-occidental, y compris en faveur du pluralisme bourgeois. De fait, pour la transition au socialisme en Europe de l’Est Staline s’était inspiré soigneusement de Gramsci en développant le concept de « démocratie populaire». Pour consolider l’hégémonie anti-nazi-fasciste au sein de l’intelligentsia de l’Europe de l’Est, Staline, qui savait comment Lénine avait utilisé la NEP sans perdre le contrôle de la planification socialiste, avait même favorisé la venue en Pologne d’Oscar Lange, le concepteur walrasien mais bien intentionné du « socialisme marginaliste », voir ici. La proclamation de l’Etat d’Israël en 1948 signa un désastreux basculement de loyauté qui, en dépit de la « question juive » de Marx, passa de l’émancipation humaine générale au vieux rêve suicidaire théocratique raciste suprématiste de « seule race élue » juive, tous les peuples gentils n’étant que des goyim infra-humains. On voit ce que cela donne aujourd’hui en Palestine et à Gaza avec l’appui de la Zionist Manifest Destiny impériale américaine, de sa Doctrine – illégale – de la guerre préventive contre tous les rivaux militaires et économiques du putatif empire et ses regime changes.     

La défaite de cette première trahison n’empêcha pourtant pas la clique Liberman-Khrouchtchev de détruire l’URSS de l’intérieur par la destruction de la planification bolchévique avec l’imposition du soi-disant « marginalisme socialiste » et sa fragmentation de la « plus-value sociale». Cela étant dit, les connaissances historiques de Castoriadis sont très minces, plus encore possiblement que ses connaissance de Marx. Les formes politiques bourgeoises n’étaient aucunement contenues dans les régimes féodaux qui avaient d’ailleurs fait place à la monarchie absolue mitigeant les relations entre noblesse et bourgeoise marchande – Althusser, Anderson etc.

Sur les Modes de production comparés

Le fond du problème est celui de l’extraction de la plus-value selon les Modes de production, de sorte que, en période de transition d’un Mode à un autre, le problème est de bien comprendre la « coexistence à dominance » d’une forme d’extraction de la plus-value qui est imposée légalement par le Mode dominant. Le Mode de production féodal, y compris dans sa forme mitigée de monarchie absolue, reposait sur l’extraction de la plus-value absolue, cette domination politique et légale – les nobles en France ne pouvaient pas déroger contrairement aux Lords anglais – tenant en laisse le capital marchand, par ailleurs coopté par mariage (voir l’exemple du financier de Louis XIV, Samuel Bernard). Ce qui était en cause était le passage de la rente absolue à la rente différentielle – Ricardo, Torrens, Marx – qui, ainsi que je le démontre, une fois généralisée hors du domaine agricole, donne la productivité qui est la forme d’extraction révolutionnaire caractéristique du MPC.

La transition du Mode « féodal » au Mode capitaliste ne se fit pas en un jour, même après la Révolution de 1789 et la Nuit du 4 août, ni du côté du développement du machinisme et des manufactures – hors régulation, disons colbertistes – ni du côté de l’organisation de la « pin factory » détruisant les « métiers » – et les vielles corporations avec leur apprentissage, bête noire de Adam Smith et de la Loi Chapelier de 1791 (p 470)  – pour les recomposer dans l’organisation moderne qui portera de la « pin factory » au taylorisme. (Notons à ce sujet que trop de gens confondent le taylorisme qui concerne la fragmentation-recomposition des tâches sur les lignes de montage, c’est-à-dire l’organisation (scientific management ) du procès de travail immédiat en vue d’extraire le maximum de sur-travail alors que le fordisme (5 Dollar/Day) concerne la rétribution au sein du même procès de travail mais aussi plus largement les rapports de redistribution au niveau macro-économique de l’Etat.) Du point de vue conceptuel et éthico-politique, il en alla de même : Gramsci analysa les traits essentiels de cette longue formation de la contre-hégémonie, aujourd’hui connue sous le nom des Lumières, avec le développement de la philosophie de Machiavelli et La Béotie, à Hobbes, Locke, Rousseau, Condorcet et tant d’autres dont Buffon, Cuvier, Lamarck etc. précédant Darwin, le tout symbolisé et synthétisé par la grande pédagogie de masse résultant de l’Encyclopédie française, ses articles et surtout ses plaques dessinées, donc visuelles et accessibles à tous, lettrés ou moins. Un artisan ou même un paysan pouvait comprendre ces plaques quasiment d’instinct ouvrant ainsi à une vision du monde scientifiquement fondée.

Et que dire du développement de la « démocratie » passant des Anciens parlements à la démocratie censitaire avec quelque 100 000 électeurs, nombre porté ensuite à un demi-million lorsque la bourgeoise dut introduire un modique « impôts sur le revenu », donc avant 1848 et la conquête du suffrage universel qui incita la bourgeoise – avant Weber et Boutmi – à s’inventer un pluripartisme bourgeois bien soumis au capital et à ses Appareils d’Etat afin de conserver le contrôle sur les masses prolétarisées, ce Grand Nombre qui fit la hantise de Nietzsche et de tous les intellectuels bourgeois après lui, y compris, à son meilleur, la « sociologie de la connaissance » selon Karl Mannheim …

Au moment où Castoriadis écrivait, l’Etat social ou Welfare State keynésien anglo-saxon, battait son plein, y compris aux USA où les conquêtes socio-économiques du New Deal, démocratie industrielle comprise, n’étaient pas encore démantelées malgré la victoire du va-t-en-guerre Truman – avec Dulles, Brennan et Cie – contre Wallace, durant les primaires démocrates tenues après la mort de FDR. Or, le New Deal, tout comme l’Etat social issu du Front national puis des cartons du CNR, prenait acte de la faillite du néolibéralisme classique avec son modèle de compétition parfaite niée dans les faits par l’émergence du capital financier qui prenait la suite du capital bancaire puis du capital industriel – chemin-de-fer etc. – incarné dans les Cartels et les Trusts – Lafargue, Hilferding, Hobson, Lénine – lui-même suivi par ce que Means appela dès le début des Années 20 aux USA les Big corporations.

A cela s’ajouta, à la lueur de la Grande Dépression, et de son chômage de masse accompagnant une indigence et un paupérisme sans précédent, la réalisation que les périodes d’inactivités des travailleurs, chômage, maladie, vieillesse etc.  n’étaient pas dues à leur volonté – « Through no fault of our owns » fut le cri de ralliement des travailleurs et des progressistes américains en particulier ceux de la CIO, les syndicats industriels qui se distinguaient du gompérisme débilitant pratiqué par l’AFL. On prit conscience que le travailleur relevait d’une espèce à reproduction sexuée devant se reproduire comme être humain dans un ménage, et non uniquement reconstituer ses forces pour retourner travailler le lendemain.

Keynes et tant d’autres remarquèrent également – selon la charte des droits sociaux de Beveridge – que les droits sociaux financés pas le salaire différé constituaient le meilleur remède anti-cyclique à opposer aux crises cycliques inhérentes au capitalisme. Outre le salaire différé ou cotisations sociales, le développement de la fiscalité progressive permit à l’Etat d’intervenir dans l’économie, du côté de la production – entreprises publiques, infrastructures etc. – ainsi que du côté de la demande – demande sociale interne dont la masse salariale assurée par le plein-emploi à temps plein – afin de préserver une croissance qualitative allant de pair avec le maintien du plein-emploi à plein temps. En paraphrasant Lafargue sans le citer, Keynes ira même jusqu’à imaginer que la hausse séculaire de la productivité mènerait progressivement à une semaine de travail de 15 heures pour absorber la force de travail « libérée » et maintenir ainsi le plein-emploi, unique moyen de préserver le MPC ou du moins la socialisation, contre ses « esprits animaux ». Dans un relent quasi Leveller -Winstanley  Keynes ajoute, en toute connaissance de cause, que ceci devrait suffire « pour satisfaire le Viel Adam en nous » tout en constituant l’unique moyen pour mitiger les crises structurelles du MPC qui opposent avec toujours plus d’acuité  la surproduction et la sous-consommation de masse.

Or, ce développement du MPC vers le capitalisme avancé de l’Etat social – salaire différé et fiscalité progressive républicaine – qu’est-ce autre qu’une meilleure répartition de la plus-value jusqu’ici empochée par les capitalistes qui payaient uniquement le salaire net individuel, forçant ainsi tous les membres des  familles de travailleurs au travail, vieillards, femmes et enfants inclus. A la fin, ce que Marx constate, c’est que les forces productives se développent et que les rapports de production idéologiquement surdéterminés ne suivent pas toujours, de sorte que le rééquilibrage se fait par la lutte de classe, les réformes et les révolutions qui finalement imposent, d’une manière ou d’une autre, la transition et le dépassement vers un Mode de production plus harmonieux.

Castoriadis devait dire ce qu’il pense du patinage à l’envers commencé avec les surreprésentés américains – et pas uniquement à Chicago University – prenant la suite du juif-fasciste autrichien Ludwig Mises et de tous ses disciples dont la Société du Mont Pèlerin – avant Davos et al … – et avec la nouvelle définition de l’anti-dumping sanctuarisée par eux dans l’OMC depuis l’Uruguay Round et ses suites. On sait que cette définition de l’anti-dumping élimine du calcul tout ce qui ne relève pas strictement du salaire individuel net du travailleur, ainsi que tout critère environnemental à minima – Summers vs Bhopal ? – menant ainsi à une course globale au moins disant salarial, le marché global du travail devant, selon Solow – prix Nobel 1956 !!! –, trouver son équilibre au « seuil physiologique », un mètre élastique, digne du retour de ce pitre au subjectiviste marginaliste d’origine le plus niais – Ecole autrichienne vs Ecole historique allemande de Gustav Schmoller pour ne rien dire des marxistes – alors qu’historiquement et sociologiquement la longévité moyenne de 1 demi milliard de camarades Dalits est de 40-42 années !

On le voit il y a encore une marge à la déflation salariale en Occident, y compris en Italie – l’assistance sociale ou GOL – équivalent RSA – y est de 350 euros/mois par foyer payés par le PNRR, ce qui, concrètement, en fait un système étatique de subvention du travail au noir étant entendu que l’on ne peut pas vivre avec cette somme et que les ponts ont tendance à s’écrouler … !!! 

Bref, on aura compris que Castoriadis n’a pas la plus minime formation pour pouvoir critiquer le marxisme – ou même comme on l’a vu les théories keynésiennes ou celles de la régulation qui théorisaient au mieux – en occultant Marx – une meilleure redistribution de la « plus value sociale » dans ce que j’ai appelé les trois composants du « revenu global net » des ménages, salaire individuel, salaire différé et la part de la fiscalité revenant aux ménages sous forme d’accès citoyen garanti aux infrastructures et services publics. Bref, Althusser avait déjà montré le rôle des Appareils d’Etat, dont l’université bourgeoise, dans le maintien du système…

Pour faire bref, une fois posé un point de départ paralogique qui vous permet de vous abstraire de toute réflexion historique méthodologiquement fondée, il suffit de broder. Ainsi toute la discussion initiée par Marx sur les Modes de production comparés – avec les extractions spécifiques de la plus-value, absolue, relative, structurellement relative ou productivité et plus-value sociale plus ou moins socialement contrôlée – les paramètres de la RS-RE, les Epoques de redistribution ainsi que les Ages technologiques et les Ères civilisationnelles – par moi spécifiés en suivant la méthode de Marx -, tout ceci disparaît. Au profit des suivantes élucubrations, qui ne sont que ce que le jeune Benedetto Croce appela, en les différenciant des distincts, des « opposés », ou des catégories  « aristotéliciennes » qui font disparaître le « premier concept concret, le devenir » – voir mon Introduction méthodologique . Dans ce livre, je démontre aussi l’inanité de « l’unité des contraires » ou « opposés » chez Hegel, qui falsifie la logique et les développements dialectiques. Castoriadis distingue ainsi trois catégories l’oikos, l’agora et l’ekklèsia. (p 591) Car il s’agit de « comprendre aussi exactement que possible la relation que le politique entretient avec ce qu’il est convenu d’appeler le « social » » (p 590)  

Bien entendu, Castoriadis privilégie aussi d’autres catégories, romaines ou issues de la Renaissance etc., mais elles renvoient toujours à l’« origine » grecque en restant des catégories sociologiques statiques, aristotéliciennes, des constructions conceptuelles prises hors du mouvement dialectique du réel. Et cela ne va pas sans problème, ces catégories se chevauchant allègrement. L’oikos, ou domaine de l’économie domestique, est en partie opposé au privé selon Hannah Arendt et son opposition privé/public dans le sens du markéting. L’agora devient le marché – quasiment dans une acception topographique selon la taxonomie de K Polanyi, marché, foire, emporium etc., sans pouvoir nier son acception politique. L’ekklèsia devient le lieu et la pratique de la représentation politique, de sorte que Castoriadis est obligé d’admettre que la frontière entre agora et ekklèsia est poreuse. Et c’est aussi ce que dit le dictionnaire ou Wikipedia !   

