Commenti disabilitati su La transition au socialisme et la planification = déblayage définitif des falsifications malveillantes en particulier celles de Ch. Bettelheim, 21 juin, 2021.

Personne ne peut nier l’importance de l’origine sociologique des théories et des idéologies. Lorsqu’elles sont portées par un grand nombre de vulgaires surreprésentés, ne vous laissez pas impressionner par l’habillage sémantique, sortez tout de suite votre meilleur attirail scientifique et critique. Il en va de votre statut de citoyen et de l’émancipation humaine.

Scientifiquement parlant, Il y a un marxisme avant et après la démonstration de la loi marxiste de la productivité.

La théorie marxiste élucidée pour la productivité permet de concevoir la transition hors du MPC et vers le socialisme avec la plus grande flexibilité exigée par les circonstances historiques grâce à la logique des époques de redistribution. L’essentiel est de toujours tenir le cap de l’émancipation et de l’égalité humaines.

La Bataille des Idées par la pratique théorique et la praxis scientifiques d’Althusser et de Gramsci ainsi que par les alliances de classes et la ligne de masse de Lénine et de Mao sont indispensables à la transition au socialisme, tant révolutionnaire que pacifique.

Si l’égalité est sacrée, l’exclusivisme, particulièrement l’exclusivisme raciste-théocratique de « race élue » constitue le pire des crimes contre l’Humanité. Lorsque la justice est niée, il ne reste plus que la Loi du Talion. On cannaît déjà ce Message de fraternité universelle. On en comprend désormais les ressorts.   

Nous aurions pu intituler cet essai : Avantage de la planification macroéconomique quelle qu’elle soit surtout lorsqu’elle est appuyée par le crédit public et le plein-emploi.

Table des matières

Les données du problème du calcul économique nécessaire à la transition d’un mode à un autre.

La « plus-value sociale », le financement de la Sécurité sociale et plus largement les comptabilités socialistes nationale et d’entreprise.

Les dérives par le marché soi-disant socialiste – i.e. marginalisme socialiste – de Liberman et de Kantorovitch.

Thèse sous-jacente : Supériorité de la planification macroéconomique quel que soit le mode de production.

Un mot sur le Welfare State keynésien et sur la régulation économique pratiquée par l’Etat social européen.La falsification consciente de Ch. Bettelheim et la confusion induite de Paul Sweezy

A ) C. Bettelheim

B ) Paul Sweezy

Conclusion.

Comptabilités socialistes

Appendix 15/07/2021 : Bourgeois economic modelling, Paul Romer, and the return of planning ?

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Les données du problème du calcul économique nécessaire à la transition d’un mode à un autre.

Tout mode de production doit se reproduire dans son espace naturel et social. La Reproduction Simple ou stationnaire est la base sur laquelle on peut concevoir la Reproduction Elargie ou dynamique et la redistribution des ressources produites tant pour la consommation des ménages que pour la consommation productive ou réinvestissement.  L’espace de la redistribution sociale, donc celui de l’allocation des ressources, est éminemment politique. Il renvoie aux luttes des classes ou bien à la prise de décision dans le cadre de la démocratie socialiste.  Les priorités de l’allocation des ressources peuvent être déterminées par une classe de propriétaires des moyens de production à son propre profit ou bien collectivement par la communauté au bénéfice de la communauté selon deux grands principes : « de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail » ; puis, à un stade plus avancé : « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».

Tout système de reproduction et de redistribution sociale repose sur une forme déterminée de l’échange de toutes les marchandises entre elles. Cet échange, par exemple de A contre B, implique une égalité A = B et donc la possibilité d’établir cette égalité sur la base d’un étalon commun permettant la commensurabilité des marchandises entre elles. Le calcul économique rigoureux est donc bien à la base de la cohérence systémique de tout mode de reproduction et de redistribution.

Seule la valeur d’échange de la force de travail, déterminée comme pour toute autre marchandise  par ce qu’il en coûte socialement pour la reproduire, peut jouer ce rôle, car c’est le seul équivalent économique universel. La monnaie est une médiation pratique des échanges mais doit elle-même être définie selon l’étalon de mesure commun, ce n’est donc qu’un équivalent général. Bien entendu, toute marchandise peut servir de moyen d’échange, aussi bien l’Or que l’Argent ou des coquillages ou encore des pommes de terre ; chaque marchandise peut donc jouer le rôle d’équivalent particulier. Mais cet échange entre produits physiques est peu pratique.   

Ce qui s’échange en réalité sous les dehors de la marchandise ce sont des rapports sociaux de production et de reproduction. Ceci nous renvoie donc à la fonction de production qui résume les composants du procès de production immédiat – ou niveau micro-économique. Contrairement à la « dismal science » économique bourgeoise, ce niveau ne suffit pas pour déterminer la valeur d’échange ou le prix d’une marchandise. En effet, la valeur d’échange d’un produit issu de n’importe lequel des procès de production immédiat ne peut être que la somme de ses intrants, dont la plus-value extraite durant le procès de production. Dans sa forme la plus épurée toute fonction de production : c + v + pv = p où le produit p peut être soit un Moyen de production (Mp), soit un Moyen de consommation (Cn), renvoie donc à l’équilibre du système dans son ensemble. En premier lieu à l’équilibre général c.-à-d., aux Equations de la Reproduction Simple (RS) établies par Marx – Livre II – et brillamment résumées par Boukharine. Autrement, nous serions confrontés, comme le sont les courbes d’Offre et de Demande du marché micro-économique et  du marché macro-économique – « le marché des marchés » de Léon Walras – à un problème létal, celui de la contradiction des données ex ante et des données ex post.

Dans votre recherche du prix d’équilibre d’un produit, vous ne pouvez pas légitimement établir la courbe de l’Offre en donnant au préalable des barèmes de la Demande  en … prix. Et inversement. Puis croiser ces deux courbes pour obtenir … le prix du marché ! Pourtant, c’est ce que font tous les économistes bourgeois tous les jours. M.  Jean Tirole, le digne représentant du capital global apatride, est l’économiste aux trois grandes idées pour trois grandes catastrophes, jusqu’ici –dérégulation financière/crise des subprimes ; contrat unique/Job Act et Loi travail ; concurrence imparfaite corrigée à l’interne par les Gafam et autres selon leurs évaluations des préférences des consommateurs. Il compte même s’en tenir au seul niveau microéconomique puisque le niveau macro-économique national ou multinational renvoie fatalement à un certain degré d’intervention de l’Etat et donc de la souveraineté des peuples qui pourraient prétendre règlementer celle des grands actionnaires des firmes transnationales …

Scientifiquement parlant, le seul et vrai équilibre général est celui établi par les Equations de la Reproduction car il donne à la fois et de manière cohérente les données en quantités physiques et en termes de valeurs d’échange ou prix, puisque toute valeur d’échange d’une quelconque marchandise, fut-elle la marchandise force de travail humaine, repose sur un vecteur « matériel » à savoir sa valeur d’usage.  Voici :

SI  = c1 + v1 + pv1 = M1 (Mp)

SII = c2 + v2 + pv2 = M2 (Cn)

Equations de la RS – tant en quantités qu’en valeur d’échange :

M1 = (c1 + c2

c2 = (v1 + pv1)

M2 = (v1 + pv1) + (v2 + pv2)

La composition organique est : v/C où C = (c + v) ;

Le taux d’exploitation ou, en transition socialiste, d’extraction de la « plus-value sociale », est : pv/v.

Lorsque ces rapports fondamentaux sont identiques dans les deux secteurs, les Equations de la RS et de la RE restent parfaitement cohérentes, ce qui en fait un modèle de référence scientifique incontournable.

(Notez que Marx note souvent la composition organique comme c/v, ce qui empêche de concevoir la loi de la productivité selon laquelle ces deux rapports évoluent en sens proportionnellement inverses . Comme la composition organique lie le travail vivant – v au numérateur – au travail cristallisé  présent au départ du procès de production – incluant forcément (c + v ) au dénominateur -, c’est bien v/C  où C = (c + v) qu’il faut écrire. D’ailleurs dans des brouillons qui ne furent par retenus pour les Livres II et III, Marx pose ce rapport crucial de cette façon, puis l’abandonne. Je crois personnellement que s’il avait eu le loisir de rédiger lui-même ces deux volumes de son Magnum Opus, il aurait tout naturellement abouti sur cette base par lui d’abord investiguée. Il suffit de se reporter au chapitre « La dernière heure de Senior » du Livre I pour s’en rendre compte. Dans ce formidable chapitre qui constitue une réfutation complète anticipée de ce qui deviendra plus tard le marginalisme, Marx expose le concept qui veut que chaque produit issu du procès de production, i.e., de la fonction de production, ou chaque heure de la journée de travail correspondante, contient une part proportionnelle de (c + v + pv ). Ce qui fait bien ressortir l’ineptie voulant que le profit n’émerge que durant la dernière heure de travail, la 10ème , 11ème ou 12ème , théorie saugrenue par laquelle le patronat anglais et ses thuriféraires académiques de Cambridge voulaient s’opposer à la réduction du temps de travail revendiquée par les travailleurs. La RTT, mouvement séculier inhérent au MPC, dont la recherche de la productivité est le moteur principal dans le cadre de la concurrence, n’a jamais ruiné personne. Bien au contraire puisqu’en partageant mieux les gains de productivité, elle rétablit le rôle stabilisateur de la demande agrégée des ménages. Hors considération idéologique, c’est bien ce que démontre l’Histoire du MPC avec une RTT qui affecte toujours d’avantage la durée du temps de travail, que ce soit par la baisse de l’âge de la retraite, l’assurance-chômage, les congés payés, la durée de la semaine de travail, les congés maladie, et les congés parentaux. Ce qui laisse entrevoir une progression cumulative vers plus de temps libre lequel, associé à un meilleur contrôle collectif de la « plus-value sociale », ouvre la voie à la transition tranquille au socialisme. )

Lorsque ces rapports fondamentaux changent du fait de la productivité, les données paramétriques SI et SII assurent que le taux de profit reste organiquement le même dans les deux secteurs – nul besoin par conséquent d’y ajouter un taux de profit moyen exogène – mais bien évidemment les volumes de profit sont différents.  En effet, la productivité, qui est une intensification structurelle du travail, fait évoluer ces rapports en proportion inverse sur la base du même « v » en valeur d’usage mais justement pas en même nombre de travailleurs physiques. Car, pour un même temps de travail et la même force de travail – abstrait -, la productivité augmente le nombre de produits issus du procès de production immédiat pour un prix unitaire proportionnellement moindre. Lequel entre dans le panier de consommation.

Le capitaliste plus productif produisant dans le même temps plus de produits à un prix unitaire moindre, il conquerra plus facilement les marchés disponibles. Cette logique est à la base des lois de motions principales du MPC, soit la centralisation et la concentration du capital, tant un niveau interne qu’externe – colonialisme, néocolonialisme et impérialisme.

Illustration. Voici ce que nous écrivions dans Tous ensemble (1998):

« Dans chaque secteur la productivité implique la liaison en sens inverse de v/C (où C = c + v) et de pv/v. Supposons au départ un système RS dans lequel SI et SII opèrent selon la même v/C et le même pv/v., nous aurions en A:

c1:80F              v1:20F              pv1:20F                        = M1:120F

               80Mp/80h       20Mp/20h        20Mp/20h   =    120Mp/120h

c2:40F              v2:10F                          pv2:10F                        = M2:60F

   40Cn/40h       10Cn/10h           10Cn/10h   =     60Cn/60h

Ici un Cn valant un Mp et les conditions productives étant identiques le travail est d’emblée du travail homogène selon la terminologie d’Emmanuel (ce que Marx appelle “travail abstrait”) et donc immédiatement comparable. Montrons qu’il en est de même lorsque la productivité diffère d’un secteur à l’autre à condition d’en respecter la règle.

Soit donc le système RS A’ tel que la productivité se serait approfondie de 1/4 en SI; nous aurions:

c1:84F              v1:16F              pv1:20F                        = M1:120F

   105Mp/84h     20Mp/16h         25Mp/20h   =    150Mp/120h

c2:36F                          v2:9F                pv2:9F                          = M2:54F

   36cn/36h          9cn/9h                 9Cn/9h     =    54cn/54h            (45Mp)

Ici un Mp = 0,8F; un Cn = 1F; pourtant la productivité, compte tenu des ajustements RS (que je nomme “effet RS”), assure que c’est bien du travail abstrait donc commensurable qui est exprimé par les valeurs (exprimées en francs); il suffit pour s’en convaincre d’observer particulièrement les transformations subies par v1 et c2 : les doutes sont dissipés lorsque l’on distingue l’expression valeur d’usage (“vu” sous formes de produits concrets Mp ou Cn) de celle de valeur d’échange (“ve”) dont elle n’est que le support. (Ajoutons que du point de vue de la valeur, et spécifiquement dans une société capitaliste, cet “effet RS” ne pose pas même les questions posées par Sraffa concernant l’expression prix de marchandises produites durant des “époques productives différentes”, ni même celles conjoncturelles de l’impact des stocks sur le prix de vente., car par définition, ce dont il s’agit dans les conditions systémiques démystifiées par les schémas de reproduction – Boukharine -, n’est autre que le sort du travail passé revivifié ou non par le travail vivant dans un nouveau cycle productif. Par contre, une société socialiste s’ingénierait à intégrer – ou du moins à tenir compte de cet “effet RS” dans ses équations de Reproduction afin d’éviter tout gaspillage inutile.) »

Notez qu’ici, pour la première fois, tout est cohérent en quantités, valeurs d’échange – et prix -, et heures de travail. De fait, dans un système respectueux des normes du Code du travail visant, entre autres choses, à éliminer la compétition déloyale, on peut déduire sur cette base, le nombre de travailleurs physiques impliqués.

Les changements paramétriquement contrôlés des valeurs d’échange, implique celui des prix si on ajoute la théorie monétaire marxiste déjà annoncée dans mon Tous ensemble et développée par la suite entre autre dans mon Précis d’Economie Politique Marxiste . Ainsi de l’Effet RS jusqu’aux changements paramétriquement contrôlés des valeurs d’échange, donc des prix, on comprend que la cohérence de la planification dépend de l’intégration de la théorie de la productivité marxiste dans les Équations RS-RE. 

L’Effet RS en soi renvoie à une évolution de la division sociale di travail et de sa structure sectorielle, à savoir le rôle des secteurs, primaires, secondaires et tertiaire. Du point de vue de l’allocation des ressources il est clair qu’une croissance qualitative planifiée renvoie aux données en chiffres absolus, de sorte que se pose la question du maintien de la symétrie proportionnelle entre secteurs  de même que la question du meilleur déversement possible de la main-d’œuvre libérée par la productivité outre les cycles récurrents de l RTT.  

Le système de reproduction et de redistribution RS est un vrai modèle congruent avec la Réalité sous-jacente – les Mp et les Cn devant être nécessairement reproduits. Il est parfaitement cohérent lorsque ses rapports de production essentiels, la composition organique v/C où C = (c + v) et le taux d’extraction de la plus-value ou d’exploitation pv /v sont identiques dans les deux Secteurs. Cette première évidence concrète, de loin supérieur aux schémas de l’Offre et de la Demande ainsi qu’à l’équilibre général stationnaire qui en découle, fut à la base des succès de tous les systèmes de planifications modernes tous inspirés par la Reproduction Simple – RS –  de Marx. Les Bolchéviques, et Staline en tout premier lieu, s’appuyèrent sur cette découverte scientifique marxiste pour assoir et corriger leur planification tout en misant sur la plus grande productivité possible.

En effet, si vous introduisez la théorie de la productivité marxiste par moi démontrée, la cohérence de la RS – et donc également de la RE – demeure tant en quantités qu’en valeur d’échange et en prix. Vous pouvez donc tranquillement procéder à la détermination politique des investissements. En sachant – développement qui prit du temps à nos anciens camarades – qu’en se limitant au seul réinvestissement ralentit la croissance potentielle, car ceci suppose une modification de la RS sous-jacente, par exemple l’Effet RS. La croissance s’envole littéralement lorsque le crédit public socialiste est introduit. Car le crédit public permet de s’appuyer sur la RS de départ et de magnifier les possibilités de réinvestissements. En effet, le crédit étant une anticipation de la accroissance, il se transforme dans la production en capital fixe et capital circulant et en capital variable – soit, dans ce dernier cas, en masse salariale pour près de 60 % en moyenne. Or, un système socialiste exercera une surveillance particulière pour assurer la meilleure « structure de v » – voir là-dessus, la partie 2 de mon Livre III – ou, reformulé autrement, le « revenu global net » des ménages compatible avec l’optimum possible de « plus-value sociale » à réinvestir. Contrairement, au MPC ce partage le plus avancé et égalitaire possible de (v  + pv ), allié aux cycles récurrents de RTT nécessaires pour conserver le plein-emploi citoyen, et donc le bon niveau de cotisations sociales et de fiscalité, constitue le cœur de la loi de motion du mode de production socialiste/communiste et de sa marche vers la plus grande émancipation humaine générale.

Vu la dualité de toute marchandise – dont le crédit, à ne pas confondre avec la monnaie qui renvoie pour sa part aux masses salariales – en valeur d’usage supportant une valeur d’échange, une condition devrait aller soi : pour que le crédit public socialiste fonctionne il faut soit des stocks disponibles – donc une surcapacité productive installée – soit l’accès à un approvisionnement extérieur – donc l’absence de blocus – ce qui renvoie également in fine,  malgré la médiation temporaire des balances externes, à la capacité de surproduction installée. D’une manière ou d’une autre un équilibre restant un équilibre, la différence là encore ne peut venir que du travail humain.

En simplifiant, le MPC peut absorber un fort Effet RS en le faisant payer aux prolétariats et en privilégiant son faux équilibre en prix et sa fausse croissance en PIB marginaliste. Joseph Schumpeter a formalisé cette conception dans sa théorie de la « destruction créatrice ». Dans sa version nietzschéenne de « retour » conçu pour empêcher ou retarder le devenir historique, il le fit sans illusion sur le dépassement nécessaire du MPC par un mode de production plus avancé. De la même manière, il avait tenté de transformer la fatale contradiction marginaliste entre micro-économie et macro-économie en une dichotomie ontologique, par conséquent hors de tout débat. Mais au fond, il savait parfaitement que la force de travail séculairement « libérée » par la productivité capitaliste impliquait un meilleur partage des richesses et un meilleur équilibre structurel du système acquis par le partage du travail socialement nécessaire ou par un retour plus que risqué vers un nouveau néo-corporatisme philosémite nietzschéen. L’espérance de la possibilité d’un tel retour poussa d’abord au démantèlement du Bloc de l’Est ainsi que des entreprises publiques et des services sociaux des Etats providence occidentaux. Elle tend aujourd’hui à sombrer dans une hystérie anti-Chine, anti-Russie et anti-souveraineté étatique poussant au retour impossible à une Nouvelle Guerre Froide règlementée par une inféodation militaire et économique au sein d’un OTAN hors-zone, via un nouveau Cocom…

Le socialisme s’en gardera bien et, en tout état de cause, évitera des Effets RS trop grands qui nuisent à la croissance stable et harmonieuse ainsi qu’à un gaspillage inutile des ressources disponibles. De même, selon les enseignement de la théorie écomarxiste, la croissance harmonieuse socialiste sera d’autant plus forte que les surplus en nourriture et en énergie seront assurés. Comme chacun sait, la reproduction de l’Homme dans la Nature et l’Histoire se fait par le travail humain, qui est une dépense d’énergie personnelle ensuite supplée par les machines et par la technologie. Cette donnée de base vaut encore d’avantage pour l’économie moderne bien plus énergivore que l’industrie classique.

Si la loi de la productivité marxiste est ignorée alors la cohérence quantitative et qualitative de la RS – et de la RE – prend un coup dans l’aile. C’est ce qui est connu comme « problème de la transformation des valeurs d’échange en prix de production ». Ce problème fut inventé de toute pièce par Böhm-Bawerk sur la base des brouillons encore smithiens et ricardiens retenus pour la rédaction de certains passages des Livres II et III du Capital. Smithiens parce que Marx investiguant le problème de la rente absolue et de la rente différentielle de Ricardo emploie encore les concepts préscientifiques de « travail complexe » pouvant être décomposer en « travail simple » par exemple grâce à la pin factory, plutôt que les concepts scientifiques de « travail socialement nécessaire » et de « travail abstrait » qu’il développera plus tard. Ricardiens car il investigue les différences entre les deux rentes – féodale et capitaliste agricole – sans encore passer à la productivité qu’il n’aura pas le temps d’exposer entièrement bien qu’il en ait donné les éléments essentiels, y compris dans sa critique à Torrens. Je renvoie à mon Tous ensemble ou à mon Livre III Keynésianisme, Marxisme, Stabilité Economique et Croissance – 2005 – pour les détails de la démonstration qui implique le passage de la rente absolue – liée au féodalisme – à la rente agricole différentielle. Cette dernière ouvre la voie à la résolution de la théorie de la productivité marxiste ainsi qu’à la conception scientifique de l’Ecomarxisme.

Voici le faux problème de la transformation tel que présenté dans mon Livre III. :

« Résumons l’affaire avec un exemple. A la suite de Marx posons deux capitaux exhibant deux c/v différents (incorrectement appelé ici « composition organique du capital ») où

c + v = 100 de manière à pouvoir comparer très rapidement leur performance respective. M est égal à la valeur du produit. Nous avons donc:

  1. c 80     v 20     M 115     Taux de profit 15%
  2. c 70     v 30     M 110     Taux de profit 10 %

Si nous appelons maintenant le taux de profit pv/c+v et le prix de production pp, voici ce que nous obtiendrons après l’ « égalisation » du taux de profit. (Soulignons de nouveau que Marx malheureusement ne tint pas compte ici de pv/v, le taux de plus-value, ce qui aurait posé la question de la cohérence de cette présentation spécifique avec les formes d’extraction de la plus-value analysées dans le Livre I du Capital.)

  1. c 80     v 20     pv 15     pv/c+v 15%    M 115     profit en termes de pp 12,5%
  2. c 70     v 30     pv 10     pv/c+c 10%    M 110     profit en termes de pp 12,5%

Evidemment suite à cette « égalisation du taux de profit » en termes des prix de production (pp) le produit final serait le même en M1 et M2, soit 112,5. Si le capital numéro 2 représentait la rente foncière alors de manière évidente, selon cette version, les capitalistes du capital # 1 subventionneraient le secteur agricole simplement parce que le « marché » imposerait un mouvement de capitaux vers le capital 2 jusqu’à ce que l’équilibre soit atteint. Dans ce cas, si l’affaire s’arrêtait là, Böhm-Bawerk aurait partiellement raison. En effet, si on utilise la même procédure pour les schémas de reproduction (voir l’illustration plus bas, à la page 26) les intrants seraient donnés en termes de valeur et les extrants, destinés à devenir de nouveaux intrants au cycle suivant, seraient donnés en termes de prix de production. Notons que si le supposé « marché » opérait au niveau des prix de production, il devrait le faire à travers les échanges au niveau de la circulation et de la réalisation de la valeur de chaque produit. Cependant, si nous essayons de tracer méticuleusement chacun de ces échanges en émulant la méthode de Marx lorsqu’il traça et synthétisa le Tableau de Quesnay, on réaliserait rapidement que le prix de production est un mirage, à savoir que le « marché » opèrerait deux fois! Il opèrerait d’abord lorsque l’on prend « empiriquement » le capital constant et le capital variable, par exemple c = 80 et v = 20. Ces montants sont évidemment donnés en termes de valeur, ce qui suppose déjà la prise en compte des échanges effectués sur le marché qui sont nécessaires pour réaliser les valeurs opérant comme intrants dans les schémas. Faire usage du « marché » pour atteindre artificiellement une égalisation du taux de profit, sans changer les autres variables, reviendrait donc à utiliser le mécanisme du marché deux fois de suite, d’abord de manière interne et ensuite, quoique de façon inexplicable, de manière externe. Mais Marx avait prévenu que toute solution définitive devait respecter la loi de la valeur établie scientifiquement dans le Livre I du Capital, c’est-à-dire une loi de la valeur axée sur le travail qui, contrairement à la version offerte par Ricardo, soit capable de rendre compte du capital constant et du capital variable, tout en offrant également une explication rationnelle du profit fondée sur l’extraction de la plus-value. En d’autres termes, contrairement aux investigations partielles contenues dans les versions préliminaires publiées par d’autres et données pour des produits finis, il nous faut rétablir quelques relations particulières sans lesquelles aucune loi de la valeur marxiste ne serait possible, et donc sans lesquelles aucune économie politique rationnelle ne pourrait être scientifiquement fondée. »

Il est par conséquent impossible de planifier sur la base de Schémas RS-RE falsifiés par ce profit moyen exogène ne respectant pas la productivité. Tout sera faussé en particulier l’adéquation valeur d’usage et valeur d’échange des produits ainsi que la fameuse « proportion optimale entre secteurs » que Staline soulignait dans son brillant essai sur les problèmes de la planification soviétique de 1952. (voir Economic Problems of Socialism in the USSR ( 1952), https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1951/economic-problems/index.htm )  

Résumons cette incohérence en utilisant le schéma de la transformation dans le cadre de la RS. Nous aurions, en reprenant les hypothèses de Marx, des rapports c/v différents en SI et SII et un rapport pv/v identique dans les deux secteurs forçant ensuite à l’égalisation des taux de profit:

S I  = c1(80 F/80Mp) + v1 (20F/20Mp) + pv1 (20F/20Mp) = M1 (120F/120Mp)

SII = c2 (40F/40Cn)   +  v2 (60F/60Cn)  + pv2 (60F/60Cn) = M2 (160F/160Cn)

Après égalisation – exogène – du taux de profit ( pv/(c +v) ) nous aurions :

S I  = c1(80 F/80Mp) + v1 (20F/20Mp) + pv1 (40F/?) = M1 (130F/?)

SII = c2 (40F/40Cn)   +  v2 (60F/60Cn)  + pv2 (40F/?) = M2 (130F/?)

On le voit ceci ne correspond plus à rien. La RS n’est pas respectée ni en quantités physiques ni autrement.

C’est l’inscription un peu bête des schémas de la transformation par l’égalisation du taux de profit moyen dans les Equations RS. Bien entendu, Marx ne posera jamais le problème ainsi lui-même, même s’il insista sur la règle méthodologique visant à résoudre le problème dans ce cadre-là puisque c’est le cas présentant l’équilibre systémique en termes de valeur d’échange et en valeur d’usage, ce qui en fait le cas test de la cohérence interne.

Dans son propre exemple donné plus haut Marx ne se plaçait pas encore dans le cadre RS parce qu’il tentait de comprendre les relations entre deux entreprises ou deux sous-secteurs appartenant bien sûr au même secteur, ici le Secteur II des Cn, mais l’une appartenant à l’espace de la rente foncière féodale, l’autre à l’espace légalement dominant du capitalisme agricole au sein d’une société imposant la mobilité du capital malgré nombre de survivances féodales. Cette mobilité impose l’égalisation du taux de profit, proposition juste mais, ainsi que démontré dans mon Tous ensemble, ce rôle égalisateur opéré par la concurrence à lieu au moment même où se met en place la fonction de production – l’acquisition de ses composants c + v – et non après. Le taux de profit est donc identique organiquement, du moins tant que les conditions paramétriques de la RS-RE prévalent. C’est ce que démontre la loi de la productivité, sans quoi il ne serait même pas possible de poser le problème d’un procès de production produisant plus de produits en un même temps pour un coût unitaire proportionnellement plus bas.

De fait, la rente différentielle agricole mène à son cas général qui n’est autre que la loi de la productivité capitaliste. Tant que le féodalisme conserve certaines prérogatives légales protégeant son espace de production – fermage, métayage etc. – son extraction de la plus-value repose sur la plus-value absolue, ou rente foncière féodale, donc sur la durée du travail. Les paysans sont alors de plus en plus pressurisés pour assurer à cette rente foncière un niveau acceptable; en effet, malgré les protections légales et douanières résiduelles, les produits sont écoulés sur les mêmes marchés qui entérinent la supériorité de la productivité capitaliste. Nous avons-là un exemple typique de la coexistence à dominance de modes et du lent ou rapide dépérissement du mode subordonné, selon les circonstances historiques. En France certaines survivances de la rente foncière féodale protégées légalement – par ex, pour préserver la sur-représentation de l’électorat des campagnes – ne disparurent qu’après 1956 sous le coup du GATT et de la PAC.

La présentation de la RE dans le Livre II du Capital fera l’objet de toutes sortes de tentatives de réconciliation mais en partant du taux de réallocation de la plus-value – réinvestissement d’une partie de la plus-value – pour obtenir une reproduction dynamique, ce qui reste forcément contradictoire ainsi que le fit remarquer Rosa Luxembourg. On le voit, la question de la cohérence des Equations RS-RE repose sur la démonstration de la loi de la productivité marxiste qui doit d’abord faire ses preuves, comme l’indiquait Marx, dans le cadre de la RS. Ce cadre de la RS reste toujours sous-jacent à tout choix de Reproduction Elargie.  

Sans l’intégration de la loi marxiste de la productivité, toutes les versions imaginables sont des échecs. Les plus importantes furent exposées par Paul Sweezy et Arghiri Emmanuel. (Pour les meilleurs exemplaires de ces tentatives voir Arghiri Emmanuel, A propos de l’échange inégal, L’Homme et la société, n 18, 1970, https://www.persee.fr/issue/homso_0018-4306_1970_num_18_1 . Sa contribution : https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1970_num_18_1_1347 ) Au mieux nous aboutissons à la version soi-disant « synthétique de la loi de la valeur » – ainsi dénaturée – proposée par Tougan-Baranovsky et Bortkiewiz puis par Sraffa et par les verbeux et ineptes néoricaridiens … papoteurs académiques creux, s’il en fut jamais.

J’ai montré dans Tous ensemble que la transformation simultanée n’a plus rien à voir avec la loi de la valeur de Marx dont la contribution scientifique principale reste d’avoir dévoilé l’ancrage dans l’exploitation de la genèse du profit. Dans la version de Tougan-Baranovsky et de Bortckiewiz non seulement la logique de l’extraction de la plus-value disparaît mais, en outre, disparaît aussi celle fondamentale de la RS organiquement cohérente en termes de quantités et de prix. Cette « solution » n’est qu’un vulgaire tour de passe-passe qui pose le « modèle » mathématique au-dessus de la Réalité à analyser. Ainsi, en mobilisant la formalisation quadratique, ils décident d’ajouter une ligne à la RS de Marx correspondant à l’Or supposément nécessaire pour l’échange. Il y aurait alors autant d’Or que de valeurs des produits et tant pis pour les rotations, ce qui plaira beaucoup aux marginalistes des manuels bourgeois ainsi qu’à l’ineffable Irving Fisher. En ajoutant cette ligne, ils obtiennent cependant autant d’équations que d’inconnues, ce qui permet la résolution. Voilà, le tour quadratique est joué. Sauf que cela ne correspond plus à rien. Voici leur illusoire schéma :

c1 + v1 + s1 = c1 + c2 + c3

c2 + v2 + s2 = v1 + v2 + v3

c3 + v3 + s3 = s1 + s2 + s3

Pour mémoire voici de nouveau les Equations scientifiques de la RS permettant l’équilibre systémique tant en quantités, qu’en valeurs d’échange ou prix, qu’en heures etc. :

M1 = c1 + c2

c2  = v1 + pv1

M2 =( v1 + pv1) + (v2 + pv2)

Cette transformation simultanée fit florès parmi les économistes bourgeois car elle leur permettait, sous un appareillage mathématique somme toute rudimentaire, de prétendre à la scientificité de leur démarche – en oubliant, bien entendu, la nécessaire congruence entre la Méthode mise en œuvre avec son Objet d’investigation.  Citons uniquement Hicks qui ré-ouvrit la voie, malgré la contribution de Keynes, au néolibéralisme et à ce que Joan Robinson appela les « bâtards Keynésiens» dont Samuelson, Solow etc.

