Commenti disabilitati su Grève générale, ou reconductible, coordonnée par la base, réquisitions et stratégie de la répression et de l’usure, 28 mars 2023.

« La réforme des retraites ne signe pas la retraite des réformes » (Olivier Véran) https://www.latribune.fr/economie/france/la-reforme-des-retraites-ne-signe-pas-la-retraite-des-reforme-olivier-veran-956626.html

(Ajout du 29 mars : Discutons dit le gouvernement. De quoi ? Sans retrait préalable ceci n’a pas de sens puisque le nouveau texte devrait être soumis à la navette parlementaire depuis le début. Outre l’inversion des normes déjà acquise dans la Loi Travail, reste à discuter du passage du Welfare State – en mode anglo-saxonne – au welfare d’entreprise. Des candidats à de telles discussions ?)

Nous poursuivons ici la réflexion sur la « grève générale » en tant qu’instrument de lutte privilégié du monde du travail tel qu’il peut s’exercer dans les conditions modernes – changement de la structure de la force de travail, privatisations et sous-traitance, globalisation, attaque néolibérale à la démocratie sociale etc. Nous l’avions entamée dans le chapitre « Réformes démocratiques révolutionnaires ou lamentable Rossinante du réformisme » dans Tous ensemble ( 1) Cette réflexion doit être collective en sachant que le premier et le dernier mot appartiennent à la base syndicale et aux travailleuses et travailleurs eux-mêmes qui nous enseignent la praxis par leurs luttes.

Les travailleurs et leurs syndicats ont compris qu’elles et ils doivent tenir compte de la lente et inexorable destruction de la cohérence productive de leur Formation Sociale savamment planifiée au niveau national en faveur de la globalisation des organigrammes des multinationales et des transnationales, c’est-à-dire des chaînes d’approvisionnement. Le tout est aujourd’hui aggravé par la financiarisation spéculative de l’économie. La souveraineté nationale exercée par le peuple souverain passe sous les fourches caudines de la « gouvernance globale privée ».(2)

Outre la désindustrialisation – aggravée par les Accords de Paris (3) – et par la place croissante des services, qui en réalité dépendent largement de l’industrie, l’éclatement des organigrammes productifs donnent des armes supplémentaires au patronat et à ses gouvernements nationaux néolibéraux et monétaristes, à dire vrai apatrides. La question devient alors : comment redonner toute sa force de pression démocratique constitutionnalisée à la « grève générale » ?

L’expérience française récente montre la voie. Disposant d’une gauche authentique renouvelée grâce aux efforts de M. Mélenchon, de FI, du PCF et de toute la NUPES, aujourd’hui fermement engagée aux côtés des travailleuses et des travailleurs pour défendre la démocratie sociale constitutionalisée, (4) encore renforcée par l’unité intersyndicale, les syndicats tentent de concilier le droit de grève avec la nécessité de maintenir le plus large soutien de l’opinion publique afin de bloquer les réformes les plus régressives, par exemple l’actuelle contreréforme du régime public de retraite. Cette nouvelle constellation des forces en présence a permis le détricotage quasi-immédiat des arguments gouvernementaux par le biais de la mobilisation de l’intelligence collective du peuple tout entier. En moins d’une semaine, le gouvernement perdit la bataille médiatique et toute sa crédibilité. Par exemple, toutes et tous ont vite compris la mécanique du passage en force a-démocratique d’un projet de loi pourtant majeur, alors que le régime public de retraite n’est pas financièrement en danger ; toutes et tous comprirent que les femmes en seraient les premières victimes ou encore que la retraite minimum à 1200.00 euros par mois pour tous n’était que des paroles en l’air … Les jeunes, déjà structurellement déqualifiés en masse par Parcoursup et par la précarité rampante aux deux bouts de la vie active normale, comprirent très vite qu’ils seraient sacrifiés tout autant que les séniors de plus de 55 ans. Ce qui explique leur mobilisation croissante et très informée. Bref, toutes et tous comprirent que cette présidence et ce gouvernement étaient « hors sol » et sans état d’âme particulier. La détermination pacifique de résistance des citoyennes et citoyens en sortit renforcée.    