Aristote a joué un méchant tour à Castoriadis. On sait, ne serait qu’à travers le jeune Marx, que Platon – en fait, les pythagoriciens dont Socrate – pose comme point de départ des réflexions sociales et politiques le concept universel de l’Espèce humaine, le reste suit, dont l’égalité implicite que la République doit instaurer étape par étape selon le degré d’avancement de l’éducation donc des consciences – individuelles et collectives -, projet repris et modernisé par Joachim voir ici. Comme toujours, les travaux scientifiques de l’Académie – et de Socrate – furent condamnés par les systèmes en place. Aristote, ancien élève – infiltré ? – de l’Académie pris part aux tentatives de réfutation. La plus connue est sans doute la tentative de réfutation du système de reproduction biologique des groupes mis en scène dans la République, critique qui fait abstraction de l’essentiel, à savoir que les catégories or, argent, fer sont des constructions ultimement dépendantes de l’éducation, elles ne sont pas étanches comme des castes entendues comme castes séparées. D’ailleurs, Socrate en fait la preuve maïeutique en faisant retrouver le carré du carré au jeune esclave analphabète.

Plus sérieusement encore, Aristote, sentant la faiblesse de l’attaque, procède comme cela advient toujours, en falsifiant les prémisses de départ. Le concept universel de l’Espèce sera repris par la philosophie moderne avec notamment Kant après Machiavelli, ainsi qu’avec tous les théoriciens de la nature humaine donc de la Loi naturelle ( diritto delle genti selon Vico) et avec Herder, sans oublier l’influence de Buffon, Cuvier etc. Ce concept universel est occulté par Aristote en posant comme point de départ la famille, dans son sens plein, à savoir la domesticité de la famille élargie, voire du clan, sous contrôle d’un patriarche. Le jeune Marx en conclut que la subordination politique et sociale ne sera pas supprimée tant que l’unité « famille », y compris la famille nucléaire, ne sera pas dépassée avec ses relations de pouvoir intrinsèques dont les structures familiales – monogamie, exogamie, matrilinéarité, patriarcat etc. – et les structures de parenté assurant « la circulation des femmes », donc la reproduction biologique et sociale. Ceci ne veut pas dire que le « ménage » – terme neutre – comme lieu de la reproduction biologique disparaîtra, simplement il prendra d’autres formes qui effaceront les relations de pouvoirs en son sein en les substituant par des relations d’amour et de coopération. (voir l’essai Mariage, unions civiles et institutionnalisation des mœurs dans la partie rose de mon vieux site ici.) 

Ce fait d’occultation régressif accomplit le métèque Aristote poursuit en différenciant l’économie domestique – oikos – et l‘économie politique, à savoir la chrématistique. Avec les Physiocrates, cette distinction sera en grande partie effacée ou plutôt transformée. C’est déjà plus intéressant que la confusion oikos, agora, ekklèsia, surtout lorsque l’on a saisi l’occultation initiale recherchée.

Et qu’en est-il alors du domaine « social » ? En fait, la porosité castoriadicienne est inhérente au mouvement de la réalité, la société est toujours une « société politique », tout dépend de son degré d’avancement dans la voie de l’émancipation la plus grande possible et donc de l’accomplissement de l’égalité humaine formant la base de la liberté humaine collective et individuelle. Nous disons ici avancement au lieu de modernisation ou de développement puisque  – Joachim et Winstanley l’avaient entrevu avec leur « communisme » et les Bolchéviques et Mao l’ont démontré brillement ensuite – ainsi que  le disait l’historien allemand Ranke, chaque époque est potentiellement aussi proche de dieu, ici de l’émancipation égalitaire. Car, ainsi qu’il ressort de la structure du Capital, tout dépend de la Redistribution sociale – champ de la lutte de classe et donc de la politique qui reste le domaine de la mobilisation et de l’allocation des ressources de la Communauté au nom et au bénéfice de la Communauté – sur la base de la Reproduction dynamique. La Reproduction est régulée par les Equations de la Reproduction Simple et Elargie, champ de la Planification et de la démocratie industrielle et sociale, qui renvoie, au niveau microéconomique, aux formes d’extraction de la plus-value, dont la « plus-value sociale » dans les Modes de production socialistes et communistes et leurs diverses Époques de redistribution plus ou moins avancées.

La séparation anti-dialectique du « social » d’avec le « politique » – compris unilatéralement comme Etat hiérarchisé selon ses formes compatibles avec l’exploitation de l’Homme par l’Homme – renvoie, en fin de compte, à l’occultation univoque typiquement marginaliste entre valeur d’usage et valeur d’échange par l’invention du concept amputé de l’« utilité ». Ainsi nos deux auteurs après avoir parcourus Proudhon, Castoriadis, sans exempter Negri, Hardt, Hannah Arendt etc. tentent de proposer une solution que voici : « Il faut opposer le droit d’usage à la propriété » (p 595) ce que ni Proudhon, ni Castoriadis ni personne d’autre auraient osé, puisque toute société repose sur la division sociale du travail laquelle implique l’échange des marchandises entre elles, donc de leurs valeurs d’échange avec leur support valeur d’usage.

Reste que l’on ne peut pas rechercher une forme plus démocratique de la « société » ou mieux de la « société politique » en prétendant détruire la valeur d’échange ! Certains Bolchéviques naïfs avaient cru au début de la Révolution pouvoir détruire l’exploitation en interdisant la monnaie. Ce ne fut pas le cas de Lénine, notre maître à tous en matière de compréhension scientifique du marxisme de Marx, qui connaissait parfaitement les premiers chapitres du Capital, Livre I, où la dualité de toute marchandise, valeur d’usage et valeur d’échange, est rappelée, et où on démontre que l’échange d’une marchandise contre une autre implique leur commensurabilité, donc un mètre ou étalon de mesure universel, à savoir la valeur d’échange de la force de travail, seul équivalent universel mesurant tous les autres, bien que les échanges puissent être médiés par des équivalents particuliers – des coquillages, des patates etc. – ou, mieux encore, par des équivalents généraux plus facilement transportables et dont chaque partie aliquote conserve les propriétés naturelles du tout, ex l’or, l’argent etc.  

Pour la petite historique face à l’hyperinflation, Lénine ne se débalança pas, il applaudit même au rôle de destruction des inégalités de classe existantes en Russie – pour une fois l’inflation était utilisée pour le bien du peuple ! –  mais il s’assura pour que les Bolchéviques et les Soviets veillassent le plus rigoureusement possible à l’approvisionnement des ménages et des entreprises sous leurs contrôles, ce qui préfigura quelque peu la comptabilité planifiée en Produit Matériel Net. Ceci permis aux Bolchéviques de passer outre la réaction occidentale et interne réunie – la contre-révolution blanche. La période est connue comme Communisme de guerre. Ceci n’empêcha pas Lénine et les Bolchéviques, une fois assuré la pérennité du régime, de concevoir des transitions comme la NEP, flexibles mais toujours surdéterminées par la planification centrale et l’utilisation maximale par cette planification de la « plus-value sociale » relevant des impôts mais surtout des bénéfices réinvestis par les entreprises d’Etat, ce que précisément Liberman-Khrouchtchev détruiront.

Or, Castoriadis le savait pertinemment en tentant d’imaginer de manière utopique ( ?) un pouvoir politique diffus et dissous dans le social, plus encore que les formes d’autogestion connues-, la distinction valeur d’usage, valeur d’échange ne saurait être abolie puisque ni la division sociale du travail, ni les échanges qui en découlent, ne peuvent l’être. Aristote, pour sa part, approche la question selon sa méthode de taxonomie et de catégorisation conceptuelle : il pose alors la question fondamentale – reprise par Marx dans le Capital, Livre I : comment se fait-il que deux marchandises aussi dissemblables qu’un trépied et un lit puisse s’échanger entre elles, à savoir établir une égalité en terme de valeur d’échange ? Aristote ne réussit pas à fournir une réponse. Marx expliqua que la société esclavagiste dans laquelle il baignait occultait largement le rôle de la force de travail et donc celui de la valeur d’échange de la force de travail comme seul étalon universel permettant d’établir la commensurabilité de toutes les marchandises entre elles.

On voit l’ineptie de nos deux auteurs. Marx, que j’ai repris en tentant de le prolonger avec le concept de « plus-value sociale », montre dans sa Critique du programme de Gotha comment le socialisme et le communisme ayant aboli la propriété privée, mais non la possession individuelle, ex. la datcha stalinienne, abolissent aussi et surtout l’accumulation privée de la plus-value extraite durant le procès du travail et destinée à être réinvestie dans la Reproduction Simple et Elargie pour assurer la croissance. Ceci implique que la plus-value devienne commune – tiens ! « commun-commune» !!! – c’est-à-dire qu’elle soit accumulée dans un Fonds Social qui est ensuite réinvesti – préférablement avec l’ajout du crédit public … – dans la Reproduction Elargie socialiste ou communiste. Mais cette fois-ci cela se fait selon des priorités sociales, humaines et environnementales, par le biais d’une démocratisation entérinée à tous les niveaux, principalement la démocratie industrielle et sociale dans la Planification matérialisée par les comités d’entreprise, les syndicats, la représentation des consommateurs et des chercheurs, les Branches, les Secteurs et les filières, le Conseil Economique et Social, et la supervision par l’Assemblée nationale afin de combattre les disparités régionales dans la Formation sociale nationale etc.

Sur cette base, on conçoit, en suivant Marx, le dépassement vers un Mode de production historiquement plus avancé dans le sens des possibilités nouvelles qu’il offre pour mieux assurer les bases matérielles – dont la démocratie socialiste, voir ici – de l’égalité et de l’émancipation humaines. La recherche de la productivité la plus poussée possible continuera après le dépassement du Mode de production capitaliste mais elle répondra à des priorités sociales et environnementales – y compris, au niveau des finalités de la recherche ex. médicaments génériques, le repositionnement des molécules naturelles plutôt que de criminels pseudo-vaccins à ARN messager fait en quelques heures et distribués avec une mixture qui ne correspondait même plus à celle que les instances européennes et mondiales avaient illégalement acceptée sous prétexte qu’il n’y avait pas d’alternatives, voir ici

Cette productivité dans la sphère de la production mènera à des cycles récurrents de RTT, de sorte que le Domaine de la Nécessité, celui du travail qui reste l’honneur des citoyens et la base de leurs droits, occupera toujours moins de temps puisque toute citoyenne et citoyen apte au travail a l’obligation de participer à l’effort commun en sachant que la productivité, respectueuse de l’ergonomie et du décloisonnement des tâches pour assurer la parité homme-femmes, augmentera de manière séculaire libérant ainsi le temps-libre, celui du Domaine de la Liberté socialiste où pourra s’épanouir la personnalité de chacune et de chacun dans le sens d’une émancipation individuelle et générale la plus poussée passible. Et ceci sans nier les bases humaines ni le génome humain comme veulent le faire les tenants de Davos et autres pitoyables Yuval Hariri qui, en ignorant tout de la dialectique d’ensemble unissant la dialectique de la Nature et la dialectique de l’Histoire, viennent nous dire que la nature humaine n’est qu’un « récit »« hackable » à souhait. (Comment cet Hariri explique-t-il sa position bipède si tout est récit, sans lien jugement-réalité?). Cette falsification vise uniquement à créer des espèces « humaines » différentes : nous avons-là le délire suprématiste nietzschéen-rabbinique à son degré le plus extrême. Cette optique donne lieu à ce que nous constatons sous nos yeux à Gaza aujourd’hui, des horreurs jamais égalées dans l’Histoire humaine.