Sraffa est un cas à part dans le sens où ses matrices, axées sur la même méthode de résolution simultanée, cherchent à réhabiliter l’économie politique classique de Ricardo, en réhabilitant donc le rôle du travail humain. Sa tentative sera un échec complet car au lieu de tirer le taux de profit de l’extraction de la plus-value sous sa forme de productivité, il donne un taux de profit exogène harmonisé par la résolution simultanée. Mais Sraffa n’était pas dupe de sa manœuvre d’arrière-garde qui visait, comme celle de Keynes, à sauver le capitalisme de ses propres « esprits animaux ». Il le dit ouvertement en affirmant que sa synthèse de la question exposée dans son Production de marchandises par des marchandises n’est qu’un prolégomènes – voir : https://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1976_num_3_1_895 . Il eût mieux fait de reconnaître que Marx avait raison sur l’extraction de la plus-value. Sa démarche devient parfaitement pathétique dès l’instant où vous réalisez que le « panier de marchandises » nécessaire pour produire les marchandises n’est rien qu’une vulgaire instrumentalisation du concept réellement marxiste de  travail socialement nécessaire.

Bref, les grands prêtes travaillent toujours dans l’offuscation finalisée à la préservation de leurs classes, voire de leurs castes. J’ajouterais uniquement que l’intérêt de Sraffa pour Ricardo, qu’il édita, vint d’un commentaire de Gramsci. De sa prison le fondateur du Parti communiste italien avait demandé l’envoi de livres sur Ricardo pour élucider le concept de « demande sociale » – que Marx emploie dans ses Manuscrits parisiens de 1844 et qui aboutira aux Equations de la RS-RE. 

La comptabilité nationale, reposant sur le Produit Matériel Net, utilisée par la planification bolchévique pour corriger les écarts constatés dans la croissance économique RE du fait de la méconnaissance de la théorie de la productivité, permit d’éviter les pires dérives avec des résultats exceptionnels. Ces résultats furent appuyés par l’étroite échelle des salaires et l’impossibilité institutionnelle du dérapage bancaire-financier, assurant ainsi de manière sous-jacente – outre le contrôle politique – la stabilité des prix.

Aux débuts, le crédit public n’était pas très développé, de sorte que la Reproduction Elargie fut assurée par le taux de réinvestissement de la plus-value sociale. Là encore, la rapide industrialisation voulue par Staline permit le « déversement » de la main-d’œuvre et l’élimination des effets pervers dont l’Effet RS qu’une telle RE. En outre, la collectivisation des terres et l’introduction accélérée du machinisme agricole dans les campagnes – via les Stations de tracteurs et de machines étatiques, donc non mercantiles – permirent de prélever de très forts tribus agricoles. Le trotskiste Isaac Deutscher les évaluait à près de 40 % des récoltes, qui étaient vendues à l’étranger en profitant du fait que l’URSS avait encore accès au Système financier européen. Ainsi la collectivisation-modernisation de la campagne se fit sans sacrifier la paysannerie comme ce fut le cas avec les enclosures en Angleterre. Au contraire, elle haussa son niveau de vie. (Du moins avant le Plan Est nazi et les falsifications goebbelsiennes. Voir l’essentiel Gilbert Badia, Histoire de l’Allemagne contemporaine.)  Les devises ainsi gagnées permirent à la planification stalinienne d’accélérer sa modernisation en achetant les technologies qui faisaient défaut ainsi que la prestation des ingénieurs étrangers nécessaires. Ce qui n’alla pas sans nécessiter une lutte rigoureuse contre le sabotage.

Les tentatives de correction principales avant les réformes marginalistes imposées en URSS de 1965-1967 sont dues à Stanislav Stroumilin, un statisticien bolchévique connaissant bien ses classiques sur la planification, en particulier ceux de Lénine et de Staline. (voir son L’economia sovietica, Editori Riuniti, 1961, et Strumilin, Il passaggio dal socialismo al comunismo, Enaudi, 1961.)

Stroumilin affronte les problèmes présentés par la planification bolchévique avec bon sens. Ne possédant pas la théorie de la productivité, il tente de l’approcher par la théorie de la maximisation centrale planifiée du réinvestissement de la plus-value sociale disponible. Il le fait en se livrant à une gymnastique sémantique qui empirera lorsqu’il tentera de s’opposer aux pires dérives marginalistes de Kossyguine-Khrouchtchev-Liberman. Il chercha alors la bonne formule permettant de retenir l’idée clé de Fonds social que Marx avait analysée dans la Critique du programme de Gotha, en évitant de parler de plus-value, de surplus etc., pour choisir des expressions du genre « surplus pour toute la communauté ».

Pourtant, comme le dit G. Brassens « pour le Grand Manitou, le mot n’est rien du tout ». Stroumilin en bon statisticien avait ses raisons. Staline avait demandé l’introduction de la plus grande productivité partout où ceci était possible, ce possible demandant à être spécifié. Chose difficile nous l’avons vu, même en s’arc-boutant sur le Produit Matériel Net. En statisticien conséquent et en authentique léniniste insistant sur « l’analyse concrète de la réalité concrète », il pose alors la question de la maximisation des investissements. Par exemple, le pays avait été rapidement couvert de chemin-de-fer et de locomotives à vapeur mais commençait alors à développer des locomotives à diésel bien plus puissantes. Etait-il judicieux de changer au plus vite toutes les locomotives à vapeur en sachant que s’il était entendu que le développement socio-économique accéléré devait forcément faire porter l’accent sur la production des MP pour les Mp – à la fois pour le SI et pour SII selon la spécification de Lénine qu’il cite à ce sujet -, il restait néanmoins une foule de priorités sociales à satisfaire. On comprend que ce problème est général mais il fut vécu de manière plus tragiquement héroïque par une société se mobilisant, sans modèle pratique de référence pour sortir du sous-développement en respectant la plus grande égalité citoyenne possible dans les circonstances.

Contrairement à ce que fera ensuite de manière éhontée le pitre nobélisé – et pour cause – Kantorovitch, l’optimisation de Stroumilin n’a rien à voir avec l’optimum technique de Pareto, optimum micro-économique qui ne réussit jamais à concilier quantités et prix, ni avec l’optimum que Kantorovitch va puiser dans la productivité marginale bourgeoise. Stroumilin insiste justement sur les données macro-économique et sociales – Fonds social à réinvestir – son problème étant la meilleure allocation des ressources disponibles ou plus-value sociale dans le Reproduction élargie. Contre tout automatisme de marché, une des contributions importantes de Stroumilin, reformulant à sa manière l’emphase de Staline sur l’utilisation de la meilleure productivité possible, fut de souligner le fait que la science et la technique sont également des forces matérielles, mieux, en pratique l’introduction de machines ou de méthodes plus productives met en jeu l’allocation centrale des ressources. Et donc son optimisation, puisqu’elle met en cause la formation technique croissante des travailleurs qui ne se fait pas par un claquement des doigts .  

Ce faisant Stroumilin n’ignore pas que, du moins du point de vu statistique, la productivité augmente le nombre des produits mais non leur prix unitaire ; il tente donc d’intégrer ce phénomène de la manière la plus rationnelle possible dans son calcul empirique en introduisant le coût social du capital fixe. Car si le capital circulant – ou « used-up » – de la fonction de production noté « c » passe au prorata dans la valeur du produit unitaire final – j’ai montré que c’est-là la grandeur du chapitre de Marx sur « La dernière heure de Senior » qui devance toutes les critiques létales que l’on puisse adresser au marginalisme – le capital fixe, « cf » implique l’investissement d’un coup de fortes sommes. Ce problème reste un problème éminemment politique à résoudre par la démocratie socialiste : Au vu de la plus-value sociale disponible – et de l’apport possible par le biais du crédit public afin d’accélérer les choses – quelles sont les priorités spécialement retenues par la Plan, et à quel rythme d’investissement peuvent-elles être atteintes.

Bien entendu, on peut palier le problème par le crédit et par le contrôle actuariel de l’amortissement en sachant que cette anticipation par le crédit, dûment contrôlée par le Plan, entraîne un Multiplicateur économique très puissant. Mais, au final, le cœur de la planification socialiste est bien le choix des priorités et le rythme de la Reproduction Elargie en vue de l’émancipation humaine et de l’égalité citoyenne les plus grandes possibles.

Au niveau technique nous aurons compris que le capital fixe lui-même ne change rien à la productivité et à ses rapports puisque le capital circulant est une partie du capital fixe qui passe peu à peu dans le produit. On comprend, en outre, que la meilleure compétitivité macro-économique – services sociaux mutualisés et médiés par le financement commun via les cotisations sociales – constitue le meilleur socle pour le développement de la productivité micro-économique. Au fond, si le choix des priorités du Plan renvoie au Parti et à la démocratie socialiste, le problème technique que pose Stroumilin renvoie pour sa part au rôle et à la gestion du crédit public socialiste.

Ceci implique une Banque publique socialiste dont les bureaux sont directement et fonctionnellement liés avec les sous-secteurs, les branches et les filières de manière à pouvoir octroyer le crédit public nécessaire pour compléter ou suppléer le réinvestissement simplement en modulant leurs ratios prudentiels selon les besoins établis par le Plan. Dans mon Précis d’Economie Politique Marxiste je montre la nocivité des taux d’intérêt directeurs des banques centrales capitalistes qui n’ont pas la moindre nécessité rationnelle ; ils incarnent uniquement la médiation de classe purement capitaliste du crédit privé en assurant l’accès formellement égalitaire de tous au crédit – communisme entre capitalistes – alors que la réalité favorisera les plus gros joueurs. Ceci ne fera d’ailleurs qu’aggraver systémiquement les tendances spéculatives du MPC en favorisant la croissance tirée par le seul profit individuel dans certains secteurs et la contraction parallèle en d’autres.

Nous tenons-là la cause économique des crises conjoncturelles capitalistes aussi connues comme Business ou Trade cycles. Les cycles longs sont pour leur part liés aux vagues d’introduction et de massification – terme de F. Perroux – de nouveaux secteurs intermédiaires ou pas, intensifs en travail ou pas. Ce qui pose immédiatement la question du « déversement » possible de la main-d’œuvre d’un secteur à un autre – A. Sauvy -, du chômage et donc des inévitables cycles séculiers récurrents de RTT. Avec le Mode de production socialiste, la RS sous-jacente qui, je le répète constitue le seul vrai équilibre quantitatif et qualitatif socio-économique, informe la « symétrie proportionnelle » entre secteurs à maintenir avec la RE financée par le réinvestissement et/ou par le crédit socialiste pour éviter les crises conjoncturelles et structurelles.  

On comprend également que dans un régime planifié, une fois décidée l’introduction de nouveaux produits et de nouvelles branches etc., le problème de la valeur d’échange des nouveaux produits sera grandement facilité. Ici pas de surprofits dus à la situation oligopolistique, aux marchés captifs, au markéting. Au contraire, la nouvelle utilité sociale comptabilisée dans le nouveau produit, etc. se fera simplement en additionnant la valeur d’échange des intrants de la fonction de production – inclus l’investissement initial en capital fixe – à quoi s’ajoutera le taux de profit organiquement identique, bien que les volumes varieront selon la productivité. Et la réception des consommateurs dont l’analyse fera partie de la gestion socialiste des entreprises et du Plan tant en amont pour ce qui concerne le choix des produits à massifier ou à produire, que durant tout le Cycle de Vie des produits incluant le recyclage maximum selon la théorie de l’écomarxisme.  Cette comptabilité socialiste sera d’autant plus facilitée, comme nous l’avons noté plus haut, que l’échelle réduite des salaires, et que la stabilité non spéculative des prix sera respectée. L’échelle réduite des salaires reposera en revanche sur le développement ses services sociaux contribuant au niveau de vie et à l’élimination structurelle de « la peur des lendemains ».

Stroumilin n’aura de cesse de rappeler la nécessité de respecter « le surplus pour toute la communauté » après 1965-1967. Il montrera également que le retard de l’URSS vis-à-vis des USA n’existait pas avant 1965. (voir son article dans Novozilov-Strumilin, La riforma economica nell’URSS, Editroi Riuniti, 1969. ) Et même qu’avant 1967, l’URSS avait une certaine avance sur l’introduction de l’automation qui, au contraire, à ses débuts inspirait beaucoup de peur aux dirigeants capitalistes.

Tout partit à vau-l’eau après les réformes marginalistes de Khrouchtchev-Liberman, car – Stroumilin en était conscient – « le surplus pour toute la société » fut en partie dévolu aux entreprises qui avaient de plus en plus recours aux incitations matérielles – dévoyant ainsi l’échelle des salaires et la consommation de masse. Le tout aggravé par une dévolution régionale portant alors un coup fatal aux réinvestissements centraux et à leurs rythmes. Ceci était aggravé par le recours aux prix du marché socialiste – sic ! – alors que les prix fluctuants du marché étaient seulement tolérés jusqu’en 1965 uniquement pour les coopératives agricoles ou kolkhozes. Encore que, selon l’efficace méthode léniniste-stalinienne, leurs effets pervers étaient amortis par l’étatisation du recours aux tracteurs et aux machines, renforçant ainsi la structure de dominance du monde de production socialiste dans sa coexistence passagère avec les éléments résiduels du système de marché. Bien entendu, ce qui était en cause ici ce n’était pas tant la forme prix que les échanges ville-campagne et donc la répartition de la plus-value sociale. Cependant, du point de vue strictement économique, une bonne partie de l’approvisionnement était assumée par le secteur agricole entièrement étatisé , les sovkhozes. (Voir Novozilov-Strumilin, La riforma economica nell’URSS, Ed. riuniti, 1969)

Il convient de souligner également la parcellisation de certains services sociaux, santé, garderie etc., souvent confiés aux entreprises et unités de production dans les sociétés socialistes. Dans le cadre des réformes marginalistes « socialistes », ce système décentralisé eut des conséquences économiques et sociales désastreuses à mesure que le marché augmentait l’autonomie des entreprises. Ceci explique, par exemple, la teneur peu enthousiaste des lignes que Simone de Beauvoir consacra au traitement de la vieillesse et de la sécurité sociale dans le Bloc de l’Est. Ceci expliquant cela ( Voir son livre La vieillesse, éd. Gallimard, 1970. Voir aussi : Roger Lenglet et Jean-Luc Touly : les requins de la fin de vie, Ehpad, pompes funèbres, tutelles, maisons de retraite, Michel Lafond, 2020, http://rivincitasociale.altervista.org/roger-lenglet-et-jean-luc-touly-les-requins-de-la-fin-de-vie-ehpad-pompes-funebres-tutelles-maisons-de-retraite-michel-lafond-2020/

De manière générale, ces services essentiels – Sécurité Sociale – correspondent à l’organisation d’une partie de la plus-value sociale telle qu’elle ressort de l’aménagement de la « structures de v » et donc dans la forme spécifique que prend le « revenu global net » des ménages. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le système de Sécurité sociale reposant sur le plein-emploi et les cotisations sociales, le tout abrité par les tarifs douaniers du GATT correspondait parfaitement à une économie mixte encadrée dans une démocratie capitaliste avancée qui incluait le Conseil Economique et Social et les conventions collectives négociées par des syndicats forts. Il restait à en renforcer les branches spécialisées existantes tout en développant des garderies nationales gratuites et une véritable prise en charge de la vieillesse. Le triomphe du néolibéralisme monétariste mena au contraire au démantèlement de l’Etat social, les entreprises et services sociaux publics étant alors conçus comme de nouvelles frontières pour l’accumulation privée du capital.

Ce n’est évidemment pas la seule forme d’organisation possible mais à mon sens, outre sa facile gestion actuarielle reposant sur les cotisations et la définition de l’anti-dumping, c’est celle qui offre les circuits du capital – au sens générique – les plus transparents. En outre, elle permet la péréquation et le meilleur traitement des citoyennes et citoyens, égaux en droits et jouissant du même accès universel sur l’ensemble du territoire national.  C’est si vrai, que le démantèlement de ces services porte un dur coup au sens vécu quotidiennement de la citoyenneté ainsi que le démontre la dévolution régionale des responsabilités sociales dans le cadre de la réduction reaganienne des transferts de l’Etat central. La GB, les Pays-Bas, la Belgique, l’Italie avec son fédéralisme fiscal de facto anti-constitutionnel en sont la preuve : la solidarité citoyenne disparaît divisant les peuples au profit du capital spéculatif global. La France et tous les autres pays suivent dans cette voie, quoique plus difficilement pour l’instant, ce qui laisserait espérer un retournement salutaire de cette tendance délétère.

Bref avec cette partie de la plus-value sociale organisée dans le « revenu global net » des ménages et ses circuits, nous avons affaire ici à une forme d’institutionnalisation de l’épargne dont le circuit est différend de celui plus immédiat du « salaire individuel net » qui va directement dans la consommation quotidienne. Cette épargne doit être préférablement publique et mutualisée plutôt que privée et dangereusement placée en Bourse, ce qui devrait aller de soit pour le mode de production socialiste. Elle permet d’assurer le cycle complet de la RE – l’échange de tous ses Mp et Cn – en ce sens essentiel que cette épargne institutionnalisée permet de financer les biens et services non-quotidiens et/ou durables qui exigent des sommes plus conséquentes que le panier de course ordinaire. De même, pour l’épargne individuelle – compte chèque ou compte d’épargne.

C’est d’ailleurs pourquoi ces institutionnalisations de l’épargne agissent comme de puissants stabilisateurs socio-économiques et de puissants contributeurs au standard de vie qui ne doit pas être confondu avec le « niveau des prix » ou CPI et PPI. Aujourd’hui, en Occident, ils ne sont que de vulgaires indexes fishériens. Si la Sécurité sociale publique est collectivement financée et mutualisée, son financement coûte de loin moins cher et ceci contribue à renforcer le rôle du salaire individuel en éliminant la « peur du lendemain ». Le système de Santé public européen lorsqu’il était dominant coûtait 9 % du PIB et couvrait tous les citoyens. Par contraste, le Système américain privé coûtait plus de 15 % du PIB tout en laissant plus de 40 millions de citoyens sans couverture. Aujourd’hui l’Obamacare, faite sur mesure pour Big Pharma et pour les grandes compagnies d’assurance privées, coûte encore plus, autour de 20 %, tout en laissant 38 millions de citoyens sans couverture santé et des millions d’autres avec une couverture insuffisante. Or, une simple appendicite coûte plusieurs milliers de dollars. C’est encore pire pour le système de retraite. Dans les deux cas, les modiques régimes publics Medicare et Medicaid, destinés aux plus démunis, tout comme le régime de pension public, ne permettent pas une vie et une retraite digne, forçant nombres de travailleurs et de séniors à travailler plus longtemps et souvent dans la précarité.

Or, tout ceci accroît structurellement les coûts de production des entreprises et dégrade le niveau de compétitivité macro-économique. Il y a quelques années GM et le secteur automobile américain durent être renfloués à coups de dizaines de milliards, aux Usa et ailleurs dans le Monde, simplement du fait que l’automation et la robotisation avaient érodé une grande partie de la population active du secteur, de sorte que celle-ci ne suffisait plus pour couvrir le coût des pensions qui avaient été négociées et organisées dans des régimes de retraite in-house. Ceci sans compter les durs coups infligés par les crises boursières.    

De la même façon, vu du côté de la production, ces services publics essentiels tout comme les infrastructures publiques universellement accessibles, augmentent fortement la compétitivité macro-économique de la Formation Sociale tout en influant puissamment sur la productivité micro-économique des entreprises. Une  administration publique non corrompue et efficace, des infrastructures publiques et des services publics de bons niveaux constituent les meilleurs facteurs de localisations des activités socio-économiques et culturelles. Ceci inclut évidement les surplus d’énergie et de nourriture nécessaires à la flexibilité de la Planification, et la qualité de l’environnement.

Une des formes publiques d’institutionnalisation de l’épargne qui me semble la plus rationnelle et la plus efficace dans le cadre de la Planification concerne les Fonds ouvriers . Une fois en place ils pourraient prendre en charge les taches de la Sécurité Sociale tout en agissant comme des pools de capitaux publics à utiliser pour l’investissement public en tandem avec le crédit public dans la RE planifiée. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les régimes de pensions complémentaires pour se rendre compte du rythme rapide d’accumulation potentiel. Et ceci d’autant plus que les travailleurs-cotisants auraient l’assurance que leur retraite ne sera pas jouée en bourse mais au contraire qu’elle participera, en partie du moins, à soutenir la croissance socio-économique avec toutes les garanties publiques nécessaires. En outre, ces Fonds ouvriers permettraient de socialiser la propriété privée, dans le respect, le cas échéant, du droit de possession, y compris en favorisant la mise en coopérative des petits agriculteurs, des artisans et des commerçants, ce qui leur permettraient de jouir également de la RTT sans nuire à leurs activités. Aujourd’hui ces activités sont asphyxiées par le credit crunch découlant de la logique du capital spéculatif hégémonique. Ces Fonds ouvriers contribueraient ainsi à changer structurellement pour le mieux les bases sociologiques et leurs expressions électorales et culturelles. L’heure de Carmaux serait venue !

Dans Tous ensemble j’avais d’ailleurs proposé de transformer le présent système socio-économique tripartite – la démocratique industrielle capitaliste telle qu’exposée par Darendorff etc. – jadis entériné par le Conseil Economique et Social, en un système quadripartite – Etat, patronat et coopératives, syndicats et gestionnaires des Fonds ouvriers choisis par la base. Un Fonds productivité, également financé par les cotisations est également nécessaire pour gérer les inévitables restructurations d’entreprise dues à la progression technique etc., Cette gestion se ferait dans le respect de la gestion locale, régionale et nationale des basins d’emploi, particulièrement entre deux cycles de RTT. Tout ceci est déjà exposé dans mon Tous ensemble librement disponible dans la section Livres-Books de mon vieux site www.la-commune-paraclet.com  

D’un point de vue générale, l’institutionnalisation de l’épargne est susceptible de centraliser les cotisations sociales – en s’appuyant sur la définition de  l’anti-dumping lorsque la pyramide des âges et la compétitivité macro-économique sont moins favorables. Ainsi, puisque le niveau de cotisations pèse sur les coûts de production, il ne s’agit pas uniquement d’une question de ratio population active/population passive : à un bon niveau de l’anti-dumping, ce ratio peut bien être 1 :1 ou moins. En effet, les pensions et les versements de l’assurance-chômage relèvent de la logique du salaire différé quand bien même la médiation sociale utilisée relèverait d’un système de répartition.

Peu importe les formes choisies, l’essentiel est donc d’assurer le niveau de cotisations compatibles avec le plein-emploi en suppléant le manque à gagner avec l’anti-dumping ou, à défaut, par le recours à une faible surtaxe sur les importations. L’anti-dumping ou la surtaxe – transitoire en attendant les changements nécessaires au sein de l’OMC lesquels requièrent cependant l’unanimité des Etats membres … – sont de puissants outils de relocalisation des entreprises et de l’emploi, et donc in fine du niveau des cotisations et des revenus fiscaux nécessaires à l’intervention régulatrice de l’Etat. A défaut, dans le cadre de l’actuelle définition de l’anti-dumping entérinée à l’OMC ainsi que dans tous les traités de libre-échange occidentaux, nous assistons à une course vers le moins disant en termes de droits du monde du travail et de protection de l’environnement. Ceci induit une débilitante confusion entre les coûts du travail et les coûts de production, favorisant ainsi la généralisation de la précarité et donc le délitement accéléré des services sociaux et des protections environnementales résiduelles. Se met alors en branle la fameuse spirale vers le bas tant honnie par les travailleurs et … par les keynésiens les plus sensés. Les tribunaux des différents internationaux inclus dans ces traités pour protéger les droits des transnationales contre les velléités régaliennes des Etats démocratiques complètent ce triste cadre libre-échangiste.

La « plus-value sociale », le financement de la Sécurité Sociale et plus largement les comptabilités socialistes nationale et d’entreprise.

Je me bornerais à résumer ici l’essentiel de mon analyse exposée dans mon essai : « Le PIB, outil de narration marginaliste contre le bien-être des peuples et la prospérité des Etats-nations », 24 mai 2020.», http://rivincitasociale.altervista.org/le-pib-outil-de-narration-marginaliste-contre-le-bien-etre-des-peuples-et-la-prosperite-des-etats-nations-24-mai-2020/

Nous l’avons déjà dit en matière de « calcul économique » – que Bettelheim juge possible sur la base de son imaginaire « forme-valeur » purement capitaliste – rien n’est plus erroné que la comptabilité bourgeoise et spécialement marginaliste tant au niveau de l’entreprise qu’à celui de la comptabilité nationale. De fait, les seuls régulateurs comptables capitalistes sont le gaspillage et la destruction des sur-productions par les crises ou les guerres. Tout le monde a en tête le café brésilien utilisé comme charbon dans les locomotives à vapeur durant la Grande Dépression. On connaît désormais la faille du système, à savoir l’inadéquation de la compétition capitaliste, du « marché » micro-économique et du « marché des marchés » macro-économique de donner simultanément les quantités et les prix en conjuguant de manière cohérente micro et macro-économique. La contradiction logique des données ex ante et ex post de tout schéma d’Offre et de Demande mène à des équilibres aléatoires, toujours tâtonnants. En fait, du point de vu de l’équilibre macro-économique général et des besoins sociaux essentiels non satisfaits, ceci mène à un « équilibre des cimetières ». En effet, peu importe le bien-être humain résultant, ou le respect pour l’environnement, deux considérations qui ne font pas partie des équations, un équilibre s’imposera toujours mais de manière ex post en favorisant la plus grande accumulation privée possible.

En nous référant aux Equations RS-RE de Marx, on comprend alors que le déséquilibre est inhérent au MPC. Au niveau macro-économique il prend la forme des Effets RS dont le coût est toujours épongé sur le dos des travailleurs. L’entreprise cherchera toujours la plus grande productivité pour réduire le prix unitaire de ses produits afin de mieux conquérir les marchés disponibles et éliminer la concurrence tout en « libérant » un maximum de main-d’œuvre, ce que Marx appelle l’Armée de réserve du prolétariat. Dans ce processus les productions retenues, ainsi que les technologies nécessaires ou celles qui seront préférées et financées, seront influencées par les « besoins » réels ou induits qui sont ancrés dans la structure des revenus et ses sous-groupes plus ou moins solvables. L’économie bourgeoise est ontologiquement spéculative, elle ne sait pas concilier micro et macro-économie, elle ne sait pas faire la distinction entre monnaie et crédit, entre intérêt et profit, entre intérêt classique toujours déduit du profit et intérêt spéculatif faussement érigé par la loi comme taux de profit légitime – par ex., la contre-réforme Volcker-Thatcher-Reagan puis l’abrogation du Glass Steagall Act en 1999 menant au déferlement à la crise des subprimes et des QE. Par l’égalité systémique du taux de profit imposée par la productivité, cette usurpation légalisée mène à phagocyter l’économie réelle.

Les CFO remplacent alors les CEO même dans l’industrie, de sorte que la production sans usine devient un horizon alors que les buybacks sont plus utiles à l’accumulation du capital que les investissements productifs. Cette logique perverse est appuyée par les tax expenditures et par la philosophie de la Flat Tax … Il suffit, en effet, d’introduire dans les échanges du système des produits purement spéculatifs pour que tout dérape de manière irréversible. Sans même provoquer la purge des excès du système, ce qui était la fonction des crises conjoncturelles dans le cadre du système bancaire et financier fractionnaire. En effet, aujourd’hui, le ratio prudentiel est de facto remplacé par les sauvetages récurrents menés par la banque centrale et le Trésor surtout au profit des banques et entreprises jugées – à tort – « too big to fail », système que j’ai baptisé à sa naissance en 2007-2008 comme système du « crédit sans collatéral ».   

La réalité empire au niveau de la comptabilité nationale. Cette comptabilité bourgeoise marginaliste est fondée sur la falsification de la « valeur ajoutée ». On sait que ce n’est là que la vision occultée de la plus-value à la base du profit telle qu’elle émerge des incessantes fluctuations de l’offre et de la demande, donc toujours appréhendable empiriquement de manière ex post. Ceci suffirait pour disqualifier tout calcul économique reposant sur de tels sables mouvants. Par choix purement idéologique et anti-scientifique, la comptabilité nationale marginaliste a choisi de considérer la « valeur ajoutée » uniquement lorsqu’elle provient du secteur privé. On aboutit alors aux inepties – on a bien le droit de parler ici d’âneries – véhiculées par le PIB – et ses déclinaisons, voir mon essai mentionné plus haut. On évacue en fait l’essentiel de la production des richesses en éliminant du calcul tout le niveau étatique et public, de fait le niveau de la compétitivité macro-économique des Formations sociales – fonction publique, Sécurité Sociale et infrastructures publiques, éducation, arts et culture soustraits au « marché » – alors que c’est sur cette compétitivité – facteurs de localisation etc. – que repose le meilleur développement de la productivité micro-économique.   Pour ne donner qu’il seul exemple un Système de santé public mur-à-mur intégrant les cliniques de première ligne et les pratiques de la médecine préventive et de la gériatrie moderne couterait quelque 9 % du PIB contre le gaspillage de 18 à 20 % pour le system privé américain aujourd’hui imité au sein de l’UE. Le même argument vaut pour les régimes de retraites, l’éducation, le transport, le logement social etc., etc.

L’impact bénéfique sur le standard de vie et directement sur le coût de production est évident. Et bien, les régimes publics y compris la fonction publique sont comptabilisés comme des coûts – donc une dépense publique toujours à réduire – car leurs biens et services ne s’échangeant pas sur le « marché » ils n’ont pas de prix, partant pas de « valeur ajoutée » !!! On comprend dès lors que pour mousser le PIB marginaliste plus vous privatisez, plus votre PIB devrait enregistrer des hausses, peu importe si les files d’attente des usagers, devenus clients, s’allongent partout, peu importe si les  services ne sont plus offerts dans les régions reculées moins rentables comme basin de consommation et si le cadre épidémiologique se dégrade au point que plus de 10 millions de concitoyens retardent leurs soins de santé … Pourtant, comme on pouvait s’y attendre, ceci est contre-productif puisque la dérèglementation et la privatisation avec ses restructurations aux forceps et sa préférence pour la précarité détruisent le « revenu global net » des ménages et ses circuits sociaux vertueux, cotisations et fiscalité incluses. Or, cette précarité généralisée est nécessaire pour fait du chiffre selon les normes chômage de l’OIT pour lesquelles une heure travaillée vous raye des listes …

Ajoutez à ceci que le marginalisme ne faisant pas la différence entre économie réelle et économie spéculative, cette dernière qui tourne pourtant à vide sur elle-même en phagocytant la première, occupe une place de plus en plus outrée dans la « valeur ajoutée » qui est comptabilisée. Aujourd’hui, en ne comptant que du secteur bancaire et financier décloisonné, la spéculation financière compte pour plus de 9 % du PIB.