A dire vrai dans le contexte de la transition vers un modèle social avancé, sinon socialiste, cette stratégie s’impose. Elle n’exclut pas les autres choix possibles dans un contexte différent, disons révolutionnaire insurrectionnel.

La question se pose alors de l’efficacité maximale des grèves et de la stratégie parlementaire républicaine et de gauche qui doit les accompagner. La gauche authentique a su éviter le piège parlementaire gouvernemental en forçant la présidence et le gouvernement à révéler leur vrai visage en recourant à pas moins de onze 49.3 pour imposer cette contreréforme des retraites, tout en prétendant être disponibles pour discuter et « apaiser » les « foules » une fois ce forfait a-démocratique accompli. Ils comptent sur l’appui de quelques courroies de transition politiques et « syndicales » notoirement éloignées du corps électoral et de la base syndicale. (5) Heureusement, l’unité de l’intersyndicale voulue par la base, tient bon. Elle est fondamentale.

La grande majorité des opposants à cette contreréforme appelle de ses vœux la « grève générale ». Elle est vue, à juste titre, par les grévistes eux-mêmes, comme « le dernier levier encore disponible aux travailleuses et travailleurs » et aux opposants pour se faire entendre et pour obtenir le retrait de la contreréforme ou du moins un référendum sur le sujet. A date, l’intersyndicale a réussi haut la main une série de grèves reconductibles, limitées dans le temps mais appuyées par des journées de mobilisation populaires sans précédent. Faut-il augmenter la durée des reconductibles, qui seraient dûment coordonnées à la base pour obtenir un effet maximum et rapide, ceci dans une situation où les travailleuses et les travailleurs sont doublement pénalisés par la perte du salaire pour les journées de grève et par l’inflation? Elle est désormais utilisée par le gouvernement comme un puissant moyen d’entériner la déflation salariale en l’absence de l’indexation à 100 % des salaires, hors primes, au moins sur la base de l’inflation officielle, alors que l’inflation réelle se monte à près du double . En effet, les primes sont ad hoc et ne comptent pas pour la retraite.

On sait qu’une grève générale ne se décrète pas. En tenant compte du nouveau contexte domestique et global mentionné ci-dessus, il semble que le renforcement du mouvement pour mieux atteindre les objectifs traditionnellement visés par une grève générale massive – arrêt de la production et de la circulation des biens et services –, tout en conservant l’appui majoritaire de la population, consisterait à distinguer la mobilité des personnes et la mobilité des marchandises et des services qui leurs sont inhérents.

La mobilité des personnes peut faire l’objet de l’actuelle stratégie de l’intersyndicale : journées de grèves horizontales étendues, limitées dans le temps – TGV, RATP etc. – mais récurrentes et appuyées par la majorité des citoyennes et citoyens qui, dès lors, choisiront de manifester leur soutien par leur approbation massive du mouvement. Les inconvénients ressentis seront alors pleinement revendiqués comme une preuve concrète de leur adhésion. Cet acte de soutien effectif volontaire, murement réfléchi, est d’une importance décisive pour le succès du mouvement et, le cas échéant, pour la lutte parlementaire immédiate et de longue durée qui l’accompagne. Il incarne la prise de conscience populaire de la nécessité de défendre le modèle social et ses conquêtes sociales, une volonté qui s’exprime alors avec une détermination pacifique mais soutenue. Dans ces conditions un gouvernement qui se braquera sur une stratégie du diktat se décrédibilisera à un tel point que sa vulnérabilité parlementaire déjà confirmée conduira à terme à sa chute et à une vraie alternance politique.  

La mobilité des marchandises et des services qui leurs sont liés – énergie, logistique, expédition et réception, contrôle de qualité, chaînes d’approvisionnement etc. – devient alors le fer de lance du mouvement, tout en préservant l’appui du peuple. Il pourrait le cas échéant être appuyé par des opérations escargot, voire des barrages filtrants. La coordination nationale de grèves reconductibles pendant une semaine qui seraient initiées en même temps sur tout le territorien national, deviendrait la clef du succès. D’où l’importance des caisses de grève.