Dans le Domaine de la Liberté, les Hommes pourront donner libre court à leur imaginaire et à leur esprit créatif. Le communisme, dit Marx, est une société dans laquelle « toute personne ayant le potentiel de devenir un Raphael, pourra le devenir réellement.» Le « travail », manuel et intellectuel, qui est le cœur de la relation dialectique constituante que l’Être humain entretient avec la Réalité – nature, histoire, fictions -, sa base phénoménologique selon la réinterprétation de la Phénoménologie hégélienne par Kojève, si l’on veut, se donnera libre court, librement, et créera des œuvres qui resteront des valeurs d’usage ne devant pas être échangées, en tout cas pas comme des marchandises. Et ceci sera possible, nous le répétons, grâce à la production de toutes les valeurs d’échange nécessaires dans le Domaine de la Nécessité. Une préfiguration en est donnée par les mandala bouddhistes, pures créations esthétiques ( « spirituelles », mot à comprendre dans le sens de la psychoanalyse marxiste développée dans la Second Partie de mon Pour Marx, contre le nihilisme, ou Livre II ici.) 

On voit le danger de ces mutilations a-scientifiques, qui nient la dualité valeur d’usage-valeur d’échange et donc la dialectique Nature-Histoire et ainsi de site. Nos deux auteurs sont donc des faussaires dangereux. Et d’ailleurs ils partent du constat de la victoire sans appel de l’Empire néolibéral global, suivant en cela les pitres Negri et Hardt (incroyables références pour qui connaît un peu leurs biographies … et le rôle de Gladio, des Stay behind et de la CIA durant les Années de plomb dans la Péninsule …). Leurs élucubrations visent uniquement à nous faire croire que ces « communs » sans substance, sont la seule voie de résistance au Mode de production capitaliste aujourd’hui de nouveau dévoyé par l’exclusivisme théocratique raciste le plus barbare.

Détours par les « commons » anglais.

Quelle utilité peuvent avoir les « commons » d’Angleterre, pour comprendre le « commun » – substantif – de nos auteurs ? Bien entendu, pas grand-chose. Ce sont des institutions ! Mais comme les « commons » et le mouvement des enclosures reviennent fatalement sous la plume de nombreux commentateurs particulièrement de langue anglaise, il fallait bien en passer par là.

Les auteurs évacuent d’ailleurs rapidement toute velléité de traiter la propension néolibérale de breveter le vivant, la nature et les découvertes scientifiques comme relevant d’une lutte des classes ayant quoi que ce soit de commun avec un mouvement de « nouvelles enclosures ». Ils affirment : « Mais l’accent mis sur ce point – importance des droits coutumiers ou de la Common Law, ndr – ne saurait nous faire oublier que notre tâche ne peut consister aujourd’hui à redonner vie aux anciens communs, fut-ce sur une nouvelle base sociale, ni à en établir de nouveaux en prenant les anciens pour modèles, comme s’il suffisait de fonder les droits politiques sur cette nouvelle base pour actualiser le supposé « modèle social » des deux chartes. Pas plus que la Magna Carta de 1215 n’est une déclaration des droits civils et politiques avant la lettre, la Charte de la forêt de 1225 n’est pas une déclaration des droits sociaux comme droits universels des pauvres qui aurait pour sens de fonder la première. Il est trop facile de réduire à priori le néolibéralisme à « une doctrine économique de la mondialisation et de la privatisation » pour mieux faire apparaître la Magna Carta comme opposée à cette doctrine au prétexte qu’elle définirait « des limites à la privatisation » (sic !).

Si l’on pense le néolibéralisme comme une forme de vie ordonnée au principe de la concurrence, alors la conscience du caractère singulier de notre situation historique interdit tout rapprochement hâtif avec des configurations appartenant à un passé révolu. » (pp 398-399) Et pas uniquement révolu. En effet, il nous fut expliqué que le néolibéralisme triomphant a mis fin à l’expression politique et socio-économiques des droits individuels – ajoutons que Blair suspendit même l’habeas corpus en allant en Iraq … voir ici – et des droits sociaux fondamentaux tels que spécifiés par la Charte sociale de Beveridge de 1942 ou encore dans nos Constitutions nées de la Résistance au nazi-fascisme tout comme dans la Déclaration Universelle des Droits Individuels et Sociaux Fondamentaux de 1948 d’inspiration identique et encore en vigueur … malgré tous les Denis Kessler surreprésentés de ce pauvre monde.

Pour faire bonne mesure ils ajoutent « … comme nous l’avons établis plus haut, il n’y a pas de « communs de connaissance » qui seraient déjà constitués à la manière dont les communs agraires pouvaient l’être à l’époque de l’accumulation originelle, de sorte que la course au brevetage ne peut être comprise comme une « nouvelles vague d’enclosure ». (p 399)

Nous sommes ici dans la supercherie totale par voie d’inversion de la réalité. La nature, les connaissances etc. relèvent du patrimoine humain commun, le brevetage est une expropriation pour fins privées. Processus commencé avec la victoire des néocons reaganiens alors que les Socialistes du temps du Président Mitterrand avaient tenté de défendre ce patrimoine commun de l’emprise de la marchandisation – et de la militarisation – tout comme l’espace, les fonds marins et l’Antarctique.   

Reste alors leurs rappels historiques – sans doute des notes de cours réutilisées – concernant les deux Chartes, le développement de la Commons Law en tant que telle par opposition aux Statute Laws, surtout à la lueur de la Révolution Anglaise – voir le rôle de Sir Edward Coke et John Selden, Matthew Hale, p 374 etc. – et du Black Act plus tardif de 1723, abrogé en 1823. « La loi – le Black Act – constituait en elle-même un Code pénal d’une extrême sévérité puisqu’elle créait d’un seul coup cinquante nouvelles peines capitales correspondant à autant de délits différends. Parmi les principaux délits, on pouvait compter notamment le fait de « chasser, blesser ou voler un cerf ou un daim, et braconner un lièvre, un lapin ou du poisson » » (p 406 ) On voit s’ouvrir ici tout le champ des luttes de classe entourant les « commons » qu’ils se gardent bien d’analyser ; ils se bornent simplement à remarquer que la Magna Carta suivit la défaite anglaise à Bouvines de 1214 – et la révolte des barons contre Jean-sans-terre.

A part les révoltes sous Jean-sans-terre, la révolte des paysans anglais de 1381 mais initiée bien avant aurait mérité quelques mots. Son souvenir se répercuta dans la « guerre des paysans en Allemagne » de 1525, qui mettait en scène le joachimite révolutionnaire Thomas Müntzer, un évènement marquant qui fut analysé par Marx-Engels- voir ici. « Quand Adam bêchait et Ève filait, où était alors le noble ? », cette phrase du prêtre « mendiant » John Ball, ami du leader paysan Wat Tyler, que Winstanley réutilisera, avait été reprise par les paysans allemands : « Als Adam grub und Eva spann, wo war denn da der Edelmann? »4.» Voir ici. Cette reformulation sociale et politique avait été devancée par la présence en Angleterre de Lollard, un franciscain joachimite vaudois dont s’inspira la longue résistance des « lollards », plus encore que par la traduction de l’Ancien Testament par John Wyclif qui en tira une théologie personnelle – Ce que Valdo avait fait à Lyon avant lui.

Pour un bref rappel sur ces luttes, on se reportera à la belle entrée dans Wikipedia « Révolte des paysans anglais » dans https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_des_paysans_anglais

Il importerait par conséquent de ne pas appauvrir le contenu et la signification de ses révoltes paysannes qui insufflent un contenu nouveau aux « commons » anglais. Pour en donner un avant-gout je reprends ici une partie de mon essai sur Joachim de Flore ici :

Citation «En fait, nous retrouvons cette innovation théorique-pratique de Joachim dans tous les conflits qui suivront sa mort en 1202. Et, de manière particulière, dans la conception communiste de Gerrard Winstanley, des Diggers et des Levellers avant leur défaite militaire à Burford en 1649. Ceci est très différent des « Commons » anglais, les terres manoriales sur lesquelles les résidents avaient un accès restreint menant à des conflits permanents avec les seigneurs et autres possédants comme le montre si bien le précurseur « communiste » anglais. (10) Ou encore de l’ineptie d’accompagnement du néolibéralisme monétariste inventé en Occident après la défaite de l’Unesco imposée par Reagan – tentative d’établir un nouvel ordre mondial de la communication et des télécommunications -, à savoir les « biens communs » en lieu et place des biens publics fournis par des entreprises publiques, alternative néolibérale qui ne nuit ni à la perpétuation de la propriété privée, y compris dans les monopoles naturels devant logiquement revenir au secteur public, ni à l’accumulation du capital, ni à son interprétation du réchauffement climatique en lieu et place de la protection de l’environnement et de la mise en œuvre de l’Ecomarxisme.

De même, William Blake tentera à sa façon de refaire une vaste narration proto-biblique pour réactualiser le projet de Winstanley à la leur de Thomas Paine et de la Révolution française et de A New System ; or an analysis of ancient mythology – 1774 – par Jacob Bryant en ligne avec l’Abrégé de l’origine de tous les cultes de Charles-Franҫois Dupuis 1742-1809. (https://fr.wikisource.org/wiki/Abr%C3%A9g%C3%A9_de_l%E2%80%99origine_de_tous_les_cultes ). En ceci, outre une puissance graphique et artistique à l’égale d’un Michel-Ange, il démontre une compréhension raffinée de l’usage des mythes tels qu’il ressort, entre autres, d’une lecture soignée de Joachim et de Vico.

La réputation et les œuvres de Joachim étaient connues dès l’origine par les dirigeants Normands d’Angleterre et leurs Cisterciens. De fait,  Richard Cœur de Lion, de passage à Messine en septembre 1190, avant son embarquement pour la Terre Sainte, tint à interroger Joachim sur l’avenir de sa croisade – Philippe Auguste l’accompagnait mais, entendant mieux l’appréciation de Joachim qui en prévoyait l’échec, décida de regagner la France au plus tôt. On sait ce que pensait Joachim du pouvoir temporel, lui pour qui le vrai Temple était la conscience humaine ; cette conviction fut renforcée par la prise de Jérusalem par Saladin en 1187. ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_C%C5%93ur_de_Lion ) Plus encore, l’abbés cistercien Adam de Perseigne et le chroniqueur et abbé cistercien anglais Ralph de Coggeshall l’avaient rencontré à Rome en 1195. Dans son Chronicon complété en 1208, Ralph résuma ce qu’il avait appris de Joachim lui-même. (Voir Pasquale Lopetrone, « Gioacchino raccontato da Radulphi de Coggeshall » Corriere della Sila, 5 giugno 2023, p 10) On sait également que G. Bruno fit un passage remarqué à Londres qui le poussa à écrire sa Cena delle ceneri. Outre sa mordante ironie pour « les pédanteries et âneries » des lettrés d’alors, il démontre dans ce dialogue bien connaître ses sujets, entre autres l’astronome pythagoricien Filolao contemporain et ami du Maître de Crotone qui savait déjà que la Terre ou le Soleil n’étaient pas le centre de notre galaxie. En outre, Blake, qui travaillait de près avec des éditeurs, affirmait souvent avoir une facilité pour les langues étrangères, et de manière évidente il était bien informé.   