Sur de telles données comptables toutes les équations socio-économiques, notamment celles de la croissance sont faussées. C’est tout particulièrement vrai pour celles concernant le rôle des Multiplicateurs économiques qui, n’en déplaise aux différents Rogoff, Akerlof etc. de ce pauvre monde, sont d’autant plus puissants qu’ils concernent les secteurs publics. (voir « THE BODY ECONOMIC: why austerity kills, by David Stuckler and Sanjay Basu, HarperCollins Publishers LTD, 2013. A critical review. », https://www.la-commune-paraclet.com/Book%20ReviewsFrame1Source1.htm  )

La comptabilité socialiste est scientifique car elle repose sur la loi de la valeur intégrée dans les Equations RS-RE de Karl Marx. Nous avons vu plus haut que l’intégration de la loi marxiste de la productivité conserve la cohérence tant en quantités physiques – Produit Matériel Net – qu’en valeurs d’échange et en prix moyennant l’introduction de la théorie quantitative marxiste de la monnaie et du crédit par moi développée – distinction entre monnaie et crédit, masses salariales réelle et sociale etc. 

Il nous faut encore évacuer la notion fausse de « travail improductif » qui apparaît dans certains brouillons de Marx malheureusement retenus dans les Livres II et III du Capital. En adoptant ce concept pré-scientifique, on finira par verser dans une erreur comptable similaire à celle de la « valeur ajoutée » en créant une fausse dichotomie, ici sur la production matérielle ou tangible – Sraffa disait celle à quoi on peut donner un coup de pied … – et sur la production intangible de services etc. La réalité est que les concepts comme travail simple, travail complexe, travail improductif sont des concepts purement smithiens qui apparaissent dans les brouillons où Marx est encore en train d’analyser l’espace mental smithien. De même, les concepts de rente foncière et de rente différentielle – qui une fois démontrée n’est rien d’autre que la loi de la productivité capitaliste – sont tirés de l’espace mental de Ricardo et de Torrens. Un vrai éditeur connaissant Marx n’aurait pas profité de la vision déclinante du vieil Engels pour composer de tels éditions des Livres II et III.

Althusser avait raison et j’ai ensuite démontré qu’il fallait passer, dans l’ordre, au travail abstrait, au travail socialement nécessaire, et au travail toujours productif du fait de la division sociale du travail, y compris, par exemple, pour la bureaucratie publique qui autrement devrait être assumée par les entreprises individuelles avec les problèmes que l’on entrevoit. Par exemple, déjà chez Adam Smith – Wealth of nations – nous sommes confrontés par l’« intérêt général » qui, à ce titre, ne peut pas dépendre du secteur privé. Smith va plus loin en incitant la discussion sur la fiscalité la plus adaptée alors nécessaire : par exemple, il lui semble plus juste de faire payer les capitalistes qui profitent de la mobilité accrue des marchandises par le chemin-de-fer plutôt que tous les citoyens indistinctement. Dans les mêmes brouillons retenus dans les Livres II et III, Marx se hâte instinctivement de noter que le travail d’une maitresse d’école, qui participe à la formation de la force de travail, ne peut pas être traité de travail « improductif ». De la même façon, en analysant encore de manière pré-scientifique la supposée tendance à la baisse du taux de profit – à ne pas confondre avec les volumes – il se hâte, au chapitre suivant du Livre III, à analyser les contre-tendances. Dans les Manuscrits parisiens de 1844 , en discourant des prix oscillant au gré de la concurrence dont les fluctuations s’annulent dans le moyen et le long termes, il en avait justement déduit que, dans ce cas, la concurrence en pouvait pas être la cause scientifique de la valeur d’échange autour de laquelle les prix oscillaient.

J’ai également noté la relation ontologique entre la  fonction de production micro-économique et les Equations RS-RE, à savoir la correspondance entre le capital constant « c  » et les Mp et le Capital variable « v » ou Cn. C’est bien pourquoi Marx en synthétisant les Physiocrates, le Revenu annuel de Sismondi – qui procure un cadre paramétrique pouvant prendre la forme du cycle de la reproduction plutôt que la forme épiphénoménale de l’année de calendrier – et le Tableau de Quesnay, ne retenait que les deux Secteurs Si et S II.

Mais ceci ne nie en rien la complexité de la division sociale du travail. Bien au contraire, sur cette base toutes les activités économiques peuvent être regroupées en des sous-secteurs subsumés sous ces deux Secteurs principaux avec leurs branches d’industrie. Mieux, des organisations statistiques peuvent être déduites trans-sectoriellement, ce qui nous permet de planifier les filières. Ainsi, la crique que Hayek crut pouvoir adresser à la méthode de résolution simultanée proposée par Tougan-Baranovsky et Bortkiewiz puis par tutti quanti, selon laquelle elle impliquait une résolution simultanée complète pour le moindre échange, la rendant mathématiquement quasi-impossible, est formellement correcte, mais elle n’a rien à voir avec les Equations RS-RE marxistes. Oscar Lange avait levé le problème de manière pragmatique en imaginant un système d’entrepôts avec étagères en communication directes avec les entreprises du marché socialiste ; lorsque les stocks diminuaient, les magasins et entrepôts renouvelaient leurs ordres – ce qui, je présume, implique également une sorte de contrôle de la qualité par les invendus etc. Les Incas faisant des merveilles sur plusieurs fuseaux horaires et plusieurs zones climatiques avec leurs incroyables bandelettes à nœuds – qui portaient les abacusses à un niveau supérieur … Nous l’avons dit, Lange était lui-même bien intentionné mais il finit malheureusement par tout faire déraper avec son marginalisme socialiste. (Pour une discussion plus fouillée voir : « Une-autre ineptie sur les circuits du capital de Marx et sur la réalisation selon G. Dumenil et D. Levy », dec 22-2019-27-janvier-2020,  http://rivincitasociale.altervista.org/une-autre-ineptie-sur-les-circuits-du-capital-de-marx-et-sur-la-realisation-selon-g-dumenil-et-d-levy-dec-22-2019-27-janvier-2020/ 

En réalité, une croissance dynamique, qualitative et socialement orientée dans le respect de l’environnement, c’est-à-dire une forme de RE, doit toujours reposer sur une RS sous-jacente, ne serait-ce que pour éviter les gaspillages provoqués par les Effets RS et pour optimiser les anticipations de production opérées grâce au crédit public. On voit dès lors comme le faux problème de la complexité des économies modernes se dissipe par lui-même, la seule difficulté résiduelle étant l’organisation trans-sectorielle des filières. Avez-vous remarqué comme la « complexité » mal empruntée à un pitre comme Prigogine et à sa nouvelle alliance behavioriste empiriciste résumée par un simpliste passage de l’ordre au désordre puis de nouveau à l’ordre, mécanique qui peut parfois valoir pour l’espace naturel, est invoquée pour confondre les choses, surtout en France ? Si c’est complexe, écartez-vous pour faire place aux grands prêtres auto-élus … Ce problème de calcul économique peut être aisément résolu par la comptabilité marxiste puisque toute activité quelle qu’elle soit aura sa fonction de production dont l’optimum ne sera plus donné par le taylorisme technique mais par la productivité – optimisation technique et valeur d’échange – alors que toutes les fonctions de production sont subsumées dans leurs sous-secteurs, banches d’industrie et filières.  On peut même alors harnacher la puissance exemplaire des codes-barres, aujourd’hui les puces et la 5G, pour suivre tous les échanges et la production de tous les biens et les services, en temps réel. La puissance prédictive de la RS-RE en est décuplée et les statistiques, dans leurs restructurations en sous-secteurs symétriques en SI et en SII et/ou en filières permettent, le cas échéant, de corriger le tir. Le seul souci à avoir fut révélé par le contrôle des données comptables du gouvernement Allende par les Multinationales américaines elles-mêmes liées à la CIA, ce qui permit à cette dernière de désorganiser toute la logistique mettant ainsi l’économie chilienne en crise. Certains sous-secteurs doivent donc être protégés et probablement organisés de manière autonome.

Dans leur division du travail interne les entreprises disposent de leur propre bureaucratie privée. Aujourd’hui dans le cadre de la globalisation – et de l’utilisation globale de l’anglais – de nombreux pans de ces bureaucraties privées sont privatisées pour diminuer les coûts de production. Tendance curieuse puisque elle mène fatalement à la centralisation-concentration de ces services au sein de nouvelles entreprises privées. Ce qui contribue à démanteler les structures nécessaires à l‘intérêt général– ne serait-ce que smithien – avec les effets autodestructeurs que nous avons déjà  notés. On le voit, l’outsourcing des bureaucraties et des services privés au sein des services publics, reste le choix le plus rationnel du point de vue socio-économique. Reste à introduire correctement ces secteurs dans la comptabilité nationale – donc dans les Equations RS-RE – de manière rationnelle.

On a déjà dit que toute les activités économiques avaient leur fonction de production, à savoir leur investissement en capital fixe et constant et en masse salariale. Cette masse salariale ne reproduit pas uniquement les biens et les services publics dont elle a elle-même besoin, elle crée en outre un surtravail qui ne peut pas être évacué sous prétexte que cesbiens et services n’ont pas de « valeur ajoutée » puisqu’ils ne sont pas échangés sur le marché. Le marché capitaliste ne résume pas tous les échanges possibles et ces biens et services sont bien échangés entre les administrations publiques et leurs usagers. Il faut alors tenir compte de la forme spécifique que prendra leur fonction de production spécifique ensuite intégrée dans la RS-RE. Tout d’abord si nous avons un surtravail nous avons une plus-value qui ici préfigure déjà au sein du MPC même, la « plus-value sociale» . La logique paramétrique de la productivité nous permet de lui assigner un taux de profit identique aux autres secteurs.

Reste à comprendre comment est défini la productivité spécifiquement dans la production de services intangibles. Tout d’abord, la logique de l’optimisation technique managériale sera strictement appliquée, bien que ceci pusique inclure un volant de sur-emploi permettant de former les jeunes arrivants des écoles sur le tas, de manière pratique ; cette stratégie permet ensuite un meilleur redéploiement de la force de travail en cas de « déversement » de la main-d’oeuvre dans de nouvelles activités. Ensuite, s’agissant de services largement définis au préalable par des protocoles standardisés rigoureux – ou SOP -, qui permettent néanmoins toutes les corrections qui s’imposent. Sur cette base, tout devient calculable – y compris l’ergonomie nécessaire pour ne pas user la force de travail ….En particulier, l’offre du service peut être jugée selon les files d’attente moyennes des usagers.

On le voit, là aussi la clé n’est autre que le concept de la  « plus-value sociale » et son allocation sociale décidée démocratiquement selon les données paramétriques de la RS-RE- i.e., le Fond social de Marx exposé dans sa Critique du programme de Gotha.

Le même raisonnement vaut pour le sport, la culture et les arts, comme pour l’éducation et la santé publique. Comme le bien-être social fixe les priorités de l’allocation de la « plus-value sociale » la richesse ne peut pas être évaluée par le PIB inégalitaire marginaliste. Un Cubain avec Fidel, même sous les années les plus dures de la Transition en Période de Paix, disposait d’un niveau de vie plus important que celui des classes moyennes supérieures américaines. Pour s’en rendre compte, il fallait simplement recalculer la valeur de l’éduction de qualité gratuite – $ 40 à 50 000 par an à Harvard etc. -, de la santé etc. Malheureusement le blocus ralentit durement le potentiel de la RS-RE cubaine. Ce ne fut pas le cas en URSS. En effet, malgré les inepties trotskistes, la première patrie socialiste ne pouvait pas être résumée par le simplisme du « socialisme dans un seul pays » puisqu’elle disposait de 15 républiques couvrant plus de la moitié d’un continent !!! Si Cuba avait su dégagé des surplus alimentaires et énergétiques, les contraintes de l’extraterritorialité américaine, déjà diminuées dans le cadre plus flexible du multilatéralisme actuel, ne pèseraient plus très lourd. Reste à éviter la décentralisation et autonomisation-dévolution de la « plus –value sociale » selon une redite du « marginalisme socialiste » à la Liberman … (Voir le chapitre Sur le socialisme cubain dans mon Pour Marx, contre le nihilisme ainsi que la section du même nom dans mon vieux site www.la-commune-paraclet.com )    

L’allocation de la plus-value sociale pose un problème résiduel que Stroumilin tenta d’aborder dans le cadre de sa théorie de la maximisation de l’allocation pour produire la meilleure croissance socio-économique possible. A savoir le rôle de la fiscalité – taxes et subventions.

En fait, taxes et subventions sont des modalités spécifiques de l’allocation de la « plus-value sociale » dont une économie socialiste bien calée sur la RS-RE – et sur le crédit public socialiste – peut faire abstraction. Mais les transitions sont toujours historiquement et socialement déterminées  par les luttes et les alliances de classes. Outre le développement lacunaire de la théorie marxiste de la monnaie et du crédit, Stroumilin fut confronté à des économies mixtes soviétiques avec un secteur mercantile plus au moins développé selon les époques de redistribution du premier mode de production socialiste – à savoir, le communisme de guerre, la NEP, la très efficace planification bolchévique-stalinienne et finalement le marginalisme socialiste de Khrouchtchev-Liberman.  La situation fut encore empirée du point de vue du calcul économique socialiste par l’absence de la théorie marxiste de la productivité , le Produit Matériel Net permettant de contrôler la RS-RE uniquement en termes quantitatifs. Ce qui, en réalité, est déjà mieux que tout système capitaliste quel qu’il soit, vu la stabilité des prix reposant sur une échelle de salaire réduite et sur l’absence de crédit privé et spéculatif.

La société mixte que Stroumilin avait sous les yeux comprenait donc un secteur mercantile sous dominance. Mais ce secteur, variant au gré de la lutte classes, faussait quelque peu la perception du « surplus pour toute la société » et provoquait des effets économiques délétères sur la consommation productive et celle des ménages. Dans ce contexte, dit Stroumilin, l’Etat peut avoir recours à un résiduel « signal prix » ainsi qu’aux incitations matérielles pour changer les comportements. Avec la réforme de Khrouchtchev-Liberman, cette politique jusqu’alors sous contrôle prit le dessus et détruisit rapidement le système de l’intérieur. En position de dominance du mode de production socialiste – en gros le Secteur d’Etat – les taxes permirent d’empêcher l’enrichissement des koulaks avant leur effacement programmé lorsque la politique de collectivisation des terres appuyée par les Stations de Tracteurs et de Machines, prit le relais. La pratique perdura encore mais de manière marginalisée dans le secteur mercantile encore toléré avec les kolkhozes. Si Staline avait survécu, la transition de ces derniers en sovkhozes aurait été achevé, mouvement déjà mis en branle par l’incorporation croissante des Stations de Tracteurs et de Machines dans les kolkhozes avec leur logique économique étatisée. Un désastreux retour arrière fut opéré avec les réformes de 1965 et 1967. Dans le même ordre d’idée, les subventions ne sont que des allocations correctrices de la plus-value sociale.

Il reste un élément important de la fixation des « prix » de consommation – façonnée de manière politique sur la base des valeurs d’échanges – qui pourra difficilement être éliminé par le mode de production socialiste. En effet, il n’est pas concevable, même par le recours à la grande flexibilité offerte par une bonne gestion des ressources informée par l’écomarxisme, de disposer d’une surabondance générale. Ceci n’est même pas souhaitable contrairement aux idées fausses sur la société communiste comme société d’abondance matérielle dont Stroumilin se fait également le porte-parole – il ne le fait pas sans critique car, dit-il, consumer toute la vodka possible n’est pas une grande preuve d’abondance et renvoie plutôt à une mauvaise gestion générale …

Nous savons que cette idée du socialisme-communisme comme société de l’abondance matérielle plutôt que comme société de l’émancipation générale susceptible d’effacer toutes les formes d’aliénation, y compris l’aliénation aux produits de consommation, vient de Léon Walras. Dans la première édition de son livre Eléments dans lequel il met en place ses axiomes sophistes qui lui permettent de développer le marginalisme, il bute sur le concept de « rareté » mais il souligne également dans une Note de bas de page que la rareté est, en dernière analyse, toujours une production sociale. Les éditions suivantes supprimèrent cette note qui à elle seule démolit tout son prétentieux appareillage supposément « scientifique ». Jean-Paul Sartre, n’eut probablement pas accès à la première édition; de fait il reprendra étourdiment cette notion de la rareté pour l’inverser en notion de société de l’abondance matérielle avec le communisme. Les vrais bolchéviques n’ont jamais pensé de cette façon, et pour cause, le développement éthico-politique et humain étant leur vrai objectif. Finalement, ils étaient plus en phase avec le vieil historien Ranke pour qui toute époque était potentiellement aussi proche de Dieu. Il leur suffisait de remplacer dieu à l’instar de Joachim de Flore par la conscience et l’égalité pour si retrouver. Et ils le démontrèrent parfaitement en élevant rapidement le niveau de vie de leurs concitoyens. Mao prouva ceci magistralement puisque son Parti devait gouverner un peuple de plus de 600 millions de citoyens, marchant vers un développement égalitaire planifié et sans cesse mieux approché.

Une fois éliminée l’utopie marginaliste et aliénante de la surabondance matérielle et une fois rétabli le concept de l’allocation programmé de la « plus-value sociale » selon des priorités sociales bien précises, alors reste à régler la question de l’accès égalitaire de tous les citoyens aux produits nécessaires ou désirables qui sont encore produit en quantités insuffisantes. La logique de la priorisation des ressources dans le cadre de RE désirée permet de régler ce problème sur le long terme ; sur le court terme, vu l’épargne institutionnalisée qui complète le « salaire individuel net », les produits moins immédiatement nécessaires et donc moins disponibles serons affublés d’un prix plus élevé permettant une sélection par le choix des consommateurs selon leurs désirs et leurs possibilités. Cependant, avant de passer à ce stade de la consommation surdéterminée par la taxe, l’Etat socialiste veillera à assurer l’accès collectif. L’exemple typique fut celui des buanderies de quartier et plus récemment encore celui des bibliothèques ou des Cafés Internet publics qui permit d’organiser un accès de masse avant de passer à la consommation individuelle. Au fond, un meilleur accès public vaut la plupart du temps toujours mieux et gaspille moins de ressources. Le transport en public en milieu urbain l’illustre parfaitement.

Quoiqu’il en soit une fois les services essentiels assurés, l’économie socialiste peut envisager la transition de la massification des produits et services à des short runs ou à des productions artisanales de qualité. La massification aura priorité pour assurer l’accès le plus vaste, et le renouvèlement des parcs se fera selon une recherche de la qualité, provoquant ainsi une véritable accumulation des richesses. Ceci est aujourd’hui du domaine des antiquaires et des plus riches. En outre, comme les goûts changent, le passage de la propriété privée à la possession – et à sa transmission s’agissant des possessions individuelles nécessaires à l’expression de la personnalité de chacun – rien n’empêche ensuite d’organiser des échanges non marchandisés entre tels produits.

Nous avons déjà souligné que le problème de la maximisation posé par Stroumilin concernant le capital fixe, disparaît avec le développement du crédit public. La théorie de la productivité permet de montrer que le capital constant « c » est la part circulante du capital fixe. Reste que ce capital fixe doit être mis en place d’un coup. Sans développement suffisant du crédit socialiste ceci requerra une telle mobilisation de la plus-value sociale disponible qu’elle forcera Stroumilin en bon statisticien bolchévique à s’interroger sur le meilleur moyen de procéder. Le crédit public socialiste permettant d’anticiper les investissements nécessaires en ajouts à la plus-value sociale disponible pour la RE, le problème se réduit à une question d’amortissement dans le temps, non pas de manière fishérienne – temporalité réglée par la prise de risque et par le profit maximum espéré – mais de manière socialiste : à savoir que le coût du crédit public est quasiment nul puisque la banque centrale socialiste doit uniquement payer ses frais d’administration en oeuvrant dans le cadre de la planification, de sorte que le rythme de l’amortissement réel dépendra de la surcapacité de production installée et des stocks existants ainsi que par l’accès au marché étranger. Ce dernier est médié par le taux de change qui renvoie au taux de compétitivité macro-économique.

La temporalité socialiste peut être mise à profit par les systèmes contributoires publics finançant la Sécurité Sociale en recourant aux Fonds Ouvriers, comme nous l’avons vu plus haut. Ces systèmes reposant sur la logique du salaire différé reconnu comme tel et donc géré par les travailleurs, ils sont tout le contraire des régimes contributifs faussement universel. Reste que dans le cadre de l’insertion de la Formation Sociale nationale dans l’Economie Mondiale encore capitaliste, ce système a de grands avantages. En effet, non seulement il assure les services sociaux essentiels publics sur une base mutualisée permettant la péréquation selon l’échelle courante des salaires mais, en outre, ils permettent de réduire les coûts de production par l’étalement actuariel des versements et par leur fonctionnement comme épargne institutionnalisée permettant un investissent productif et la socialisation en douceur des Moyens de production. On peut préférer le système de répartition si l’on veut en soumettant les décisions à la concertation sociale des acteurs dans le cadre du Conseil Economique et Social intégré dans la Planification. Dans tous les cas, ce serait une erreur gravissime, à mon sens, que de sous-estimer le rôle paramétrique de la définition de l’anti-dumping en vigueur.

Bien entendu tant que le système sera hybride, tant la comptabilité des entreprises que la comptabilité nationale devra être double, à savoir avant taxe et subventions et après, de manière à avoir une vision complète de la RS-RE et de ses évolutions concrètes.    

Les dérives par le marché soi-disant socialiste – i.e. marginalisme socialiste – de Liberman et de Kantorovitch.

(Voir: MATHEMATICAL METHODS OF ORGANIZING AND PLANNING PRODUCTION*t L. V. KANTOROVICH Leningrad State University 1939, http://resistir.info/livros/kantorovich_mathematical_methods.pdf )

Avec Liberman –suivant de manière totalement dévoyée Oscar Lange – nous assistons à une inversion de la dominance comptable, la dominance du Plan contrôlé centralement et selon les données du Produit Matériel Net cède le pas à la dominance du marché. La dominance du Plan sur le marché mercantile résiduel avait caractérisé toutes les époques bolchéviques antérieures,  y compris durant la NEP. Nous l’avons dit, la centralisation de la « plus-value sociale » permet d’optimiser l’allocation des ressources disponibles pour la Reproduction élargie retenue selon son rythme de déroulement à court, moyen et long termes. Cette centralisation fut détruite par l’autonomie accordée aux entreprises, une tendance débilitante encore aggravée par l’autonomie régionale. Dès lors, il ne s’agissait plus de décentralisation socialiste démocratique, donc administrative, ni d’optimisation de la division sociale du travail, mais bien plutôt de dévolution d’une partie toujours croissante de la plus-value sociale.

La croissance bolchévique exemplaire disparue, la capacité de gérer le plein-emploi par les déversements de main-d’œuvre prévus par le Plan  également, et les disparités régionales s’accrurent à un rythme effrayant. L’unité citoyenne soviétique parfaitement conjuguée avec le multinationalisme bolchévique laissa la place à un replis régional sur lequel  les fossoyeurs de l’URSS agirent pour démembrer le pays, ce qu’ils essayent de faire encore aujourd’hui pour les nationalités au sein de la Fédération de Russie.

Surtout, l’approvisionnement agricole fut détruit à la base – l’Urss devant importer de plus en plus de blé et de nourriture –  et l’approvisionnement parfois aléatoire des commerces se manifesta cruellement par les proverbiales queues devant les magasins. Ce système d’autonomie quasi-capitaliste restait néanmoins contrôlé marginalement par le système de commande et de contrôle central résiduel , ce qui prenait la forme des coups de collier pour satisfaire – ou pire encore pour dépasser –les objectifs du Plan, par le biais de toutes sortes de mauvais procédés mis en œuvre par les mangers locaux. Un Plan qui a de l’allure prévoit la surproduction parfois nécessaire par la surcapacité productive installée et par les heures supplémentaires ; mais il fonctionne normalement selon des normes  standardisés – du Code du travail et des procès de production, disons tayloristes-socialistes, donc soucieux de l’ergonomie, de la santé et de la sécurité des travailleurs. Ceci selon les besoins en crédit qui impliquent des mobilisations importantes de ressources mais en évitant, si possible, les effets pervers sur les Equations RS-RE, dont l’Effet RS et le chômage. Les coups de collier dans ce cadre ne produisent qu’une chienlit supplémentaire visant uniquement à récompenser des managers mus par le profit personnel et celui de leur boîte.

Ces dérives furent savamment appuyées par l’Occident lorsque le pseudo-prix Nobel dans la « dismal discipline » fut attribué au « mathématicien  » Kantorovitch. Ce fut le coup de Jarnac. Or, la maximisation de Kantorovitch, très éloignée de celle macro-économique bolchévique de Stroumilin, n’était qu’une vulgaire réédition de second ordre d’une synthèse micro-économique de l’optimum technique de Pareto grâce au recours à la productivité marginale micro-économique, soit une vulgaire logique d’économie d’échelle et de revenus croissants et décroissants qui ne tenaient même pas compte des critiques de Sraffa – voir ses deux articles des Années 20 sur la question. Personne ne l’écouta ou presque jusqu’en 1965-1967. Le pitre Kantorovitch échappa sans doute à l’épuration par sa contribution au programme nucléaire. Ensuite, avec les réformes inspirées de Liberman son heure vint. Dans son cas, si on excepte le dramatique mais emblématique cas chilien après l’assassinat de S. Allende, elle se matérialisa une avec vingtaine d’années d’avance par rapport aux théories nouvellement philosémites nietzschéennes de Ludwig Mises et des Chicago Boys.

Ceci devrait nous inciter à repenser la démocratie socialiste et le rôle des organisations de la société civile, syndicats, groupes de l’intelligentsia, groupes de consommateurs organisés dans le cadre du Plan placé sous le contrôle ultime de l’Assemblée du peuple et du Parti. La Constitution socialiste ne suffit pas pour éviter les régressions – voir les modifications apportées à la Constitution de Fidel et du Che dernièrement. Elle doit encore être soutenue par les organisations du prolétariat.

Hobbes demandait : « que vaut un homme ? » i.e., sur le marché capitaliste émergeant avec sa dévolution de la souveraineté des peuples ancrée au plus profond de la loi naturelle, « il diritto delle genti » de Giambattista Vico, aux souverains monarchiques, aristocratiques ou censitaires. De même la division lockéenne des compétences étatiques – exécutif, législatif et judiciaire – adoptée par les USA capitalistes avec leur pluralisme politique sous contrôle de la propriété privée, n’a pas grand-chose à apporter à la démocratie socialiste, laquelle, en période de transition, reste une dictature du prolétariat comme la démocratie occidentale est une dictature de la bourgeoisie, en ce sens précis que la Loi ou Constitution socialiste ne sauraient être violées ni contournées. Aujourd’hui on parle de l’Etat de droit. Aussi, la bourgeoisie ne tolère aucune entorse au droit de la propriété privée, de la même façon le socialisme ne saurait tolérer d’entorse au droit de la propriété collective ou d’Etat. Notons que le terme « dictature » tel qu’il fut utilisé par Marx, n’avait aucunement les connotations totalitaires des dictatures fascistes nazies modernes.

La démocratie socialiste fait donc une place plus grande à la participation des citoyens dans les processus de décision qui comptent réellement et qui sont maintenant sous contrôle public, collectif. La force de la loi socialiste s’exerce surtout dans le Domaine de la nécessité socio-économique dont la place dans la vie quotidienne ira en baisant du fait de la croissance séculaire de la productivité exigeant un meilleur partage du temps de travail disponible entre tous les citoyennes et citoyens aptes à travailler. Le Domaine de la liberté socialiste permettant l’éclosion libre de personnalités émancipées ne pourra dès lors que s’étendre. Sans oublier néanmoins les avertissement de Mao sur la persistance de la lutte des classes. De sorte que Vico et Montesquieu insistant sur le rôle des groupes de la société civile dans la défense des institutions et des libertés d’un système donné conservent toute leur valeur.

La démocratie représentative subsistera sous forme du centralisme démocratique pour le Parti, pour l’Assemblée du peuple dont les représentants respectueux de la Constitution socialiste sont des représentant directs du peuple et révocables à tout moment selon le principe établi par la Commune de Paris. De même pour les assemblées locales et les conseils de quartier etc. En fait les instances les plus importantes, à part le Parti qui est le garant de la défense du mode de production, seront celles qui sont liées à la démocratie industrielle et sociale – syndicats, délégués ouvriers etc. – à la démocratie cultuelle et sociale – médias, dazibaos, arts et cultures  etc. – et aux instances démocratiques de contrôle – par exemple, les comités de plainte des citoyens pouvant ainsi contrer les dérives bureaucratiques ou d’Appareil pour conforter le consensus socialiste, ceci avant de devoir saisir les cours. Le Parti devant rester le garant ultime des droits socialistes individuels, sociaux et civils fondamentaux contre toute dérive totalitariste. Au vu de ce qui fut dit concernant le « for intérieur » des Individus-citoyens – leur libre-arbitre et donc leur responsabilité personnelle – dans ma critique marxiste de la psycho-analyse bourgeoise freudienne, un ramassis de recettes néo-nietzschéennes visant à normaliser la subordination des Êtres à la propriété privée et à ses privilèges, ceci doit impérativement respecter la vie privée et l’intimité des citoyens, à savoir le champ d’exercice de leur for intérieur. Je crois que la stabilité des sociétés repose largement sur ce respect dans le cadre de constitutions non-totalitaires d’esprits. (Voir mon Livre II.)      

De fait, cette société civile socialiste avait une plus grande place sous Staline que sous les réformateurs révisionnistes et leur hypocrite système de commande et de contrôle allant de pair avec les privilèges de l’élite de l’Appareil d’Etat et du Parti, et de manière plus qu’emblématique avec la sous-représentassions des femmes. C’est la raison pour laquelle, avant l’arrivée au pouvoir des révisionnistes avec leurs inégalités croissantes, les bolchéviques  furent capables de demander d’énormes sacrifices à leurs concitoyens tant que ceux-ci étaient convaincus que leurs dirigeants allaient dans le sens de la construction socialiste et de la protection de l’intérêt général. Une anecdote mérite d’être soulignée. En visitant les usines, les sovkhozes et les kolkhozes Staline posait toujours d’emblée la question : « Avez-vous l’impression d’être plus heureux aujourd’hui par rapport à l’an passé. » Quelle meilleure pierre de touche pour vérifier l’adéquation du Plan et de son allocation des ressources ?  Imitez Koyré, faites une expérience mentale et imaginez nos dirigeants occidentaux poser aujourd’hui cette question aux ouvriers et aux travailleurs agricoles ou même au consommateur moyen !