En tout état de cause, une grève générale prolongée ou par journées reconductibles mais dans la longue durée n’est pas soutenable pour le patronat ni surtout pour le gouvernement pris à la gorge par la crise et par la rigide inanité budgétaire découlant du Traité de Maastricht et du Fiscal Compact, tous deux de facto nuls et non avenus car inapplicables mais dont la narration et la discipline sont maintenues pour légitimer la poursuite des politiques d’austérité visant « les rising expectations » du peuple, selon la vielle formule de la Commission Trilatérale. La détermination des uns et des autres fera la différence.    

Deux considérations à ce sujet :

A ) Puisque le gouvernement a choisi l’usure et la cooptation en ne demandant pas au Conseil constitutionnel de se prononcer dans les 8 jours, donc en renvoyant la décision à dans un mois, tout en proférant des promesses creuses de dialogue qui avaliseraient le fait accompli régressif entériné à coups de 49.3, les travailleuses et les travailleurs, ainsi que leurs syndicats, doivent se concerter à la base  sur le meilleur moment pour tenter de lancer cette grève reconductible coordonnée d’au moins une semaine, ensuite reconductible pour une durée supplémentaire selon les circonstances après quelques jours de répit – donc payés – dans l’éventualité où le gouvernent ne retirait pas le projet. Car la promulgation ne peut pas avoir lieu avant l’avis du Conseil constitutionnel. Du fait de ce timing, c’est donc la décision stratégique la plus difficile pour les syndicats et leurs bases.

Le Conseil constitutionnel, à l’instar du Conseil d’Etat, n’a pas brillé dernièrement pour son respect de la lettre et de l’esprit de la Constitution française. Il semble donc qu’il soit inutile d’attendre pour passer à l’offensive de manière déterminée et pacifique. Mais ceci doit être soigneusement étudié, planifié et coordonné à la base, sans diatribe contre la nécessaire unité intersyndicale. Elle est pour sa part plus concentrée sur la mobilité des personnes sans pour autant rien dicter aux bases syndicales pour le reste.

On peut choisir une grève d’usure qui continuera même après la promulgation. Mais chacun sait que cela serait matériellement et psychologiquement très coûteux pour les grévistes. La lutte d’usure prendra certainement d’autres formes post-promulgation, à savoir l’étroite liaison des revendications salariales avec le financement des retraites, notamment par le remplacement de la plupart des primes, hors partage des gains de productivité etc., par une augmentation des salaires, net et différé, ainsi que par le retour aux protections offertes par la Loi Auroux en matière de représentation, de sécurité et de harcèlement physique et moral.    

B ) La lutte syndicale-légale et politique contre la négation du droit de grève par les réquisitions abusives devient, par le fait même, un des enjeux principaux de la lutte. La France n’est pas le Royaume Uni. Ce dernier, qui n’a pas de constitution, a pratiquement supprimé le droit de grève par toutes sortes de restrictions (6) abusant ainsi du rôle de l’Etat-parton mis également au service du patronat et des classes sociales plus aisées dans le cadre de relations de travail encadré par un modèle tripartite raboté depuis la contre-révolution thatchérienne. L’Etat se comporte à la fois comme juge et partie tout en se drapant dans la fonction d’arbitre impartial des relations industrielles et sociales. Ce faisant, il tente de légitimer cette usurpation en prétextant la défense des services essentiels.

En France, la Constitution reconnaît le droit au travail avec son pendant, le droit à l’arrêt du travail, ainsi que celui de l’organisation syndicale et professionnelle destinée à faire contrepoids au patronat en vue d’en négocier les conditions d’exercice. Cette démocratie sociale, qui discipline, entre autres choses, la solidarité nationale incarnée par la Sécurité Sociale et par l’accès garanti aux infrastructures publiques, est entérinée dans le Préambule mais également dans le texte constitutionnel par l’institution du Conseil Economique et Social et – dernièrement- Environnemental (Articles 69-71) dans le cadre de la planification assistée par le crédit public, aujourd’hui très édulcorée. Seule la force de travail crée la valeur d’échange économique dans le procès de production et d’échange.