Note 10 : «10 ) « Winstanley s’inspirait fréquemment de l’expérience locale pour illustrer les manquements de la noblesse à l’égard des pauvres, comme lorsqu’il se plaignait de leur exploitation des terres communales et les accusait d’intervenir chaque fois que les pauvres “coupaient du bois, de la bruyère, du gazon ou des fours, dans des endroits de la Commune où ils n’avaient pas le droit de le faire”. Ses expériences à Cobham ont également dû constituer la base de l’analyse très subtile des relations sociales rurales contemporaines qu’il présente dans ses écrits sur les Diggers – une analyse qui différencie les pauvres non seulement de la gentry mais aussi des “riches Freeholders”, ces yeomen prospères qui s’associent à la gentry pour tirer “le plus grand profit des Commons, en les surchargeant de moutons et de bétail”, tandis que les pauvres se retrouvent avec la plus petite part. » (John Gurney, 2013, p 21)

On sait que l’historien anglais anti-althussérien EP Thompson, le même qui prétendait faire de William Blake le « dernier de Muggletonians », le même qui sous couvert de marxologisme académique bien ancré dans la « polite culture » – Tradition burkéenne – fait la chasse à tout ce qui peut ressembler à du jacobinisme ou pire encore à du bolchévisme, a développé une conception « culturelle » de la « sécularité » anglaise. En l’occurrence ici, il rappelait que les Blacks – paysans – anglais avaient au moins le droit hérité de la Magna Carta et de la Common Law, d’être jugés avant d’être pendus pour des petits vols en particulier sur les terres domaniales. Barrington Moore montra comment la Révolution et la Restauration anglaise avaient fait plus de morts que la Révolution française ou bolchévique. De même pour les Blacks, ou paysans. En fait, sans s’en rendre compte, cet anti-althussérien flanqué pour ce travail de sape idéologique-théorique par Ralph Milliband et autres comme le démontre le coup contre New Left Review, illustra le cynique et sanglant caractère de classe de la justice bourgeoise, un sujet que les marxistes authentiques ont quelque peu négligé. (Voir mon Pour Marx, contre le nihilisme, 2002, dans la Section Livres-Books de mon vieux site expérimental www.la-commune-paraclet.com

Pour l’importance des biens publics produits et offerts par les entreprises publiques encadrées par la planification et le crédit public voir le chapitre « Biens publics : sauvons ce qui peut encore être sauvé » dans Tous ensemble – idem. Ce chapitre fut écrit alors qu’Enron faisait faillite et que le Fraser Institute y allait de sa cynique et démagogique proposition baptisée par moi « modèle british-colombien » : puisque le capital spéculatif court-termiste ne peut financer les infrastructures qui exigent des investissements longs, l’Etat doit prendre en charge ces projets puis une fois achevés les transmettre au privé pour un dollar symbolique afin d’assurer aux clients – non aux usagers – le « juste prix du marché ». Nous en sommes à ce degré de déliquescence académique et éthico-politique. Et cela continu de plus belle, avec toute la chutzpah de rigueur en pareilles matières. 

Ceci mérite d’être souligné dans le contexte post-reaganien et climatologique des « biens communs » utilisés en réalité pour protéger les oligopoles privés tout en garantissant leurs profits par toutes sortes d’aides, de bourses pour les certificats carbone  et autres green bonds spéculatifs. Penser global, mais agissez local, en privatisant et sans remettre en cause la concurrence imparfaite de Tirole et Cie selon laquelle les Etats souverains doivent céder la place à la « gouvernance globale privée » les oligopoles transnationaux se chargeant eux-mêmes de consulter par cookies et autres leurs clients pour tenir compte au mieux de leur préoccupations, sans nuire à leurs profits. Bien entendu, tous ne sont pas clients, et tant pis pour eux ; en outre, les « clients » qui ne sont plus des « usagers » de services publics reçus comme droits citoyens garantis par la Constitution mais des « clients », ne sont dignes d’intérêts que s’ils sont solvables …      

11) Sur Paolo Cinanni voir : « Cinanni, Paolo: un comunista esemplare calabrese », 17 luglio 2017, dans  http://rivincitasociale.altervista.org/cinanni-paolo-un-comunista-esemplare-calabrese-17-luglio-2017/  Pour les « usi civici » très particuliers en Sila, les luttes des paysans dont nous faisons état dans le texte et les problèmes de la migration de masse d’après-guerre, voir P. Cinanni, Lottes per la terra e comunisti in Calabria 1943/1953 e Emigrazione e unità operaia : un problema rivoluzionario. Il me reste encore à mettre à jour mon texte sur le grand communiste calabrais en incorporant ces deux livres fondamentaux. On verra aussi :  Recensione argomentata del libro di Pino Fabiano « Contadini rivoluzionari del sud: la figura di Rosario Migale nella storia dell’antagonismo politico, Città del Sole Edizioni, marzo 2011, dans http://rivincitasociale.altervista.org/recensione-argomentata-del-libro-pino-fabiano-contadini-rivoluzionari-del-sud-la-figura-rosario-migale-nella-storia-dellantagonismo-politico-citta-del-sole-edizioni-marzo-2011/  »

Revenons brièvement sur la définition du « commun », à ne pas confondre avec les « (biens ) communs » ou les « commons » anglais, à savoir l’« inappropriable » qui exclut ainsi la terre – contre tout sens commun ? Et, de fait, si le globalisme néolibéral a triomphé définitivement pourquoi gêner Arnauld Rousseau en France ou Blackrock et autres du genre en Ukraine, pays préalablement ruiné par une guerre impériale-sioniste menée par procuration en finançant des Bataillions nazis dont Azov, mais qui compte pour1/3 de l’ensemble des terres noires agricoles disponibles qui, selon cette vision pathologique guerrière, ne peuvent pas être abandonnées à la Russie etc. …Ceci exclut également l’eau courante – Veolia etc. – et l’air – depuis quelques décennies le Japon a mis à disposition des bornes à oxygène contre le smog dans les villes les plus touchées par cette pollution. Idem pour l’espace, aujourd’hui toujours plus militarisé y compris par des firmes privées. Et que dire de la haute mer en dépit de la Conférence sur le droit de la mer ou encore de Hugo Grotius (p 48) qui illustre aussi le concept par l’exemple du « hareng » (p 340) En effet, à son époque, le hareng et la morue étaient non seulement très abondants, quasi inépuisables, mais à cause de cela ils servaient à nourrir les prolétariats à bon compte, en particulier au Portugal, en Espagne – la paella – ainsi que dans la partie méridionale de l’Italie avec les plats au baccalà, quoique en moindre mesure.

Bref, il s’agit d’une « praxis constituante » sans support « naturaliste ni essentialiste ». Tant pis pour la « praxis » selon son acception gramscienne ou simplement selon sa définition du dictionnaire. Tant pis aussi pour sa version en tant que « pratique théorique » althussérienne  !!! En fait, nous assistons ici à un glissement sémantique de l’inappropriable à l’inépuisable. Ce qui nous renvoie à la première édition de Eléments le premier livre du théoricien marginaliste de la rareté Léon Walras : dans une note de bas de page au début du livre, il précise, qu’en dernière analyse, la rareté est socialement produite – ce qui a dû faire rire son père Auguste et m’a fait, pour ma part sauter sur ma chaise : tout l’édifice walrasien tombait d’un coup. Ne parlons pas de la reprise à rabais par Paul Samuelson dans son manuel trop de fois réédité qui illustre le concept avec l’exemple du diamant, sans mentionner la fabrication des diamants industriels.  D’ailleurs la note disparut dans les éditions suivantes du livre de Walras et il est facile de conclure que Sartre n’eût pas accès à la première édition puisque qu’il posera fallacieusement l’abondance comme critère préalable du socialisme. Grave malentendu. Car le socialisme ne repose pas sur l’abondance mais sur la production assurée selon les besoins du peuple et sur la redistribution égalitaire de la production. … Les Bolchéviques et Mao en firent magistralement la preuve. Là aussi nos auteurs divaguent et taisent le rôle de la planification pour assurer les besoins, au moins essentiels, des citoyennes et citoyens sinon par des biens communs du moins par des biens, services et infrastructures publics payés collectivement et à accès individuellement gratuit et universellement garanti.

Ce qu’il importe de souligner ici, c’est que la conceptualisation des « communs » contre les biens publics et contre la conception d’une transition pacifique ou révolutionnaire au socialisme, remonte très spécifiquement à une pesante défaite de la gauche et des forces progressistes internationales, infligée notamment par l’offensive de Ronald Reagan contre l’UNESCO et contre l’ONU et son projet de faire de la Haute mer un patrimoine commun à toute l’Humanité avec la Conférence sur le droit de la mer. Cette offensive reaganienne mit littéralement fin à la volonté d’hausser l’aide internationale – à un minimum de 0.7 % du PIB – ouvrant ainsi la voie à la privatisation rampante des Agences spécialisées de l’ONU par le biais des partenariats publics-privé, ce qui est un véritable contre-sens pour la principale organisation inter-étatique mondiale !!! Je renvoie à la 5ème partie de mon « Les conséquences socio-économiques de MM Volcker-Reagan et Cie », mars 1985 ici . Ainsi, aujourd’hui, Bill Gates et son obsession vaccinale domine à l’OMS, ce qui n’est qu’un exemple. En voici brièvement un résumé.

Dans les Années 70s, en réaction à la domination des MNCs, pointe avancée de l’internationalisation du capital productif, particulièrement américain et grâce au travail de nombreux marxistes, marxologues et progressistes – notamment Althusser, André Gunder Frank, William Appleman Williams, Johan Vincent Galtung, Immnanuel Wallerstein, et même Raymond Vernon ou Barnett et Müller, etc. – la nécessité de concevoir un Nouvel Ordre Economique International se faisait jour. La crise du système de Bretton Woods initiée le 15 août 1971 et officialisée au Sommet de la Jamaïque de 1976, y était pour beaucoup. Cette tentative de démocratisation par le co-développement international concerna également le Nouvel Ordre de l’Information et de la Communication, tel qu’étudié et proposé par l’UNESCO sous la direction de son Secrétaire Général sénégalais M. M’Bow. On pourra se reporter à cette entrée sur le Rapport MacBride ici.

Dans la même lignée la Conférence onusienne sur le Droit de la Mer avait tenté de concevoir les ressources maritimes – dont les nodules métalliques et le pétrole, outre les ressources halieutiques – comme un patrimoine de l’Humanité entière hors des frontières de la mer territoriale, prolongement des plaques continentales inclus. Il n’en reste plus que le concept de zone économique de 200 miles marins, quelque peu dévoyé puisque il ne doit s’agir que d’une zone de protection environnementale et de régulation de la pêche. 

A son arrivée au pouvoir, Reagan annonça les couleurs en mettant à la porte tous les contrôleurs de l’air alors en grève. Il mis l’UNESCO au pas en coupant les fonds américains, principaux soutiens de l’Agence, et en exigeant la démission de M. M’Bow. Suivie la répudiation de tous les progrès accomplis durant la longue Conférence sur le Droit de la Mer. C’est dans ce contexte délétère que n’acquit la formalisation de cette défaite subie aux mains des néoconservateurs qui fut entérinée par le « mythe sorélien » d’accompagnement de cette régression, les « communs », en lieu et place des services et des entreprises publics. Comme nous l’avons noté plus haut, la pratique du partenariat avec le privé sauvait nombre d’emplois de bureaucrates internationaux en dévoyant le sens et les finalités de l’ONU. Au niveau national, la public policy destructrice – privatisation, dérèglementation, tax expenditures, plein des sans-emplois etc. – alla main dans la main avec les fumeuses théories de la social justice à la Giddens, Rawls etc. Le démembrement du Bloc et l’Est et de l’URSS sembla donner raison aux plus intellectuellement démunis qui chantaient déjà le chant de la victoire et la « fin de l’Histoire ». Nos deux auteurs semblent avoir vite compris d’où soufflait le vent dominant … Vous jugerez ce que cela vaut du point de vue de l’analyse scientifique, au moins sociologique …

Le nouveau sophisme des servi in camera et des bas clergés.    