Nous le voyons, la surreprésentation est un crime contre les sociétés.  Une fois ces idées devenues dominantes, la pente à l’autodestruction est très rapide. C’est la logique destructive de l’exclusivisme que Thomas Paine, puis Marx puis moi-même par la suite – voir en particulier mon Livre II Pour Marx, contre le nihilisme –section Livres-Books – ainsi que les chapitres portant sur la laïcité dans mon essai Europe sociale, Europe des nations et Constitution, 14 jan. 2004, section Economie Politique Internationale dans mon vieux site www.la-commune-paraclet.com . Ceci se vérifie dans toutes les sociétés indépendamment de leur mode de production. Ce crétinisme auto-induit par l’auto-élection et l’auto-sélection de classe et de caste est, comme on le voit, bien plus dommageable que le crétinisme congénital. Seul le respect de la Loi des grands nombres dans le cadre d’une vraie démocratisation du système d’enseignement peut y faire pièce.

Les dérives des mêmes portant sur l’allocation des ressources sous prétexte de décentraliser et de démocratiser portèrent un coup fatal au taux de croissance de la planification de l’URSS et au niveau de vie des citoyens. Ceci est facile à comprendre puisque pour procéder à cette allocation socialiste selon les priorités de production socialiste – données par l’amélioration du niveau de vie des citoyens constitutionnellement égaux entre eux – il faut passer par le Fonds social nécessaire pour le réinvestissement que Marx développe dans la Critique du programme de Gotha et que j’ai reformulé comme « plus-value sociale. Or, cette plus-value sociale renvoie au partage entre « capital » – au sens générique ici – et travail – et donc au niveau atteint par le « revenu global net » des ménages compatibles avec le taux de croissance de la RE, lui-même reposant sur le niveau de productivité micro-économique et le niveau de compétitive macro-économique – donc sur la tenue des balances externes.

En réintroduisant le marché capitaliste – autonomie des entreprises, incitation matérielle – on faussait le calcul économique. Plus grave encore, en appuyant l’autonomie des entreprises par l’autonomie régionale, on faussait totalement l’optimisation de l’allocation de la plus value sociale par le Plan. On confondit autonomie administrative et dévolution des pouvoirs. Dès lors deux grandes perversions suivirent. Comme l’héritage bolchévique ne permettait pas de mettre ouvertement en cause l’égalité socialiste, mais en étant convaincus néanmoins de la supériorité du « marché » marginaliste, on finit par remplacer les corrections pratiques sur la base de la RS vérifiée par le Produit Matériel Net – Mp et Cn nécessaires –  par un système de commande et contrôle, de surcroît perverti par l’emphase donnée à la nouvelle comptabilité en « prix ».

De la sorte le bon Stroumilin, qui avait fait ses classes avec  Lénine et Staline n’eut aucune difficulté à montre les taux de croissance soviétiques inégalés dans l’Histoire – y compris en terme de machinisme et d’automation – jusque 1965. Après cette date, qui marque la réforme axée sur la socialisme marginaliste de Liberman ensuite aggravée par Khrouchtchev,  l’URSS se délitera, et elle prendra du retard et finalement se déconstruira de l’extérieur. Cette tendance fut fortement aggravée par la surreprésentation dont elle souffrit, y compris après 1948. Khrouchtchev d’origine paysanne dit un jour au camarade Chou En-Lai d’extraction mandarine : « Vous avez trahi votre classe d’origine » A quoi le camarde Chou En-Lai répondit avec la fierté qu’on devine que ceci était exact pour lui comme pour Khrouchtchev. Au fond Mao Zedong avait raison sur l’importance de la lutte de classes durant la transition contre les prétendues billevesées de l’Etat – sic ! – de tout le peuple.

Pour conclure ce chapitre, soulignons que la fallacieuse « forme-valeur » de Bettelheim fut pensée pour délégitimer la transition au socialisme. Elle assigne une supposée impossibilité du calcul économique à toutes les époques de redistribution du régime communiste depuis la Révolution d’Octobre au lieu de désigner l’ennemi dans la régression sans fin contenue dans le marginalisme socialiste imposé avec la réforme de Kossyguine en 1965 et, de manière plus dévoyée encore, par la réforme de 1967 imposée par Khrouchtchev-Liberman.  Il est faux de prétendre que la monnaie, qui n’est qu’un moyen d’échange, ou que la marchandise, qui n’est qu’un produit à échanger socialement du fait de la division sociale du travail, soient toutes deux nécessairement des catégories capitalistes. Dire ceci est une ineptie calculée pour empêcher de penser les échanges inhérents au mode de production capitaliste et donc pour barrer la voie à la transition socialiste.

Les vrais marxistes ne furent pas dupes, ni Mao, ni le Che. Ils savaient que l’essentiel de la transition au socialisme malgré les imprécisions résiduelles de la Reproduction Elargie et donc l’imprécision de son calcul économique, reposait sur la correction pratique par le biais des quantités physiques produites et surtout sur l’utilisation de la « plus-value sociale ». Cette dernière n’est plus utilisée pour l’accumulation privée mais pour financer la production destinée à satisfaire les priorités sociales et autres, établies en commun par la planification socialiste – et par son processus de décision démocratique typique, c.-à-d., le centralisme démocratique décliné non plus uniquement par la démocratie représentative mais aussi par la démocratie industrielle et sociale, par la démocratie participative et par les instances démocratiques de contrôle. Ils savaient que l’affirmation spécifiquement socialiste-communiste de la « plus-value sociale » impliquait une évolution parallèle de la « structure de v » c.à-d., du partage socialement efficace – production et consommation productives sociales – de la somme « v + pv », soit des fruits du travail vivant. Ils savaient qu’à chaque époque de redistribution plus avancée ou en retrait comme la NEP, ce partage impliquait des circuits spécifiques du « capital » – terme pris ici dans son sens générique. La conception d’une transition est tout le contraire du déterminisme historique dans le sens où elle tente de cueillir le sens du devenir historique. C’est pourquoi les bolchéviques s’avaient que le processus exigeait une conscience de classe scientifiquement fondée sur laquelle bâtir la persuasion des représentants issus et connectés à la base. Mao appela ceci la « ligne de masse », ce qui est très loin du volontarisme ou de l’imposition par le haut.

Personne ne sera donc étonné de voir Che Guevara opposer aux critiques creuses d’un Bettelheim une approche authentiquement marxiste-scientifique et socialement fondée. Nous devons au grand camarde Orlando Borrego Diaz, qui participa avec les autres révolutionnaires cubains et en collaboration étroite avec le Che, à la mise en place du socialisme cubain. Il contribua un livre magnifique sur la planification cubaine et sur le développement du Sistema Presupuestario de Financiamiento qui n’est rien d’autre que la conception avancée de l’allocation des ressources budgétaires, donc de la « plus-value sociale » à la Reproduction Elargie planifiée. Ceci en tenant compte du secteur étatique déjà largement abstrait des échanges mercantiles et de l’INRA, à savoir une partie du monde agricole qui par souci de l’alliance de classes à l’instar du modèle stalinien des kolkhozes pouvaient encore transitoirement pratiquer les échanges mercantiles de leurs surplus. Borrego donne ici un bel aperçu des Apuntes du Che difficilement accessibles encore aujourd’hui. Il suffira alors de lire les deux articles du Che, celui sur le presupuesto datant de 1964 et celui sur le « Socialism and Man in Cuba de 1965 » pour saisir la grandeur théorique de notre grande figure révolutionnaire. (  voir The Che Reader ; voir https://www.marxists.org/archive/guevara/1967/che-reader/index.htm qui malheureusement ne donne pas la traduction du premier texte.)

Voici un bref résumé du chapitre pertinent de Borrego. Pour Bettelheim le socialisme suppose une adéquation immédiate entre  forces productives et rapports de production (ce qui sournoisement revient à invalider la révolution léniniste selon les thèses du déterminisme économique de Longuet et de la II Internationale renégate) Ainsi les catégories monnaie, marchandise – en fait la soi-disant « forme-valeur » inventée à dessein par Bettelheim – sont intrinsèquement capitalistes peu importe les rapports de production. On aura compris que puisqu’elles survivent en URSS et qu’en outre Bettelheim prend tout échange médiatisé par la monnaie – en fait une unité de compte jouant le rôle d’équivalent général vu la division social du travail – pour un échange capitaliste, tout espoir de transition est perdu d’avance.

Le Che répond en rappelant que la transition étant bien une transition, il convient de ne pas sous-estimer le rôle de la conscience de classe et celui joué par le budget de planification, autrement dit par la direction de classe de la Révolution fondée sur l’utilisation socialiste de la « plus-value sociale » alors même que survivent encore des rapports mercantiles entre industries étatisées et certains secteurs de l’lNRA agricole, comme ceci était le cas en URSS avec les kolkhozes même avant le déferlement de la réforme de Khrouchtchev-Liberman. On a vu plus haut comment ceci affectait le problème de l’adéquation des quantités et des prix, donc le calcul économique en prix. Mais le Che répond brillamment que ceci est subordonné au budget de planification qui rétablit l’équilibre de la planification et la marche de la Reproduction Elargie.

Le Che insistera donc sur la gestion moderne des entreprises ; il  appellera d’ailleurs à analyser les méthodes de gestion des MNCs nationalisées par le nouveau régime. En bon connaisseur de Lénine, il insistera également sur la médiation avancée par la participation des syndicats jouant leur double rôle institutionnel de classe. Soit la défense des intérêts immédiats de leurs membres , défense « corporatiste » avec le MPC , portant sur les  salaires les normes de travail etc., mais également le rôle de transmission des informations socio-économiques bidirectionnelles entre la direction de l’entreprise, le gouvernement, la planification et la classe ouvrière. D’où l’importance que le Che attache en période de transition à l’éthique révolutionnaire, moins comme une idéologie creuse et moralisante que comme la formation dialectique continue de la conscience révolutionnaire d’avant-garde fondée sur l’étude et la pratique.

Borrego ajoute: « ” Avec cette argumentation, Bettelheim nie totalement les hypothèses sur lesquelles se basait le système de direction proposé par Che pour les conditions concrètes de Cuba, c’est-à-dire le système budgétaire de financement, et avec cela il ne considère comme valable que le système en vogue dans les pays du camp socialiste : le calcul économique. Cependant, Che considère que les partisans du calcul économique ont suivi une ligne incohérente, puisque, sur la base de l’analyse marxiste, ils suivent une partie de la route à la recherche de la vérité pour les solutions économiques de la période de transition ; mais il y a un moment où ils perdent le sens de l’orientation et ne reconnaissent comme valides que les catégories fondamentales du capitalisme, afin de leur donner une validité dans le socialisme, en soutenant que de cette façon on obtiendra un développement plus accéléré et efficace des forces productives dans le nouveau système.

Ils n’ont jamais expliqué correctement, dit Che, comment le concept de marchandise se maintient dans son essence dans le secteur étatique, ou comment la loi de la valeur est utilisée “intelligemment” dans le secteur socialiste avec des marchés ayant leurs propres caractéristiques différentes de celles d’une nature strictement capitaliste”. » Traduction,  , p 153 Orlando Borrego Diaz, Che, el camino del fuego, https://www.rebelion.org/docs/122158.pdf . En fait, le pitre Bettelheim, opérant un typique travail de sape,  ne discourait de « calcul économique » que pour en accréditer l’impossibilité sous le socialisme.  

Thèse sous-jacente : Supériorité de la planification macroéconomique quel que soit le mode de production.

Cette thèse sur la souveraineté du Plan se justifierait de deux façons : d’abord par la compatibilité de la planification dans toute Formation Sociale donnée avec de nombreuses époques de redistribution au sein d’un même mode de production ; ensuite, du fait que le Juif-Autrichien fasciste Ludwig Mises, âme damnée de la réaction philosémite nietzschéenne en économie et en science sociale, grand inspirateur de la Société du Mont Pèlerin et de l’Ecole de Chicago, haïssait la planification de guerre allemande mise en place durant la Première Guerre Mondiale et celle pratiquée durant la Seconde par les Etats-Unis débouchant sur la planification de la reconstruction d’après-guerre initiée dès 1943. Il haïssait ces expériences presque autant que l’interventionnisme d’Etat lié au keynésianisme, ou que la planification soviétique. La mobilisation de guerre ne pouvant tolérer le gaspillage inhérent au capitalisme, ces expériences avaient en effet démontré la supériorité de la planification pour atteindre des objectifs vitaux que la société se fixait. Par opposition, pour Ludwig Mises et les néolibéraux, aucune barrière ne devait s’opposer au libre jeu du marché, de sorte que tout interventionnisme qui oserait discipliner « ses esprits animaux » – dixit Keynes – sera immédiatement dénoncé par lui et par ses disciples directs ou indirects comme allant contre nature.

En effet l’Etat ou bien, lors de son « dépassement » socialiste par la diffusion verticale et horizontale du pouvoir décisionnel, une organisation centralisée exerce les pouvoirs régaliens nécessaires à la préservation de la Formation Sociale – nationale ou multinationale – lieu de la formation de la valeur d’échange et donc la nature de l’insertion de cette FS dans l’Economie Mondiale. Ces droits régaliens ont pour première tache d’assurer la sécurité et l’accès universel aux droits fondamentaux individuels et sociaux qui constituent la base matérielle de la citoyenneté commune en dépit de la structure ethnique, religieuse ou de classe.  Une telle organisation détruit à sa base toute revendication exclusiviste raciste ou théocratique ou fondée sur l’héritage; face  à la citoyenneté commune aucune caste, aucun groupe auto-élu n’a plus droit de cité, sinon à la rigueur dans son espace privé strictement abstrait de la sphère publique. Le Juif-Autrichien Ludwig Mises était bien un juif fasciste, proprement philosémite nietzschéen, d’ailleurs conseiller du Chancelier autrichien jusqu’à sa fuite obligée au moment de l’Anschluss. Suite à quoi, il ne changera jamais sa pathologique et débilitante vision du monde. Le but noble de la Politique ne serait plus d’assurer le plus grand bien commun et la plus grande émancipation humaine possible mais plutôt de maintenir « quoi qu’il en coûte » ou, pire encore, de « retourner » de force à la domination et aux privilèges usurpés de quelques-uns. Thomas Paine et Marx, parmi tant d’autres, pour ne pas parler des pythagoriciens christiques, ont montré qu’aucune égalité humaine, partant aucune forme de démo-cratie,  n’est possible sans le dépassement définitif de tout exclusivisme. 

Hegel parlait de « ruse de la Raison». Je crois profondément que le repêchage de cette bouillie pseudo-économiste fasciste des oubliettes de l’Histoire pour empêcher la progression égalitaire de l’Etat social – la Commission Trilatérale avec sa volonté de mettre fin aux « rising expectations » des travailleurs ou le catéchisme fascisant néo-malthusien du Club de Rome et ses supposées limites à la croissance, donc à  sa redistribution équitable – était nécessaire puisque trop de gens n’avaient pas encore bien assimiler la leçon de la défaite du nazi-fascisme. Aujourd’hui, sans même parler des criminelles manipulations entourant la gestion occidentale du Sars-CoV-2 – v les pitres J. Attali, Gates etc., –  plus personne de sensé ne peut ignorer l’inanité a-sociale et a-humaine de ces pensées philosémites nietzschéennes.    

Il suffit pour se rendre compte du véritable contenu de cette narration de lire le livre de Mises intitulé Socialismhttps://mises.org/library/socialism-economic-and-sociological-analysis – qui ressasse, sans la moindre correction après 1945, les pires régressions exclusivistes et eugénistes philosémites nietzschéennes. On y affirme le darwinisme social le plus outré sans hésiter à prétendre que la protection offerte  par les systèmes sociaux affaiblissent la Nature humaine et que le système de santé public crée la maladie qui autrement ne serait qu’une question de Volonté – et j’imagine d’accès aux soins privés pour ceux qui peuvent se le permettre. (pp 475-476 et suivantes) Sans surprise, ce type de pensée holiste eugéniste se propagea avant la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud avec Jan Smuts malgré la défaite du nazi-fascisme. On sait qu’Israël collabora activement avec ce régime comme avec tous les régimes dictatoriaux fascistes dans le monde, y compris celui de Pinochet, dans ce cas, entre autre, pour développer illégalement son arsenal nucléaire.

Or, c’est cette version irrationnelle du marginalisme qui tient le haut du pavé depuis le déclenchement de la contre-révolution néo-conservative de Volcker-Thatcher-Reagan de 1979-1981. Cette régression a désormais atteint le stade de l’hégémonie de la finance spéculative qui tourne sur elle-même tout en détruisant l’économie réelle, signalant ainsi l’obligation historique de l’enterrer définitivement pour retourner à une économie politique compatible avec la Raison et avec la vie en société, justement cette société dont Thatcher affirmait qu’elle n’existait pas.

J’ai donné un bref résumé de ce fallacieux paradigme et de la nécessité d’en changer dans « LA PSEUDO-SCIENCE ECONOMIQUE DE LA BOURGEOISIE : Voilà pourquoi nous devrions changer rapidement de paradigme économique.’ http://rivincitasociale.altervista.org/la-pseudo-science-economique-de-la-bourgeoisie-voila-pourquoi-nous-devrions-changer-rapidement-de-paradigme-economique/ . J’y note par exemple qu’à l’intérieur de ce paradigme fallacieux il n’est nullement vrai que là où existe un besoin, émergera une offre pour le satisfaire. Ceci n’est vrai que lorsque cette demande est solvable. C’est la raison pour laquelle, outre les énormes gaspillages et saccages de l’environnement qui caractérisent le capitalisme, un grand nombre de besoins humains et sociaux de base ne sont pas satisfaits en termes de nourriture, d’eau, de santé, d’éducation, de logement ou de transports, etc. Personne ne sera donc étonné de constater dans le livre de Ludwig Mises cité plus haut son philosémitisme eugéniste si hargneux contre les peuples et contre la démo-cratie, des tares exclusivistes qui concernent également ses disciples modernes, même lorsqu’ils et elles osent parler de « Road to serfdom » en en faisant, de fait, l’apologie.

Mais qui dit planification socio-économique s’oppose la primauté de la Société conçue, à l’instar de la Nature, comme une condition générale d’existence de l’Individu et de l’espèce. On sait que c’est la position dominante dans les sociétés pré-étatiques qui préféraient sur-développer les liens et les rituels sociaux ou l’épistémè, pour pallier l’absence de technê. Ceci demeura le cas des sociétés étatiques universalistes et donc en quelque sorte soucieuses du bien général. La Cité grecque antique ne se concevait pas en dehors d’une communauté plus large, se retrouvant autour de festivités comme les Jeux Olympiques ; elle ne se concevait même pas sans relations avec les locuteurs de langues étrangères ou étymologiquement parlant « barbares », c-à-d, des gens dont on ne comprenait pas la langue. Les pythagoriciens, dont Platon-Socrate dans la République , partent logiquement de catégories universelles, en particulier celle de la Société comme expression organisée de l’Espèce humaine. Cette catégorie leur permettant de comprendre la place du particulier dans le général et dans l’universel sans laquelle la pensée ne pourrait prendre son élan, ce que redira avec force le grand épistémologue I. Kant. L’universalisme romain, d’abord limité au droit de cité qui sera pourtant étendu à tout l’empire avec Caracalla, y a également ses racines profondes qui mèneront infailliblement au dépassement tendanciel de ces limites telles l’esclavage, le cirque et les mises à mort pourtant politiques et non-sacrificielles.  

On ne sera donc pas surpris de voir la réaction sociale exprimée par Aristote dans sa critique de la Cité Idéale de Platon. Typiquement, contre la Société et l’Espèce humaine, il pose comme point de départ la famille, dans son sens de famille élargie incluant la domesticité. Dans ce sens, elle est compatible avec la tribu et le clan, d’ailleurs toujours patriarcaux. A la conception universaliste égalitaire reconnue déjà d’emblée entre citoyens ou hommes libres, il oppose la réaction individualiste réactionnaire. L’union de cette régression avec l’exclusivisme biblique de l’Ancien Testament fut une catastrophe pour l’occident que la Première puis la Seconde Renaissance s’employèrent à effacer en retrouvant les classiques antiques à travers les traductions arabes, avant l’avènement de la Révolution française.

Thomas Paine exprime clairement cette critique de l’exclusivisme et de l’individualisme anti-social dans son pamphlet Rights of Man contre un Edmund Burke trahissant la Révolution pour se mettre au service de la Tradition et de la contre-révolution. D’ailleurs, ce livre, à l’instar des textes de Babeuf, présentent aussi la première mouture moderne du Welfare State ou de l’Etat social.  Marx ne s’y trompa pas puisque ce puissant pamphlet est une des sources principales de sa critique à la philosophie du droit de Hegel qui débouchera sur la formulation de son Triptyque de l’émancipation humaine, à savoir : religieuse par la laïcité, politique par la démocratie et humaine par le recouvrement de l’Homme par l’Homme grâce au socialisme. Ce faisant, il soulignera le fait que cette marche à l’émancipation humaine générale ne se fera pas sans le dépassement de la famille comme lieu de pouvoir patriarcal. Car la famille, dans ses diverses formes historiques, depuis la famille patriarcale à la famille nucléaire bourgeoise, transforme le ménage nécessaire à la reproduction du travailleur en tant que membre de l’Espèce humaine, en un creuset fondamental de la reproduction de la subordination hiérarchique sociale et de genre. Dans le même souffle, Marx porta le coup final contre toutes les formes d’exclusivisme en formulant sa Question juive intégrée dans la Sainte Famille. Ces textes sont fondamentaux.    

Dans les années 60-70-80 sous la poussée du grand marxiste Louis Althusser fleurit un mouvement anthropologique marxiste puissant en opposition à l’ethnologie et à l’anthropologie bourgeoises. On sait les liens avec les Appareils sécuritaires et militaires que ces discipline durent subir, en particulier au moment où la bourgeoisie occidentale s’embarqua dans son aventure coloniale. La critique ne tarda pas. Ce mouvement prétendait continuer les études de Marx sur les modes de production pré-capitalistes. Ces études débouchèrent sur des notions cruciales, particulièrement utiles pour penser la transition d’un mode à un autre. Par exemple, la coexistence à dominance des modes de production, les différentes formes d’extraction de la plus-value – absolue, relative, productivité et plus-value sociale – dans des Formations Sociales données, l’insertion de ses FS dans l’Economie Mondiale Capitaliste et ainsi de suite. Je renvoie par exemple à une synthèse utile proposée jadis par Aidan Foster Carter. (v. Aidan Foster-Carter, « The Modes of Production Controversy », https://newleftreview.org/issues/i107/articles/aidan-foster-carter-the-modes-of-production-controversy Ainsi qu’à « Articulation of modes of production: a comment on Aiden Foster-Carter» , https://www.researchgate.net/publication/288669508_Articulation_of_modes_of_production_a_comment_on_Aiden_Foster-Carter )

On remarquera que les sociétés universalisantes mettant la Communauté et ses besoins au premier plan, bien entendu dans le cadre de la reproduction de leurs rapports de classe, s’appuyèrent sur des formes d’intervention de l’Etat ou de « planification » liées au degré de développement de leur culture et de leur Etat. Je renvoie de nouveau à la découverte critique de Marx recomposant le Tableau de Quesnay selon laquelle l’équilibre de tout système reproductif socio-économique met en cause, du moins approximativement, le meilleur équilibre intersectoriel entre Mp et Cn.

Sans vouloir être polémique, j’en soulignerais une ici, celle des Babyloniens, en particulier, sous Nabuchodonosor II, le destructeur antique de l’exclusivisme. Il rétablit l’Etat et ses circuits socio-économiques qui comprenaient la restauration des systèmes d’irrigation, la réorganisation des palais royaux faisant office d’entreprises directement contrôlées par l’Etat , celle des Temples bien entendu autonomes mais fonctionnant en accord avec l’Etat, ainsi que l’organisation de l’espace artisanal et marchand autonome mais subordonné et des circuits commerciaux internationaux. (Voir, par exemple, la belle étude de Daniel Arnaud, Nabuchodonosor II, roi de Babylone, Paris, Fayard, 2004. Voir aussi la belle étude de xxx  démontrant le lien organique entre calcul économique et développement de l’écriture chez les Sumériens et leurs successeurs.)

 Saladin fera de même plus tard. Le Mandat du Ciel en Chine était maintenu à ce prix et le développement du mandarinat exprime parfaitement les conséquences organisatrices, voire éthico-politiques, de cette conception. L’instauration de l’Empire romain se fit en usurpant et en dénaturant la République dès son origine par les prétentions exclusivistes et d’auto-élection des premiers césars. Son renouveau fut axé sur un retour à l’inspiration pythagoricienne des débuts. Vespasien et Titus réagir contre la logique de l’exclusivisme qui enflammait le Moyen-Orient. Marc Aurèle chercha tragiquement de défendre l’universalité romaine sous sa forme polythéiste tolérante. Caracalla étendit la citoyenneté à tout l’Empire. Dans la même logique anti-exclusiviste, Philippe Le Bel et ses Légistes refusèrent plus tard d’accepter la logique de l’Etat dans l’Etat qui désorganisait le royaume, et ainsi de site.   

Pythagore avait en effet écrit la Constitution des italiotes qui fut la grande inspiration scientifique et organisationnelle de la République romaine. Sa transition vers la fin de l’esclavage et de ses tortures y était contenue en germe comme le démontre la formulation pythagoricienne christique qui prenait également appui sur les apports égyptiens. Le Bien, distinct du Bon utilitaire, remplace la figure autoritaire du Père et de sa Loi. Il suffit pour s’en rendre compte de prêter attention aux similitudes de la prosopopée de lois dans le cycle final socratique mis en scène par Platon – Criton, Apologie de Socrate, Banquet etc. – avec celle du Christ, en ayant à l’esprit le Mythe de Er Pamphylien qui clôt la République. Joachim de Flore savait parfaitement à quoi s’en tenir, sa conception de l’universalisme allant de pair avec une égalité humaine plus large, imposant naturellement une grande réorganisation sociale et une meilleure redistribution des ressources de la communauté pour la communauté, le tout en substituant les narrations antérieures par une approche nouvellement scientifique.    

Bref, les périodes historiques les plus fastes sont toujours associées à une expression universaliste organisée et défendue comme telle. Et semble-t-il, du moins pour les sociétés à dominance agricole, à des périodes de réchauffement climatique, si l’on en croit l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie dont les démonstrations sont de plus en plus étayées de preuves irréfutables.   

C’est l’abbé calabrais Joachim de Flore, né dans le village de Celico marqué par l’influence byzantine et élevé dans la munificence de la Cour arabo-normande de Roger II à Palerme, qui reformula l’aspiration à un Ordre Nouveau inspiré par la théorie de la connaissance pythagoricienne qui avait informé la République de Platon, durant la bien nommée Première Renaissance. C’est dans son œuvre qu’émerge la conception phare de la sécularisation de l’Esprit, en fait, dans son façon de voir, celle de la Conscience avec ses diverses formes d’intelligence, qui inscrit la marche de l’émancipation humaine dans l’Histoire. Cette « rupture épistémologique » informera par la suite Spinoza et son critique rosicrucien Leibniz, Giambattista Vico, Kant, Hegel, Marx, Lafargue et Gramsci en passant par G. Bruno et T. Campanella pour ne citer que ceux-ci.

C’est dans son œuvre Le Psaltérion à dix cordes  qu’est formulée la règle communautaire exigeant de chacun selon ses capacités, en reconnaissant l’égale dignité de toutes les formes d’intelligence, toutes également nécessaires pour le développement harmonieux de la société, à chacun selon son travail, pour passer ensuite, avec l’avènement du Troisième Age, à une répartition selon les besoins. Par la force des choses, comme ce sera le cas du Communisme pour Marx, les ressorts de la transition au Troisième Âge seront analysés mais cet âge lui-même ne sera entrevu que sous l’angle des membres de l’Ordre nouveau chantant des hymnes à la Conscience. Cependant, il faut savoir que pour Joachim la structure des hymnes elle-même contenait un résumé du devenir humain exposé par ailleurs avec méthode dans son œuvre. Ni Joachim ni Marx prétendirent jamais être devins. Chanter les hymnes n’est alors qu’une représentation exacte des Etres humains du Troisième âge cultivant leur personnalité en toute liberté, ce qui est bien l’horizon du Domaine de la liberté socialiste annoncé par Marx. Ces besoins étant devenus ceux d’Êtres humains émancipés de toute aliénation. Ceci s’ajoutait à sa reprise de la devise bénédictine Ora et labora s’appliquant à toute la communauté, abbé compris. 

Joachim, tout comme Socrate-Platon, Giordano Bruno et Vico ou Kant et Marx était un logicien de premier ordre. Il savait faire le différence entre distinction et opposition. Comme tout esprit scientifique, il part de l’axiome de l’égalité humaine, égalité des locuteurs sans laquelle, pour le dire en termes hégéliens, aucun espace interpersonnel et aucun discours scientifique ou autre ne serait possible. La Société et l’Individu sont dialectiquement liés. Pour lui comme pour Socrate-Platon, il existe une différence ontologique et épistémologique entre science et narration tout comme entre Vérité et mensonge. Tout au plus, avant l’avènement de la conscience scientifique durant le Troisième Âge de l’Humanité – ou, en termes illustratifs, du Saint Esprit illuminant toutes et tous pareillement rendant ainsi le Monde transparent à l’entendement humain qui pourra donc être lu comme un livre ouvert … – la République aura recours au « mensonge vrai » socratique, à savoir à un récit scientifique mis à la portée de tout.e.s comme pédagogie de masse, un récit créateur de liens sociaux et propulseur de la Communauté dans sa marche à l’émancipation la plus complète possible.

Il concevait à juste titre le message christique comme une tentative universaliste-égalitaire allant dans ce sens. Il y voyait le Second Âge de l’Histoire humaine marqué par la force de l’exemple guidant l’ecclésia ou communauté. Cette reformulation pythagoricienne remplaçait ainsi celle de l’Autorité incarnée durant le Premier Âge, celui du Père et de la Loi. Aussi, dans son œuvre, Joachim s’attacha à reformuler la synthèse pythagoricienne christique pour la faire transiter vers l’émancipation générale, l’Âge du Saint Esprit ou, en termes séculiers, de la science et de la conscience. Il concevait lui-même son Ordre de Flore comme l’annonciateur de cet Ordre Nouveau – voir la Figure « Progetto del Nuovo Ordine » dans https://it.wikipedia.org/wiki/Liber_Figurarum et son commentaire dans mon essai de 2016 cité plus bas.

Sur cette base, G. Vico inventa la conception moderne de l’Histoire et de ses luttes de classes . Il le fit avec sa méthode propre et distincte de celle des sciences dites dures dans son livre Scienza Nuova. Paul Lafargue montra à quel point Marx s’en est inspiré en lui donnant une base scientifique en substituant à la seule philologie sa critique de l’économie politique classique. Naît ainsi chez Vico la différence moderne entre Dialectique de la Nature et la Dialectique de l’Histoire que la Dialectique d’Ensemble réunit pour former le matérialisme historique ainsi que je le démontre dans mon Introduction méthodologique en opposition à l’impossible « unité des contraires » de Hegel ou encore aux différentes théories des structures, superstructures et reflets.