L’arrêt du travail, entériné comme droit de grève constitutionnalisé, signifie nécessairement l’arrêt de la production et de la circulation des biens et des services. La Constitution ne parle pas pour ne rien dire ; de sorte qu’il n’y a pas de place constitutionnelle en France pour la casuistique tentant d’opposer le droit de grève à un soi-disant blocage. Les travailleuses et les travailleurs savent pertinemment à quoi s’en tenir à ce sujet, et savent distinguer les représentant.e.s qui les appuient partout, y compris sur les piquets de grève, au risque d’être gazées, de ceux qui prétendent se confiner dans les enceintes parlementaires.   

En tout état de cause, les réquisitions visant à préserver la sécurité militaire de la Nation et l’ordre public ne peuvent en aucun cas abolir ou restreindre de facto abusivement le droit de grève. C’est pourtant ce que font aujourd’hui certains tribunaux administratifs (7) alors que les avocats de la CGT – dont Me Elsa Marcel – soulignent l’inconstitutionnalité de ce genre de décisions d’ailleurs déjà condamnées en 2010 par l’Organisation Internationale du Travail dans le cadre de la grève à Grandpuits. Nous espérons que l’OIT sera nouvellement saisie si le Conseil d’Etat s’avisait à ne pas rectifier. Nous soulignons au passage le sang-froid et la détermination pacifique des grévistes de Normandie qui, tout en continuant leur grève, n’opposèrent pas de violences physiques inutiles aux nombreuses forces policières mais plutôt un appel très entendu à la solidarité de toutes et tous ainsi que les recours juridiques qui s’imposent.

Les grévistes et les manifestantes et manifestants savent pertinemment, surtout depuis le passage en force final dans l’Assemblée nationale avec le 49.3, que les modalités du recours à la répression policière se sont durcies. Un gouvernement forçant tous les mécanismes démocratiques perd de fait toute légitimité ; dès lors, il abuse de son monopole de la force légitime transmuée en force brute et aveugle dans l’espoir de susciter des réactions violentes permettant ensuite de décrédibiliser les  grévistes et leurs supporters et sympathisants. Ces abus ont déjà valu des condamnations européennes et mondiales au gouvernement, condamnations qui seront renouvelées avec une nouvelle vigueur du fait des nombreux blessés, certains de manière très grave. (8) Il semblerait également qu’un cheminot ait perdu un œil et que les ambulances aient été empêchées d’intervenir avec la plus grande célérité possible. Lorsque certains manifestants sont visés à hauteur d’homme, pire, à la tête, il faut craindre un glissement vers une stratégie à la Ariel Sharon, qui met directement en cause le sommet de la chaîne de commandement, et non plus de possibles bavures. Au demeurant une gauche authentique revenant au pouvoir devra d’urgence réhabiliter et renforcer les lois Auroux tout en clarifiant cet aspect central de la démocratie sociale.

Les grévistes savent également que le gouvernement dispose de quelques deux mois de réserves stratégiques de carburants.

Quoiqu’il en soit, on voit mal comment quelques passagers bloqués dans les aéroports ou les gares pourraient constituer une menace pour l’ordre public. Ceci se produit assez fréquemment en dehors des journées de grève et donne lieu à la prise en charge des désagréments pas les compagnies de transport – et leurs assurances. Sans vouloir être cynique, nous pourrions ajouter que, loin de nuire à l’ordre public, ce genre de situation bénéficie aux services d’hôtellerie et de restauration locaux. Plus sérieusement, il suffirait de négocier de bonne foi avec les syndicats les modalités appropriées pour régler ce genre de problématiques, sans nuire au droit de grève constitutionnel. Ici aussi, le recours à la démocratie reste la meilleure solution.