Ces falsifications narratives, ces sophismes et paralogismes ne datent pas d’hier mais ils sont devenus une méthode pratiquée avec d’autant plus d’acharnement par les classes dirigeantes depuis que la démocratie représentative bourgeoise et la remise en cause socialiste radicale les menacent. Leur hantise c’est la force du Nombre, voire la sélection au mérite véritable par l’éducation nationale et la Loi des Grands Nombres. Nous eûmes Nietzsche, Heidegger, Freud etc. ainsi que la falsification marginaliste de Böhm-Bawerk, Menger, Mises etc. . Voir ici. Aujourd’hui, cette volonté de bloquer le sens du « devenir » historique humain reprend de plus belle : nombre d’académiques s’y consacrent avec une assiduité stipendiée. Outre le GIEC – ici – et les « communs » dont nos deux auteurs, nous avons les reformulations narratives statistiques – par ex. Piketty, voir ici – et de nouveau Piketty, Cagé et al., sur les inégalités et les conflits électoraux dont l’histoire identitaire imputée devrait faire oublier les textes fondateurs de la méthode historique moderne en particulier les textes de Marx-Engels sur la lutte des classes en France, le 18 Brumaire et la Commune de Paris. Je me demande ce que Marc Bloc de l’Ecole des Annales en penserait ? D’autant que l’on voit mal les lois générales à dégager des seules expressions électorales et des conflits politiques ainsi formalisés alors que le nombre d’électeurs – électrices – varia de manière importante tout comme les modes de scrutin, et l’organisation parallèle des autres Appareils d’Etat, y compris l’éducation nationale. Nous avons même un E Todd qui voudrait nous refaire le coup identitaire religieux – à quand le retour des Chevaliers de la Foi ? – en s’inspirant de Max Weber dont l’esprit du protestantisme donné comme origine du capitalisme ne résiste pas aux interrogations du premier élève du secondaire venu, pour ne pas dire de ceux, lecteurs de Schumpeter, qui voudraient remonter jusqu’aux Jésuites de Salamanque ! Mais comment faire oublier les déterminants de classes principaux, surtout dans la première République laïque moderne ? Rosanvallon a montré comment ce replis idéologique identitaire – Barrès etc. – avait été artificiellement créé et promu par la droite et par une certaine gauche pour coopter une partie du prolétariat autrement attiré par les socialistes durant les difficiles transitions socio-politiques de la fin du XIXème et du début du XXème Siècles. (voir ici ) Bien entendu les analyses électorales gardent tout leur intérêt mais on ne peut ramener l’ensemble des luttes sociales à des conflits électoraux, la compréhension des seconds exigeant une connaissance des premières. Et quel est l’horizon des analyses économiques et fiscales proto-Pareto proposées ? Loin de réhabiliter le salaire net – contre l’inflation, la généralisation des primes etc. – ou le salaire différé devant financer la Sécu publique ou encore la fiscalité progressive républicaine inscrite dans la Constitution, on nous propose de faire du bouche-trou budgétaire en allant grappiller 2 % des montagnes de profit dissimulées dans les paradis fiscaux, de quoi persévérer avec les politiques d’austérité actuelles! Voir ici.   

La palme de cette tentative d’occultation générale revient sans doute à deux jeunes universitaires juifs-anglo-saxons ayant un vernis très vaste de culture, imaginez Internet et Youtube plus la vaste bibliographie universitaire que vous prépare le bibliothécaire et que vous mâchent les assistants de recherche, il s’agit de feu David Graeber et de David Wengrow etc. Leur travail – The Dawn of everything, 2021, nouveau crépuscule des dieux ? – voudrait critiquer l’historiographie, l’ethnologie et l’anthropologie fondées sur le « devenir » égalitaire humain, confondu avec une vision simpliste du passage des sociétés préhistoriques aux sociétés hiérarchisées en classes devant aboutir à la redécouverte de l’égalité humaine grâce au développement socioéconomique. Le point de départ consiste à affirmer que le concept d’égalité est un mythe inventé par les Grecs – Pythagore, Socrate-Platon ? – ou par l’idée de rédemption imposée au mythe biblique. (p 493) La méthode usuelle consiste à créer artificiellement des épouvantails pour mieux les démolir. La première victime en est Jean-Jacques Rousseau, comme on pouvait s’y attendre de qui ignore Joachim, Machiavelli et surtout Giambattista Vico, vrai idéateur moderne du devenir historique tendant à l’émancipation égalitaire. On accumule alors en vrac tout une série d’exemples que ni Rousseau, ni Marx ne connaissaient et on leur fait dire superficiellement ce que l’on veut. Superficiellement ? La preuve en est donnée par les quelques paragraphes maladroits consacrés à la méthode et aux travaux des universitaires qui s’étaient consacrés à prolonger les analyses pionnières de Marx sur les Modes de production comparés. (Pour les quelques bouts de phrases, voir pp 360 et 446. Vous avez aussi cette perle : « Now wait. A non-productive mode of production ? » p 189. Apparemment, c’est possible …Nous avons donc droit à quelques phrases montrant comment « l’écologie façonne l’Histoire» pp 256-257. Sans surprise, nos deux auteurs et ces deux-là sont sur une même longueur d’onde inégalitaire.  )

Mais pire encore, leur tentative de créer un récit alternatif brouillant les pistes et la nécessité historique du devenir égalitaire émancipateur humain, montre qu’ils n’ont rien compris à la problématique ni spécifiquement à Rousseau – pour ne pas dire à Marx. Faites abstraction, un peu comme fut obligé de le faire Machiavelli – qui connaissait Joachim – et tous les théoriciens de « l’état de nature » avec lui, des nouvelles données ethnographiques et archéologiques, et bien cela ne change absolument rien, puisque nous avons à faire à une Espèce particulière, l’Espèce humaine, ancrée dans la Nature mais dotée d’intelligence et de conscience et créatrice, sur cette base, de sa propre Histoire. Or, par le biais de la lutte de classes, cette histoire ne peut tendre que vers une reconnaissance toujours plus complète et raffinée de l’égalité intrinsèque à tous les membres de l’Espèce. A part l’ancrage biblique-talmudique aucun texte ancien n’a jamais remis cela en cause – ni fait l’apologie du génocide de droit divin, voir par ex., le Livre des Rois – , surtout pas tous les autres textes religieux et philosophiques cherchant à établir les normes et des rituels éthiques minimaux nécessaires à une socialisation plus au moins paisible, si l’on veut le « mentir vrai » de Socrate-Platon.

 La Golden Rule sous-tendant la nouvelle société égalitaire de Gerrard Winstanley n’était rien d’autre que ce qui deviendra l’Impératif éthique universel de Kant exposé dans son magistral Fondements de la métaphysique des mœurs. Qui renvoie, ainsi que Joachim l’avait fait remarquer auparavant, à l’égalité et à la communauté des biens que l’Acte des Apôtres généralisera et où l’on reconnaît, en partie, l’organisation de la Cité pythagoricienne, du moins pour les gardiens de la République de Socrate-Platon. Les problèmes à résoudre sont : comment y arrive-t-on et avec quelle organisation économique et sociale ?

Marx éclaire toute la problématique – les Modes de production comparés – en montrant que cette marche émancipatrice égalitaire n’est pas un parti pris moral mais bien une nécessité objective inscrite dans la logique d’extraction de la plus-value, et dans la logique de la reproduction élargie sociale dont les contradictions font inéluctablement transiter d’un Mode à un autre « supérieur » dans le sens que ce dernier résout la contradiction forces productives-rapports de production du Mode de production antérieur. La difficulté superficielle ici tient au fait que tous les Modes pré-capitalistes sont fondés sur l’extraction de la plus-value absolue – et de la plus value relative strictement conjoncturelle, les proverbiaux coups de colliers ou bien l’accélération des cadences. Les avancées de productivité ne sont pas absentes mais elles s’expriment dans la très longue durée plutôt que d’une entreprise à une autre. Par exemple, l’utilisation du silex, l’astronomie pour le contrôle du temps et des saisons, l’invention de la charrue puis des socles en métal, le collier d’attelage, les moulins à eau ou à vent etc. Aucun Mode de production ne vivant en autarcie, il faut également analyser les relations commerciales et étrangères: par exemple les peuples du Néolithique ou la Ligue athénienne ne fonctionnaient pas comme l’empire akkadien … C’est pourquoi pour tenir compte du niveau général de productivité il faudra spécifier à quel Âge technologique le Mode appartient. Pour comprendre les conditions paramétriques spécifiques à un Mode il faut encore analyser les Ères civilisationnelles : l’enterrement des morts, les structures de parenté, l’attitude face au parricide et les règles morales sociales, le respect de l’humain, le refus des sacrifices et des guerres injustes etc.    

En résumant sa méthode qui associait l’investigation historique concrète et intellectuelle et la méthode d’exposition qui en résulte une fois atteint une loi générale ou mieux encore une loi universelle fondée sur un « concret pensé », Marx, admirateur critique de Darwin, écrivait que « L’anatomie de l’homme est une clef pour l’anatomie du singe ». Selon la « critique indigéniste » de ces auteurs, ceci devrait être compris à l’envers (tiens !) en abstraction de tout devenir … Bref, barrer la route et la Science, dit l’Ancien Testament et avec lui toutes les sectes régressives de tout poil, notamment théocratiques et racistes. Bref avec cette nouvelle critique indigéniste on perd même de vue l’aperçu, post-Foucauld, selon lequel les sociétés premières compensaient par le développement de leur épistémè spécifique centré sur les relations sociales et les médiations avec l’Inconnu ou la Spiritualité, les lacunes d’une techné encore balbutiante. Une société égalitaire moins assujettie au travail aliéné et disposant de plus de temps libre devra d’ailleurs s’en occuper en toute connaissance de cause, par exemple en tenant compte de la théorie de la psychoanalyse marxiste que j’ai exposée dans la Seconde Partie de mon Pour Marx, contre le nihilisme, le Livre II ici.  

Tout ceci est pitoyable. Et les universités occidentales, en proie à une obscène et débilitante surreprésentation de certains groupes, servent désormais, sur fonds publics, à élaborer ce genre de récits creux contre le devenir égalitaire humain ! (Celles et ceux qui veulent se rendre compte de l’ampleur de ce paupérisme narratif philosémite nietzschéen pourront vérifier, ne serait-ce que grâce à Internet, Youtube ou Wikipedia, du moins pour les années antérieures à la chute de l’URSS en 1991, des auteurs comme Lévi-Strauss – Race et histoire -, Karl Polanyi et P.P. Rey, par exemple, sur le Dahomey, Maurice Godelier sur la société Baruya en Papoue Nouvelle Guinée, Claude Albert Robert Meillassoux, etc., etc., ou encore la synthèse de la problématique des modes de production comparés par Foster-Carter en anglais. )     

Pour tous ces néo-narrateurs, il s’agit de généraliser la méthode de corruption de Nietzsche et Heidegger à tous les domaines pour éliminer la logique du devenir historique humain vers l’émancipation et l’égalité et remplacer le tout par des récits plausibles faisant perdre de vue la contradiction égalité-liberté opposant ces deux termes de manière factice pour rétablir les prétentions exclusivistes de certains groupes dominants. La fausse opposition égalité-liberté se résout dialectiquement dans l’émancipation égalitaire de l’Espèce. La forme la plus  monstrueuse de ce genre de manœuvre est celle mise en scène par le jeune juif Yuval Harari qui, du haut de son ignorance crasse, prétend que tout est récit, y compris le génome humain, et que l’Etre humain est façonnable à merci, en fait hackable !!!

On le voit, tous ces parasites, qui finissent par récurrence de la même façon pour les mêmes raisons selon l’implacable logique de l’exclusivisme, prétendent faire de l’occultation en usurpant un mérite universitaire qu’ils n’ont pas. (Sait-on que plus de 80 % des étudiant.e.s de Harvard, de Yale – comme G.W. Bush jr –  et d’autres universités cotées américaines sont des « A students », sans doute au grand damn de Lester Thurow du MIT qui écrivit son Head to Head, 1992, en constant le déclin de son pays? Le crétinisme induit par la surreprésentation est létal, alors que le « crétinisme » congénital peut être remédié par un minimum de support scolaire. En distinguant plusieurs formes d’intelligence Joachim montre qu’elles sont toutes d’égale dignité et toutes également nécessaires à une société harmonieuse. Sur cette base les Jésuites remarquèrent que plus de 80 % de la population à leur époque était rurale-paysanne de sorte que, vu la Loi des Grands Nombres, ils réalisèrent que leur réforme scolaire qui devait revitaliser les sociétés en déclin, ne pouvaient réussir sans un large recrutement scolaire et sans l’organisation de la mobilité sociale par l’éducation. La reproduction incestueuse de caste et de classe conduit à un suicide social.)

En suivant Kant – la sensation est la base de toute connaissance menant ensuite aux concepts a priori etc. – il faudrait demander à ces pitres comment ils expliquent qu’ils puissent se tenir dans une position bipède et comment ils réussissent à fonctionner et à se reproduire dans la nature et la société : on ne peut pas évacuer la dialectique marxiste, donc scientifique, aussi facilement. Contrairement au pitre et faussaire Gödel, on ne peut pas non plus partir de la prémisse majeure selon laquelle tous les Crétois partout et toujours sont menteurs, car ces « êtres » ne seraient pas viables comme Êtres humains et ne pollueraient pas les théories, à part celle née dans la tête de Gödel et des pauvres « mathématiciens » formatés qui se font prendre à ce faux paradoxe. (Zénon : le point est donné comme concept. Mais Achille et la Tortue ne  sont pas des concepts ni mêmes des réalités géométriques à deux dimensions mais bien des êtres à trois dimensions dans l’espace. S’ils courent contre un mur, ils finiront par s’écraser dessus, la rançon de cette moitié de la moitié toujours à parcourir digne des … Castoriadis et Cie de tous temps et dans toutes les dimensions,. Ҫa oui ! ) 

Rousseau, Hegel et le « commun ».