Tous ces esprits éminemment scientifiques avaient horreur des narrations anti-scientifiques vouées à la préservation de la domination de classes et à la subordination des consciences. Socrate n’avait que mépris pour les sophistes. Kant, un des vrais Pères de la Révolution française, plus encore pour les paralogismes. Dans la démonstration offerte dans la République de Platon, Socrate fait retrouver le double du carré par un jeune esclave grâce à la maïeutique dialectique, à savoir grâce à la pédagogie, démontrant ainsi l’indéniable égalité humaine au-delà des aléas de la vie, par exemple ceux de la guerre. Marx, pour sa part, démontra scientifiquement le rôle des idéologies dans le maintien des superstructures de domination de classes. Sur cette base Gramsci, grand connaisseur de Vico, conçu sa théorie de la contre-hégémonie.

S’agissant de sciences sociales, il convient donc de ne pas sous-estimer les efforts que les ennemis de l’égalité et de l’émancipation humaines déploient pour barrer la route de la Science, ontologiquement égalitaire ainsi que nous l’avons dit, et en ceci différente de la technique. La hantise de l’élection exclusiviste, raciste et théocratique biblique en est la pire formulation ; elle n’a, à ma connaissance, aucune rivale nulle par ailleurs en ce qui concerne ces tares indélébiles. Dès le début de sa narration, sa terre promise est acquise par des génocides justifiés par un dieu créé pour les besoins de la cause – en plagiant mal et surtout en dénaturant l’héritage des Sumériens et de leurs imitateurs sémites envieux et jaloux, les Akkadiens. Naibonide tenta, par exemple, d’opérer un « retour » risqué à son dieu tutélaire lunaire, alors que les calendriers luni-solaires et solaires étaient déjà bien établis depuis longtemps et se réfugia en Arabie, à Teima, prés de Médine. Cet héritage se retrouve dans le calendrier musulman encore que l’aspect essentiel du Message universaliste du prophète Mohamed était de mettre fin au millénarisme débridé qui empoisonnait le message pythagoricien-christique d’origine en déclarant cette dérive définitivement close, lui-même étant le dernier prophète. Ce faisant il affirmait de nouveau l’égalité de tous, contre l’esclavage et la domination de genre, ce qui explique la propagation fulgurante de l’Islam à ses débuts. Plus tard, l’’Eglise catholique fut pareillement contrainte de déclarer l’époque des miracles révolue.    

Retenons qu’aucune narration ne peut mener à une quelconque authentique planification socialement orientée. Je me suis donc attaché à déblayer le champ de la science sociale contemporaine des falsifications les plus graves, en particulier celles liées à la naissance et au développement hégémonique du marginalisme. Marx lui-même avait dépassé les mystifications de l’économie politique classique telles qu’exposées de manière encore pré-scientifique par les Physiocrates, par Sismondi, par Smith, Ricardo, Torrens ou Quesnay etc., etc.

Cependant, alors que l’économie politique classique était motivée par un désir de connaissance scientifique, le marginalisme naquit dès le départ – J. B. Say, Cournot, Walras, l’Ecole Autrichienne, Fisher et tutti quanti – comme une falsification consciente de la science dans le domaine économique et social, à savoir une falsification dirigée contre le matérialisme historique de Marx, pour conforter la domination de classe. Avec Nietzsche cette régression n’hésita pas à imaginer le « retour » en arrière vers l’inégalité la plus barbare dans un ultime effort pour renverser la marche du devenir humain vers l’émancipation générale. Heidegger ira encore plus loin : comme ce devenir humain avait été révélé objectivement par Vico sur la base des données fournies par la philologie, Heidegger proposa tout simplement de falsifier l’étymologie des principaux concepts. Il fallait empêcher Faust, symbolisant la Première et la Seconde Renaissance ainsi que l’Aufklärung, de rêver un ressourcement en entreprenant le chemin de la Grèce Antique pour illuminer sa lanterne …

Le charlatan Freud fit de même en falsifiant sciemment la psychologie et la psychiatrie modernes pour conforter le statu quo et imposer une artificielle « normalisation » subalterne des individus. J’ai montré que tous les mythes fondateurs de ce charlatan juif-autrichien, qui n’hésita pas à falsifier ses cartes cliniques pour donner de la plausibilité à ces 5 supposés archétypes, sont des vulgaires et vénaux plagiats renversés des analyses du devenir humain que Vico met en lumière dans sa Scienza Nuova. Toute la science bourgeoise suivit ce schéma, grâce entre autre à la sélection académique de classe si chère aux pitres de l’Ecole autrichienne.

Je renvoie ici, entre autre, à mes essais et livres, en particulier :

A ) Sur Joachim : « Notes sur Joachim de Flore pythagoricien » présentées la Conférence organisée par l’association culturelle Gunesh, le 27 août 2016, dans http://rivincitasociale.altervista.org/notes-sur-joachim-de-flore-pythagoricien-presentees-la-conference-organisee-par-lassociation-culturelle-gunesh-le-27-aout-2016/ (Original : « Brevi appunti su Gioacchino da Fiore pitagorico » 27 agosto 2016, dans https://www.la-commune-paraclet.com/ItaliaFrame1Source1.htm#ITALIAet

« NOTA DEL 30 SETTEMBRE 2020. La chiave pitagorica della riformulazione di Gioacchino è data nel Salterio a dieci corde », dans http://rivincitasociale.altervista.org/nota-del-30-settembre-2020-la-chiave-pitagorica-della-riformulazione-gioacchino-data-nel-salterio-dieci-corde/ 

B ) Sur l’ontologie, l’épistémologie et la méthode en science sociale voir mon Introduction méthodologique et mon Précis d’Economie Politique Marxiste, section Livres-Books de mon vieux site jurassique www.la-commune-paraclet.com

C ) Sur Nietzsche: « Nietzsche as a awakened nightmare » idem;

D ) Sur Heidegger: « Heidegger, the intimate corruption of the soul and of Human becoming »,  Idem

E ) Sur le charlatan Sigmund Freud et la psycho-analyse bourgeoise, voir la Seconde partie de mon Pour Marx, contre le nihilisme , section Livres-Books, idem.

Pour bien situer le dépassement du mode de production capitaliste et sa transition possible au socialisme, il sera utile de rappeler brièvement la succession des fractions dominantes du capital qui contribuent à en définir les époques de redistribution. Ces époques visent à lever les contradictions structurelles du MPC dont en premier lieu l’adéquation des forces productives, évoluant sans cesse sous la poussée de la concurrence, avec les rapports de production en sachant que la productivité, qui « libèrent » des masses croissantes de travailleurs, constitue le principal moteur de la compétition entre capitalistes. Or cette Armée de réserve du prolétariat n’est pas automatiquement absorbée par les divers secteurs et industries composant le système. Il arrive, comme cela fut le cas après la Seconde Guerre Mondiale, que les secteurs intermédiaires entraînants – automobile et transport, électrodomestiques, avionique, extension de la bureaucratie d’Etat liée aux services publics etc.- puissent absorber cette main-d’œuvre, à défaut de quoi la  baisse séculaire du temps de travail doit nécessairement prendre le relais pour lever la contradiction qui oppose la surproduction et la sous-consommation. Les dérives coloniales et impérialistes ne permettent pas de résoudre cette contradiction, seulement d’en retarder les effets. J’ai tenté de reformuler cette problématique en soulignant les développements propres aux Welfare State keynésien ou à l’Etat social européen issu de la Résistance, donc des cartons du Conseil National de la Résistance en France, dans mon Livre III intitulé Keynésianisme, Marxisme, Stabilité Economique et Croissance, 2005.

On passe ainsi du capitalisme marchand coexistant avec la Monarchie absolue – P. Anderson etc. – au capitalisme bancaire et à sa démocratie censitaire, au capitalisme industriel et à ses premières conquêtes populaires, dont le scrutin universel. Les études historiques de Marx centrées sur le déroulement exemplaire car presque logiquement linéaire des évènements en France constitue la plus belle démonstration de la méthode du matérialisme historique appuyée par la grille d’analyse offerte par la critique de l’économie politique – y compris le Capital – à l’étude de l’Histoire et de la lutte de classe.

 Marx avait également initié l’étude du crédit qui fut ensuite élaborée par Paul Lafargue, Hobson, Hilferding et Lénine. Il avait souligné la nouvelle dominance du capital financier – trusts et cartels – allant de pair avec le passage du colonialisme, nécessitant l’acquisition de débouchés et des comptoirs d’échange, pour finalement déboucher sur la domination directe impérialiste. Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, c’est le capital productif international incarné par les Multinationales qui prit le relais en imposant son ordre mondial – Banque mondiale, Fmi, Gatt etc. Avec la contre-révolution néolibérale monétariste menée par Volcker-Thatcher-Reagan, le capital spéculatif global postula pour l’hégémonie et l’imposa légalement avec l’abolition du cloisonnement du monde de la finance en 4 piliers distincts – banque de dépôt, banque commerciale, assurance et caisse d’épargne – lors de l’abrogation en 1999 du Glass Steagall Act adopté par les New Dealers de Delano Franklin Roosevelt en 1933 en réponse au chaos socio-économique induit pas la Grande Dépression.

Ce cycle de l’hégémonie de la finance spéculative arrive aujourd’hui à sa fin. A l’instar des Années Vingt du Siècle dernier, le capitalisme est de nouveau confronté à sa fatidique croisée des chemins : versera-t-il dans le fascisme philo-sémite nietzschéen sacrifiant le libéralisme – formellement – démocratique, qui allait de pair avec le MPC dès son origine, pour sauver la propriété privée coûte que coûte, ou bien recourra-t-il encore une fois à une intervention accrue de l’Etat pour rétablir l’équilibre du système et sauver le MPC de ses propres « esprits animaux » en le réformant démocratiquement ? C’est ce qui firent le keynésianisme et la théorie de la régulation socio-économique européenne qui à leur meilleur prirent la forme de la planification indicative et incitative mise en œuvre au sein d’une économie mixte grâce à l’appui du crédit public et du plein-emploi.

Un mot sur le Welfare State keynésien et sur la régulation économique pratiquée par l’Etat social européen.

Au fond, ces théories de la régulation reposent sur un principe simple qui prit la forme imagée du système hydraulique keynésien, menant à la fausse image du « pump priming ». Etant donné un ensemble de variables interdépendantes, le système peut être géré de manière optimale en posant le plein-emploi comme variable indépendante et donc déterminante. Ceci est d’autant plus vrai que le plein-emploi financera le système de Sécurité Sociale. Une partie de l’épargne institutionnalisée ainsi constituée deviendra productive et soutiendra l’activité économique en agissant comme un levier contre-cyclique, plutôt que d’alimenter dangereusement la spéculation comme ceci fut le cas pendant les années de Booms and Busts qui menèrent à la Grande Dépression. En outre, la fiscalité progressive permettra de financer l’intervention sociale et productive de l’Etat, assurant ainsi les bases macro-économiques de la productivité micro-économique par les infrastructures et les services publics. Le crédit public, qui permet en effet une plus ample anticipation des investissements productifs, accélèrera encore le processus.

Surtout, en procédant de la sorte, le Welfare State anglo-saxon et l’Etat social européen, s’assuraient deux points d’appui importants, d’abord la stabilité des prix grâce au contrôle des masses salariales – partage équitable des gains de productivité organisé par la démocratie industrielle chapeautée par le Conseil Economique et Social – et par leur mise à l’abri de la contamination spéculative du crédit privé, vu le rôle que joue la banque centrale publique pour assurer le crédit public nécessaire pour le financement de l’Etat et des entreprises publiques. La stabilité des prix était encore soutenue par les barrières tarifaires au sein du GATT – le meilleur exemple étant celui de la PAC gaullienne qui assura, avant le Plan Mansholt qui était directement inspiré par le club de Rome,  une vraie « souveraineté alimentaire » quoique fondée sur la concentration accrue des terres arables.

On reconnaîtra ici la tentative bourgeoise d’instrumentaliser sans le dire la RS-RE et les circuits du capital mis en lumière par Marx : l’intervention de l’Etat rééquilibrait les écarts quantitatifs et qualitatifs vérifiés par la planification. A part Bismarck, on sait aujourd’hui que Keynes s’inspira fortement de Marx sans le dire. En Grande Bretagne se développa ensuite une école dite du backplanning. Le principe tiré de l’historicisme bourgeois – Benedetto Croce, Collingwood etc. – était simple : personne ne possède de boule de cristal, cependant dans une structure relativement stable, ce qui est le cas des systèmes socioéconomiques, on peut planifier à court, moyen et long termes sur la base de l’étude de ses tendances, quitte à réajuster le tir en cours de route pour atteindre au mieux les objectifs fixés – voir la Note 9 de mon Livre III.

J’ai montré la faille de ce système pourtant socialement avancé : il reste fondé sur la théorie marginaliste et sur la productivité marginale du capital. Ceci est conservé par Keynes qui n’était pourtant nullement dupe en ce qui concerne les failles logiques du marginalisme ; il le fait  pour préserver le fondement de la société capitaliste, à savoir la détermination par les choix personnels – selon la structure des revenus, n’en déplaise à Pigou  etc. Il tentait de légitimer ainsi la narration de l’offre et de la demande. Le libre « marché » et son idéologie étaient ainsi saufs moyennant l’intervention de l’Etat et la conservation du plein-emploi dans une Formation Sociale permettant le contrôle paramétrique interne de la formation de la valeur d’échange et des prix. Au grand dam de certains économistes dont le grand économiste walrasien classique – plus Auguste que Léon – Maurice Allais, le détricotage – pardon « la déconstruction » – de l’Etat providence alla de pair avec le remplacement du Gatt par le libre échange entériné par l’Uruguay Round et avec la fin du crédit public contrôlé par la banque publique. Les droits sociaux furent ensuite détricotés lentement pour éviter des réactions trop énergiques de la classe ouvrière.

Keynes, quant à lui, était près à aller très loin dans les réformes en contemplant, à l’instar de Paul Lafargue, à qui il emprunte l’idée, bien entendu sans le citer, la possibilité d’instaurer une semaine de 15 heures. J’ai dit dans mon Livre III que le grand bourgeois Keynes, trader directement connecté avec l’Exchequer, ce qui ne gâte rien, tenait beaucoup à son ascendante nobiliaire normande. Il était, en outre, très lié avec le Cercle de Bloomsbury. Au fond, ayant étudié Schacht mais désormais averti des horreurs du « retour » philo-sémite nietzschéen mis en branle par le fascisme et le nazisme, il tenait à préserver certaines libertés fondamentales tout en suivant Lord Beveridge sur le plan social. En réaction à la Révolution bolchévique, celui-ci avait vite compris l’importance d’inclure les libertés sociales parmi  les libertés fondamentales.

Ce substrat civilistionnel maintenu est susceptible de faire transiter le MPC vers une société sans cesse plus concrètement égalitaire. En somme, ce qui peut être conçu comme une lente mais inéluctable transition pacifique au socialisme. Keynes qui s’inspira tant de Marx pour arriver à sa synthèse la plus avancée qu’il formula dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt de la monnaie, 1936, serait sans doute heureux d’apprendre que la Déclaration Universelle des Droits Fondamentaux Individuels et Sociaux – aujourd’hui dangereusement foulée aux pieds par les néolibéraux monétaristes – fut le fruit de l’alliance qui défit le nazi-fascisme et que sa rédaction dut beaucoup aux efforts de Staline et de ses diplomates. A l’inverse, un René Cassin était besogneusement occupé à en donner une interprétation compatible avec le Lévitique, cette copie sectaire du Code Hammourabi. Je note en passant que dans ce code marqua un pas de plus dans la civilisation, la règle de justice « œil pour œil, dent pour dent » étant susceptible d’être transmutée selon l’accord volontaires des parties en conflit, ce qui n’est plus le cas dans le texte hébreux.  

Je conclurais simplement en souligna l’inanité désastreuse du « calcul économique » de Bettelheim. A supposer que sa « forme-valeur » ne soit réservée qu’au MPC, elle ne permet aucunement aux acteurs privés et étatiques de ce Mode de le gérer rigoureusement sans une forte intervention correctrice de l’Etat interventionnisme. Les crises récurrentes du MPC sont son vrai calcul économique permettant de rééquilibrer les Mp et le Cn dans l’équilibre général … sur le dos des travailleurs. Si maintenant vous comprenez que toutes les fonctions de production micro-économiques peuvent être réorganisées au sein des deux grands secteurs SI et SII – avec leurs sous-secteurs et branche d’industrie, voire leurs filières trans-sectorielles – et que la plus-value empochée de manière privée peut être conçue comme une « plus-value sociale » dans la RS-RE, alors vous aurez compris que le calcul économique rigoureux ne prend son envol que sur la base de la loi de la valeur de Marx intégrée dans les Equations des la Reproduction Simple et Elargie. C’est d’ailleurs ce qui explique les grands succès, en termes de croissance et de redistribution plus égalitaires des ressources collectivement créées, des systèmes de planification, tant ceux de l’Etat social que ceux de la transition proprement socialiste.

Au fond ceci était déjà contenu en germe dans les Manuscrits parisiens de 1844 où Marx remarquait :

 a ) que les oscillations de la concurrence s’éliminent par elles-mêmes dans le moyen et le long terme de sorte que la concurrence ne peut pas être l’explication scientifique des « prix » ou des valeur d’échange et

b ) que la société devait assurer la reproduction de ses membres dans la Nature et l’Histoire, ce qui imposait un équilibre particulier mettant en œuvre une consommation productive et une consommation sociale, ce que Marx résuma par le concept de « demande sociale ». Ce concept entièrement élucidé de manière scientifique n’est rien d’autre que l’équilibre stationnaire de la RS et l’équilibre dynamique de la RE. Sans la RS-RE nul calcul scientifiquement rigoureux ne saurait être concevable.           

En ce qui concerne la transition au socialisme, en particulier la transition pacifique, il convient de rappeler que l’Etat et la révolution de Lénine ne l’exclut pas. Rosa Luxembourg et Gramsci, entre-autres, nous ont laissé de précieuses analyses. En soulignant le rôle de propagation d’une vision du monde alternative, plus moderne et mieux en prise avec la réalité, grâce à l’Encyclopédie et à ses planches illustratives qui ouvrirent la voie aux Idéaux de la Révolution française, Gramsci posait la première pierre de sa précieuse théorie de l’hégémonie et de la contre-hégémonie, complétant ainsi les analyses sur la position et la conscience de classe. Il convient de développer ces théories en tenant compte de nos circonstances présentes.

J’ai modestement tenté de le faire, par exemple dans le chapitre intitulé « Réformes démocratiques révolutionnaires ou lamentable Rossinante du réformisme » de mon Tous ensemble. Comme chacun sait le président Hollande ne fut pas le continuateur du Premier Ministre socialiste méthodique et intègre que fut M. Lionel Jospin. Ce qui me força à revenir sur ma tentative d’analyse en soulignant ce qui devrait être une évidence pour les marxistes : en effet, s’il est bien vrai que la direction est plus importante que la vitesse de la transition, cette dernière étant sujette à l’état des luttes et des alliances de classe, la différence vient de l’authenticité socialiste des partis et de ses dirigeants qui guident la transition. Ce qui, faute de tourner en rond, renvoie nécessairement au statut scientifique du marxisme et des idées socialistes qui seul permet une persuasion citoyenne autour d’un programme émancipateur.

La méthode scientifique est également une expression avancée de la démocratie puisque la critique avec droit de réponse est ouverte à toutes et tous pour mieux valider les résultats. Dès le début avec Rousseau, Condorcet et tant d’autres la République supposa l’éducation nationale laïque, le citoyen étant amené à faire des choix au sein de la polis. C’est en ce sens que le « peuple » a toujours raison hors de toute démagogie. Gramsci le disait déjà à sa manière en initiant l’étude marxiste des systèmes judiciaires aboutissant à son analyse du droit de la défense et des procédures rigoureuses de validation des preuves. Si le marxisme n’était pas scientifique comme le prétendait Marx, alors il n’aurait aucun intérêt pour nous … et pour la planification socialiste. (voir  « La marche à l’étoile … de minuit des philo-sémites nietzschéens actuels »,    http://rivincitasociale.altervista.org/la-marche-letoile-de-minuit-des-philo-semites-nietzscheens-actuels/ )

Surtout, j’ai tenté de mettre à jour et de dénoncer les falsifications visant à brouiller la marche à la transition au socialisme, en particulier celles mises de l’avant par le socialisme marginaliste, voir : « Le socialisme marginaliste ou comment s’enchaîner soi-même dans la caverne capitaliste » section Economie Politique Internationale de mon vieux site.

Le bien intentionné Oskar Lange tenta de prendre au pied de la lettre la revendication walrasienne, vite généralisée parmi les économistes bourgeois, concernant la scientificité du marginalisme qui devait, en effet, être affirmée pour faire pièce à la revendication marxiste concernant le statut scientifique et donc universel de la Loi de la valeur et du matérialisme historique.  Voir à ce sujet le fondamental On the Economic Theory of Socialism, Oskar Lange et Fred M. Taylor, McGraw-Hill, 1964.

Nous avons expliqué qu’au grand dam de l’école économique historique allemande représentée par Gustav Schmoller, pour ne pas mentionner les critiques des renégats austro-marxistes à cette même époque, cette prétention tenait uniquement sur l’affirmation voulant que la mentalité acquisitive capitaliste était commune à toutes les époques et dans tous les lieux, y compris parmi les sociétés pratiquant le don, le contre-don et le potlatch. Cette falsification éhontée usera de la sélection idéologique de classe par sa domination bourgeoise des écoles et des universités et généralement de l’enseignement des sciences, dont la psychologie. Il s’agissait d’imposer cette falsification comme un nouveau Crédo dans une tentative de créer un renforcement inter-disciplinaire dominant, donc une Vérité.

Si le marginalisme était science alors le bon Oskar Lange se mit à chercher les moyens de l’appliquer pour favoriser le socialisme. Il œuvra dans un espace de transition spécial développé par Staline sous le nom de Démocratie populaire. Le dirigeant bolchévique le fit sur la base des éléments fournis par Gramsci pour la transition des sociétés ayant connu une démocratie bourgeoise développée à la différence de la Russie tsariste. Les Bolchéviques avaient fait un pas en arrière en URSS en implémentant la NEP pour mieux resauter avec la planification axée sur la collectivisation des terres conçue comme l’alliance de classes la plus avancée possible entre le prolétariat des villes et les paysans de la campagne.

La figure intellectuelle d’Oskar Lange contribua beaucoup à légitimer les nouvelles Démocraties populaires en signalant le ralliement de l’intelligentsia anti-nazi-fasciste. Sans la mort de Staline, les rectifications nécessaires auraient été apportées sur la base des conditions matérielles nécessaires à un nouveau consensus socialiste. C’est le contraire qui eut lieu avec les successeurs renégats de Staline. Ceci  mena à la trahison de classe ouverte initiée par Khrouchtchev et Liberman, trahison qui mena finalement, via Andropov et Gorbatchev, à la destruction interne de l’URSS … mais justement pas de la Chine, toujours appuyée pour sa part sur le socialisme à caractère chinois et donc sur le contrôle étatique le plus étendu possible selon les circonstances de la « plus-value sociale » et du crédit public. Pour un bref aperçu de la contribution de Gramsci voir « Althusser, or why compromising compromises should be rejected » dans Download Now, section Livres-Books de mon vieux site.

Nous pouvons aujourd’hui préciser les bases de la falsification consciente menée par Charles Bettelheim dans sa  prétentieuse remise en cause de la planification soviétique. Génériquement et de manière typiquement sournoise, elle remet en cause la planification elle-même tant stalinienne que post-stalinienne. Sa tentative de se masquer derrière l’importance des « superstructures » en tentant d’instrumentaliser Moa Zedong ne fait que dévoiler encore plus sa manœuvre falsificatrice puisque il ignore sciemment les éléments hautement scientifiques des critiques maoïstes.

Nous montrerons que Paul Sweezy finit à tort par être impressionné par ce pitre, qui contribua fortement à inspirer la méfiance de Fidel et du Che par rapport aux discours creux académiques sur la « loi de la valeur » et la soi-disant « forme-valeur ».  Ce faisant, vrai bégaiement biblique toujours fidèle à lui-même, les vraies recherches scientifiques sur la loi de la valeur et la planification socialiste furent évacuées des universités et des Grandes Ecoles. La sur-représentation fit le reste.

La falsification consciente de Bettelheim et la confusion induite de Paul Sweezy.

Les pitreries théoriques de Ch. Bettelheim

Le juif-français Charles Bettelheim exposa les arguments principaux de sa falsification consciente dans son livre Calcul économique et formes de propriété, Maspero, 1970. J’ai utilisé ici la version anglaise Economic calculation and forms of property : an essay on the transition between capitalism and socialism, Monthly Review, 1975, car il me semble intéressant de le lire à la lueur de la discussion avec Paul Sweezy présentée dans le recueil d’articles intitulé On the transition to Socialism, Monthly Review, 1972.

Comment fonctionne la falsification de Bettelheim ? Il sait que la question du calcul économique dans le sens de la congruence entre quantités produites et valeurs d’échange ou prix est le talon d’Achille de la planification soviétique depuis le début. Il sait que l’origine de ce problème est la critique – par moi démontrée être LA falsification originale imaginée contre le marxisme et contre le Capital de Marx –  de Böhm-Bawerk selon lequel la loi de la valeur du Livre I du Capital ainsi que les schémas de la Reproduction Simple et Elargie du Livre II seraient démentis de manière logiquement létale par le Livre III et ses prix de production. Selon le pitre falsificateur autrichien – et à raison – on ne peut avoir un schéma ex ante en valeur d’échange qui aboutisse à un schéma ex post en prix de production puisque au tour suivant de la reproduction ces prix de production jouent le rôle de valeurs d’échange. J’ai démontré que ceci n’était qu’une falsification consciente fondée sur le choix des brouillons effectué par les renégats juifs-autrichiens Kautsky, Bernstein et autres qui furent retenus pour composer les Livres II et III du Capital après la mort de Marx. La première démonstration publiée se trouve dans mon Tous ensemble (1998)  

Ce problème créé de toute pièce est finalement résolu par la démonstration de la loi de la productivité marxiste – donc scientifique – et par son insertion cohérente dans les Equations de la Reproduction Simple et de la Reproduction Elargie. Tout redevient alors cohérent en termes de quantités, de valeurs d’échange ou de prix, d’heures et de nombre d’ouvriers physiques utilisés. Bettelheim sait que le problème de la transformation des valeurs d’échange en prix de production n’est pas recevable scientifiquement; il sait, par Althusser, que les Livres II et III du Capital contrairement au Livre I, ne furent pas rédigés en tant que tels par Marx lui-même. Ce cœur du problème, il l’effleure sans insister en note et en une demie ligne – p 27 et p 143 . Ce qui explique que l’expression calcul économique figure dans le texte, sans pour autant que sa prose prétentieuse et falsificatrice ne proposât la moindre tentative de calcul économique en tant que tel, ni capitaliste, ni socialiste. Curieuse critique du calcul économique, vous en conviendrez.

La clarification de cette occultation concernant la problématique de la transformation des valeurs d’échange en prix de production nous fournit l’occasion d’insister sur un point crucial qui concerne l’épistémologie et la méthode.

Voici le charabia mystificateur de la Note 10 p 27 sur le soi-disant problème de la transformation : «Le concept de ” temps de travail socialement nécessaire ” n’est posé par Marx que dans le premier volume du Capital et n’est pleinement développé que dans le troisième volume : c’est là que nous voyons que l’égale participation du capital investi dans les différentes branches de production (c’est-à-dire l’égalisation des taux de profit) est la condition sous laquelle les dépenses de travail effectuées dans les différentes branches sont socialement nécessaires (c’est-à-dire tant que la reproduction élargie des relations capitalistes de production est accomplie par la concurrence du capital dans les différentes sphères d’investissement).» (retraduit de l’anglais)

Voici le charabia mystificateur de la page 143 : « Dans le texte ci-dessus, l’expression ” loi de la valeur ” est utilisée au sens traditionnel (c’est-à-dire au sens étroit) ; elle indique ainsi la forme spécifique que prend la loi de la répartition du travail social en fonction des exigences de la reproduction et de la transformation des rapports de production dans les formations sociales où existent des rapports capitalistes (formations dans lesquelles la forme-valeur est présente dans le processus de production lui-même, où les ” prix de production ” jouent un rôle…). »

En 1970 Bettelheim, Christian Palloix et Arghiri Emmanuel avaient participé à un important débat « à propos de l’échange inégal » dans la Revue L’Homme et la Société n 18, 1970. (Pour les meilleures  tentatives, toutes avortés, de résoudre le  (faux ) problème de la transformation, voir Arghiri Emmanuel, A propos de l’échange inégal, L’Homme et la société, n 18, 1970,  https://www.persee.fr/issue/homso_0018-4306_1970_num_18_1 . Sa contribution : https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1970_num_18_1_1347 )

Le cœur du problème était le problème de la transformation des valeurs en prix de production. Lorsque ce faux problème est doublement dissipé par le dévoilement de sa genèse historique, soi la falsification de Böhm-Bawerk, et de son sophisme logique balayé par ma théorie de la productivité marxiste, alors la théorie larmoyante et mystificatrice de l’échange inégal tombe à l’eau et la compréhension des mécanismes du développement du sous-développement apparaissent plus clairement.

Arghiri Emmanuel à beau trouver incompréhensible que le salaire de l’ouvrier produisant des spaghettis est inférieur au Maroc en comparaison avec l’Europe. Il ne s’agit nullement d’un vol exigeant une réparation moralisatrice portant sur de meilleurs termes de change, mais bien d’une loi économique qui met en cause l’exploitation impérialiste. En effet, la valeur de change des devises se forme dans la Formation Sociale et l’échange international comme l’échange domestique se fait selon la valeur d’échange. Cette valeur d’échange implique aussi bien la productivité micro-économique que la compétitivité macro-économique au sein de chacune des FS considérées. De fait, comme la reproduction de la force de travail au Maroc ou en Chine coûte moins – pour diverses raisons donc la production locale des Cn – l’ouvrier coûtant moins mais travaillant sur une machine similaire ou presque produira des volumes de profit autrement plus grands.

C’est bien là que réside la logique des délocalisations et autres offshorings et de l’outsourcing. Mais, les pays riches contrôlent les normes et les brevets alors que les filiales des multinationales et des transnationales, œuvrent main dans la main pour limiter la syndicalisation dans les pays hôtes, tout en rapatriant les profits. Si, en outre, ces outflows de capital se produisent en présence d’un secteur bancaire domestique lacunaire et soumis, à l’instar de la dette publique et privée soumise au capital bancaire et financier international, lui-même subordonné au Consensus de Washington, alors le développement du sous-développement ne peut que s’accélérer. Avec leurs conditionnalités, la Banque Mondiale et le FMI, voire les Clubs de Londres et de Paris, se chargeront de maintenir ce garrot aux cous des pays ainsi endettés. Lorsque, suivant les recettes des Chicago Boys, les pays produisent pour rembourser prioritairement leurs créanciers externes, le capital nécessaire aux investissements domestiques fera défaut et la dette publique fera boule de neige avec des taux d’intérêts s’alimentant à cet accroissement du « risque pays ». Ce Catch-22 s’avère encore plus délétère lorsque le crédit public est lui-aussi privatisé.