En définitive, toutes et tous, travailleuses, travailleurs, citoyennes et citoyens, ont compris la déconnexion a-démocratique des gouvernants et des gouvernés. L’utilisation massive du 49.3 – outre le 38 et le 47.1 ou couperet parlementaire – n’a d’égal que la déconnection de l’économie réelle d’avec l’économie spéculative, ce qui n’empêche d’ailleurs pas cette dernière de phagocyter la première en imposant légalement la logique de l’intérêt spéculatif comme un profit légitime pénalisant ainsi l’industrie et toutes les entreprises nécessitant un investissement à long terme pour financer le capital fixe nécessaire. En d’autres temps, on aurait dénoncé une « unfair competition », une atteinte à la concurrence !

Voici une illustration récente de cette totale déconnection. Le Ministre de l’Economie et des Finance, M. Le Maire croyait faire belle figure devant les travailleurs de Peugeot en prétendant avoir sauvé l’entreprise. Les travailleurs pour leur part lui firent comprendre que Carlos Tavares fut bel et bien tiré d’affaire, alors même que les effectifs dans cette usine sont passés de 14 000 à 7 000, parmi lesquels 1400 intérimaires, des travailleurs employés comme tels années après années, donc illégalement, avec un salaire de 800 euros mensuels! D’autres coupures dans les effectifs sont en vue. Ils soulignent qu’ils n’ont eu que 19 euros d’augmentation salariale et ajoutent : « Savez-vous M le ministre, combien coûte la baguette ?» Et monsieur le ministre de répondre : « Cette boîte, il y a 5 ans, était menacée de fermer. » Les travailleurs répliquent qu’ils produisent désormais autant sinon plus de voitures qu’avant et demandent qui fut réellement sauvé par le gouvernement. (9) Les plus anciens se souviendront de cette répartie « What we got here is a failure to communicate » (https://www.bing.com/videos/search?q=what+we+have+here+is+a+failure+to+communicate&view=detail&mid=D57B601CF3E8929113DAD57B601CF3E8929113DA&FORM=VIRE ) La scène reprend une valence sociologique, quoique nous soyons déjà bien engagés dans le XXIème Siècle.

On notera au passage une certaine hargne inhabituelle du ministre en question, de même que ses postures et ses avancées frontales vers ses interlocuteurs. Un tel comportement signale usuellement la provocation et l’agressivité. Entouré par ses gardes du corps, cherchait-il un contact physique sous l’œil des caméras – auquel cas les travailleurs, conservant tout leur sang-froid et leur dignité, ne tombèrent pas dans le piège ? Serait-il sujet à de primaires conseillers behavioristes anglo-saxons et associés, tout comme le gouvernent auquel il appartient est sujet à la théorie selon laquelle la France serait irréformable démocratiquement de sorte qu’il faudrait entériner de force dans la République la fin de la périlleuse distinction droite/gauche, pourtant issue de la Révolution française? Du moins si l’on en croit les conseils normatifs des vielles théories sociologiques atlantistes proférées par de vulgaires Seymour Lypset et autres Sydney Verba. Ce ne sont que des « pitres », dans le sens conceptuel du terme,  par moi déjà dénoncés dans Tous ensemble comme sociologiquement et culturellement primitifs et loufoques, hors sol en tout cas. A l’instar de tant d’autres dispendieux conseillers issus de cabinets conseils transnationaux tel McKinsey … et ceci dans le pays des ex-Grandes Ecoles républicaines !  

Bref, nous avons à faire ici à un divorce entre la réalité concrète et la perception qu’en ont les dirigeants, entre la vraie nature des évolutions socioéconomique et les narrations néo-nietzschéennes qui les occultent. La prise en compte de la réalité impliquerait au contraire le recours urgent à une nouvelle RTT, dont l’abaissement de l’âge de la retraite et la prise en charge de la pénibilité, pour tenir compte des gains de productivité. C’est tout le contraire des réformes aujourd’hui proposées. Ajoutons que l’IA, par exemple ChatGPT qui est capable d’apprendre les protocoles bureaucratiques en quelques minutes, sera bientôt susceptible de remplacer une grande partie des employées des bureaucraties publiques et privées et des traders. (10) La RTT, meilleur moyen de partager le travail socialement disponible et donc les richesses produites, s’impose plus que jamais, tant pour l’abaissement de l’âge de la retraite, que pour la durée de travail hebdomadaire et les divers jours et périodes de congé.