Nos auteurs voulant faire exhaustifs, nous avons droit à quelques pages sur Rousseau et Hegel. Ils ne touchent pas les questions de méthodologie, comme la simplification hégélienne proposée par Michelet thèse-anti-thèse-synthèse et moins encore l’absurdité logique de « l’unité des contraires » – que je fus le premier à dénoncer dans mon Introduction méthodologique – ni le parti pris idéaliste de Hegel qui mutile la dialectique, ainsi que le jeune Marx en fit la preuve définitive. Ce qui les intéressent c’est de réfuter le contrat social de Rousseau, entendu, sinon comme « commun », en tout cas comme donnée socio-politique universelle déclinée selon des formes historiques spécifiques. Rousseau, par exemple, décline pour son époque deux constitutions, une pour la Corse, l’autre pour la Pologne, selon une théorie implicite sous-jacente de la transition spécifique à chacune de ces Formations Sociales différentes mais devant les mener toutes deux à un « contrat social »  achevé, de nature essentiellement identique, c’est-à-dire démocratique donc humainement universel. (Voir l’essai sur Althusser ici )

L’universalité démocratique humaine du contrat social de Rousseau est ainsi critiquée selon l’Essence de l’Humanité hégélienne donnée comme seul point de départ universel par le philosophe de la Raison prussienne destinée à dominer le monde comme émanation de l’Esprit dans l’Histoire ! Adieu luttes de classe et égalité humaine concrète, au mieux nous aurons, quelques années avant l’accomplissement de la Raison à Iéna en Prusse, la chevauchée bonapartiste de l’Esprit à cheval … Mais on le sait le « commun » substantif ne peut être qu’une « praxis constituante » sans réification, une pseudo-praxis qui en réalité allie théorie et pratique sans objet, idéaliste et donc vide à souhait.   

Citons ces auteurs : « On aperçoit très clairement à travers cet exemple l’opposition entre ce qui est commun aux hommes, ou ce qu’ils ont de commun entre eux, et l’universel que constitue leur genre (l’espèce humaine ) : un homme privé de lobe auriculaire ne cesse pas pour autant d’être un homme en ce qu’il « est dans (im) l’universel, et c’est seulement par un tel fondement intérieur qu’il lui est donné de pouvoir être brave ou instruit dans la mesure où ces qualités particulières ne peuvent appartenir à un homme que s’il est avant toutes choses un homme comme tel.» Bref, ce qui est simplement commun aux hommes (le lobe auriculaire ) leur est accidentel et extérieur, alors que ce qui est vraiment universel (leur humanité) leur est essentiel et les détermine intérieurement. A la lumière de cette opposition, on peut comprendre l’insatisfaction de Hegel à l’égard tant du « point de vue universel » de Kant que de la « volonté de tous » de Rousseau : le premier parce qu’il est seulement un point de vue subjectif qui ne procède pas de l’essence humaine, la seconde parce qu’elle n’est qu’une somme » (p 59)

C’est ainsi que ces deux auteurs tentent d’établir que « la seule manière d’échapper au naturalisme et à l’essentialisme est de poser en principe que ce n’est pas en raison de leur caractère commun que certaines choses sont, ou plutôt doivent être, des choses communes, pas davantage que ce n’est en raison de leur identité d’essence ou de leur appartenance à un même genre que les hommes ont quelques choses en commun et pas uniquement quelque chose de commun. » (p59)  

Tout ce charabia revient à nier la dialectique d’ensemble qui unit dans le Sujet humain individuel ou collectif ou classe sociale, agissant comme l’« identité contradictoire » pouvant conjuguer les deux dialectiques de la Nature et de l’Histoire, de sorte que les actions – le travail manuel et intellectuel – des Hommes portent sur et modifient les 3 Réalités – Nature, Institutions, Fictions – objectivitées qui lui sont extérieures et qui peuvent prendre les différentes formes de la propriété et de la possession. Ceci est exclu par nos auteurs, car il n’y a rien en commun en tant que propriété – ni biens publics, ni services sociaux publics etc. – mais seulement du commun lévitant dans les nuages.     

Le fait est qu’ils se méprennent sur l’Essence de Hegel. Hegel, qui connaît ses prédécesseurs, par exemple Platon, Aristote, Joachim, Descartes, Bruno, Spinoza dûment falsifié par la Monadologie de Leibniz, Rousseau etc., n’élimine pas la Nature et moins encore les sensations – qui pour Kant sont à la base de tout entendement – comme base de l’entendement et de la Raison. Au contraire, il prend acte de l’impossibilité, largement surdéterminée par l’Inquisition, et de la difficulté pour Spinoza de développer la monade – empruntée à Joachim et à Bruno – hors du domaine de la natura naturans : en conséquence, le passage spinozien aux attributs du jugement est nécessairement boiteux, car pour être explicite il aurait du affirmer l’athéisme, à savoir le développement de l’entendement et de la Raison à partir de la biologie. Kant, on le sait, éludera la question de manière parfaitement laïque en posant la prééminence des sensations – Epicure est le plus grand des Anciens aimait-il répéter – et en établissant une séparation scientifique entre la science et sa méthodologie et la métaphysique. Outre le travail des matérialistes anciens – sa thèse sur Démocrite – Marx aura à sa disposition celui de Buffon, Cuvier, Lamarck, Darwin, Etienne G. Saint-Hilaire, à savoir la théorie de l’évolution advenant dans son environnement. En suivant ici en partie Leibniz, Hegel tente de rétablir l’orthodoxie religieuse, sa « phénoménologie » travaille alors à l’envers – comme le note Marx, son édifice marche sur la tête – elle donne l’évolution tant dans le domaine de la Nature comme dans le domaine de l’Histoire et des Idées comme étant surdéterminée par l’œuvre de l’Esprit, qu’il ne définit pas, mais qui se manifeste dans la Réalité. C’est là précisément, la falsification de l’Idéalisme hégélien.

Le prix scientifique et méthodologique à payer est immense. En particulier sur la définition de l’universel, à savoir le niveau sans lequel aucune science non relativiste n’est possible. Comme les autres Anciens, Aristote différenciait déjà le singulier – extra-ordinaire, monstrueux, comme l’exclusivisme en politique – et le particulier. Le particulier permet de concevoir le général, soit un ensemble d’« objets » entrant dans la même catégorie. La science aristotélicienne – comme les probabilités chères à Leibniz – permet de remonter des particuliers au général mais pas de redescendre, puisque le général ne donnera prise que sur les éléments communs à ces « objets » qui les font entrer dans l’ensemble général sans abolir par ailleurs leurs autres particularités – par ex., l’argument sur le lobe auriculaire.

Cependant, ainsi que le montre Platon-Socrate – les Pythagoriciens – ceci ne suffit pas, ni pour la logique, ni pour la science qui, pour leurs parts, visent parfois à l’universel par delà du général et de sa relativité disons poppérienne, pour faire moderne. Platon distingue, par exemple, les techniques mathématiques et la logique, cette dernière seule étant universelle et relevant du domaine des Idées. (En un sens il devançait Wittgenstein réagissant à Peano et Russell, entre autres. )

Ainsi dans la République Platon pose comme point de départ de l’analyse de la problématique de la Cité et de son gouvernement, non pas la « famille » – la domesticité – aristotélicienne qui ne peut mener qu’à un niveau général, mais bien l’Espèce humaine, qui, elle, n’est pas uniquement la somme des attributs physiques communs à tous les Hommes ni leur Essence supposément religieuse, mais leur possibilité dialectique de se reproduire au sein de la Nature et de l’Histoire par leur travail – manuel et intellectuel. Kant développera magistralement cette ascension de la sensation et du jugement à l’universel scientifique en particulier dans son magistral Critique de la Raison pure : les Hommes procèdent d’abord à l’investigation du monde qui les entoure, cette méthode d’investigation conduit à des conclusions analytiques et synthétiques, ce qui culmine dans la méthode d’exposition. Ces conclusions sont générales, donc relatives, ou universelles, les concept a priori étant universels du moins tant que l’on se meut dans le même Univers.

Contrairement aux idées véhiculées par tant d’académiques, et autres Lukàcs, la méthode de Marx, celle du matérialisme historique doit plus aux méthodes d’investigation et d’exposition de Kant, dûment historicisées – Kant reste stationnaire, comme sa cosmologie … – qu’à la dialectique inversée et amputée idéologiquement de Hegel, contre laquelle les hégéliens de gauche et particulièrement Marx s’étaient insurgés. Il ajoute – comme Joachim avant lui, mais probablement à son insu – que l’Histoire et la Raison humaine font eux-mêmes ces deux parcours mais en sens inverse, de sorte qu’à un moment du développement de l’Histoire, donc aussi de la conscience et de l’intellect humains, les obscurités se dissipent – les Sceaux sont ouverts, dirait Joachim.

L’exemple suprême de Marx, son concept à priori historicisé en tant que « concret-pensé » qui fonde la science économique, est donné dans le Livre I du Capital : Aristote réussit à voir la nécessité de la commensurabilité entre toutes les marchandises puisque l’échange entre elles se réalise, mais il est incapable d’en saisir le mètre commun, la valeur d’échange de la force de travail. Le capitalisme avec son exploitation froide reposant sur la « libération » de la force de travail de ses gangues antérieures – statuts, enclosures, idéologies etc. – dévoile ce secret. Mais il faudra la logique d’airain de Karl Marx pour en venir à bout. Ainsi Adam Smith dans la page 47 son Wealth of nations, éd Sutherland 1993 – en suivant Locke pose que la Nature étant à tous et le travail humain à chacun, le fruit du travail est donc légitimement la propriété du « travailleur ». Smith pose alors la question : si la valeur d’échange est le fruit du travail humain, comment se fait-il que le propriétaire des Moyens de production gagne tellement plus que ses travailleurs ? Il répond : c’est qu’« il aime moissonner là où il n’a jamais semé », et, en bon physiocrate, il conseille de réguler ce partage de la valeur d’échange selon des règles morales plus strictes – voir mon Livre IV HiHan! sur la question ici.  

On le voit, nos auteurs éludent les problèmes de la propriété et de ses formes : Or Rousseau commence sa réflexion justement en notant que la naissance de la propriété – un homme survient qui dit abusivement « ceci est à moi » sans être immédiatement contredit – fait sortir l’Humanité de l’état de nature égalitaire – où « le temps est immobile » selon l’expression de L. Colletti, à ses débuts. Plus précisément Rousseau disait que « les peuples heureux n’ont pas d’histoire » en se référant à l’égalité donc à l’absence de luttes de classes dans l’état de nature des premières sociétés. Avec l’entrée dans l’Histoire, le devenir est dominé par la lutte des classes. Rousseau était un lecteur très attentif de Machiavelli. (voir ici )

Alors que Machiavelli voulait investiguer quelles étaient les constellations de forces et ses formes les plus adaptées pour permettre aux Hommes de « vivre libres », Rousseau ajoute plus explicitement l’exigence de l’égalité humaine, à retrouver et à garantir dans le « contrat social ». Ce contrat n’est pas uniquement la somme des volontés de tous – la démocratie comme expression générale donc relative -, il en est plus exactement la résultante non plus sur la base de visées idéologiques de part, mais sur la base des données universelles constituant l’Espèce humaine que le « contrat social » permet de recouvrer, étant la concrétisation institutionnelle des droits fondamentaux humains conçus comme des matérialisations de la Loi naturelle – ou du diritto delle genti de Vico que Rousseau connaissait parfaitement, en contra-distinction de la conception du droit naturel du rosicrucien Leibniz. En voulant écarter toute question portant sur les formes de propriétés nécessaires pour assurer l’égalité et la liberté concrètes des citoyennes et citoyens, ces auteurs sont, soit des naïfs, soit des faussaires. Peuvent-ils véritablement croire que le néolibéralisme global a gagné définitivement la bataille, se faire à ce point des émules des inepties de Fukuyama et de sa « fin de l’Histoire » dans une version de pacotille universitaire de Hegel ?  