Dans la revue citée, Arghiri Emmanuel appuie son argument sur la démonstration en apparence logiquement impeccable de l’impossibilité de défendre la thèse marxiste de l’échange égal se faisant à la valeur d’échange puisque toutes les tentatives de résoudre le problème de la transformation qu’il étaie en bon connaisseur, ont failli. Et, de fait, avant ma démonstration, force était de reconnaître que Arghiri Emmanuel avait formellement raison.

Mais formellement uniquement puisque, et c’est le sens de l’article de Palloix, du moins dans le long terme l’échange économique ne peut advenir qu’en constatant l’égalité formelle de A échangée contre B. A ce point de vue, même sans poser la question fondamentale que pose Aristote et que Marx résout, à savoir comment peut-on échanger un lit contre un trépieds, quel en est le nécessaire étalon de mesure commun, on peut déjà comprendre qu’en modifiant les termes de change sans changer les conditions de production, notamment la productivité et la cohérence de la RS-RE dans la Formation Sociale dominée, les choses ne changeront guère. Au mieux, elles s’aggraveront en ajoutant des effets monétaires mal compris. Dans cette discussion, Bettelheim insiste lui-aussi sur l’exploitation, en reconnaissant que l’échange inégal sans elle n’explique rien. Mais, on le voit, il n’ignorait rien de l’importance de la résolution du problème de la transformation, qu’il évacue pourtant en parlant de la transition au socialisme.

 Rosa Luxemburg avait elle-aussi démontré les incohérences de la Reproduction élargie – RE- telle que présentée dans le Livre II du Capital publié par Kautsky, Bernstein etc. Ce qui la mit directement en conflit avec les renégats austro-marxistes. Selon elle, les contradictions de la RE étaient levées en pratique par le report des contradictions internes du MPC vers l’extérieur du fait de sa dominance destructrice des autres modes de production. Cette fuite en avant est au cœur de sa théorie de l’impérialisme que Lénine corrigea. Néanmoins dans son L’accumulation de capital, Rosa Luxembourg fournit des études historiques du plus grand intérêt : par exemple, le trafic de l’opium organisé par l’empire britannique pour financer le fameux « burden of empire » ; ainsi l’opium était cultivé en Inde et écoulé en Chine grâce à la politique d’ouverture par la canonnière et la baïonnette. C’est une description superbe qui fut reformulée ensuite – par ex, par l’excellent André Gunder Frank – pour décrire la logique du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et les Antilles.  (Sur Rosa Luxembourg voir UNE AUTRE INEPTIE SUR LES CIRCUITS DU CAPITAL DE MARX ET SUR LA RÉALISATION SELON G. DUMÉNIL ET D. LÉVY, Déc. 22, 2019-27 janvier 2020., http://rivincitasociale.altervista.org/une-autre-ineptie-sur-les-circuits-du-capital-de-marx-et-sur-la-realisation-selon-g-dumenil-et-d-levy-dec-22-2019-27-janvier-2020/ 

Cependant même avant de posséder la loi marxiste de la productivité qui envoie ce faux problème au tas de fumier de l’Histoire d’où il n’aurait jamais du sortir, il reste un fait scientifique important bien connu en science : les théories dominantes sont récusées tant par les faits que par la critique alors que l’émergence de l’alternative scientifique n’est pas encore entièrement établie. Ce fut le cas avec l’œuvre de Marx, du moins celle qu’il publia lui-même. Cette œuvre dévoile le « concret pensé » de l’économie politique qui lui donne la possibilité de prouver scientifiquement la commensurabilité des marchandises entre elles. Ce « concret pensé » illumine la situation passée tout en permettant de mieux saisir la réalité présente et de concevoir tentativement le futur – par exemple, concrètement, par la planification. Mais il reste des points obscures.

La science impose alors d’en prendre acte sans la moindre occultation. Et de remettre l’œuvre sur le métier. C’est, par exemple, ce que fait honnêtement Paul Sweezy avec son pragmatisme américain. Pour provoquer la recherche scientifique nécessaire il publia les données connues à l’époque sur le problème de la transformation. Ne réussissant pas lui-même à le résoudre, il constate néanmoins la prise sur la réalité socio-économique et la cohérence de la RS lorsque la composition organique et le taux de plus-value sont identiques dans les deux secteurs Si et SII. Reste à comprendre ce qui se passe lorsque cette condition n’est pas respectée. Rigoureusement, Sweezy conserve l’idée marxiste incontestable de l’extraction de la plus-value comme seule base rationnelle au profit capitaliste, ce qui réaffirme le droit des travailleurs aux fruits de leur travail, au moins en proportion au travail qu’ils fournissent. Il reformule alors la plus-value en « Surplus » et tente une interprétation marxiste de l’équilibre dynamique en intégrant ce qu’il peut de Keynes, de Kalecki, de Steindl etc. Surtout, il réalise que l’étude historique est alors nécessaire pour ne pas sombrer dans les inepties de l’équilibre méta-magique marginaliste.

En grand épistémologue Althusser ira beaucoup plus loin. Il reprend les classiques dont la Méthode de Marx ébauchée en quelques pages, mais également la belle étude méthodologique marxiste de Mao Zedong intitulée On practice. On the Relation Between Knowledge and Practice, Between Knowing and Doing,  July 1937, https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-1/mswv1_16.htm

Sur ces bases, il écrit son essai « On the Materialist Dialectic: on the Unevenness of the Origins » (https://www.marxists.org/reference/archive/althusser/1963/unevenness.htm ) Cet essai fundamental résume en quelque sorte toute sa démarche et ajoute aux contributions modernes, en particulier celles de Koyré, le grand pourfendeur de « l’empirisme baconien ». En suivant les indications puisées dans la Méthode de Marx, il démontre la découverte du « concret pensé » de l’économie politique, découverte entrevue par Aristote, Smith, Ricardo etc. et enfin démontrée par Marx. La question devient alors : comment procède la méthode scientifique à partir de là pour lever les angles morts qui persistent ? C’est la partie la plus aisée puisqu’elle se résout selon la méthode syllogistique : examen des prémisses, majeure et mineure, pour leur congruence avec la Réalité ; et examen des conclusions logiques et des inférences qui en découlent. Mais comment procède-t-on lorsque le « concret pensé » n’est pas établi de manière sûre dans l’Univers sous examen ? Par approches successives répondent Mao et Althusser cernant toujours mieux le problème, sans a priori. Althusser tente alors de spécifier les degrés de cette approches, P1, P2, etc. Dans mon Introduction méthodologique j’ai proposé la preuve par le puzzle : avant que l’image complète – d’un univers donné – soit atteinte, elle se devine. Et dès lors les hypothèses se font plus pointues pour compléter la connaissance de cet Univers. 

J’illustrerais volontiers en écartant la mécanique idéologique de Th. Kuhn avec ses substitutions de paradigmes dans le temps, en citant Le souper des Cendres de Giordano Bruno. Le grand nolain, grand connaisseur des pythagoriciens de pointe, dont Philolaos, dont les œuvres ne cessèrent de circuler sous le manteau dans le Sud de l’Italie, et grand mathématicien de surcroît, constate facilement l’absence de congruence des théories de son époques avec les faits désormais mieux disponibles. Sur cette base, il montre comment Copernic fait un pas dans la bonne direction, mais un pas uniquement, le système héliocentrique faisant partie d’une Réalité plus vaste qu’il faut encore s’employer à comprendre sans la corseter dans un nouveau paradigme copernicien. La plus belle illustration que je connaisse de la méthode de Bruno est sa systémique tentative, inspirée à l’évidence de la Concordia de Joachim de Flore, de mettre de l’ordre dans les connaissances astronomiques léguées par le passé, même sous les oripeaux de l’astrologie et des récits mythiques. Il tente bravement cette aventure de systématisation proprement scientifique dans son On Compostion .

Schiaparelli et Flammarion ne feront pas autre chose mais sur la base de connaissances scientifiques plus modernes. L’astronomie moderne reste redevable à Bruno, non seulement pour son approche épistémologique et méthodologique mais également pour sa manière de concevoir la vie et la conscience dans l’Univers, encore que Bruno ne limite pas ces manifestations à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la vie à base carbone.  Bruno était un dialecticien matérialiste, il procéda à la reformulation moderne de la Monade pythagoricienne qui informera Spinoza et contre qui le rosicrucien réactionnaire Leibnitz écrivit sa Monadologie pour troubler les eaux, œuvre que Hegel poursuivit pour être finalement corrigé par Marx. Les corrections apportées par Marx complétèrent le premier grand déblayage épistémologue opéré par I. Kant, qui fut capable de distinguer entre Raison pure et Raison pratique en mettant en lisse ses méthodes d’investigation et d’exposition. Au fond, il aura suffit à Marx d’historiciser cette double méthode et son ancrage laïque et éthico-politique. (Voir la puissante quoique brève analyse kantienne intitulée Fondements de la métaphysique des mœurs et son impératif catégorique qui, au fond, se retrouvera dans l’article premier de la première constitution républicaine affirmant que la liberté des uns finit là où commence celle des autres.)     

Lénine et Rosa Luxembourg, ainsi que tous les vrais marxistes bolchéviques ou maoïstes, sans excepter le Che, avaient procédé de toute autre manière que Bettelheim, c’est-à-dire scientifiquement. Il ressortait que le Schéma de la Reproduction Simple fournissait un modèle scientifique congruent avec la réalité socio-économique en équilibre stationnaire tant en quantités qu’en valeurs d’échange ou prix en posant une composition organique et un taux d’exploitation identiques dans les deux grands secteurs, SI, le Secteur des Moyens de production ou Mp, et SII le Secteur des Moyens de consommation ou Cn. Or, cette prouesse marxiste aucune théorie bourgeoise n’est capable de l’égaler et donc de concilier de manière cohérente la micro-économie et la macro-économie. Ceci n’est pas une situation particulière, comme le dit Marx dans un de ses brouillons d’investigation. Cette cohérence de la RS demeure vraie pour la RE et donc généralisable, grâce à la loi marxiste de la productivité. J’ai donc démontré que le pitre véritable Böhm-Bawerk avait tout à fait raison en insistant sur la contradiction létale ex ante/post hoc quoique, loin d’affecter le marxisme de Marx restitué dans sa scientificité, elle invalide d’emblée « roots and branches » toutes les théories économiques bourgeoises, tant les schémas d’Offre et de Demande que, par voie de conséquence, la possibilité de concilier micro-économie et macro-économie.

Ainsi Lénine avait commencé à investiguer la question de la juste proportion entre les deux secteurs en posant la question du développement des Mp non seulement nécessaires au Secteur SI mais aussi au Secteur SII. Boukharine fournit le beau résumé en trois équations formalisation les Equations de la RS. Rosa Luxembourg, tentant d’élucider l’œuvre de Marx pour la RE, démontra les contradictions émergeant de la publication qui en avait été faite par les pontifes de l’école austro-marxiste. Staline et Mao reprirent le problème en insistant sur les « justes proportions » entre SI et SII selon les déterminants concrets, dont l’état de la lutte des classes. Nous y reviendrons.

Notons déjà que ceci n’intéresse aucunement le verbeux Bettelheim. Il s’est donné une autre mission, celle de falsifier irrémédiablement le débat. Pour donner le change, il emprunte un certain nombre de concepts clés formulés grâce au grand marxiste Louis Althusser, mais il les vide de leurs substances. Ainsi les concepts de formes de propriété et de possession, de rapports juridiques, de Formation Sociale, de coexistence à dominance des modes en période de transition.

Le moyen typiquement « pitre » – au sens précis de la psychoanalyse marxiste par moi élaborée dans mon Pour Marx, contre le nihilisme –  utilisé par Bettelheim pour ce faire, consiste à évacuer toutes les formes historiques dominantes d’extraction de la plus-value qui sont pourtant nécessaires pour expliquer la différence spécifique qui oppose les modes de production.

Ainsi la plus-value absolue axée sur la durée du travail, est la forme dominante d’extraction de la plus-value dans les sociétés pré-capitalistes dont les innovations techniques ont une durée longue donc imperceptibles du point de vue de l’oscillation quotidienne des valeurs d’échange et des prix; la plus-value relative se décompose pour sa part en intensité conjoncturelle du travail, les proverbiaux coups de collier qui existent dans tous les modes, et en intensité structurelle, à proprement la productivité, qui est la forme dominante avec le MPC et qui lui confère son caractère révolutionnaire ; enfin, en élaborant le concept de Fonds social proposé par Marx dans sa Critique du programme de Gotha j’ai proposé la « plus-value sociale » comme forme dominante du mode de production socialiste, forme qui exclut de plus en plus toute exploitation directe de l’Homme par l’Homme de par sa nature socialement déterminée. Sur cette base, le calcul économique peut être rigoureux pour tous les modes et pour leur époques. J’avais signalé ceci aux historiens en pointant la nécessité de réinterpréter les « prix constants » aujourd’hui déterminés en référence à une aléatoire base 100 au mieux établie selon la méthode empiriste de J. Fourastié – travail du manœuvre, miroirs etc. – , à la lueur de la loi de la valeur, dans Précis d’Economie Politique Marxiste.  

Bettelheim pour sa part ne considère que son magma informe mais donné sous les atours pseudo-philosophiques de « forme-valeur ». Un étudiant sérieux qui connaît un peu son Marx sait que l’expression « forme-valeur » n’a aucun sens. Marx s’était gaussé de l’expression « valeur du travail » en la caractérisant logiquement comme un « syllogisme jaune ». On ne comprend rien à l’extraction de la plus-value en parlant, comme le faisait Smith et Ricardo ou Torrens etc., de valeur du travail. Le concept scientifique est celui de « valeur de la force de travail », vendue sur le marché comme n’importe quelle marchandise et qui met en scène le travail cristallisé présent dans le procès de production sous forme de capital constant – c – et de capital variable – v –, ce qui permet au travail vivant porté par le support  « v » de dégager la plus-value, qui est la base du profit. Comment les althussériens ont-ils permis à Bettelheim de s’exposer de manière si outrée avec autant de chutzpah en dit long sur l’attitude de certains étudiants dans les écoles bourgeoises qui finissent trop souvent par sombrer – certains à leur corps défendant – dans la marxologie la plus niaise, voire la plus obscurantiste.

Une fois ce tour de passe-passe accompli, il reste à Bettelheim, selon la manière usuelle, à développer sa falsification de départ avec plausibilité. Pour ceci, il lui suffit de puiser quelques problèmes et quelques ambigüités dans les classiques utilisés comme sources du Crédo placées hors de tout questionnement. Il utilisera ainsi Engels et Staline.

Bettelheim commence par instrumentaliser un texte de Engels tiré de l’Anti-Dühring dans lequel l’ami de Marx analyse succinctement « les conditions nécessaires à la formulation d’un plan de production dans une société socialiste » (p 3) On remarque d’emblée que s’il avait logiquement commencé par l’analyse que Marx fait du Fonds social – la plus-value sociale – et de son allocation pour la Reproduction élargie, sa falsification devenait impossible. Dans ce texte engelsien, par contre, est développée une conception du calcul économique sur la base du temps de travail socialement nécessaire, l’allocation des ressources se faisant selon ce que la société trouve le plus utile – « l’utilité sociale » – pour satisfaire ses besoins.

Jusqu’ici tout va bien. Puis Engels ajoute une phrase  – ici en italique – qui explique pourquoi Bettelheim a choisi ce teste : «  Donc, dans les conditions supposées plus haut, la société n’attribue pas non plus de valeurs aux produits. Elle n’exprimera pas le fait simple que les cent mètres carrés de tissu ont demandé pour leur production, disons mille heures de travail, sous cette forme louche et absurde qu’ils vaudraient mille heures de travail. Certes, la société sera obligée de savoir même alors combien de travail il faut pour produire chaque objet d’usage. Elle aura à dresser le plan de production d’après les moyens de production, dont font tout spécialement partie les forces de travail. Ce sont, en fin de compte, les effets utiles des divers objets d’usage, pesés entre eux et par rapport aux quantités de travail nécessaires à leur production, qui détermineront le plan. Les gens règleront tout très simplement sans intervention de la fameuse “ valeur ”   [5]. (https://www.marxists.org/francais/engels/works/1878/06/fe18780611ad.htm _

Qu’est-ce à dire ? L’allocation et le calcul économique se font selon le travail socialement nécessaire mais ce qui compte finalement c’est l’utilité sociale des produits ? Pour saisir la pensée de Engels ici – dans le cadre du Capital à quoi renvoie la note 5 de la citation engelsienne – il suffit de comprendre que le terme générique « valeur », naturellement utilisé par Dühring car il est ainsi couramment utilisée en société capitaliste, n’a plus aucune utilité puisque la valeur d’échange des produits sera justement surdéterminée par l’allocation des ressources à la production et à la reproduction sociale selon les priorités décidées collectivement par la société. Ceci renvoie aux conditions paramétriques différentes sous le mode de production socialiste concernant les finalités sociales de l’allocation des ressources dans la RE. Il suffit de donner un exemple très simple : la stabilité du prix du pain pendant des décennies en URSS, qui renvoie donc aux conditions de la RS-RE exactement comme le dit Engels, et non pas à un concept abstrait de la « valeur » des choses.

Bettelheim aurait-il quelque chose derrière la tête ? Parfaitement, et en particulier la question de l’échange direct des produits entre eux qu’il pêche hors contexte dans le texte essentiel de Staline Les problèmes économiques du socialisme en URSS (1952), http://lesmaterialistes.com/problemes-economiques-socialisme-en-urss-staline-1952

Staline y aborde le thème essentiel pour le calcul économique dans le cadre concret du système hybride qui associe le secteur étatique, y compris les sovkhozes agricoles, et les kolkhozes. Ces derniers vivent sous un régime de propriété-possession différent et dans leurs relations avec les villes refusent l’échange sous la forme d’« échange de produits » pratiqué dans le secteur étatique,  pour préférer les échanges sous forme de ventes et d’achats.

C’est-là le cœur du sujet. Dans les expériences antérieures soviétiques au sein de l’espace économique étatisé l’allocation des ressources entre Secteur I et Secteur II – et leurs sous-secteurs, branches etc. – pouvait avoir lieu par le transfert des quantités de Mp et de Cn nécessaires pour satisfaire le Plan et assurer la croissance. Comme cela est le cas au sein d’une entreprise, la relation entre ses départements est gérée par la comptabilité interne sans nécessaire intermédiation par la monnaie. Bien entendu, une société moderne met en œuvre des millions de pièces et de produits, mais on reconnaît-là la logique sous-jacente de l’allocation par le Produit Matériel Net en référence aux données quantitatives Mp et Cn de la RS-RE.

Bien entendu ceci ne supprime pas la nécessaire équation entre un produit et son expression valeur d’échange qui se matérialise lors de sa réalisation par l’échange que ce soit un échange produit contre produit ou encore médiatisé par un équivalent général monétaire devant lui-même être reporté à un équivalent universel, soit la valeur d’échange de la force de travail, non pas en terme abstrait mais telle qu’elle émerge de l’allocation en amont des ressources à la production et à la reproduction. Comme insiste Staline et plus encore Mao, cette allocation découle de la démocratie socialiste et de l’état de la lutte des classes dans une société en voie vers la transition socialiste-communiste. De fait, tant que la théorie marxiste de la productivité n’était pas développée et insérée de manière cohérente dans les Equations RS-RE, c’est bien la lutte de classe qui suppléa, soit en insistant sur une allocation menant à la plus grande progression de l’égalité des conditions de vie des citoyens, soit en ralentissant  quelque peu cette marche à l’Egalité en opérant un pas en arrière à l’instar de la NEP, pour permettre une accumulation plus rapide de capital fixe.

Ni Staline ni Mao n’étaient dupes. Staline explique dans son texte essentiel de 1952 que les échanges marchands en société socialiste ne sont pas identiques à ceux des sociétés marchandes capitalistes, car s’ils coexistent ils sont strictement subordonnés et encadrés par la planification socialiste. Les échanges eux-mêmes dans le sens générique sont nécessaires du fait de la Division Sociale du Travail et dépendent de l’allocation socialiste du Fonds social de Marx que j’ai appelé de son nom soit « plus-value sociale ». En effet, contrairement à certaines illusions initiales de certains bolchéviques, le surtravail ne disparaît évidement pas en société post-capitaliste mais il n’est plus une exploitation car il ne représente pas une plus-value empochée par des particuliers. Mieux, l’extraction de la « plus-value sociale » renvoie au Domaine de la nécessité qui crée les bases matérielles du Domaine de la liberté socialiste, notamment grâce à l’accroissement du temps libre.

Les difficultés sémantiques de nos grands marxistes classiques, ne changent en rien le fait qu’ils restaient des marxistes égalitaires conséquents quoique respectueux de la marche historique et des époques de redistribution les plus avancées possibles selon les circonstances historiques.  

Staline par exemple s’explique ainsi :

« Aussi ont-ils absolument tort, ceux qui déclarent que, du moment que la société socialiste maintient les formes marchandes de la production, il y a lieu, soi-disant, de rétablir chez nous toutes les catégories économiques propres au capitalisme : la force de travail comme marchandise, la plus-value, le capital, le profit du capital, le taux moyen du profit, etc.

Ces camarades confondent la production marchande avec la production capitaliste et estiment que, du moment qu’il y a production marchande, il doit y avoir aussi production capitaliste. Ils ne comprennent pas que notre production marchande se distingue foncièrement de la production marchande sous le capitalisme. Bien plus, je pense qu’il faut renoncer à certaines autres notions empruntées au Capital, où Marx se livrait à l’analyse du capitalisme, — et artificiellement accolées à nos rapports socialistes. Je veux parler entre autres de notions telles que le travail  « nécessaire » et le  « surtravail », le produit  « nécessaire » et le  « surproduit »,  le temps  « nécessaire » et le  « temps extra ».

Marx a analysé le capitalisme afin d’établir l’origine de l’exploitation de la classe ouvrière, la plus-value, et de fournir à la classe ouvrière privée des moyens de production une arme spirituelle pour renverser le capitalisme. On comprend que Marx se sert ici de notions (catégories) qui répondent parfaitement aux rapports capitalistes. Mais il serait plus qu’étrange de se servir actuellement de ces notions, alors que la classe ouvrière, loin d’être privée du pouvoir et des moyens de production, détient au contraire le pouvoir et possède les moyens de production. » (Idem)

Mao surenchérit en ajoutant même que la lutte de classe ne disparaît pas durant la transition au socialisme. Avec sa grande franchise scientifique, allant au cœur du problème, il attire l’attention sur le problème ardu de la bonne proportion entre les secteurs économiques et des difficultés à la cerner. Voir, par exemple, les Points 7 et 8 de sa critique :  https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-8/mswv8_66.htm

Pour Bettelheim tout ceci se résumerait à ceci :

« Selon les propositions de Engels, les catégories valeur et prix ne doivent pas intervenir dans les calculs nécessaires à la planification socialiste » (p 5)

Il faut oser écrire de telles choses et lorsque l’on ose à ce niveau c’est bien en toute conscience qu’on le fait. 

Si vous avez encore des doutes sur la stratégie de déconstruction de Bettelheim il vous suffira de constater qu’il puisse sa référence à Engels dans le grand texte de Staline sur les problèmes économiques du socialisme de 1952. Dans l’écriture de ce texte fondamental Staline ne disposait pas de la théorie marxiste de la productivité réintégrée de manière cohérente dans les Equations de la RS-RE ; il peine encore quelque peu à exprimer la différence entre la plus-value relevant de la productivité capitaliste et la plus-value sociale relevant de la planification socialiste. Modestement parlant il y a un marxisme avant et après la démonstration de la loi marxiste de la productivité :  

« On se réfère à l’Anti-Dühring d’Engels, écrit Staline, à sa formule selon laquelle l’abolition du capitalisme et la socialisation des moyens de production permettront aux hommes d’exercer leur pouvoir sur les moyens de production, de se libérer du joug des rapports économiques et sociaux, de devenir les  « maîtres » de leur vie sociale. Engels appelle cette liberté la  « nécessité comprise ». Et que peut vouloir dire la  « nécessité comprise » ? Cela veut dire que les hommes, après avoir compris les lois objectives ( la  « nécessité »), les appliqueront en toute conscience, dans l’intérêt de la société. C’est pourquoi Engels y dit que :

Les lois de leur propre pratique sociale, qui, jusqu’ici, se dressaient devant eux comme des lois naturelles, étrangères et dominatrices, sont dès lors appliquées par les hommes en pleine connaissance de cause et par là dominées. (Anti-Dühring, p. 322, Editions Sociales, Paris, 1950).

Comme on voit, la formule d’Engels ne parle nullement en faveur de ceux qui pensent que l’on peut abolir, sous le socialisme, les lois économiques existantes et en créer de nouvelles. Au contraire, elle ne demande pas leur abolition, mais la connaissance des lois économiques et leur application judicieuse. On dit que les lois économiques revêtent un caractère spontané ; que l’action de ces lois est inéluctable ; que la société est impuissante devant elles.

C’est faux. C’est fétichiser les lois, se faire l’esclave de ces lois. Il est prouvé que la société n’est pas impuissante devant les lois ; qu’elle peut, en connaissant les lois économiques et en s’appuyant sur elles, limiter la sphère de leur action, les exploiter dans l’intérêt de la société et les  « dompter » comme cela se passe à l’égard des forces de la nature et de leurs lois, comme le montre l’exemple cité plus haut sur le débordement des grands fleuves. » http://lesmaterialistes.com/problemes-economiques-socialisme-en-urss-staline-1952

Pour Bettelheim la présence de la monnaie – qu’il confond d’ailleurs comme tous les autres avec le crédit – implique toujours des relations marchandes capitalistes bien qu’il sache que ce n’est qu’un équivalent général, utilisé en tant que tel dans les sociétés pré-capitalistes. Il y voit la cause des difficultés de la planification en conférant à l’épiphénomène le rôle du phénomène – l’égalité produit physique et sa valeur d’échange – qui, lui, n’est pas à sa portée car il implique la réfutation scientifique du faux problème de la transformation. Il écrit:

« Lorsque l’intervention de la monnaie est nécessaire pour faire fonctionner l’économie, la contradiction entre la « monnaie » et le « plan » constitue uniquement une des formes au sein des quelles la contradiction entre relations de marché et relations de planification, et donc aussi, la contradiction entre la loi de la valeur et la loi de la direction sociale de l’économie, qui est alors manifeste. » (idem, p 161. Ma traduction.)

Voilà, le tour est joué. La loi de la valeur – ou plutôt le magma infecte de sa « forme-valeur » sans formes historiques dominantes – n’est plus universelle parce que scientifique. Elle est reléguée à n’être plus qu’une loi générale propre au MPC en opposition avec la Direction Sociale de l’Economie et à ses contradictions avec tout calcul économique possible, donc avec toute rationalité socio-économique. Au lieu de reconnaître qu’il ne sait pas résoudre le problème de la transformation inventé par Böhm-Bawerk, il évacue la loi de la valeur comme source nécessaire de tout calcul économique rigoureux quelque soit le mode de production. Peu étonnant alors que malgré le titre son livre ne se livre pas à la moindre tentative de calcul économique en société planifiée. Ce que par exemple Stroumilin tentera de faire honnêtement quoique de manière erronée.

Au final, tout y passe par implication, tant la gestion bolchévique que la gestion Khrouchtchev-Liberman qu’il était de bon ton de critiquer à l’époque. Bref, le ver étant dans le fruit … etc.

Cette attitude fait qu’il se méprend également sur la nature réelle des effets de l’économie de marché socialiste mis de l’avant par les révisionnistes soviétiques :

« Comme vous le constaterez, les analyses qui suivent, aident à esquisser une ligne de démarcation entre calcul monétaire et économique et calcul social, rendent apparent la nécessité et la possibilité d’une « décentralisation » de la planification économique qui est radicalement différente de la pseudo-décentralisation mise ne œuvre aujourd’hui dans les pays d’Europe de l’Est. Cette pseudo-décentralisation n’est, en effet, rien d’autre que la restauration des « mécanismes de marché » ce qui implique la renonciation à la planification socialiste. » (p xiii, idem, ma traduction)

La confusion est totale entre expression monétaire et allocations des ressources pour la production et la reproduction. De fait, sous la NEP, furent tolérés des rapports capitalistes mais sous la stricte dominance du Plan reposant essentiellement sur les entreprises publiques et sur la centralisation de la plus-value sociale ensuite répartie selon les besoins établis par le Plan, et non par le marché coexistant sous dominance en certains endroits, par exemple dans les kolkhozes. Et c’est bien cette centralisation de la « plus-value sociale » et son allocation sociale qui font la différence pour toutes les formes de planification ayant une compréhension même rudimentaire – en se référant au modèle de la RS – des proportions nécessaires entres les secteurs. Ce qui permet ensuite toutes les décentralisations administratives nécessaires selon les circonstances. C’est d’ailleurs bien ce qui, au contraire de l’URSS tombée sous la coupe de Khrouchtchev-Liberman, caractérisa la Chine même à l’heure des plus grandes ouvertures – de fait soigneusement ciblées à des zones franches et à des activités déterminées.          

Pour conclure sans se hasarder trop contre l’air du temps, il pointera vers la critique maoïste de l’importance de la lutte des classes, ce qui aurait pu avoir du sens s’il avait insisté sur la différence entre calcul économique capitaliste et problème politique socialiste de l’allocation optimale des ressources dans la Reproduction élargie, ce qu’il ne fait pas.

Se hasarder un peu aurait pu montrer les critiques positives marxistes du grand marxiste scientifique qu’était Mao Zedong à la grande contribution de Staline ainsi que ses critiques négatives à l’adresse de ceux qu’il dénomma sans détour des « révisionnistes », Liberman et Khrouchtchev en particulier.

Voir: ON STATE CAPITALISM , July 9, 1953, https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-5/mswv5_30.htm

Contradictions Under Socialism , April 5, 1956, https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-7/mswv7_466.htm

ON THE TEN MAJOR RELATIONSHIPS April 5, 1956, https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-5/mswv5_51.htm

Concerning « Economic Problems Of Socialism In The USSR » November 1958, https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-8/mswv8_65.htm

(See also Critique of Stalin’s,  Economic Problems Of Socialism, In The USSR https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-8/mswv8_66.htm 

On Khrushchov’s Phoney Communism and Its Historical Lessons for the World:

Comment on the Open Letter of the Central Committee of the CPSU (IX) https://www.marxists.org/reference/archive/mao/works/1964/phnycom.htm

Mais qu’est-ce que l’utilité de la lutte de classe pour la transition socialiste nécessairement caractérisée par le Plan si on ne se confronte pas au problème général des bonnes proportions entre les secteurs dans le cadre de l’allocation de la « plus-value sociale » ?

J’ai du noter avec un grand désarroi après la rédaction de mon Tous ensemble – théorie de la productivité pour la première fois réintégrée de manière cohérente dans les Equations RS-RE – que nombres de marxistes avaient été dégoutés par les discours creux sur la « forme-valeur » dont Bettelheim est un des responsables. Bien entendu, je ne parle pas ici des marxologues académiques occidentaux parfaitement inutiles et souvent nuisibles. Les Cubains – ceux d’aujourd’hui feraient mieux de se raviser … en constituent un exemple parlant.