Qu’on songe aux Trente glorieuses encensées par Jean Fourastié pour la hausse sans précédent du standard de vie et de la longévité moyenne qui les caractérisèrent. Nous savons que la RTT et de vraies mesures contre la pénibilité du travail – on dit, à juste titre, que les régimes de retraites spéciaux ne sont que des régimes « pionniers » – produiraient le même résultat social et démographique puisque les travailleurs meurent aujourd’hui 6 à 7 années en moyenne – 17 années pour nos camarades égoutiers ! – avant leurs cadres et que les régimes de la Sécurité Sociales les protégeant sur la base de leurs cotisations salariales en sortiraient renforcées. Le salaire différé est avantageusement géré de manière solidaire et actuariellement mutualisée, d’où le décalage générationnel; tout le monde en sort gagnant mais cela n’a rien à voir avec la narration bourgeoise d’un conflit générationnel pusique le coeur du problème n’est pas le ratio actifs/passifs mais au contraire la gestion des critères paramétriques et le rôle de l’anti-dumping en soutien aux costisations, ce qui était le cas avant le démantèlement du GATT. Les années de vie en bonne santé après la retraite augmenteraient considérablement tout en permettant aux jeunes d’entrer à temps plein dans la force de travail active avec la possibilité de planifier leur avenir tout en contribuant au « pot commun » par leurs cotisations et leurs impôts et taxes.   

Déconnection donc entre gouvernants et gouvernés. M. Véran a d’ailleurs annoncé les couleurs au nom du gouvernement : « La réforme des retraites ne signe pas la retraite des réformes » (Olivier Véran)» (11)

On reconnaît ici la logique du Marteau philosémite nietzschéen. Elle accompagne tous les régimes de « sur-représentation » chronique et a-constitutionnelle et de « fausse représentation », toujours prêts à s’abattre pour imposer la peur sinon l’admiration aliénée de la « populace » envers les nouveaux « maîtres du monde » diversement « élus » mais surtout auto-proclamés comme tels. (12)

Au fond, la motivation principale de ces choix politiques et socioéconomiques furent bien résumés par M. Claude Reichman. Il spécifie à sa manière le programme régressif illustré par un Denis Kessler et al., selon lesquels il conviendrait de déconstruire tous les acquis sociaux conquis depuis 1945 et inscrits dans la Constitution. (13)

Selon Claude Reichman : “Il faut supprimer complètement le régime des retraites” in https://www.youtube.com/watch?v=6nmHoOUDGmA ) . Ce programme n’est pas nouveau ni original. Il s’en prend donc aux 872 milliards d’euros de dépenses sociales qui se décomposent en 226 milliards pour l’assurance-maladie, 345 milliards pour les retraites, 50 milliards pour les allocations familiales, 170 milliards pour l’assurance-chômage et les aides diverses à l’emploi, plus divers autres programmes. Cette épargne sociale institutionnalisée dans la Sécurité Sociale, à savoir le patrimoine public de ceux qui n’ont pas de patrimoine privé, abolirait le choix individuel – et bien entendu les juteux profits que pourraient faire Blackrock, State Farm, Vanguard etc. lesquels n’hésitèrent pas à attaquer la GB et ses fonds de pensions en septembre dernier. Il ajoute que ces 872 milliards d’euros consacrés chaque année au régime de retraite public représentent une somme plus importante que le budget du Pentagone qui se monte à 858 milliards de USD et bientôt plus. On sait par ailleurs que, sous couvert de sécurité nationale et de devoir impérial global, ce budget inhérent au complexe militaro-industriel américain sert de subventions directes à l’industrie américaine, alors que ces subventions directes sont niées aux pays membres de l’UE par les traités de libre-échange, ce qui est un comble.