Profitons-en pour ajouter une clarification concernant la différence essentielle entre le matérialisme dialectique – plekhanovien, en réalité – et le matérialisme historique de Marx. A part l’Idéalisme de Hegel qui nous troque l’universalité concrète de l’Espèce humaine et de la société pour l’Essence et la Raison, on nous mène en bateau avec l’opposition factices entre structures matérielles, et superstructures conceptuelles, ou encore avec une tentative de mieux les réconcilier par la praxis – Gramsci etc. – et la théorie du reflet. Ces théoriciens ne se rendent pas compte que les structures et superstructures sont déjà des institutions – une forme des Réalités selon Vico qui en énumère trois dont la science doit tenir compte : la nature, les institutions et les fictions  – de sorte qu’elles appartiennent déjà à la Dialectique de l’Histoire. Mais elles reposent aussi – ils l’oublient toujours – sur le matériel- le chimique, le biologique – donc sur la Nature et la Dialectique de la Nature. Le grand problème pour la Science est de relier les deux dialectiques de la Nature et de l’Histoire– Voir le problème de Spinoza qui développe la monade dans sa natura naturans puis chancèle un peu lorsqu’il doit passer aux attributs du jugement !!! Je renvoie à mon Introduction méthodologique pour la résolution du problème – à savoir l’identité contradictoire nature-histoire-conscience incarnée dans le Sujet humain, individu ou classe, ce qui est totalement contraire à l’impossible et absurde « unité des contraires » hégéliens. La Dialectique est simplement la vision dynamique non stationnaire qui tient compte du devenir humain qui est le premier concept concret (comme dit le jeune B. Croce avant de dériver vers son libérisme corporatiste.)

Le matérialisme historique distingue aussi sciences naturelles ou dures avec leurs méthodes expérimentales spécifiques, – qui ont aussi leur développement historique propre et leurs  « concrets pensés » révélés historiquement et logiquement, par exemple la chimie de Lavoisier avec ses égalités de transformation par rapport à l’alchimie et au phlogistique -, et les sciences sociales et historiques, de la même façon que la marchandise a une valeur d’usage – naturelle, objective devant être mesurée selon les sciences dures, donnant la composition technique des procès de production chère à l’ingénieur Pareto et le vecteur sur lequel repose la valeur d’échange  – et une valeur d’échange compréhensible par l’Economie Politique marxiste, exposée dans mon Précis d’Economie politique Marxiste. Pour ces deux livres voir la section Livres-Books de mon vieux site www.la-commune-paraclet.com . On sait que Pareto ne réussit jamais à concilier la composition technique et la composition valeur d’échange, ce que seul Marx fit – et que j’ai élucidé définitivement par la Loi de la productivité marxiste réinsérée de manière cohérente dans les Equations de la RS-RE.

L’eau comme « commun » : Lucarelli, Podestà etc. vs le référendum de 2011. (Voir les pages 668-672 avec le sous-titre « I comuni per i beni comuni» ) 

Ce dont il s’agit ici c’est de la remunicipalisation de l’eau à Naples le 27 septembre 2011 suite à l’élection de De Magistris et de ses comités citoyens à la mairie de la capitale parthénopéenne. Cela concrétisait une longue mobilisation populaire contre la privatisation de l’eau par le gouvernement Berlusconi – décret Ronchi du 19 nov 2009 – qui avait mené à la grande victoire référendaire de juin 2011. Cette mobilisation anti-globaliste et particulièrement dirigée contre la dérèglementation, les privatisations et les traités de libre-échange, avait repris de l’élan lors du contre-sommet de Gênes de 2001. «  Le 23 septembre, le conseil municipal de Naples a décidé de transformer Arin de société anonyme en société de droit public. C’est ainsi qu’est née “Acqua Bene Comune Napoli”, première étape importante vers la républicanisation du service de l’eau dans la ville napolitaine.» (c’est moi qui souligne, voir : https://www.acquabenecomune.org/notizie-dalla-campania/1115-napoli-lacqua-e-un-bene-comune )

Les juristes Alberto Lucarelli, Stefano Rodotà et Ugo Mattei qui avaient alimenté la discussion publique autour des « biens communs » et les comités citoyens avaient bien compris la différence entre les sociétés par actions et les entreprises publiques, au sens français du terme, contrôlées soit par l’Etat soit par des collectifs de citoyens. A Naples, par souci défensif et démocratique, la nouvelle société municipale tentait d’entériner une forme d’ouverture à la démocratie participative. « La « souveraineté populaire sur les biens communs au moyen de la participation des citoyens » se traduit concrètement par le fait que les établissements de services publics comme ABC Napoli sont gouvernés par des représentants des usagers, des associations écologistes, des mouvements sociaux et des organisations de travailleurs présents au sein du Conseil d’administration de la municipalité.» ( pp 771-672) Il s’agit donc de remunicipaliser tout en ajoutant une part de démocratie participative. En outre, conscients aussi du développement du dossier qui vit – longtemps après la France et ses parlements de l’eau de 1964 voir ici et ici – la prise de conscience de la nécessité de tenir compte des bassins hydrologiques pour la gestion du service public de l’eau garanti nationalement, Lucarelli et la municipalité de Naples restaient convaincus de la nécessité d’établir la protection légale à plusieurs niveaux national, municipal et régional. Ils ne sous-estimaient pas la volonté des néolibéraux et de ses gouvernements transversaux de passer outre au référendum de 2011. Et de fait, la contre-réforme constitutionnelle de Gutgeld-Renzi, défaite haut la main par le référendum de 2016, avait imaginé de modifier le Chapitre V de la Constitution pour nationaliser toutes les entreprises municipales – plus de 8000, dont plusieurs centaines valant plus de 2 milliards à l’époque – afin de mieux pouvoir les privatiser par la suite. (Voir : Book Review: Yoram Gutgeld, Più uguali, più ricchi, ed Rizzoli, 2013, ovvero un sacco di vecchi cliché neoliberali che non valgono la carta sulla quale sono scritti ici et sur le référendum ici)

Après cette nouvelle défaite le gouvernement du PD revint à la charge selon le blueprint néolibéral européen et global qui constitue le seul horizon de nos gouvernements, par le bais de la Loi Madia, en partie démantelée légalement par la suite. Aujourd’hui, on revient à la charge avec une modification constitutionnelle ultra vires sur « l’autonomie différenciée » ou régionalisation de l’Italie, pourtant définie par sa Constitution comme une « République, une et indivisible » dont la fiscalité est, avec la sécurité et la défense, un des principaux pouvoirs régaliens non transférables sinon au seul niveau administratif en respectant, ce faisant, les niveaux nationaux essentiels des services prévus par la Constitution elle-même. Ce coup de force crapuleux sans précédent contre la Constitution s’accomplit par une loi ordinaire qui ne permet justement aucune contestation référendaire, le tout avec la complicité de la majorité parlementaire et de toutes les instances garantes, dont la Présidence. Toute modification à la Constitution, surtout une modification de cette ampleur, devrait pourtant respecter la formule d’amendement prévue par la Constitution elle-même. Nous en sommes arrivés à ce degré de dégénérescence éthico-politique nationale dans notre Péninsule.     

Ces conquêtes populaires, plus démocratiques que la remunicipalisation de l’eau effectuée par le haut par la Ville de Paris, suscitent une telle adhésion que nos deux auteurs n’osent pas les critiquer ouvertement. Pourtant leur analyse du cas napolitain se conclut de la manière suivante : « En articulant « biens communs » et « démocratie participative », les animateurs de la mobilisation mettent en œuvre pratiquement ce que nous appelons ici le « commun ». Mais, en conservant la catégorie de « biens », les juristes italiens comme Lucarelli et Mattei perpétuent une sorte d’autocontradiction théorique. Ils voudraient, très légitimement, dépasser la dualité fondamentale du dominium et de l’imperium en s’attaquant au rapport de domination du dominus et du bien, mais ils la reconduisent en continuant d’utiliser la catégorie juridique de biens qui « appelle » logiquement un maître. » (p 672)

Une praxis constituante menant à une nouvelle forme de propriété plus démocratique institutionnalisée, le peuple souverain comme « maître » du, des « communs», quelle horreur, en effet, pour ces deux auteurs !!! Bref, pour faire bonne mesure, il me suffira de renvoyer aux nouvelles formes de démocratie à inventer, in primis dans la planification socialiste, ici.   

Conclusion.

Ce livre fait à quatre mains tente de proposer une narration « résolument anti-capitaliste » axée sur le « commun » tout en prenant acte de la victoire définitive du néolibéralisme global – parfaitement, c’est ce qu’ils écrivent … par exemple, pp 730-731 …. Il s’étend sur 759 pages Table des matières incluse. Cependant, ils ressentent le besoin de résumer, et le font de nouveau en 10 points de synthèse qui s’étalent de la page 741 à la page 747. A la fin, on comprend qu’il s’agit d’un gargarisme, le « commun » substantif n’étant pas définissable autrement que quelque chose d’inappropriable donnant pourtant lieu à moult discussions sans objets, ce qui serait la nouvelle forme de l’agir en commun tant dans la sphère politique que dans la sphère sociale, mais en prenant soin d’exclure la sphère économique comme possible intermédiaire, y compris sous la forme des associations trop délimitées et institutionnalisées que l’on connaît comme Troisième Secteur, souvent à but non lucratif.

On pourrait ajouter de notre cru que depuis le début des années 80, toutes ses associations et ONG qui  marquent, pour le meilleur et pour le pire, tant au niveau domestique qu’international, la montée en puissance de la société civile dans la société politique nationale et interétatique, sont le plus souvent financées par les gouvernements, soit directement, soit par crédit d’impôts sur les dons, ce qui pose souvent la question de leur indépendance. Greepeace, par exemple, fut souvent le bras anti-nucléaire des USA dès lors que ce pays avait déjà en main les programmes de simulations ; elle était utile pour délégitimer et pour interdire les explosions nucléaires en surface ou souterraines nécessaires aux autres pays voulant se doter des mêmes possibilités. USAID, Human Watch et tant d’autres sont souvent suspectées à tort ou à raison … Il arrive même qu’elles soient payées pour certain.e.s par la milliardaire Aileen Getty comme Just Stop Oil et Extinction Rebellion, voir ici ?

Bref, il faut en rester au niveau des « discours » déconstructifs à la Derida et Cie, de préférence sans viser aucune réification légale et surtout aucune spécification des formes de propriétés communes alternatives à la propriété privée nationale ou globale. Les peuples – souverains ? – ne peuvent plus prétendre s’approprier de rien. La dernière ligne du livre se lit comme suit : « C’est pourquoi, tout en comprenant que l’on puisse continuer à parler de « biens communs » comme d’un mot de ralliement dans le combat, on préfèrera s’abstenir de parler de « biens » : il n’y a pas de « biens communs », il n’y a que des communs à instituer » (p747) Mais bien entendu à instituer sans réification objective, institutionnelle, uniquement comme une « praxis constituante » ne devant pas dépasser le stade de la mobilisation et de ses discours, littéralement sans autre objet que cette palabre …Citons de nouveau nos deux auteurs : la catégorie juridique de biens « « appelle » logiquement un maître. » (p 672)

Résumé en 10 points de synthèse.  

Voici le résumé du résumé fourni en 10 points qui vise cette institutionnalisation de l’« inappropriable » sans institution constituée :

1 ) Le « commun » est à comprendre comme substantif, il faudrait pouvoir supprimer l’article comme dans le titre de l’ouvrage. Le qualificatif, par exemple, « les communs » serait réifiant.

2 ) Le terme « commun » renvoie à un principe politique, à la primauté de la  délibération commune. Mais, contrairement aux délibérations d’un jury qui doit rechercher scientifiquement des preuves, délibérer n’est pas un métier pour des minorités spécialisées. « … une politique fondée sur la preuve scientifique, selon le modèle d’une médecine fondée sur la preuve (…) ne serait plus une politique du tout. » ( p 743) (Dôle de conception du processus de prise de décision démocratique ! Bref, si on comprend bien il faut éviter toute planification même stratégique …)

3 ) Le « commun » implique une participation – à ces délibérations – pour réaliser « l’agir en commun », créant une appartenance.