Les concessions théoriques de Paul Sweezy.

La stérilisante et pernicieuse influence de Ch. Bettelheim se vérifie par les concessions de Paul Sweezy à cette pseudo-critique du calcul économique sans le moindre calcul… à la lueur de leurs échanges académiques qui suivirent l’intervention soviétique mettant fin au Printemps de Prague et qui furent publiés dans le recueil On the Transition to Socialism en 1972. 

Paul Sweezy commence par noter que « L’aspect moins convainquant de l’argument russe – sic – réside dans l’affirmation qu’une situation contre-révolutionnaire était en train de se développer » (p 3 ma traduction). Or, souligne Sweezy, le socialisme de marché théorisé par Ota Sik et mis en œuvre en Tchécoslovaquie dès 1964 était axé sur « le contrôle des entreprises par les entreprises elles-mêmes » (p 4 ) Il précédait les réformes de Khrouchtchev-Liberman et allait dans le même sens. Aussi dit Sweezy, l’aspect économique ne détermine pas l’intervention armée qui serait plutôt due à une lutte de pouvoir car les dirigeants tchécoslovaques avaient démontré  « une grande réceptivité au l’humeur du peuple ; les vieux dirigeants établis furent pris de surprise et balayés avant d’avoir pu se défendre. Pour les dirigeants soviétiques et ceux des autres pays du bloc, dont les peuples étaient également en prison ( et dans le cas de l’Union Soviétique y étaient depuis plus longtemps -, ceci constituait un précédent terrifiant » (p 10-11) Il ajoute : « S’y ajoutait une autre raison susceptible d’affecter le leadeurship soviétique qui occupait alors la position dominante au sein du bloc. Avec l’importance grandissante du marché dans la région, la force magnétique du marché occidental bien plus forte ne cessait de croître » (p 11)

Ces critiques avaient du vrai. Encore que Sweezy ne dit rien de la véritable contre-révolution hongroise, liée d’ailleurs comme les archives l’établissent aujourd’hui à la trahison de Beria et de nombres autres surreprésentés dont la loyauté première n’allait plus ni à l’URSS ni à l’Internationale communiste, surtout depuis 1948. On sait que Beria avait conclu un accord le reconnaissant comme dirigeant de l’URSS en échange de la livraison du bloc de l’Est, sinistre projet ensuite mené à bien par Andropov et Gorbatchev. En fait, le Printemps de Prague ne pouvait se résumer ni à la contre-révolution – dans les derniers jours avant l’intervention du 21 août 1968, certains extrémistes avaient poussés la provocation jusqu’à appel de se joindre à l’OTAN – ni aux seuls dégâts causés par le marginalisme socialisme de Ota Sik.

Ainsi que le montra le recueil de textes publié par Jean-Paul Sartre intitulé Le socialisme venu du froid, le Printemps de Prague visait à mettre en place une sorte de démocratie socialiste en élargissant le rôle des syndicats, des groupes de pression, des académiques, des consommateurs et individus dans la prise de décision économique, donc du Plan. Ceci aurait redonné un « visage humain » au régime en corrigeant les dérives du soi-disant « marché socialiste ». Ces ébauches méritent encore d’être analysé objectivement sous cet aspect, puisque la participation dans les décisions du Plan est le cœur de la démocratie socialiste à inventer de pair avec le développement des libertés socialistes respectueuses de la propriété collective et de la possession privée. De fait, Brejnev ne se décida à l’intervention militaire que suite aux fortes pressions exercées par les dirigeants des pays de l’Est, en particulier, l’Allemagne de l’Est et la Pologne.

Quoiqu’il en soit Sweezy est excellent dans son analyse des dérives marginalistes de Gomulka en Pologne. Il écrit : « Les troubles commencèrent avec l’annonce abrupte le 13 décembre 1970 d’une vaste révision du système des prix à la consommation. Les prix des biens essentiels – nourriture, énergie, vêtements – furent augmentés, parfois fortement ; par contre les prix des biens de consommation durables – enregistreurs de cassettes, radios, appareils TV, machines à laver, réfrigérateurs, aspirateurs, etc. – furent réduits généralement de 15 pourcent et plus. ‘’ En général, écrit James Feron de Varsovie, l’idée consistait à soulager certaines pénuries des denrées agricoles – parla réduction de la demande – en transférant la consommation des ménages vers les biens industriels ’’ (New York Times, December 14)

Cette réforme du système de prix illustre un des grands avantages de la planification économique socialiste tout en démontrant simultanément comment un tel système peut être abusé lorsqu’il est sous le contrôle d’une bureaucratie irresponsable » ( p 93 Ma traduction)

Car Sweezy partage l’opinion de Michal Kalecki sur l’utilité du signal prix dans une économie planifiée. (p 94) mais il ajoute que l’opération avait été planifiée en secret, sans consultations (p 95) et qu’en fin de compte, vu l’exigüité de la majorité des salaires, un tel signal prix bénéficiait à la partie favorisée de la population. Sans surprise l’annonce soudaine de cette réforme provoqua le soulèvement instantané des travailleurs, en premier lieu dans les ports de la Baltique, particulièrement Gdansk, Gdynia et Szczecin. (p 95) Gomulka fut remplacé mais le socialisme de marché avec son allocation sous-optimale de la « plus-value sociale » demeura en place et la gangrène mena finalement à la déroute finale – non sans l’ingérence active de la CIA et du Vatican au grand dam des vrais syndicalistes comme Kuron, ni sans l’endettement croissant en dollars sous couvert d’indépendance.

Malgré cela, Sweezy finit par se faire embarquer dans les discours creux de Bettelheim qu’il finit par valider – en se méprenant lui-aussi sur l’ineptie de la supposée « forme-valeur » tout en appelant à une étude plus assidues des problèmes de la transition socialiste.

En s’appuyant sur Baran – et, de fait, sur les contributions des althussériens concernant la coexistence à dominance – Sweezy avait mis le doigt sur le vrai problème des relations marché/Plan. Il écrit : « La question n’est pas l’utilisation plus ou moins étendue du marché mais le degré d’utilisation du marché comme moyen de régulation indépendant » (p 28) Puis il cède à la casuistique : « Bettelheim m’a convaincu du fait que mon utilisation du couple « plan/marché » formulée dans mes contributions antérieures durant cet échange porte à confusion et doit être abandonnée » (p 47 ) Elle ne correspond à rien de réel ajoute Sweezy embrouillé qu’il est maintenant dans la question du calcul économique.

Or, Sweezy connaît parfaitement la racine du problème du calcul économique puisque une de ses contributions majeures fut de publier les principaux articles permettant de cerner rapidement la question du – faux – problème de la transformation en vue de susciter des recherches. Lui-même n’y était pas parvenu, ni même Einstein à qui le problème avait été posé, ce qui donna néanmoins lieu à une belle défense du socialisme dans son essai Why socialism, publié par Monthly Review ne mai 1949.

Sweezy avait alors cherché une échappatoire qui informa tout son travail ultérieur sur la base de la reconnaissance du surplus plutôt constaté sociologiquement que démontré. Ou plutôt, en partie démontré puisque dans le problème de la transformation valeur d’échange en prix de production Sweezy reconnaît que la transformation par le profit moyen ne tient pas la route logiquement telle qu’elle est présentée sur la base des brouillons de Marx retenus dans le Livre III du Capital. Mais comme logiquement la genèse du profit suppose son extraction par le surtravail, il concluait que le départ ex ante en valeur gardait une importance primordiale. Reste que sur cette base, on comprend comment Bettelheim réussit à le mettre dans l’embarras.

Mais il y a encore plus grave et ceci renvoie à la question essentielle de la méthode scientifique historique-logique utilisée par Marx que Sweezy néglige malgré les contributions des grands révolutionnaires bolchéviques et celles de Gramsci et en particulier celles d’Althusser. Ainsi écrit Sweezy : « « Historiquement parlant, ( dans les textes marxistes classiques ) le prolétariat était vu comme un « homme nouveau » formé par le capitalisme et possédant l’intérêt , la volonté et la capacité de renverser le système ET d’ouvrir la voie à la construction d’une société nouvelle socialiste – p 50 plus haut.

« J’écrivis ceci non pas à la suite de recherches effectuées dans les textes pertinents mais selon ma compréhension générale de la théorie marxiste développée au cours de plusieurs années. A la suite de quoi on me défia de supporter cette interprétation, et je dois confesser que je fus incapable de le faire. » p 113

Il y aurait beaucoup à dire sur l’émergence de l’« homme nouveau » et sur l’ingénierie sociale soviétique dérivant vers l’économie de commande et contrôle après les réformes de 1965-1967. Tout mode de production façonne un type d’Individu qui fait partie d’une des classes qu’il met en œuvre. Les époques de redistribution, qui mettent en cause les rapports juridiques larges et la politique au sens classique d’allocation des ressources de la Communauté, apportent leurs colorations politico-culturelles. Gramsci concevait l’Etre humain comme un « bloc social et historique » ; Roland Barthes discourait pour sa part sur le « mille-feuilles » composant toute personnalité individuelle.

Tout mode de production dominant doit tendre vers une cohérence entre ses rapports d’exploitation, ses rapports de distribution et ses rapports juridiques larges de redistribution – ce qui constitue justement le plan des trois premiers livres du Capital, voir mon Introduction méthodologique. Lorsque les contradictions internes des modes de production mettent à mal la relation entre développement des forces productives et des rapports de production, le volontarisme, le rigorisme dirigiste pseudo-moral cherche à reprendre la main en tentant de médier artificiellement ces contradictions par leur contrôle vertical plutôt que d’apporter les ajustements nécessaires dans les rapports d’exploitation et de distribution.

Mao Zedong pour sa part mis en œuvre une véritable pédagogie de masse qui visait justement, sur la base d’une rigoureuse planification, à lever les contradictions concrètes sous-jacentes pour renforcer cette marche en avant en opérant sur la conscience politique des citoyens. D’où son insistance dans ses commentaires à la planification stalinienne sur les « superstructures » qui devaient être vues, non pas de manière exogène à la réalité économique, mais de manière organique avec elle. Les bolchéviques soviétiques étaient soucieux des alliances de classes ; ils savaient que le consensus social suppose la confiance du peuple sur la base du respect de la loi s’appliquant à tous également. C’est pourquoi, et  Staline tout particulièrement, ils prenaient soin d’adapter la Constitution socialiste pour la mettre en phase avec l’époque de redistribution retenue. Mao insistait pour sa part sur la distinction entre procès institutionnel et simple superstructure constitutionnelle en prenant soin de distinguer contradictions antagonistes avec les ennemis de classe et contradictions non-antagonistes au sein du peuple.

Mao avait d’ailleurs su concilier pour son époque les conditions dans lequel versait son pays et une démocratie socialiste appropriée : Constitution, reconnaissance des minorités nationales, Plan bidirectionnel soulignant également le rôle des industries légères, démocratie représentative – centralisme démocratique su sein du Parti, élections pour le Congrès du peuple, communes et conseils de quartier, syndicats et démocratie participative avec les diverses assemblées, la critique et l’autocritique, les dazibao et le travail pédagogique de masse, y compris par la mobilisation des Arts, de la culture, du théâtre et de l’Opéra traditionnel, le tout couronné par la ligne de masse toujours cultivée avec soin par le Parti et sachant allier la pratique et la théorie scientifique.

Peu de gens prennent le temps de comprendre réellement le prodigieux effort démocratique que ceci représentait, hors de tout cliché. Les conditions ne sont plus les mêmes, mais les finalités demeurent. Quiconque est intéressé par la problématique de la démocratie socialiste devant être congruente avec une société moderne transitant vers le socialisme ferait bien de s’y arrêter en gardant à l’esprit la distinction entre le Domaine de la nécessité et le Domaine de la liberté socialiste.   

C’est pourquoi Mao ne tenta jamais d’occulter les obstacles réels, y compris scientifiques, à la planification. Par exemple, dans ses propos plein de franchise sur le tâtonnement dans la recherche de la juste proportion entre les secteurs, lui qui insistait également sur le fait de ne pas négliger l’industrie légère. Ainsi dit-il, nous avons tâtonné durant 8 années sur la proportion à accorder au secteur de Mp sans nous rendre compte que nous ne produisions pas assez de fer et d’acier nous-mêmes … « We worked on industry for eight years but did not realize that we had to take steel as the mainstay. This was the principal aspect of the contradiction in industry. It was monism. » (dans Critique of Stalin’s Economic Problems Of Socialism In The USSR (marxists.org) ) Cela dit pour lui aucun doute : « (1)  The concentrated manifestation of constructing socialism is making socialist, all-embracing public ownership[6] a reality. (2)  Constructing socialism means turning commune collective ownership into public ownership. Some comrades disapprove of drawing the line between these two types of ownership system, as if the communes were completely publicly owned. In reality there are two systems. One type is public ownership, as in the Anshan Iron and Steel Works, the other is commune-large collective ownership. If we do not raise this, what is the use of socialist construction? Stalin drew the line when he spoke of three conditions. These three basic conditions make sense and may be summarized as follows: increase social output; raise collective ownership to public ownership; go from exchange of commodities to exchange of products, from exchange value to use value. » dans https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-8/mswv8_65.htm . (Utilisez au besoin le traducteur online deepl )Bien entendu, la direction prime ici sur la vitesse.

La lutte de classe et sa pédagogie de masse changent du tout au tout lorsque la science lève finalement les fausses contradictions issues du faux problème de la transformation grâce à l’insertion de la productivité dans les Equations de la RS-RE. Inversement, avant que ceci ne soit acquis, les médiations politiques resteront artificielles et dirigistes puisqu’elles ne donneront pas de résolution scientifique. Elles pourront du moins approcher les bonnes solutions en mettant la focale sur l’égalité maximum possible entre citoyennes et citoyens.

L’homme nouveau de l’ingénierie stalinienne était un révolutionnaire sachant faire partie d’une avant-garde égalitaire : grâce à ce choix, sur la base du modèle de la RS et du concept de Fonds social – plus-value absolue socialiste – il pouvait introduire la productivité la plus grande possible chaque fois que ceci était possible et corriger les écarts vérifiées dans la RE en donnant la priorité aux quantités physiques pour ré-équilibrer le tout. Sur cette base le grand marxiste que fut Staline transforma son pays sous-développé en superpuissance moyennant deux seuls Plans quinquennaux ainsi conçus. Il fut ainsi capable de défaire seul la machine de guerre nazie à Stalingrad au début de l’année 1943, puis de tenir tête à l’impérialisme américain durant la Guerre Froide et ses velléités de « push-back » mettant en danger le simple « containment » qui pouvait être compatible avec les accords de Yalta.

Celui du socialisme marginaliste soviétique après 1965-1967 n’était plus qu’un produit hybride assis entre deux chaises et sciant activement la branche socialiste sur laquelle il était assis, jusqu’à la trahison finale. Entre-temps, régna le domaine de l’hypocrisie d’une élite faussement « culturny » – très vulgairement surreprésentée et apatride en réalité, qui prit peu de temps pour se mettre à l’école de Gaïdar et de Jeffrey Sachs pour ruiner le pays. Cela alla très vite. Cette » élite » imposait un catéchisme communiste aux masses tout en se réservant les magasins spéciaux et de manière parfaitement emblématique en propageant l’idéal de la femme au foyer … L’Homme nouveau dans ces conditions-là ne conduit pas magiquement, comme semblait le penser naïvement Sweezy, au calcul économique socialiste, il en subit plutôt les effets de la tragique absence.      

Nous constatons ainsi les ravages de la casuistique sur les esprits de personnes bien intentionnées. Reconstruisons : sous le coup de la fumeuse « forme-valeur », la transition au socialisme impliquerait la fin du marché et de la monnaie, tous deux substitués par le Plan. Or, outre que l’ « on » ne connaît pas de calcul économique socialiste – tant pis pour le Fonds social de Marx dans le cadre de la RS-RE que tous les vrais marxistes connaissent -, la présence de la monnaie impliquerait forcement la restauration capitaliste par un stratum social privilégié que Bettelheim désignera de manière inepte comme une « bourgeoisie d’Etat ». Les dirigeants soviétiques malgré tous leurs travers étaient corsetés par les principes de la Révolution d’octobre et durent attendre le renversement interne du régime et du mode de production pour enfin mettre la main personnellement sur les biens communs. Ils pouvaient être managers mais non propriétaires. L’expropriations des masses se fit d’ailleurs sous Eltsine en imitant les assignats, à savoir en partageant d’abord les entreprises etc. entre tous les ouvriers vite réduits à la pénurie et donc obligés de vendre leurs actions, déclenchant ainsi la grande accumulation primitive mafieuse du capital dans l’ex- Urss, le tout médiatisé par la Treuhand dans le bloc de l’Est.

Gramsci avait commencé ses analyses désintéressées du marxisme-léninisme en partant d’un point de vue précis : S’agissant de science sociale – il connaît également bien la Scienza nuova de G. Vico – il n’est nul besoin d’importer des vielles idées et des vielles méthodes pour le développer, y compris pour lever scientifiquement les contradictions qui pouvaient subsister. La science ne se développe pas en important des narrations inégalitaires et obscurantistes. Ceci est crucial. Althusser, en grand adepte de l’épistémologie et de la méthode scientifiques, reproposa le concept fondamental de « concret pensé » que Marx avait commencé à développer dans une ébauche d’une Méthode comptant uniquement quelques pages parcellaires, mais néanmoins fondamentales.  

Dès l’instant où par la double dialectique historique – investigation – et logique – exposition – se révèle le concret pensé d’une discipline, celle-ci débouche sur son statut scientifique. Ceci fut la cas lors du passage de l’alchimie et de la phlogistique  à la chimie ; ceci fut le cas du passage de la création biblique aux théorie de l’évolution – Buffon, Cuvier, Lamarck, Darwin et surtout Saint-Hilaire que Paul Lafargue remit justement à l’honneur. Et ceci fut le cas lors du passage de l’économie politique classique – Physiocrates, Sismondi, Smith, Ricardo, Torrens etc. – à Marx et à sa découverte de la genèse du profit, et donc de la commensurabilité de toutes les marchandises entre elles grâce à la théorie de la valeur. Cette commensurabilité est spécifiée grâce aux formes historiques précises que prendre l’extraction de la plus-value dans différents modes de production, valeur absolue et intensité conjoncturelle avant le MPC, intensité structurelle ou productivité comme forme dominante avec le MPC, et Fonds social  de Marx ou « plus value sociale » nécessaire à l’allocation socialiste effectuée par le Plan avec le Mode de production socialiste.

Ajoutez à ceci le développement, sous la poussée de Louis Althusser, de la théorisation des différents modes de production initiée par Marx lui-même avec ses analyses du communisme primitif, de l’esclavagisme, du féodalisme, du capitalisme et, en germe, du socialisme. Le tout sans sous-estimer – ce que les bolchéviques ne firent pas – les géniales analyses du mir russe que Marx initia dans ses échanges avec Vera Zazoulitch et qui permirent de concevoir la nécessaire alliance paysans/prolétariat nécessaire pour assurer et pour accélérer la transition au socialisme en tenant compte de ses diverses Epoques de redistribution. Ces dernières renvoient aux formes juridiques larges et donc à la politique et à la lutte de classe visant à déterminer l’allocations des ressources et ses priorités.

 Du haut de son poste de manière si évidente immérité au sein de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Bettelheim ne pouvait rien ignorer de ces contributions. J’en conclus que ce n’était d’un prétentieux et verbeux « pitre » au sens analytique du terme.  Le voilà versé au tas de fumier de l’Histoire. Il ne fut pas le seul.   

J’ai déjà dit que vous chercheriez longtemps la moindre indication de calcul économique dans le livre de Bettelheim, malgré son titre. De la même façon, si « la forme-valeur » était propre au capitalisme, pour éviter d’induire l’idée que la planification socialiste, intrinsèquement incapable de calcul économique, était inférieure à l’équilibre de marché et à son aléatoire « main invisible », vous auriez pu vous attendre à une dénonciation des immenses gaspillages provoqués par un système d’accumulation privé et son équilibre général toujours ex post. Et bien non.

Cette remarque est loin d’être anodine puisque la vraie critique du marché capitaliste et de son supposé équilibre repose sur les Schémas de la RS-RE que Marx dérive de son étude critique du « revenu annuel » de Sismondi et du Tableau de Quesnay entre autres. Marx débouche finalement à sa manière brillante en remarquant que l’équilibre devait valoir tant en quantités – Mp et Cn – qu’en valeurs d’échange ou prix.  La main invisible du marché ne le tente même pas et s’en remet à un équilibre induit par la méta-magie de la recherche du profit individuel …  Et c’est bien ce qui fait l’incroyable supériorité de la planification chaque fois que l’on en tient compte partout où elle fut mise en œuvre.

D’ailleurs le calcul économique capitaliste se réduit aux falsifications du PIB et des Indices Fisheriens tels le CPI. (Voir l’essai suivant : « LE PIB, OUTIL DE NARRATION MARGINALISTE CONTRE LE BIEN-ÊTRE DES PEUPLES ET LA PROSPÉRITÉ DES ETATS-NATIONS, 24 mai 2020.», http://rivincitasociale.altervista.org/le-pib-outil-de-narration-marginaliste-contre-le-bien-etre-des-peuples-et-la-prosperite-des-etats-nations-24-mai-2020/ )

Le non respect ontologique du véritable équilibre tant en quantités physiques qu’en prix conduisit le capitalisme à une série de crises cycliques – expansion d’un secteur au détriment des autres du fait des choix privés d’accumulation du profit sans souci d’équilibre et de demande sociale –  et de crises structurelles qui sont quant à elles liées à la contradiction capitaliste par excellence qui oppose le développement des forces productives aux rapports de production en prenant la forme d’une surproduction et d’une sous-consommation.

De fait, la critique bourgeoise du capitalisme qu’il fallait s’employer à sauver de « ses propres esprits animaux », tant celle de Keynes que celle des théories de la régulation économique, partait justement de ce constat d’un équilibre général en prix toujours dangereusement atteint de manière ex post sur le dos des besoins sociaux, y compris les besoins essentiels, laissés insatisfaits car non solvables. Cette solution devenait très risquée après la Révolution d’octobre. Pour rééquilibrer les choses ces réformistes bourgeois n’hésitèrent donc pas à invoquer l’intervention de l’Etat pour assurer le plein-emploi –donc la demande effective – en intervenant par les services sociaux publics et par les entreprises d’Etat, tout en jugulant la spéculation financière par le recours au cloisonnement du secteur bancaire et financier en 4 piliers distincts, les banques de dépôts, les banque commerciales, les assurances et les caisses d’épargne. A ceci s’ajouta l’institutionnalisation actuarielle d’une partie de l’épargne des ménages pour financer les services sociaux publics via les cotisations sociales.

On ne dit pas assez que la Théorie générale de Keynes repose sans le dire sur les circuits du capital mis en lumière par Marx et sur sa connaissance – via Sraffa, donc via la correspondance de Gramsci – de la « demande sociale » que Marx schématisera dans ses Equations de la RS-RE. J’ai souligné à plusieurs reprise la manière typiquement bourgeoise d’éditer les œuvres, dans ce cas l’œuvre complète de Keynes. Il fallut attendre la publication des deux derniers volumes pour que ceci apparaisse. Michael Roberts nota il n’y a pas si longtemps que le but de Keynes était bien de falsifier Marx en le détournant pour sauver le capitalisme. Il utilisa également sans le dire l’appel à la réduction du temps de travail, remis à l’honneur pad Paul Lafargue, lorsqu’il contempla tranquillement le passage aux 15 heures hebdomadaires, grâce à l’augmentation séculaire de la productivité. ( Voir Economic possibilities for our grandchildren – 1930https://www.aspeninstitute.org/wp-content/uploads/files/content/upload/Intro_and_Section_I.pdf )

Voici la belle citation de Michael Roberts «  Keynes’ ‘socialism’ was openly designed as an alternative to the dangerous and erroneous ideas of what he thought was Marxism.  State socialism, he said, “is, in fact, little better than a dusty survival of a plan to meet the problems of fifty years ago, based on a misunderstanding of what someone said a hundred years ago.”  Keynes told George Bernard Shaw that the whole point of The General Theory was to knock away the ‘Ricardian’ foundations of Marxism and by that he meant the labour theory of value and its implication that capitalism was a system of the exploitation of labour for profit. He had little respect for Karl Marx, calling him “a poor thinker,” and Das Kapital “an obsolete economic textbook which I know to be not only scientifically erroneous but without interest or application for the modern world.” » dans https://thenextrecession.wordpress.com/2019/06/05/keynes-socialist-liberal-or-conservative/ (Utilisez le traducteur online deepl si nécessaire)

On remarque que le souci reste sempiternellement la falsification de la loi de la valeur scientifique de Marx. Le tout en cachant le plagiat renversé sous l’expression d’une forme crottée de mépris académique par souci de bien suivre la méthode visant à discréditer l’adversaire pour se rehausser  soi-même.

Le malheureusement bien intentionné Oscar Lange croyait que le marginalisme était scientifique et qu’il pouvait donc s’appliquer à tous les systèmes moyennant  quelques adaptations. Il est vrai que son point de départ, comme celui de Maurice Allais, était la lettre d’Auguste Walras à son fils Léon pour lui rappeler que la science économique devait également tenir compte des besoins sociaux. Ceci donna lieu à la scission de la « dismal discipline » en deux, la science économique et l’économie sociale. Schumpeter, lui aussi un falsificateur conscient mais dépourvu de tout espoir sur les chances de survie du mode de production capitaliste, tenta d’en faire une dichotomie ontologique pour empêcher toute investigation sur le sujet.

Pour les walrasiens classiques, entre autres Lange ou Allais, ceci prenait la forme d’un cadre social fait d’objectifs à atteindre, la science économique se chargeant ensuite de dériver les Equations scientifiques pertinentes. Malgré mon admiration pour Maurice Allais et sa vaillante campagne citoyenne contre l’AMI et le libre-échange, forcément destructeur sans l’adoption de ses Préférences Communautaires – ou mieux encore sans l’adoption de ma nouvelle définition de l’anti-dumping – je fus obligé de procéder à la démolition de ce système puisque Allais l’opposait à la RTT sous prétexte que l’équilibre sur le marché du travail se ferait automatiquement par le marché et que la RTT était donc nuisible ou au mieux inutile … Voir ma Note ** dans mon Livre III, qui donne également les vrais chiffres du chômage.

Lange pensait dans le cadre d’une planification sous la coupe des prix d’un marché fortement régulé. L’allocation des ressources se faisait socialement. De plus, il tenta de résoudre le problème du vrai équilibre physique dans ce contexte. Il le fit de manière ingénieuse et simple : les produits à fabriquer étaient déterminés par le Plan, leur prix par l’Offre et la Demande et le véritable équilibre en quantités physiques découlerait automatiquement par la gestion par les  entreprises de leurs étagères, donc en gérant leurs stocks et en envoyant leurs commandes au fur à mesure. Le système de gestion des stocks par les Incas avec leurs cordelettes n’est pas sans charme mathématique ni sans efficacité. L’ingénieux système proposé par Lange fut ensuite adapté sans mention par toute la comptabilité d’entreprise, et ne fut perverti que récemment par la désastreuse gestion globaliste des flux tendus – just-in-time.

De la même façon la formidable croissance qui alla de pair avec la planification indicative et incitative dite à la française tient justement sur la planification des priorités et donc à l’allocation en partie étatique des ressources et des quantités physiques. Elle tient également sur le crédit public qui permet d’éviter le désastreux endettement de l’Etat et des entreprises publiques sur le marché financier privé.

J’ai souvent souligné la haine exclusiviste régressive de Ludwig Mises, de l’Ecole de Chicago et de tant autres néolibéraux. La raison fondamentale on le voit tient au fait reconnu par Keynes qu’une fois admis l’intervention de l’Etat pour assurer le bien-être des citoyennes et citoyens, le mode de production capitaliste progressait inéluctablement vers son dépassement par un système pouvant mieux concilier surproduction et consommation adéquate. Le MPC n’entérine nullement la « fin de l’Histoire ».

Mises, Hayek, Friedman et tant d’autres comme eux et leurs dupes préféraient l’anomie – la liberté anarchique du capital et le règne darwinien de la force brute – quitte à suivre Nietzche dans la régression historique vers des formes opposées au libéralisme classique, formellement démocratique, pour sauver la propriété privée en soi et ses privilèges les plus haineux. Nul mieux que ces pitres ne serait convaincu de la justesse de l’analyse de Marx ; aussi ces derniers n‘eurent de cesse de la falsifier en abusant de leur hégémonie académique. Le devenir historique montre scientifiquement que le capitalisme crée le prolétariat et ainsi fatalement son propre fossoyeur ? Il faut alors nier le devenir humain, voilà tout. Ces pitres ont joué leur dernière manche depuis Volcker-Thatcher-Reagan et l’ont perdue misérablement, tant aux niveaux de la paupérisation sociale que de la logique, que du niveau minimum de la décence éthico-politique. Ils seront vite versés eux-aussi au tas de fumier de l’Histoire avec leur répugnant exclusivisme et leur apartheid raciste et théocratique d’un autre âge.      

Conclusion.  

Grâce au travail du plus grand épistémologue moderne après Kant et Marx, Louis Althusser – qui malheureusement n’a pas eu accès à mon rétablissement de la loi de la valeur par la théorie de la productivité réintégrée dans les Equations RS-RE– la relecture scientifique de Marx repris de plus belle. Elle investit les concepts de Formations Sociales, d’insertion des FS dans l’Economie Mondiale ainsi que la redécouverte de la problématique de la transition des modes de production. (J’ai cité plus haut le bon résumé fourni par Foster Carter … )

 J’ai finalement montré, à la suite des grands révolutionnaires et théoriciens marxistes, comment la théorie de la transition doit reposer sur les formes dominantes de la plus-value. Pour ce faire je me suis appuyé bien entendu sur l’œuvre de Karl Polanyi – typologie empirico-historique des marchés topologiquement appréhendés, emporiums etc. – mais surtout sur les travaux, particulièrement français, qui tentaient de comprendre la coexistence à dominance des modes de production. Ce qui inclut également les analyses de Gramsci sur la contre-hégémonie laquelle ne peut jamais avoir qu’une base, la science contre les narrations diverses, surtout si le développement du socialise est en cause, puisque la science présuppose l’égalité de tous les locuteurs dans son espace « interpersonnel » d’échange.

J’ai ainsi montré que la « plus-value absolue » est la forme d’extraction dominante – durée du travail – pour tous les modes de production précapitalistes,  de pair avec l’intensité conjoncturelle du travail. Le MPC transforme l’intensité structurelle qui devient la norme en productivité par le machinisme etc. Enfin le mode de production socialiste ne supprime pas la plus-value et son extraction, ce qui est la grande mystification de Bettelheim et de Sweezy, ce dernier développant pourtant une idée du surplus pour passer outre au – faux – problème de la transformation des valeurs d’échange en prix  de production. Le Mode de production socialiste transforme la plus-value productivité en « plus-value sociale » . L’extraction de la plus-value sociale demeure mais l’exploitation de classe disparaît, du moins lorsque cette forme d’extraction socialiste devient dominante.  Sauf que cette « plus-value sociale » est allouée à la reproduction – en ayant également recours au crédit public – en vue de financer les priorités sociales retenues plutôt que l’accumulation privée.