A cela il faut répondre par la défense déterminée du modèle social et civilisationnel entérinée par la Constitution, née de la Résistance, et par la défense des nouvelles formes avancées de démocratie sociale et socialiste. (14)

En réalité, le président Macron et son gouvernement se trompent en pensant pouvoir émuler la main de fer de Thatcher contre les mineurs, les dockers et Fleet Street. La première ministre britannique était le fruit de la défaite culturelle des keynésiens académiques  – voir mon Keynésianisme, marxisme, stabilité économique et croissance, 2005, même vieux site expérimental – incapables de comprendre le phénomène de l’« inflation » et de la « stagflation ». Les Chicago Boys, jusqu’ici relégués dans les sous-sols de leur université mère, reprirent du poil de la bête avec l’appui des néocons. A mon corps défendant, le marxisme authentique avait disparu des rangs de la gauche et des syndicats, même les plus avancés. La nouvelle hégémonie conservatrice néolibérale monétariste pouvait dès lors convaincre les masses avec ses messages simplistes légitimant le recours au workfare tout en s’appuyant sur les promesses de la Nouvelle Economie et des New Techs et sur une réorganisation des échanges mondiaux par les traités de libre-échange. (15) 

Ce cycle prend fin aujourd’hui dans la plus complète débâcle marquée par la précarité généralisée et par la crise bancaire et financière qui se greffe, en l’aggravant, sur la crise économique générale. L’obstination de la présidence et du gouvernement prend dès lors un aspect pathologiquement faustien, sans le moindre sursaut d’âme en vue. Une obstination sans avenir, dont le déni démocratique est la marque la plus emblématique.

Paul De Marco

Notes :

1 ) voir le Livre I dans Download Now, section Livres-Books du vieux site expérimental www.la-commune-paraclet.com   

2 ) Dans mon Livre III -2005, idem – j’avais théorisé cette évolution en pointant aux « échelles de la valeur ajoutée », c’est-à dire à l’importance de la cohérence interne de la Formation sociale qui definit la qualité de l’insertion de cette FS dans l’Economie Mondiale Capitaliste. Dès 2007 – rapport RAMSES – ceci fut occulté par la substitution des vielles chaìnes de la valeur ajoutée, soit par un vulgaire retour aux organigrammes des MNCs et des transnationales …  le tout évalué selon la comptabilité marginaliste du PIB. A ce sujet, voir : http://rivincitasociale.altervista.org/le-pib-outil-de-narration-marginaliste-contre-le-bien-etre-des-peuples-et-la-prosperite-des-etats-nations-24-mai-2020/ 

3 ) Sur les Accords de Paris, voir http://rivincitasociale.altervista.org/accord-de-paris-climat-decarbonisation-et-problemes-du-ets-le-crime-climatologique-contre-les-pays-emergents-et-la-grande-majorite-de-lhumanite-a-congeler-au-niveau-inegalitaire-de-1990/

Notez également que depuis 1979, dans les modèles narratifs du GIEC, les températures sont uniquement satellitaires, de sorte qu’elles sont effectuées en l’absence de nuages . Ceci mène fatalement à une obscène surchauffe des modèles, ce qui permet cependant de transformer  les citoyennes et les citoyens en nouveaux croyants béats et surtout les jeunes en Nouveaux Pastoureaux qu’on mène en « croisades » pour le plus grand profit du capitalisme spéculatif vert et ses Green bonds …. La défense de l’environnement et de l’écomarxisme est toute autre chose puisqu’elle  renvoie à la science, voir :  http://rivincitasociale.altervista.org/emission-des-zones-humides-croissance-du-methane-oh-et-quelques-questions-personnelles-19-decembre-2022/

4 ) Pour le capitalisme en crise, nouvellement philosémite nietzschéen, la Constitution, issue de la Résistance, est bien l’ennemi principal à abattre sans le moindre état d’âme. Denis Kessler le dit sans ambages et avec une grande précision historique  «  « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. […] Il est grand temps de le réformer. […] La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le Programme du Conseil national de la Résistance28 ! », dans https://fr.wikipedia.org/wiki/Denis_Kessler  