4 ) Le « commun » ne peut pas être un objet ni avoir un objet, il se borne à « une délibération commune », en vu d’avantages communs sans viser « des biens communs ». Bref une démocratie sans objet …

5 ) Le « commun » n’est ni un objet ni une chose – res – qui serait appropriable  Prudence : « On ne confondra pas non plus ce qui est commun en droit et ce qui peut aussi être une chose matérielle (la haute mer, les eaux courantes non domaniales, les espaces qualifiés de patrimoines commun à l’humanité, etc. ) qu’une chose immatérielle (les idées, les informations relatives au monde réel, les découvertes scientifiques, les œuvres de l’esprit tombées dans le domaine commun. La catégorie juridique de « chose commune » (res communis ) coupe les choses de l’activité alors que c’est seulement par l’activité que les choses peuvent être vraiment rendues communes. Elle doit donc être abandonnée » ( p 744)  

6 ) « On s’autorisera en revanche à parler des communs pour désigner non pas ce qui est commun, mais ce qui est pris en charge par une activité de mise en commun, c’est-à-dire ce qui est rendu commun par elle. » Bref, pappoter mais sans déranger le pouvoir, ses institutions et ses lois …

7 ) Le « commun » comme institution. « La praxis constituante est donc une politique de gouvernement des communs par les collectifs qui les font vivre » (p 745) à savoir, si j’ai bien suivi, la palabre associative et des fédérations d’associations ne visant pas le gouvernement des affaires de la Cité mais uniquement la coordination de ces palabres, ex les rencontres alter-mondialistes ? Sans doute même pas car il faudrait alors différencier entre groupe de pression et parti politique et discourir du pouvoir d’influence. Reste que le terme praxis – Labriola, Gramsci – renvoie à la dialectique, il est tout sauf un processus à vide. Althusser parlait pour sa part de « pratique théorique » informant l’action pour peser sur le réel et le changer – selon la Thèse XI à Feuerbach de Marx, ici.

8 ) « Comme principe politique, le commun a vocation à prévaloir aussi bien dans la sphère sociale que dans la sphère politique publique » (745) Exit la sphère englobante de « la production et des échanges.» (idem) Mieux, « en raison de son caractère de principe politique, le commun ne constitue pas non plus un nouveau « mode de production » ou encore un « tiers » s’interposant entre le marché et l’Etat pour former un troisième secteur de l’économie à côté du privé et du public » (pp 745-746) Bref, il ne fut pas gêner le capital global.

9 ) Le « commun » est un principe transversal aux deux sphères. Il y a donc des communs politiques et des communs sociaux. Qui peuvent se fédérer. Par exemple, des Forums globaux d’alter-globalistes et réchauffistes variés – sans relais politiques institutionnels, car alors ce ne serait plus acceptable de par la définition.

10 ) L’inappropriabilité du « commun » renvoie « à ce qui ne doit pas s’approprier, c’est-à-dire ce qu’il n’est pas permis de s’approprier parce qu’il doit être réservé pour l’usage commun. » (p 747) Serait-ce tout à coup mieux ? Non car les communs, des biens concrets comme la haute mer, les fleuves, l’eau courante etc.,  ne sont pas le « commun » qui doit rester une pseudo-praxis  constituante exempte de naturalisme et d’essentialisme – voir sur Hegel plus haut. A-t-on bien compris ? Voici le mot de la fin de nos auteurs : « : il n’y a pas de biens communs, il n’y a que des communs à instituer » (p 747) Les biens communs sont à bannir car un « bien » « appelle » logiquement un maître. » (p 672), peut-être le peuple souverain obsolète avec son Etat-nation et sa démocratie anti-exclusiviste en ces temps de néolibéralisme triomphant. 

Nous aurions-là l’anti-capitalisme résolu fondé sur le « commun» ! Tout ceci n’est qu’une supercherie indigne faite pour accompagner le néolibéralisme global pour eux triomphant.   

Paul De Marco

Notes :

1 ) Le triomphe du « marché » marginaliste néolibéral renvoie à une série de falsifications déjà analysées dans mon Introduction méthodologique (ici) et dans La pseudo-science économique de la bourgeoisie : voilà pourquoi nous devrions changer rapidement de paradigme économique (ici) La genèse de ces falsifications est la suivante : Pour John Locke la Nature appartient à tous les Hommes mais le travail est individuel de sorte que les fruits du travail sont la propriété du travailleur. Les Physiocrates reprendront le concept, mais grâce à Adam Smith les économistes se trouvent confrontés à un mystère : si le travail humain crée la valeur d’échange comment se fait-il que le propriétaire des Moyens de production gagne beaucoup plus que ses travailleurs ? Marx fournit la solution scientifique : le travail humain crée la valeur d’échange des marchandises dont celle de la force de travail qui est équivalente au travail socialement nécessaire pour la reproduire, en gros le salaire. Mais dans le procès de production – la fonction de production canonique s’écrit : c + v + pv = p – le capital variable ou force du travail a une double qualité : en tant que force de travail reconstituée prête à travailler il est du travail cristallisé, en gros équivalent à son salaire journalier. Mais ce travail cristallisé est aussi le vecteur du travail vivant qui va se dépenser durant toute la journée de travail. Si la journée est de 8 heures et que le salaire est produit en 4 heures, le fruit des 4 heures supplémentaires ou surtravail sera empoché par le capitaliste en tant que profit. Pour la première fois grâce à Marx le mystère de la commensurabilité des marchandises entre elles de même que le mystère de la genèse du profit, le problème de A Smith, étaient élucidés scientifiquement. Pour occulter cette exploitation de classe, la théorie classique de la valeur d’échange fut écartée au profit de la falsification subjectiviste et univoque de l’ « utilité » marginale des marchandises mesurée selon le « calcul des joies et des peines » de Menger qui deviendra la méthodologie marginaliste de base. Mais ce tour de passe-passe reposait sur une falsification préalable, celle de J.B. Say, qui, en s’inspirant de la paper currency de Ricardo, imagina d’écrire la fonction de production unilatéralement sous forme argent. Ricardo conférait ainsi une autonomie abusive à l’équivalent général monétaire devant lui-même être évalué selon l’étalon de valeur universel, la valeur d’échange de la force de travail. Ainsi on avait désormais affaire à des facteurs de productions certes divers mais tous exprimables sous forme argent dans les équations et leurs manipulations. L’exploitation du travailleur disparaissait ainsi que le fait essentiel, à savoir qu’il n’est pas un facteur de production comme un autre puisqu’il doit se reproduire – pour retourner travailler le lendemain – mais aussi se reproduire dans un ménage en tant que membre d’une espèce à reproduction sexuée. La force de travail devenait ainsi fluide sous sa forme monétaire et donc exploitable à merci puisque l’équilibre économique – Solow, pseudo-Nobel 1956 – serait atteint lorsque le coût du travail atteint son niveau « physiologique » – niveau éminemment élastique, on le voit. Les falsifications méthodologiques ne s’arrêtent pas là. Pour trouver le juste prix du marché qui quantifie l’utilité marginale on nous propose de croiser les deux courbes de l’Offre et de la Demande. Or, pour établir le juste prix du côté de l’Offre, il faut au préalable donner les barèmes de la Demande en prix, et vice-versa. Puis on croise les deux pour trouver … le juste prix du marché ! Voilà !!! (Et dire que Böhm-Bawerk accusait faussement Marx d’avoir succombé à la contradiction létale ex ante / post hoc dans le faux problème de la transformation des valeurs en prix de production : voir mon Tous ensemble, le Livre I, ici)

Mais il y a pire. Lorsque les marginalistes et les néolibéraux parlent du juste prix du « marché » leur charabia falsificateur se concentre surtout sur les obstacles imaginés sur le seul marché du travail. Or, la fonction de production est bien: capital + force de travail + plus-value = valeur d’échange de la marchandise produite. Outre la liberté sans entrave sur le marché du travail imposée par l’Etat soi-disant non interventionniste néolibéral qui, en fait, l’est beaucoup plus que l’Etat social mais pour le seul bénéfice des classes aisées, le libre marché devrait imposer la concurrence parfaite – libre et non faussée -parmi les producteurs et les distributeurs. Et que dit Tirole – et tutti quanti – sur la concurrence imparfaite : elle ne pose aucun problème, ne nécessite aucun anti-trust pour autant que, moyennant quelques cookies, les grandes firmes globales – Gafam et autres – se conforment à l’idéal qui consiste à veiller à la satisfaction de leurs clients. Noter qu’il s’agit de clients dignes d’intérêt uniquement lorsqu’ils sont solvables et non d’usagers ayant des droits d’accès citoyens garantis par l’Etat et ses entreprises publiques ou ses services publics. Marx puis Lénine avaient tous deux montré que la concurrence matérialisée surtout par les hausses de productivité menaient fatalement à la concentration-centralisation du capital. Nous eûmes ainsi – Lafargue, Hilferding, Hobson, Lénine etc. – les cartels et les trusts. Dans les Années 1920, Means aux USA publia son livre Big corporation qui signait la fin de la narration smithienne de la concurrence parfaite entre les bouchers et les boulangers du coin, chacun travaillant pour son compte personnel mais menant, via la « main invisible », à la satisfaction de l’intérêt général. Au prix d’un énorme gâchis, et de crises diverses, ce qui est toujours tu. Puis nous eûmes parmi les théoriciens bourgeois, les théories de la concurrence imparfaite avec les monopoles, les oligopoles et les monopsones – Chamberlin, Schumpeter, Sraffa, Joan Robinson etc. On voit la supercherie qui explique aussi le côté corporatiste-fasciste du néolibéralisme sous toutes ses formes, de Mises aux Chicago Boys opérant au Chili sous Pinochet et jusqu’à leurs émules occidentaux d’aujourd’hui. Il suffit d’ajouter que la prise de conscience de l’émergence des grandes firmes – nationales puis multinationales – posa la question du rééquilibrage du pouvoir de négociation des travailleurs – les syndicats conçus comme contrepoids lors des négociations collectives – et du rééquilibrage économique et politique qui vise à contrer les « esprits animaux » du capitalisme qui mènent fatalement aux crises conjoncturelles et aux crises structurelles comme la Grande Dépression initiée en 1929 où celle qui a cours sous nos yeux aujourd’hui. L’interventionnisme régulateur de l’Etat était considéré comme nécessaire. Je renvoie ici à la synthèse présentée dans la Note 15 sur John Galbraith dans mon Livre-Book III ici.     

On le voit ce néolibéralisme triomphant est très éloigné du libéralisme classique, de l’anti-exclusivisme, base de toute démocratie selon Thomas Paine dans son magistral Rights of Man ou encore de John Stuart Mill dans On Liberty .      

2 ) Dernièrement, cette relation végétation/CO2 donne lieu à des études plus approfondies qui montrent que les arbres, le blé, le riz placés dans la catégorie C3 se développèrent à une époque où le niveau de CO2 oscillait entre 800 et 1500 ppm, contrairement au maïs plus tardif qui rentre dans la catégorie C4.

Citation : «  In addition to not affecting temperature, Mr. Clark said the attempts to reduce CO2 are dangerous because of the anticipated effect on plants.

“C4 plants, like corn, evolved just 20–30 million years ago. And they evolved in response to the declining CO2 in the atmosphere. So, they’re a relative latecomer to our biosphere and reflect the danger of decreasing CO2,” he said.

A majority of plants, such as trees, wheat, and rice, are what’s known as C3 plants, which thrive at higher CO2 levels of 800 to 1500 ppm.

Mr. Clark said one of the benefits of increasing CO2 is improved global grain yields and the general greening of the planet.» dans Fixation on CO2 Ignores Real Driver of Temperature, Experts Say

UN claims that human-caused CO2 emissions are imperiling the planet are ‘totally garbage,’ says scientist. ‘CO2 doesn’t cause a change in temperature.’

(from quote in « ‘Pure Junk Science’: Researchers Challenge Narrative On CO2 And Warming Correlation »,  by Tyler Durden,  Wednesday, Feb 21, 2024 – 02:00 AM, https://www.zerohedge.com/political/pure-junk-science-researchers-challenge-narrative-co2-and-warming-correlation )  By Katie Spence, February 19, 2024, https://www.theepochtimes.com/article/fixation-on-co2-ignores-real-driver-of-temperature-say-experts-5588495?utm_source=partner&utm_campaign=ZeroHedge&src_src=partner&src_cmp=ZeroHedge

3 ) Je renvoie ici à mon essai Mariage, unions civiles et institutionalisation des mœurs dans la Partie rose vieux site expérimental www.la-commune-paraclet.com ainsi qu’au Chapitre «  11 ) Droits civils : « Mariage, unions civiles et institutionnalisation des mœurs » suivi par « Après les « surhommes » voici la fin souhaitée de l’Espèce humaine » » ici

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