Scientifiquement parlant et dans les faits toutes les formes de plus-value sont toujours présentes d’une manière ou d’une autre – durée et intensité, intensité structurelle ou productivité, et plus-value sociale – mais la dominance d’une d’entre elle caractérise un mode de production spécifique.

Notons de même que le schéma du Capital – voir mon Introduction méthodologique dans la section Livres-Books de mon vieux site www.la-commune-praclet-com – se développe selon un plan d’exposition rigoureux :

Livre 1 : les rapports d’exploitation objectifs matérialisés dans l’extraction de la plus-value et formalisés dans le contrat de travail

Livre 2 : la reproduction quantitative – Mp et Cn – et qualitative en valeurs d’échange correspondantes, formalisée par les Equations RS-RE

Livre 3 : la redistribution sociale qui informe la reproduction mise en place donc l’allocation des ressources de la Communauté pour la Communauté. Ce qui est la définition de la politique – et reflète par conséquent l’état de la lutte des classes.

Livre 4 : l’Histoire de la disciple. C’est-à-dire très précisément le dévoilement historique et logique du « concret pensé » de l’économie politique permettant de lui donner une base scientifique – donc universelle – permettant ainsi de comprendre tous les modes de production. Et non en réservant la « valeur » ou la « forme-valeur » au MPC – la « forme-valeur » est « syllogisme jaune » dirait Marx, car c’est de la valeur d’usage et d’échange de la force de travail dont il faut parler en tenant compte de la dualité de toute marchandise- i.e. bien ou service échangé du fait de la division sociale du travail. Il ne s’agit donc pas  uniquement d’échange capitaliste puisque la valeur d’échange est le propre de l’économie donc de l’échange découlant de la division du travail et elle prend forcément plusieurs formes qui correspondent selon la dominance d’une de ces formes à un mode de production spécifique. La valeur d’échange renvoyant à la force de travail humaine elle permet d’établir la commensurabilité de toutes les marchandises entre elles en recourant au seul étalon de mesure économique universel commun à toutes les marchandises, la valeur d’échange de la force de travail. La monnaie n’est qu’un équivalent général devant lui aussi être expliqué par le recours à un équivalent universel, toute marchandise par ex., les patates ou les coquillages, peut servir de moyen d’échange ou d’équivalent particulier mais ceci n’est pas très pratique etc.

Les problèmes de calcul économique occultés par tous les économistes découle de la non compréhension – avant moi – de la théorie de la productivité dûment réinsérée dans les Equations de la RS-RE de Marx. Le soi-disant problème de la transformation des valeurs d’échange en prix de production fut forgé à dessein par Böhm-Bawerk et par les services allemands et autrichiens qui, avec les services britanniques, ouvraient tout le courrier de Marx et qui influèrent certainement sur l’édition des Livres 2 et 3 et 4 du Capital par les juifs renégats dont principalement Kautsky et Bernstein et toute l’école soi-disant marxiste autrichienne démolie par les critiques de Rosa Luxembourg et de Lénine …

Avec la productivité scientifiquement démontrée disparaissent les contradictions entre quantités – soit Mp soit Cn – et prix ou valeur d’échange. Et disparaissent également les contradictions dans la Reproduction Elargie soulevées brillamment – mais non résolues – par Rosa Luxembourg et avant elle par Lénine . Ce dernier avait brillamment proposé de tenir compte de la production des Mp non seulement pour les Mp – S1 – mais également pour la production des Cn – agriculture, relations villes-campagne – ce qui en fin de compte permis le triomphe de la Révolution bolchévique – et maoïste – en forgeant les bases de l’alliance de classe entre ouvriers industriels et paysans et travailleurs agricoles. Par la suite, tant que la planification socialiste fonctionna – contrôle prédominant de l’allocation par le Plan – les travailleurs des services étaient largement acquis à la Révolution.

Ce problème ne fut jamais évacué par Staline qui croyait dans le caractère scientifique du marxisme, grosse différence avec ses détracteurs. Cependant, ses successeurs, typiquement surreprésentés comme toujours, eurent recours – via Oscar Lange puis Ota Sik et Liberman etc. –  au marché par le soi-disant marginalisme socialiste, ce qui dénatura l’allocation socialiste des ressources et donc le fonctionnement du Plan.

La croissance très forte jusqu’en 1965 disparut immédiatement après ces réformes marginalistes. Ce ne fut pas le cas en Chine qui, à l’instar de la NEP léniniste, permit un rôle accru pour les relations mercantilistes – dans le but d’attirer les capitaux étrangers en tablant surtout sur la diaspora chinoise – et ouvrit un espace d’échange avec l’étranger – zones spéciales, puis WTO et accords  bilatéraux etc. – afin d’accélérer les transferts de technologies puis de les dépasser après les  avoir imitées à la japonaise. Surtout, en conservant le contrôle étatique de l’allocation des ressources et une idée sacrosainte de l’égalité réelle citoyenne, la Chine a su – jusqu’ici – conserver l’avantage du crédit public, un avantage énorme pour la croissance planifiée. Les ouvertures à la financiarisation spéculative sont modestes – espérons qu’elles diminueront – et heureusement encore sous strict contrôle.

Ce qui est curieux est que Sweezy qui publia les articles clés pour comprendre le problème de la transformation et qui, en désespoir de cause, se construisit un concept de « surplus économique » et de Monopoly capital avec Baran etc., finit pas occulter ce problème scientifique dans la discussion sur le calcul économique – i.e. la question du contrôle des performances de la SR-RE et de l’allocation sociale des ressources. Du moins, le surplus de Sweezy reste ancré sur l’idée de l’extraction préalable de la plus-value qui fonde les revendications ouvrières et les revendications sociales des citoyennes et des citoyens. Ce n’est pas le surplus de Leibniz émanant de la seule contribution des lettrés et devant contribuer à les soutenir afin qu’ils puissent continuer leur œuvre … Quant à Bettelheim ce n’était qu’un falsificateur conscient qui, à l’évidence, travaillait selon toujours la même méthode en falsifiant et en dénaturant les contributions scientifiques impeccables d’Althusser dont les formes de plus-value et la coexistence à dominance des modes de production qu’elles permettent d’expliquer pour comprendre l’aspect socioéconomique de la transition.

Ainsi un mode connaît plusieurs époques de redistribution. Pour le MPC : le capitalisme libéral reposant sur le salaire individuel uniquement. L’Etat social mettant en œuvre le « revenu global net » des ménages. L’hégémonie du capital spéculatif implémentant un « retour » philosémitisme nietzschéen, nécessairement vacillant, dans l’espoir de sauver la propriété privée en soi sans admettre une nouvelle époque de redistribution par la RTT. C’est-à-dire en fin de compte en niant l’alternative entre la progression finalement inévitable vers le socialisme – y compris tendanciellement via les 15 heures semaine que Keynes emprunte sans le dire à Paul Lafargue – ou retour à la barbarie.

Il en va de même pour le socialisme réel : en URSS par ex., le communisme de guerre ; la Nep, soit le Plan et le marché agricole mais avec allocation RS-RE donnée de manière prédominante par l’Etat ce qui renvoie à la dominance de la « plus-value sociale » ; le Plan et la collectivisation des terres : A part les kolkhozes qui continuait à contrôler leurs produits tout est nationalisé et donc la plus-value sociale est dominée par le Plan, ce qui permet une envolée de la croissance et du niveau de vie. Puis la régression du marginalisme socialiste, soit le retour au contrôle par les prix, en fait par l’allocation des ressources effectuées en autonomie par les entreprises mises en concurrence entre elles. Ceci diminua le rôle de l’allocation centrale de la plus-value absolue et mis en branle le recours à des incitations matérielles indues. Du coup, l’échelle des salaires et des statuts se développa outre mesure, ce qui ne fut jamais le cas avec Lénine, Staline, Mao ou Fidel et le Che.

A ceci s’ajouta le contrôle autonome par les entreprises du crédit public, ce qui est un comble d’idiotie au vu de la Reproduction Elargie.  Et ceci sous couvert de démocratisation par la décentralisation-dévolution de pouvoirs réels, une dévolution encore aggravée par l’autonomie des républiques et des régions en plus de celles des entreprises, ce qui faussa complètement l’allocation optimum du Plan – qui était désormais déconstruit en plusieurs plans locaux mal coordonnés – et détruisit la cohérence territoriale et en partie les bases réelles de la citoyenneté socialiste, à savoir la conviction d’avoir droit au même accès aux services publics et aux biens collectivement produits.

La citoyenneté repose en effet sur cet accès égalitaire aux infrastructures et services publics et donc sur une décentralisation démocratique qui advient dans le cadre national du Plan en impliquant la participation des travailleurs aux décisions. Au niveau local la décentralisation est forcement administrative, autrement on introduit d’intolérables disparités régionales et locales. Les autonomies historiquement reconnues doivent, par exemple, imposer un niveau national commun pour l’accès citoyen aux biens et services, autrement c’est la déconstruction de droite qui s’enclenchera, comme on peut le vérifier aux Pays-Bas, en Belgique et en Espagne … On assiste alors à la réapparition des disparités régionales, avec son lot de ressentiment social,  aggravées par la dépossession croissante des droits sociaux citoyens essentiels.

Bref, tout Plan économique est supérieur à l’aléatoire et post hoc équilibre atteint par la « mains invisible » ne serait-ce que par son seul impact sur l’équilibre réel – quantitatif et qualitatif – de la RS-RE et par la maximation sur cette base de l’allocation des ressources disponibles, dont le crédit public, pour la croissance socio-économique.

Le débat sur la transition au socialisme bien représenté par Sweezy et Ch. Bettelheim est totalement à côté de la plaque car il met l’emphase sur les prix versus le Plan et en tire la conclusion fausse que la « forme-valeur » – « syllogisme jaune »selon Marx – est intrinsèquement capitaliste, de sorte que pour la dépasser, il faut que les travailleurs contrôlent eux-mêmes les Mp et la production de leur travail.  (L’illusion des Petits Producteurs Indépendants n’est qu’une illusion si elle n’est pas réorganisée au sein d’une division sociale du travail planifiée par l’ensemble de la collectivité. A part les illusions proudhoniennes, Sweezy demande alors justement : mais que penser de l’autogestion yougoslave allant de pair avec une forte incidente du marché, y compris les investissements étrangers à concurrence de 49 % dans les joint-ventures avec le pouvoir de contrôle sur les coûts de production !!! )

C’est une grave méprise sur l’allocation nécessaire pour la croissance dynamique – la Reproduction Elargie – dans n’importe quel mode de production et en particulier pour le MPC et son dépassement socialiste.

De plus on confond le réinvestissement et les nouveaux investissements opérés grâce au crédit dont il importe de savoir s’il est public ou privé puisque ce n’est qu’une anticipation de valeur d’échange nouvelle à créer dans la production.

Confondre les prix et le marché capitaliste lui-même revient à se tromper sur la nature de l’échange  qui n’est pas nécessairement capitaliste puisqu’il découle nécessairement de toute division sociale du travail et donc tant de l’échange précapitaliste que de l’échange capitaliste et de l’échange socialiste. Une telle confusion revient à se tromper sur la nature et le rôle de l’allocation des ressources.

Nous avons dit que Marx débouche dans son analyse en opérant la synthèse de Sismondi – « revenu annuel » opérant comme une simplification du cycle de reproduction – et du Tableau de Quesnay lorsqu’il réalise que la Reproduction équilibrée ne se fait pas uniquement en prix mais aussi selon les supports quantitatifs – valeur d’usage – de ces prix,  les Mp et les Cn qui reflètent la fonction de production micro-économique, où c = Mp et v = Cn

C’est là l’essentiel qui explique pourquoi la planification de guerre allemande de 14-18 fut si efficace qu’elle causa une peur hystérique aux surreprésentés autrichiens et autres, dont Ludwig Mises. Plus que Keynes et autant que les Bolcheviks en fait. Or, lorsque cet équilibre donné par les Equations RS-RE se fait mal, il peut être réajusté par l’intervention de l’Etat. Ce réajustement se fait alors de manière ciblée, donc en toute connaissance de cause, sur les industries à favoriser, ce qui implique de pallier les lacunes en Mp ou Cn. Ces lacunes surgissent surtout suite à l’impact de la productivité qui déstabilise les Equations. Ceci est surtout vrai lorsque la vision scientifique de ces Equations est remplacée par les narrations marginalistes de l’équilibre toujours ex post de l’équilibre stationnaire et dynamique.

Comptabilités socialistes

L’intervention étatique, par conséquent exogène au marché capitaliste, se fait soit par le prélèvement et la redistribution fiscale, soit par le crédit public ou privé. Or, le réinvestissement ne peut assurer que l’équilibre stationnaire mais il le fait en intégrant un Effet RS – en gros, pour simplifier, la relation entre c2 = (v1 + pv1) qui doit pouvoir se vérifier pour assurer la RS – soit un changement dans les proportions entre S1 et S2 en cas d’introduction de la productivité. Nous avons dit plus haut que cet Effet RS donne de précieuses informations sur la structure sectorielle et ne peut être médié qu’en valeur absolue ou bien par le déversement sectoriel du travail « libéré » par la productivité

Finalement la clé de toute planification c’est la connaissance des Equations RS-RE, celle de l’impact systémique de la productivité et le rôle primordial que joue le crédit public. La productivité continue à jouer un rôle micro-économique fondamental avec le mode de production socialiste mais elle est subordonnée à la compétitivité macro-économique liée à l’allocation sociale des ressources sous dominance étatique. Le crédit public n’a quasiment pas de coût puisqu’une banque publique ne doit pas verser de profits à des actionnaires et doit uniquement subvenir à ses frais d’administration. En supplémentant le réinvestissement, le crédit public confère une plus grande flexibilité et une plus grande efficacité à la croissance prévue par la Reproduction Elargie et la décuple par le biais des Multiplicateurs économiques publics. Ce n’est que partiellement vrai pour les dépenses militaires dont une partie disparaît des circuits reproductifs surtout si la production duale fait défaut – mais elles assurent cependant la défense nationale et l’approvisionnement des Formations Sociales.

Par conséquent, si techniquement on peut réguler l’économie comment se fait la transition spécifiquement socialiste ?

Elle se fait en changeant scientifiquement la comptabilité micro et macro – fonction de production et Equations RS-RE. Ceci doit inclure la définition socialiste du PIB – qui se dédouble tant en Produit Matériel Net ou Mp ou Cn qu’en expression valeur d’échange. Cette nouvelle définition du PIB inclut ce que le MPC exclut d’office puisqu’il insiste fallacieusement sur la « valeur ajoutée » un concept très différent de celui de « plus-value » ; ce faisant le PIB marginaliste exclut d’office la contribution économique des services publics collectivement payés et donc d’accès individuellement universel et « gratuit » au motif qu’ils ne sont pas échangés sur le «marché » et, par conséquent, ils n’ont pas de prix. Ils sont donc comptabilisés uniquement comme des coûts, à savoir leurs coûts administratifs et leurs coûts salariaux.

La nouvelle définition non-marginaliste du PIB inclurait également les circuits de la reproduction, dont du réinvestissement dans le cadre de la RE. Ceci renvoie à la part de la « plus-value sociale »  détenue par l’entreprise elle-même, où, dans le meilleur des cas, allant entièrement à l’Etat. Elle inclurait l’épargne des ménages institutionnalisée dans services sociaux – Fonds ouvriers et Fonds de productivité etc., déduction faite des coûts de fonctionnement ordinaires, ainsi que l’épargne personnelle pour le financement des biens durables hors panier de consommation quotidien, et l’impact de la fiscalité ce qui nécessite une double comptabilité micro et macro avant et après les prélèvements fiscaux et les subventions. On garde ainsi la main sur la vraie productivité micro-économique.

Pour la reconstruction du PIB non-marginaliste je renvoie à mon essai :  « Le PIB, outil de narration marginaliste contre le bien-être des peuples et la prospérité des Etats-nations », 24 mai 2020.», http://rivincitasociale.altervista.org/le-pib-outil-de-narration-marginaliste-contre-le-bien-etre-des-peuples-et-la-prosperite-des-etats-nations-24-mai-2020/

L’extension des services sociaux publics est la première matérialisation de la transition entre capitalisme et socialisme  et elle va de pair avec le développent du « revenu global net » des ménages et de ses trois composantes, le salaire individuel, le salaire différé et le retour aux ménages sous forme d’accès universel garanti de la part des impôts finançant les infrastructures et les services publics. C’est pourquoi le « revenu global net » des ménages est diamétralement différend du « revenu disponible » marginaliste qui exclut tout ce qui contribue réellement au maintien du standard de vie, par ex., l’accès gratuit aux soins, à l’éducation etc. Ce « revenu global net » des ménages correspond aux circuits de la consommation quotidienne ou institutionnalisée. Les services sociaux sont ainsi financés par le « salaire différé », peu importe la médiation choisie que ce soit les régimes par répartition ou bien les régimes contributoires publics ou privés. Lorsqu’ils sont financés collectivement leur mutualisation assure un coût moindre, de l’ordre de la moitié, en terme de PIB en comparaison aux systèmes privés. L’idéal consiste alors à négocier une nouvelle définition de l’anti-dumping calée sur le « revenu global net » des ménages et adaptée pour protéger les conditions paramétriques sociales et économiques du système et son calcul économique. Par conséquent aussi le plein-emploi et ses circuits vertueux.

L’actuelle définition entérinée dans tous les traités de libre-échange et au sein de l’OMC exclut d’office toute référence aux droits du monde du travail, dont ceux minimes reconnus par l’OIT, ainsi que les critères environnementaux, dont, au minimum, le principe de précaution sanitaire. Une telle anti-dumping produit inévitablement et par construction une course global au moins disant social menant au démantèlement accéléré de l’Etat social en substituant le coût du travail au coût de production. Cependant, on sait que l’OMC fonctionne à l’unanimité, encore qu’il suffirait d’adopter une règle d’interprétation permettant d’interpréter tous les traités existants selon le concept de « revenu global net » des ménages nationalement retenu. Le tour serait joué. Reste qu’il serait sage de devancer la nouvelle définition par une faible surtaxe à l’importation qui serait suffisante pour combler le manque à gagner de la Sécurité Sociale, tout en maintenant les cotisations. Ceci est possible puisque les Affaires Sociales sont une compétence nationale exclusive au sein de l’UE. Aujourd’hui, pour conserver un degré de compétitivité on baisse les cotisations – et donc la qualité des services offerts – puis les salaires en imposant une précarité croissante. Ce qui saborde tout autant les cotisations que les revenus fiscaux en une course délétères vers le bas. Lorsque la Sécurité sociale et l’assistance sociale publique doivent être soutenue par une fiscalité générale évanescente par le recours accéléré à la précarisation du monde du travail, alors c’est bien le retour philosémite nietzschéen à la société de la nouvelle domesticité et du nouvel esclavage qui est enclenché.     

La seconde matérialisation plus avancée est la mise en place d’un Plan qui ne se limiterait pas à accompagner et réguler le marché capitaliste à la façon de Keynes. Ce dernier fondait ce rôle de régulation sur la variable indépendante du plein-emploi sur quoi tout son système s’ajuste, tant les salaires que les profits, que les masses salariales, et donc l’intérêt et la monnaie. L’Etat social européen concevait la régulation selon un Plan directeur à court, moyen et long termes appuyé par les entreprises publiques et par le crédit strictement public qui ne cause aucune dette ou presque – il se transmute en masse salariale et en capital fixe – sauf, en partie, pour les dépendes militaires.

Une fois assurés les services publics essentiels, dont la culture et le sport, on élargit alors ce champ et donc le champ de la plus-value  sociale. Ceci en visant la plus grande abondance – qualitative – possible, de manière à passer du principe de chacun selon ses capacités,  à chacun selon son travail, puis à chacun selon ses besoins. Voir mes contributions sur Joachim de Flore dans la section Italia de mon vieux site et plus récemment dans la section Culture de http://rivincitasociale.altervista.org .

La question de l’abondance ne doit pas être comprise bêtement dans le cadre bourgeois de la « rareté » – dont même Walras reconnaissait qu’elle était socialement construite. Mais plutôt dans le cadre de la « plus-value sociale » telle qu’anticipée par le Fonds social de redistribution que Marx analysa dans sa Critique du programme de Gotha . Elle est surtout matérialisée dans les services publics, donc dans les branches de la Sécurité Sociale, dans la culture, le transport, le logement etc. en somme, dans toutes les « conquêtes sociales ».

Ici l’authentique abondance sociale peut être organisée sans aucun problème et sans gâchis. Par exemple, en nationalisant tout le secteur santé en lieu et place de sa gestion marchande qui coûte deux fois plus cher au minimum que le système santé public européen des Années 70 alors très performant, et en mettant en place une médecine préventive avec cliniques de première ligne et cabinets médicaux assistés par des labos de première ligne. Le problème artificiellement créé des urgences disparaitrait alors de même que celui des Ehpad capitalistes. Une nouvelle médecine préventive se mettrait en place prenant en charge la qualité de vie – avec l’éducation appropriée incluant sport et diététique etc. – afin de soigner non seulement les maladies mais aussi le niveau de vie des gens par le recours aux nouvelles psychologies citoyennes permettant d’émanciper les citoyennes et les citoyens prenant finalement en charge leur propre corps en relation avec la médecine sociale ainsi réformée. Aujourd’hui, le démantèlement du système de santé public avec son management comptable et ses coupures d’effectifs, rend la médecine, surtout dans les hôpitaux, plus dangereuses. Les gouvernements obligeants finance alors la médecine défensive – défense des médecins etc. – en lieu et place de la médecine préventive. Voir la critique marxiste définitive de la psychologie bourgeoise et surtout du charlatanisme exclusiviste, nietzschéen rabbinique de Freud dans mon Livre 2 . Voir aussi : Health-care between cuts and corruption: a victim of choice for neoliberal and monetarist fiscal federalism, May 2016 –translated April 6, 2020 dans http://rivincitasociale.altervista.org/health-care-between-cuts-and-corruption-victim-of-choice-for-neoliberal-and-monetarist-fiscal-federalism-may-2016-translated-april-6-2020/ )

Resterait alors la gestion de la non-abondance immédiate pour les autres produits de consommation, souvent donnés comme produits de luxe. Ce problème n’existe en fait que par le biais d’une question d’accès, par exemple pour les nouveaux produits encore en quantités limités ou pour les biens d’importation exigeant des payements en devises comme c’était le cas à Cuba avec la double monnaie. Notons cependant qu’en régime socialiste la valeur d’échange des nouveaux produits est rationnellement fixée par le coût des intrants et par le taux de profit organique du système, sans la moindre appropriation privée monopoliste obtenue par le marché. La question de la non-abondance se règle alors par la priorisation : produits nouveaux – ex Internet – en quantités limitées donc d’abord mis à  disposition du gouvernement et de l’Administration publique – efficacité, défense etc. – puis des citoyens collectivement – ex les Cafés internet, ou même avant cela, les  buanderies à jetons de quartier – puis par les achats personnels via le compte d’épargne permettant les achats de biens durables.

Dans la Section Pour le socialisme cubain de mon vieux site www.la-commune-paraclet.com , j’avais proposé la création de ce qui s’appelle aujourd’hui la monnaie digitale publique grâce à une carte multifonctionnelle– ce qui étendrait de manière socialiste la fonction actuelle de la Libreta cubaine. Mais il faut toujours distinguer rigoureusement monnaie et crédit autrement on court un risque encore bien plus grand que celui découlant des falsifications de Irving Fisher confondant spéculativement les deux et se matérialisant aujourd’hui dans liquidités et les QE des banques centrales capitalistes. .

Ceci reposerait sur la forme prise pour chaque époque de redistribution par la structure du « revenu global net » des ménages. Un compte chèque correspondrait au salaire individuel devant financer les CHOIX  de consommation personnels quotidiens ; un compte d’épargne permettrait une accumulation des ménages permettant la consommation des biens durables qui entrent dans et permettent la réalisation des cycles de reproduction. Ceci permettrait – en situation de plein-emploi socialiste – de gérer sans dérapages les masses monétaires et donc les inflations-déflations et, du moins  en partie, le taux de change. A ceci s’ajouteraient les comptes correspondants à l’épargne institutionnalisée, Fonds ouvriers –les  5 branches de la Sécu – et Fonds de productivité, ce dernier devant permettre en cas de besoin la nécessaire restructuration des entreprises dans le cadre de la gestion des basins d’emplois entre les cycles récurrents de la RTT v. Tous ensemble.

A ceci s’ajouterait également le crédit public qui concerne les entreprises et les coopératives et qui ne serait plus géré par les taux d’intérêts centraux uniformes bourgeois mais, dans le cadre paramétrique des Equations RS-RE, grâce au lien organique des bureaux de la Banque centrale publique avec les secteurs, les sous secteurs, les branches d’industrie et les filières grâce à la modulation de leurs ratios prudentiels. On faciliterait ainsi l’harmonisation de la RS-RE quantitativement et par valeur d’échange-prix selon les besoins, conservant ainsi toujours l’équilibre réel donné par les Equations. Avec la 5 G – jadis j’avais proposé la traçabilité par les merveilleux codes–barres – on peut obtenir une idée instantanée et online de l’évolution de la reproduction pouvant ainsi être ajustée immédiatement. En exceptant toutefois les secteurs ou partie des secteurs sensibles à protéger de l’ingérence des services étrangers, en particulier les sous-secteurs des armements et de la défense sans excepter la recherche stratégique.

On remarque que le réinvestissement sans crédit permet uniquement la reproduction stationnaire – RS. Le crédit permet et accélère la Reproduction Elargie. Mais si le crédit est une anticipation, il faut bien une base matérielle permettant cette anticipation. Ceci suppose des stocks – surproduction – ou en tout cas une surcapacité installée de production pouvant répondre aux demandes des nouvelles industries se maintenant en place. Aujourd’hui, la production normale avoisine les 80 % de la capacité installée. Ceci suppose également l’accès au marché étranger – ce qui pose la question de la compétitivité macro-économique (pour rappel la productivité est micro-économique et concerne la fonction de production.) En effet, la compétitivité macroéconomique détermine le taux de change, avec parfois une modulation provenant du statut suzerain de certaines monnaies de réserve, ce qui n’est pas sans danger comme le démontre le paradoxe de Triffin ainsi que la dérive inéluctable des empires monétaires vers une balance des paiements calée sur la planche à billet prenant toujours plus le pas sur la balance commerciale qui renvoie pour sa part à l’économie réelle. Cette dérive pousse à l’abandon de l’industrie pour les services, en particulier les services spéculatifs, alors que les services devraient normalement servir l’industrie. La cohérence et l’indépendance de la Formation Sociale sont ainsi remis en cause, surtout dans le cadre du libre échange et sans le recours à la nouvelle définition de l’anti-dumping. Il convient donc d’éviter l’internationalisation de sa propre monnaie nationale et préférer les linges de crédit bilatérales pour faciliter rapidement les échanges commerciaux. En effet, il n’est pas rationnel pour un pays donné de devoir échanger, souvent de manière subalterne, avec les USA, voire avec l’UE, pour gagner les dollars nécessaires pour pouvoir commercer avec des pays tiers !!! En attendant la réforme démocratique du FMI et de ses Droits Spéciaux de Tirage – DTS – il me semble préférable de recourir aux swaps de lignes de crédit bilatérales en banques centrales reposant sur la négociation préalable de l’import-export à moyen et long terme en sachant que ces swaps pourraient être multi-nationalisés par le recours négocié à un panier de devises, par exemple celui qui informe aujourd’hui le renminbi. Ces swaps nécessitent une négociations sur l’import-export à couvrir mais non seulement ils ne coûtent rien, mais peuvent être mis en place très rapidement.

Bien entendu toute économie est affaire de transformation et donc de surplus disponibles d’énergie et de nourriture. Ceci est encore plus vraie pour l’économie moderne qui est plus énergivore que l’industrie classique. La diabolisation du CO2 est une absurdité qui impose toutes sortes de gymnastiques pour en atténuer les coûts. Voir : Accord de Paris, climat, décarbonisation et problèmes du ETS : le crime climatologique contre les pays-émergents et la grande majorité de l’humanité à congeler au niveau inégalitaire de 1990 dans http://rivincitasociale.altervista.org/accord-de-paris-climat-decarbonisation-et-problemes-du-ets-le-crime-climatologique-contre-les-pays-emergents-et-la-grande-majorite-de-lhumanite-a-congeler-au-niveau-inegalitaire-de-1990/  

Finalement pour bien saisir le mode de production socialiste et sa contribution sans égale à l’émancipation humaine, il faut suivre Marx en distinguant le Domaine de la Nécessité – propriété collective des Moyens de production et de la « plus-value sociale et obligation pour  toutes celles et ceux qui sont aptes au travail de travailler leur juste part pour un salaire plus ou moins égal et pour le même accès aux services publics citoyens – et le Domaine de la liberté socialiste où tout ce qui est humainement et socialement tolérable est permis, sauf à mettre en cause les bases communes du Domaine de la nécessité. Car ce domaine est celui qui fournit les bases matérielle du Domaine de la liberté et et de l’émancipation socialiste, dont le temps libre acquis par les cycles récurrents de la RTT. Dans mon Précis d’Economie Politique Marxiste, j’ai dit que l’Idéal serait un Communisme libertaire, en me hâtant de souligner que si l’expression était redondante, elle avait sans doute son utilité pour mieux cerner le Domaine de la liberté et de l’émancipation socialiste.

Paul De Marco

Appendix 15/07/2021 : Bourgeois economic modelling, Paul Romer, and the return of planning ?

The Trouble With Macroeconomics Paul Romer Stern School of Business New York University Wednesday 14th September, 2016 in  https://paulromer.net/the-trouble-with-macro/WP-Trouble.pdf

Paul Romer warns his bourgeois economic colleagues about the decoupling of their « dismal science » and Realty. Can you make sense of his article without having Marx’s Simple and Enlarged Reproduction Schemas in the back of your mind? Honestly? And he did not touch on « inflation » …

For sustainable finance to work, we will need central planning

Systemic guidance will help public and private sector investors to distinguish good from bad Max Krahé https://www.ft.com/content/54237547-4e83-471c-8dd1-8a8dcebc0382

Recently the Financial Times published this article. Quotes :« Tackling climate change requires transforming at least five provisioning systems: energy, transport, buildings, industry and agriculture. … Instead of waiting for the market to speak, a planning body — whose composition and accountability require careful consideration — should formulate plans for each of the five systems, which should then be translated into project-level criteria for sustainable investments. »

Note that planning should not be about financial sustainable investments and centered on 5 preferred sectors only. Social and environmental planning should involve all the sectors and subsectors given by Marx’s SR-ER Equations. But, one can only applaud to the discovery of the sectoral inter-relations. What about including a good human environment in the equations based on full-time full-employment? It would make everything else so much easier …  

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