5 ) Ainsi le gouvernement passe en force dans les deux chambres sans aucun vote final par l’Assemblée nationale. Cela fait, la première ministre annonce être disponible à discuter. Laurent Berger va immédiatement dans le même sens sans dire qu’une telle discussion n’aurait aucune valeur sans le retrait préalable puisque la contreréforme imposée par onze 49.3 attend d’être promulguée, ce qui exclut toute possibilité technique d’amender le texte sans devoir retourner devant le Parlement avec un nouveau texte nouvellement soumis à la navette parlementaire. Voir a )  « Plus de dialogue, moins de 49.3 : le plan d’Elisabeth Borne pour « apaiser le pays » », https://www.latribune.fr/economie/france/elisabeth-borne-son-plan-pour-apaiser-le-pays-956641.html et b ) « Réforme des retraites : Laurent Berger appelle le gouvernement à modifier le texte », https://www.latribune.fr/economie/france/reforme-des-retraites-laurent-berger-appelle-le-gouvernement-a-modifier-le-texte-956669.html

6 ) voir « EUX AUSSI, ILS EN ONT MARRE… POURQUOI LES ANGLAIS SONT DANS LA RUE », https://www.youtube.com/watch?v=iU1dK1hnL7U&t=1s .  Cette vidéo donne un bon résumé de la déplorable situation anglaise qui n’est pas sans rappeler celle prévalant avant l’abolition de la loi antisyndicale britannique de 1799, voir https://en.wikipedia.org/wiki/Combination_Act_1799

7) « Réquisition des raffineurs : ÉNORME DÉMONSTRATION DE SOLIDARITÉ au Havre – Reportage », https://www.youtube.com/watch?v=yA0UxoP9Bi0

8 ) « MÉGA-BASSINES: DARMANIN A DU SANG SUR LES MAINS/GIEC: UNE AUTRICE DU RAPPORT S’EXPRIME »,

Citation du texte accompagnant cette vidéo : « On revient sur la mobilisation historique, samedi, dans les Deux-Sèvres, contre les méga-bassines. Une manifestation massive qui s’est heurtée à un dispositif policier massif et très offensif. Quelques chiffres qui donne le tournis mais montre bien la volonté d’en découdre de la part du gouvernement, ce sont près de 4 000 grenades qui ont été lancé sur le cortège de 30 000 personne faisant près de 200 blessés, côté manifestants, dont un éborgné une personne à ce jour entre la vie et la mort… On en parle avec notre journaliste Lisa Lap et Léna Lazare, activiste aux Soulèvements de la Terre. Toutes les deux étaient sur le terrain ce samedi.»

9 ) « Bruno Le Maire vivement interpelé par un ouvrier de PSA Mulhouse », France 3 Grand Est , https://www.youtube.com/watch?v=UU5yG6xxvUc

10 ) Voir http://rivincitasociale.altervista.org/ia-chatgpt-et-robotisation-productivite-micro-competitivite-macro-et-retraites-7-mars-2023/ 

11 ) « La réforme des retraites ne signe pas la retraite des réformes » (Olivier Véran) https://www.latribune.fr/economie/france/la-reforme-des-retraites-ne-signe-pas-la-retraite-des-reforme-olivier-veran-956626.html

12 ) Je renvoie ici à mon livre Pour Marx, contre le nihilisme – dans le même vieux site expérimental – et à la stratégie de « palestinisation » des peuples dernièrement doublée par celle de la « dalitisation », régime non-carné en prime ! Voir http://rivincitasociale.altervista.org/la-palestinisation-de-la-france/ 

13 ) Voir  « Claude Reichman : “Il faut supprimer complètement le régime des retraites” » in https://www.youtube.com/watch?v=6nmHoOUDGmA

14 ) Voir le modèle quadripartite dans Tous ensemble, le chapitre « Pour le socialisme cubain » dans Pour Marx, contre le nihilisme ainsi que ceci sur les nouvelles formes de démocratie socialiste à inventer : http://rivincitasociale.altervista.org/de-nouvelles-formes-de-democratie-socialiste-a-inventer-1/

15 ) On pourra également se reporter à mon essai de mars 1985 « Les conséquences socio-économiques de MM Volcker, Reagan et Cie », idem, section Economie Politique Internationale et à l’Introduction méthodologique, idem section Livres-Books.

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